European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T252917.20190709 | ||||||||
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Date de la décision : | 09 Juillet 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 2529/17 | ||||||||
Numéro de la demande : | 07858556.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | D21H 21/42 D21H 21/44 D21H 21/48 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | FEUILLE DE SECURITE COMPRENANT UN SUBSTRAT FIBREUX | ||||||||
Nom du demandeur : | Oberthur Fiduciaire SAS | ||||||||
Nom de l'opposant : | Giesecke + Devrient Currency Technology GmbH | ||||||||
Chambre : | 3.3.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | - | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours a été formé par l'opposante (ci-après la requérante) contre la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition formée à l'encontre du brevet européen No. 2 082 097.
II. Avec son mémoire de recours, la requérante a fait valoir un défaut de nouveauté et d'activité inventive de l'objet des revendications telles que délivrées. En outre elle a demandé le remboursement de la taxe de recours au titre d'un vice substantiel de procédure.
III. Par courrier daté du 7 juin 2018, l'intimée a répondu en déposant 17 jeux de revendications à titre de requêtes auxiliaires I à XVII, chacune d'entre elles étant en outre accompagnée d'une requête bis. Les requêtes auxiliaires XIV et XVII sont au demeurant identiques aux requêtes auxiliaires 9 et 12 soumises par lettre du 13 juillet 2017 en procédure d'opposition.
IV. La requérante a demandé que ces nouvelles requêtes soient jugées irrecevables et fait valoir un défaut de clarté à l'encontre des requêtes bi. En outre, elle a présenté des objections de défaut de nouveauté et d'activité inventive à l'encontre de toutes les requêtes au dossier.
V. A la procédure orale, qui a eu lieu le 9 juillet 2019, l'intimée a en particulier déposé une nouvelle requête auxiliaire XVII. La recevabilité et l'activité inventive des requêtes ont été discutées, en particulier au vu du contenu des documents D8 (WO 2006/095033 A1) et D8 bis (EP 1 872 965 A1: brevet européen en langue anglaise, correspondant à D8 déposé en langue espagnole) ou de D2 (EP 0 557 157 A1) en combinaison avec l'enseignement de D15 (WO 2005/069231 A1).
Avant la clôture des débats, la requérante a déclaré retirer sa requête en remboursement de la taxe de recours et l'intimée a déclaré retirer toutes ses requêtes, à l'exception des requêtes auxiliaires XIV et XVII qu'elle a maintenues.
VI. La revendication 1 selon la requête auxiliaire XIV est libellée comme suit:
"1. Feuille de sécurité comprenant un substrat fibreux dans lequel est incorporé, au moins partiellement, un ruban de sécurité comprenant au moins un élément de sécurité et s'étendant entre deux bords dudit substrat fibreux, feuille de sécurité caractérisée par le fait que ledit ruban de sécurité est en papier et comporte un adhésif, le ruban de sécurité comportant un filigrane."
Celle selon la requête auxiliaire XVII ainsi:
"1. Feuille de sécurité comprenant un substrat fibreux dans lequel est incorporé, au moins partiellement, un ruban de sécurité comprenant au moins un élément de sécurité et s'étendant entre deux bords dudit substrat fibreux, feuille de sécurité caractérisée par le fait que ledit ruban de sécurité est en papier et comporte un adhésif, ledit substrat fibreux et ledit ruban de sécurité comprenant chacun au moins un motif filigrané et lesdits motifs se complétant par superposition et/ou association."
VII. A la clôture des débats, la requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen dans son intégralité.
L'intimée a demandé que le brevet soit maintenu sous forme modifiée sur la base de la requête auxiliaire XIV déposée le 8 juin 2018 ou, à titre subsidiaire, sur la base de la requête auxiliaire XVII, telle que modifiée et déposée au cours de la procédure orale du 9 juillet 2019.
Motifs de la décision
1. La division d'opposition ayant, tel que requis par l'opposante, accepté le transfert de la qualité d'opposante après soumission des preuves nécessaires, la nouvelle opposante est donc partie à la procédure d'opposition et, a fortiori, celle-ci est fondée à former un recours en vertu de l'article 107 CBE.
2. Recevabilité des requêtes auxiliaires XIV et XVII
Ces requêtes ayant été déposées avec le mémoire de recours et étant pour l'essentiel identiques respectivement aux requêtes auxiliaires 9 et 12 soumises en procédure d'opposition par courrier du 13 juillet 2017, la chambre, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'Article 12(4) RPCR, ne voit pas de raison particulière pour ne pas les admettre dans la procédure de recours.
3. Requête auxiliaire XIV - activité inventive
Par application de l'approche-problème solution, la chambre est parvenue à la conclusion que l'objet de la revendication 1 selon cette requête découle à l'évidence de l'état de la technique pour les raisons qui suivent.
3.1 Concernant l'état de la technique le plus proche, les parties ont discuté différentes approches en partant alternativement de D2 ou de D8/D8 bis. La chambre est toutefois parvenue à la conclusion que celui-ci était représenté par D2 pour les raisons qui suivent.
3.1.1 Dans sa revendication 1, D2 divulgue une feuille constituée d'au moins deux jets composés au moins partiellement de fibres cellulosiques et formés individuellement par voie humide, d'une bande intimement intégrée comportant des images monochromes ou polychromes préimprimées, ladite bande étant partiellement ou totalement introduite entre les deux jets, et les marques étant partiellement ou totalement visibles en réflection et totalement visibles en transmission. Selon l'intimée, ces marques ou images préimprimées, qui peuvent être visualisés sur le ruban par transparentisation, ne sont pas des filigranes et l'homme du métier les identifie comme étant des "pseudo-filigranes".
3.1.2 Dans sa revendication 3, D2 décrit en outre que la bande comporte des fibres de cellulose et un produit liant soluble et/ou fusible, c'est-à-dire un "adhésif" au sens de la revendication 1 en litige. Pour la chambre, même si ceci n'a plus été contesté au cours de la procédure orale, il est manifeste que si le liant est soluble, une certaine quantité - même résiduelle - de celui-ci reste inévitablement au sein de la bande de sécurité après fabrication de ladite feuille.
3.1.3 Il n'a pas non plus été contesté que le ruban de sécurité selon D2 s'étend entre les deux bords du substrat fibreux. Pour la chambre, cette caractéristique découle à tout le moins implicitement du procédé de fabrication selon l'exemple 1 de D2, où la bandelette support (qui est préalablement bobinée) est déroulée entre les deux jets de fibres de coton humides et il est manifeste de ce procédé d'obtention que la bandelette s'étend de la manière définie à la revendication 1 en litige.
3.1.4 Il suit de ce qui précède que la seule caractéristique distinctive entre D2 et la revendication 1 en litige repose dans l'élément de sécurité intégré au ruban qui est un "pseudo-filigrane" dans D2, alors que dans l'objet revendiqué c'est un filigrane.
3.1.5 Pour la chambre, D8 est plus éloigné que D2 car bien que divulguant (figures 1, 2 et 3; revendications 8, 1 et 2) un papier de sécurité constitué d'un papier à base de fibres végétales et d'un ruban de sécurité (1) à base de fibres végétales (4) noyé dans ledit substrat (3) et s'étendant entre les bords dudit substrat fibreux, l'élément de sécurité intégré au ruban n'est ni un pseudo-filigrane, ni un filigrane.
3.2 Concernant le problème technique que se propose de résoudre l'invention présumée au vu de l'enseignement du document D2, l'intimée a fait valoir que celui-ci résidait en une amélioration de la sécurité des papiers contenant un tel ruban. Cette définition du problème technique n'a pas été contestée par la requérante.
3.3 La solution proposée par l'objet selon la revendication 1 de la requête en instance repose sur l'incorporation d'un filigrane dans le ruban de sécurité.
3.4 Sur la question de savoir si la solution proposée résoud le problème sous-tendant l'invention, la chambre observe qu'il est conventionnel d'incorporer un filigrane dans des documents de valeurs pour en améliorer la sécurité. D8 (page 2, lignes lignes 24 à 27) confirme en outre que le filigrane fait partie des éléments de sécurité couramment incorporés dans le papier de tels documents. Sachant qu'il est connu de l'homme du métier que les filigranes améliorent la sécurité contre la contrefaçon, le problème sous-tendant la présumée invention peut être considéré comme résolu et il n'est pas nécessaire de reformuler le problème de manière moins ambitieuse.
3.5 Il reste à vérifier si la solution proposée, à savoir l'incorporation d'un filigrane au ruban de sécurité, découle ou non à l'évidence de l'état de la technique connu de l'homme du métier.
3.5.1 La chambre note à cet égard que s'il est exact qu'aucun des documents cités ne divulgue ou ne suggère d'intégrer un filigrane à un ruban de sécurité, il n'en est pas moins que l'utilisation de filigranes est monnaie courante dans le domaine des papiers de sécurité, si bien que l'intégration d'un tel élément sur le ruban lui-même ne peut relever d'une quelconque activité inventive, car pour l'homme du métier celle-ci revient purement et simplement à substituer un élément de sécurité par un autre. Dans le cas d'espèce, la présumée invention revient donc à remplacer le "pseudo-filigrane" mis en oeuvre dans le ruban du document D2 par un autre élément de sécurité couramment utilisé dans le domaine technique des papiers de sécurité - tel que mis en évidence par exemple par le document D8 (page 2, lignes 24 à 27) ou D8bis (colonne 1, lignes 52 à 55) - et connu comme ayant un niveau de sécurité plus élevé que le pseudo-filigrane.
3.5.2 La chambre ne peut se joindre à l'argument de l'intimée selon lequel il ne viendrait pas à l'idée de l'homme du métier de substituer le "pseudo-filigrane" de D2 par un filigrane. L'intimée a justifié cette allégation par le fait que la fabrication de ce dernier sur un ruban aussi fin que ceux couramment utilisés dans le domaine des papiers de sécurité présenterait un coût exhorbitant de production. Pour la chambre la question du prix de revient d'une présumée invention est un critère économique et non technique, et donc un critère qui a priori ne peut être mis en avant pour faire valoir une activité inventive, si bien que dans le cas d'espèce la présumée invention revient à substituer un élément de sécurité par un autre bien connu de l'homme du métier, a fortiori avec les avantages bien connus de cet élément de sécurité alternatif, à savoir une protection améliorée contre la contrefaçon en faveur du filigrane par rapport au "pseudo-filigrane". La chambre souligne également que le brevet ne contient pas d'instruction particulière visant à adapter l'introduction d'un filigrane spécifiquement dans une bande de sécurité ou d'autres renseignements indicatifs de difficultés techniques qui pourraient décourager l'homme de métier à envisager l'inclusion d'un filigrane dans un ruban de sécurité.
3.5.3 Il suit de ce qui précède que la divulgation du document D2 prise en combinaison avec les connaissances générales de l'homme du métier et/ou l'enseignement de D8/D8bis rend évident l'objet de la revendication 1 selon la requête auxiliaire XIV, qui par conséquent n'est pas admissible au titre de l'Article 56 CBE.
4. Requête auxiliaire XVII - activité inventive
La chambre est parvenue à la conclusion que l'objet de la revendication 1 selon cette requête ne découle pas à l'évidence de l'état de la technique pour les raisons qui suivent.
4.1 Eu égard à l'état de la technique le plus proche et au problème sous-tendant l'invention présumée, la chambre renvoie aux paragraphes 3.1 et 3.2 ci-dessus.
4.2 La solution proposée par l'objet selon la revendication 1 de la requête en instance repose sur le fait qu'aussi bien le substrat fibreux que le ruban de sécurité comprennent chacun au moins un motif filigrané et que lesdits motifs se complètent par superposition et/ou association.
4.3 Sur la question de savoir si la solution proposée résout le problème sous-tendant l'invention, la chambre renvoie au paragraphe 3.4 ci-dessus en observant que la superposition et/ou l'association de deux motifs filigranés donne un aspect sécuritaire encore plus important au document de valeur.
4.4 Sur la question de savoir si la solution proposée découle ou non à l'évidence de l'état de la technique pour l'homme du métier, la chambre ne partage pas l'avis de la requérante selon lequel la solution serait suggérée par l'enseignement du document D15, en particulier du passage en page 22, lignes 1 à 9, libellé comme suit: "[...] one or both threads can be inserted such that the thread design(s)/feature(s) is(are) registered with the paper in the machine direction. The thread design can be registered to the windows/bridges on the window track or alternatively to other paper features such as watermarks, or electrotypes."
4.4.1 Il est en effet suggéré dans ce passage de D15 de faire correspondre le design du ruban avec, entre autres, des caractéristiques du papier tels que des filigranes, ou des galvanotypes.
4.4.2 D15 requiert toutefois, aussi bien dans sa partie descriptive de l'invention en page 4, lignes 3 à 10, que dans sa revendication 1, la présence d'au moins deux éléments de sécurité allongés sensiblement parallèles, partiellement encastrés dans le substrat et de largeur inférieure ou égale à 6 mm, avec un espace les séparant non supérieur à l0 mm et la largeur transversale totale de la zone occupée par les deux éléments de sécurité et ledit espace étant inférieure ou égale à l8 mm.
Sachant que D15 décrit (page 2, lignes 14 à 20) en outre l'insertion d'un texte, d'un hologramme ou d'encres à couleur changeante et non d'un filigrane sur le ruban de sécurité, la chambre n'est pas convaincue que l'homme du métier chargé d'améliorer la sécurité d'un ruban unique comportant un "pseudo-filigrane", tel que celui décrit dans le document D2, trouvera une incitation à consulter le document D15, qui requiert l'utilisation de deux rubans étroits parallèles et ne divulgue pas la mise en oeuvre d'un filigrane dans l'un et/ou l'autre des rubans.
4.4.3 La chambre en conclut que la combinaison de faits invoqués par la requérante est insuffisante pour prouver que l'objet selon la revendication 1 (et a fortiori celui des revendications 2 à 14 qui en dépendent) découle de manière évidente de l'enseignement des documents cités.
5. En l'absence d'autres objections à l'encontre des revendications de la requête en instance, le brevet peut être maintenu sur la base de cette dernière.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 14 selon la requête subsidiaire XVII produite au cours de la procédure orale du 9 juillet 2019, et d'une description à adapter à celles-ci.