T 1575/17 (Céramique mate/COMADUR) of 10.9.2020

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2020:T157517.20200910
Date de la décision : 10 Septembre 2020
Numéro de l'affaire : T 1575/17
Numéro de la demande : 11172580.0
Classe de la CIB : C04B41/91
G04B37/22
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Procédé de fabrication d'une céramique mate non marquante
Nom du demandeur : Comadur S.A.
Nom de l'opposant : G. et F. Châtelain, succursale de Chanel SARL
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54(1) (2007)
European Patent Convention Art 54(2) (2007)
European Patent Convention Art 56 (2007)
European Patent Convention Art 83 (2007)
European Patent Convention Art 108 (2007)
European Patent Convention Art 123(2) (2007)
European Patent Convention R 99(2) (2007)
RPBA2020 Art 012 (2020)
RPBA2020 Art 025(2) (2020)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4) (2007)
Mot-clé : Statut légal de la requérante
Recevabilité du recours - recours suffisamment motivé (oui)
Preuves produites tardivement - recevable (non)
Modifications - extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée (non)
Requête produite tardivement - recevable (oui)
Possibilité d'exécuter l'invention - (oui)
Nouveauté - requête principale (oui)
Activité inventive - (oui)
Activité inventive - analyse a posteriori
Activité inventive - effet supplémentaire (oui)
Activité inventive - état de la technique le plus proche
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0004/88
G 0001/92
G 0007/93
J 0010/11
T 0475/88
T 0079/96
T 0508/00
T 0349/09
T 0039/12
T 2357/12
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante (opposante) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition établissant que la requête principale d'alors, compte tenu des modifications apportées, satisfait aux conditions énoncées dans la CBE.

II. Les moyens suivants ont notamment été cités dans la décision attaquée:

D1 |US 2002/0023692 A1 |

D2 |EP 1 840 107 A1 |

D4 |US 6,367,134 B1 |

D13 |EP 1 188 520 A2 |

D18 |US 2003/0128903 A1 |

D19 |Présentation de la montre Chanel J12 calibre 3125 "sandblasted" au salon Baselworld 2011|

D19-I |http://www.pisaorologia.com/ru/view_details.php?ids=8&idm=101, relevé le 22 janvier 2015|

D19-II |http://www.gphg.org/watches/en/content/calibre-3125-mat, relevé le 22 janvier 2015 |

D19-III|http://www.gphg.org/watches/fr/content/calibre-3125-mat, relevé le 3 juin 2015 |

D19-IV |http://www.montres-passion.fr/chanel-j12-calibre-3125-mate.html, relevé le 13 mars 2017 |

III. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a déposé les documents suivants :

D19-V |http://www.montres-de-luxe.com/Chanel-J12-3125-retour-en-ceramique-noire-microbillee_a4708.html, relevé le 10 septembre 2017|

D19-VI |http://pr.chanel.com/baselworld2011/ |

D19-VII|Chanel, "Baselworld 2011", brochure |

D22 |Extrait d'une base de données de la requérante concernant l'article 001-0250-1082, date de création 9 décembre 2010 |

D23 |Extrait d'une base de données de la requérante concernant la nomenclature de composants de l'article 001-0250-1082 |

D24 |"Mode opératoire, 002-0410-0054, Coiffe céramique noire", G & F Châtelain SA, daté du 19 avril 2011, pages 1-3 |

D25 |Déclaration de Philippe Marti, datée du 20 septembre 2017 |

D25-I |"G. et F. Châtelain S.A.", extrait de registre CHE-105.961.048, Neuchâtel, 11 septembre 2017 |

D26 |Facture FC-11-112535 de G & F Châtelain SA à Chanel S.A. Montres, 22 mars 2011, pages 1-4 |

D27 |web.archive.org/web/20110226194302/http://www.baselworld.com/ |

D28 |"Collections Bâle 2011", tableau |

D29 |Bulletin de livraison de Châtelain au stand B17, Halle 1 de Chanel à Bâle, daté du 22 mars 2011 |

IV. Le libellé des revendications indépendantes de la requête principale qui forme la base de la présente décision et a été déposée comme requête subsidiaire 1 avec la réponse au mémoire de recours, s'énonce comme suit :

"1. Procédé (1) de fabrication d'une pièce céramique mate (13, 14, 15, 17, 19) d'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie, le procédé comportant les étapes suivantes :

a) fabriquer (2) une pièce céramique ;

b) sabler (7) des parties de la pièce céramique afin de les rendre mates;

caractérisé en ce que le procédé se poursuit avec l'étape finale suivante :

c) roder (9) les parties mates afin d'écrêter l'état de surface des parties mates. "

"9. Pièce d'horlogerie (11) caractérisée en ce qu'elle comporte au moins une pièce (13, 14, 15, 17, 19) céramique mate obtenue selon l'une des revendications précédentes."

V. Les arguments de la requérante peuvent être résumés comme suit :

Le changement du nom de la requérante est recevable.

La requête principale et les requêtes subsidiaires 2 à 6, qui ont été déposées par l'intimée respectivement comme requêtes subsidiaires 1 à 6 avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, ne sont pas recevables.

En outre, la requête principale déposée en tant que requête subsidiaire 1 avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours ne satisfait pas aux exigences de:

- l'article 123(2) CBE,

- l'article 83 CBE,

- l'article 54 CBE et de

- l'article 56 CBE.

VI. Les arguments de l'intimée peuvent être résumés comme suit:

Le recours n'est pas recevable.

Les moyens D19, D19-IV à D19-VII, D22 à D24, D25, D25-I et D26 à D29 ne doivent pas être admis dans la procédure.

Les objections de la requérante au titre des articles 123(2), 83 et 54 CBE ne sont pas recevables selon l'article 12(4) RPCR 2007.De même, les objections au titre de l'article 56 CBE ne sont pas recevables selon l'article 12(4) RPCR 2007, à part l'objection prenant appui sur D13 en combinaison avec D18. De surcroît, toutes ces objections ne sont pas convaincantes.

Par ailleurs, les requêtes satisfont aux exigences de la CBE.

VII. La requérante (opposante) demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit révoqué.

L'intimée (titulaire) demande le maintien du brevet sur la base de la requête principale telle qu'elle l'a déposée comme requête subsidiaire 1 avec sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours.

A titre subsidiaire, elle demande que le brevet soit maintenu sur la base d'une des requêtes subsidiaires 1 à 6, la requête subsidiaire 1 correspondant aux revendications maintenues par la division d'opposition et les requêtes subsidiaires 2 à 6 ayant été présentées avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours.

Motifs de la décision

1. Procédure orale en présence des parties

La procédure orale s'est tenue en présentiel puisque la requête de la requérante visant à ce qu'elle se tienne par visioconférence, en date du 10 juillet 2020, était soumise à la condition que la titulaire donnerait son accord, ce qui n'a pas été le cas.

2. Statut de la requérante

La société G. et F. Châtelain, succursale de la société Chanel SARL, est effectivement la requérante dans la présente procédure de recours.

La requérante a produit des extraits des Registres du Commerce des cantons Neuchâtel et Genève qui démontrent que la société G. et F. Châtelain SA, qui avait fait opposition au brevet, a d'abord changé de nature juridique pour devenir G. et F. Châtelain SARL avant de fusionner avec la société Chanel SA Genève.

La société Chanel SARL, située à Genève, est issue de cette fusion et l'ensemble des droits et obligations de l'opposante initiale lui ont été transmis dans ce cadre. Elle agit dans la présente procédure sous le nom de sa succursale G. et F. Châtelain, dont le siège se trouve à La-Chaux-de-Fonds, laquelle fait partie de la société issue de la fusion et n'en est pas une entité distincte.

Tant le changement de nature juridique de SA en SARL de la société G. et F. Châtelain que la fusion avec Chanel SA Genève ont, à chaque fois, donné naissance à une seule entité juridique qui a toujours été en possession de tous les biens et obligations de la société opposante.

Il s'agit donc d'un cas de succession universelle de patrimoine au sens de la jurisprudence des chambres de recours (voir les décisions G 4/88, T 475/88 et T 2357/12).

Par conséquent, la requérante est toujours restée partie à la procédure et il suffisait d' enregistrer la société G. et F. Châtelain, succursale de la société Chanel SARL en tant que successeur de l'opposante initiale lorsque la requête et les preuves correspondantes ont été produites, la veille de la procédure orale.

3. Article 108 CBE

De l'avis de l'intimée, le mémoire exposant les motifs du recours est une simple répétition des arguments de la phase d'opposition. Pour les motifs énoncés dans les décisions T 349/09 et T 39/12, le recours ne serait donc pas recevable.

Or, pour les raisons suivantes, le présent recours satisfait aux exigences de l'article 108 et de la règle 99(2) CBE et est donc recevable :

La chambre note tout d'abord que la CBE ne contient aucune disposition qui puisse fonder le concept de "recevabilité partielle" d'un recours. La recevabilité d'un recours ne peut donc être appréciée que de manière globale (Jurisprudence des chambres de recours, 9**(e) édition, 2019, V.A.2.6.8).

La chambre note également que le mémoire exposant les motifs du recours fait plusieurs fois référence de manière explicite à la décision attaquée; par exemple à la page 10, paragraphe 2, à la page 12 paragraphe 1, et à la page 27, paragraphe 1.

D'après la jurisprudence constante des chambres de recours, le mémoire exposant les motifs du recours doit permettre à la chambre de comprendre immédiatement et sans investigation pour quelle raison la décision attaquée serait erronée et quels sont les faits sur lesquels reposent les arguments de la requérante (J 10/11, motifs de la décision, point 2.1).

Dans le cas présent, ces conditions sont remplies, car les arguments de la requérante sont présentés de manière claire et concise. Il n'y a pas de difficulté particulière à mettre en relation plusieurs arguments du mémoire avec la décision attaquée.

Ainsi, le mémoire répond à plusieurs reprises à des motifs spécifiques de la décision attaquée. A titre d'exemple:

- le passage figurant à la page 5, paragraphes 3 et 4 du mémoire répond à la page 5, paragraphe 4 de la décision attaquée (discussion de l'accessibilité de D19-I),

- le passage figurant à la page 24, paragraphe 8 répond au troisième paragraphe de la page 10 de la décision attaquée (discussion de la nouveauté de l'objet de la revendication 1 par rapport à D1), et

- les paragraphes 2 et 4 à la page 28 répondent au dernier passage de la page 12 de la décision attaquée (discussion de l'activité inventive et du contenu de D18).

Contrairement à l'opinion de l'intimée, ces points du mémoire visent à démontrer pourquoi les motifs invoqués dans la décision attaquée sont erronés, en traitant de facto de la décision attaquée, c'est-à-dire en ne se contentant pas de soulever des objections à l'encontre du brevet.

4. Recevabilité de la requête principale

Pour les raisons suivantes, la chambre, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, prend en considération la requête principale déposée comme requête subsidiaire 1 avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours (articles 25(2) RPCR 2020 et 12(4) RPCR 2007) :

4.1 De l'avis de la requérante, le dépôt tardif de la présente requête n'est pas suffisamment motivé. La nature de l'objection à laquelle elle est sensée répondre n'est pas claire.

4.2 Dans le courrier du 2 septembre 2020, l'intimée a mentionné que les requêtes subsidiaires 1 à 3 avaient été déposées en réponse à l'objection de la requérante concernant les exigences de l'article 123(2) CBE (voir deuxième paragraphe du point 18.4).

4.3 La chambre ne voit aucune raison de douter que le changement du libellé de la revendication 1 représente une tentative de l'intimée de trancher l'objection soulevée par la requérante concernant la fabrication "d'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie en céramique mate".

4.4 Bien qu'il ne soit pas primordial, pour la question de la recevabilité, qu'il ait été effectivement remédié à l'objection, la chambre remarque que l'intimée a réussi à satisfaire aux exigences de l'article 123(2) CBE (voir point 5 ci-dessous).

4.5 Lors de la procédure orale, la requérante a fait valoir que l'étendue de la revendication 1 de la présente requête était plus large que celle de la revendication 1 telle que maintenue par la division d'opposition, ce qui serait en désaccord avec le principe de l'interdiction de la reformatio in peius.

En effet, de l'avis de la requérante, le terme "pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie ... en céramique mate" de la revendication 1 telle que maintenue impliquerait que la pièce soit majoritairement en céramique mate. La présente revendication 1, par contraste, exigerait simplement qu'une pièce, si minuscule soit-elle, de la pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie soit en céramique mate.

Cette objection a été formulée pour la première fois lors de la procédure orale, c'est à dire plus de deux ans après le dépôt de la requête avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours. Nonobstant la question de sa recevabilité, cette objection n'est pas convaincante pour les raisons suivantes.

En vertu d'un principe bien établi de la jurisprudence des chambres de recours, il faut donner à une définition générale figurant dans une revendication sa signification techniquement la plus large (cf. par exemple T 79/96, point 2.1.3 des motifs).

Or, l'homme du métier sait que de nombreuses pièces d'une montre ou d'une horloge en céramique peuvent être faites dans des matériaux différents, par exemple le verre, le mouvement ou le bracelet. Ainsi, une montre dont seul le cadran est en or peut quand même être appelée une "montre en or". Cette situation est d'ailleurs expliquée au paragraphe [0010] du brevet. De manière analogue, une pièce décisive d'une pièce de joaillerie, à savoir la pierre précieuse, n'est pas en céramique mate.

Une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie en céramique mate n'implique donc pas que la majorité des pièces doit être en céramique mate. Au contraire, dans le cas présent, une seule pièce en céramique mate suffit pour qu'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie soit en céramique mate.

La modification ne conduit donc pas à un élargissement de l'étendue de la revendication 1 vis-à-vis des revendications telles que maintenues par la division d'opposition et il n'y a donc pas de reformatio in peius.

5. Prise en considération de documents

5.1 La division d'opposition n'a pas admis D19 et D19-IV (cf. points II.1 et II.3 de la décision attaquée).

La requérante n'a pas fourni d'arguments pour démontrer que l'instance du premier degré avait exercé ses pouvoirs discrétionnaires selon des principes incorrects ou de manière déraisonnable, outrepassant ainsi les limites appropriées (G 7/93, JO OEB 1994, 775, point 2.6 des motifs).

En l'absence d'indices suggérant que ces limites ont été outrepassées et faute de nouveaux éléments apparus à ce sujet pendant la procédure de recours, la chambre ne prend pas non plus en considération ces moyens de preuve (article 12(4) RPCR 2007).

5.2 L'objectif du dépôt des documents D19-V à D19-VII, D22 à D24, D25, D25-I et D26 à D29 semble être de corroborer l'usage antérieur présumé D19.

La requérante prétend que le dépôt de ces documents est une réaction aux arguments inattendus de l'intimée lors de la procédure orale devant la division d'opposition.

Le dépôt de ces moyens serait également une réaction aux modifications apportées à la revendication 1 lors de la procédure orale devant la division d'opposition, notamment à la limitation au domaine de l'horlogerie.

Or, l'intimée avait exprimé des doutes vis-à-vis de ce prétendu usage antérieur public dès sa réponse à l'acte d'opposition, notamment en ce qui concernait l'accessibilité au public de la montre avant la date de dépôt du brevet et les dates de publication des documents D19-I et II (voir par exemple les points 3.2 à 4).

En outre, la revendication 9 a toujours porté sur le domaine de l'horlogerie.

Enfin, les preuves se rapportant à cet usage antérieur présumé se trouvent exclusivement dans la sphère de la requérante et de son partenaire commercial de l'époque, Chanel SA, comme le prouvent D25 et D26.

Les difficultés que la requérante a eues à se procurer des preuves se trouvant en partie chez son partenaire commercial de l'époque, Chanel SA (cf. D26), au moment du dépôt de l'acte d'opposition, ne peuvent pas justifier le dépôt tardif de ces documents (cf. T 508/00, point 5.2 des motifs par exemple). Les documents D22 à D26, notamment, appartiennent à la sphère de la requérante.

Enfin, ces documents cherchent à étayer une objection qui n'a pas été formulée lors de la procédure orale au stade de l'opposition, à savoir une objection de défaut de nouveauté de l'objet de la revendication 9 vis-à-vis de la présentation de la montre D19 au salon "Baselworld 2011" (cf. pages 19 à 23 du mémoire exposant les motifs du recours et point 41 du procès-verbal de la procédure orale au stade de l'opposition).

Pour ces raisons, la chambre exerce son pouvoir d'appréciation et ne prend pas en compte les documents D19-V à D19-VII, D22 à D24, D25, D25-I et D26 à D29 (articles 25(2) RPCR 2020 et 12(4) RPCR 2007).

6. Requête principale - article 123(2) CBE

Pour les raisons suivantes, la requête principale satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE et la question de la recevabilité des objections selon l'article 12(4) RPCR 2007 dans ce contexte peut être laissée en suspens :

6.1 De l'avis de la requérante, la caractéristique "une pièce céramique mate (13, 14, 15, 17, 19) d'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie" figurant dans la revendication 1 n'est pas conforme aux exigences de l'article 123(2) CBE.

Il s'agirait d'une généralisation intermédiaire entre une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie entièrement en céramique (page 5, lignes 28 à 30 de la demande telle que déposée) et une pièce comportant seulement un composant en céramique (comme dans la présente revendication 1). Par ailleurs, il n'y aurait pas de base dans la demande telle que déposée pour une pièce d'un bijou en céramique.

Or, la chambre note que le passage se trouvant à la page 3, lignes 8 à 10 divulgue une "pièce d'horlogerie 11 qui peut comporter au moins une pièce céramique mate obtenue selon les modes de réalisation du procédé 1 expliqué ci-dessous". Et le passage figurant à la page 5, lignes 28 à 30, indique qu'au lieu d'une pièce d'horlogerie, la bijouterie ou la joaillerie peuvent être envisagées.

Par conséquent, cette modification satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE.

6.2 La requérante soulève également une objection au titre de l'article 123(2) CBE visant la caractéristique "le procédé se poursuit avec l'étape finale suivante : c) roder ..." (c'est la chambre qui souligne) de la revendication 1. D'après elle, l'utilisation de l'expression initiale "[le procédé] comporte l'étape finale" serait un choix délibéré et différent du terme "se poursuit" actuel.

Or, le remplacement de la caractéristique "[le procédé] comporte l'étape finale suivante: c) roder..." dans la revendication 1 telle que déposée satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE pour les raisons exposées ci-après.

La revendication 1 telle que déposée mentionne déjà que le rodage correspond à "l'étape finale" du procédé.

Par ailleurs, les traits verticaux dans le "schéma fonctionnel" (page 3, lignes 4 et 5) de la figure 6 entre les étapes 2, 5 et 7 ainsi que la description des deux modes de réalisation (de la page 3, ligne 22 à la page 5, ligne 14) confirment le caractère chronologique de ce schéma fonctionnel.

Ainsi, le terme "se poursuit" est utilisé pour les liaisons entre les étapes 2 et 7 (page 3, ligne 28), les étapes 2 et 5 (page 4, ligne 29) et les étapes 5 et 7 (page 5, ligne 4). Bien que ce ne soit pas exactement ce terme qui soit utilisé entre les étapes 7 et 9, les traits verticaux dans le schéma fonctionnel restent les mêmes.

Cela est également corroboré par l'indication que ce sont les "parties mates" (c'est à dire à l'issue du sablage) qui sont rodées (page 4, lignes 12 et 13).

Par conséquent, cette modification satisfait également aux exigences de l'article 123(2) CBE.

6.3 L'objection au titre de l'article 123(2) CBE quant à l'expression "en céramique mate" (c'est la chambre qui souligne) dans la revendication 1 telle que maintenue par la division d'opposition est caduque car cette expression n'apparaît plus dans la revendication 1 de la présente requête.

7. Requête principale - article 83 CBE

Pour les raisons suivantes, la requête principale satisfait aux exigences de l'article 83 CBE et la question de la recevabilité des objections selon l'article 12(4) RPCR 2007 dans ce contexte peut être laissée en suspens :

7.1 Les parties s'accordent sur le fait qu'une pièce dont toutes les anfractuosités sont annulées n'est pas mate.

L'expression "former des zones sensiblement planes 21' entre les anfractuosités 23' de profondeurs diminuées ou annulées" dans le paragraphe [0016] du brevet signifie qu'après le rodage, quelques anfractuosités ont une profondeur diminuée et d'autres anfractuosités ont disparu. Cela est confirmé par la figure 3. Autrement dit, ce passage ne désigne pas une situation dans laquelle toutes les anfractuosités ont disparu.

Cela vaut également pour le paragraphe [0022] et la figure 5 du brevet.

7.2 Concernant le prétendu manque d'indications, dans le brevet, concernant les paramètres du rodage, la chambre note que la requérante n'a pas fourni de preuves pour étayer l'insuffisance alléguée de l'exposé de l'invention.

Or, le rodage est une opération connue et l'homme du métier ajustera son intensité afin d'atteindre l'objectif selon la revendication 1, c'est à dire "d'écrêter l'état de surface des parties mates". Par ailleurs, même si quelques pièces cassaient lors du rodage, l'homme du métier pourrait exécuter l'invention.

8. Requête principale - article 54 CBE

Pour les raisons suivantes, la requête satisfait aux exigences de l'article 54(1) et (2) CBE et la question de la recevabilité des objections selon l'article 12(4) RPCR 2007 dans ce contexte peut être laissée en suspens :

8.1 L'objet de la revendication 1 se distingue de D1 au moins par la nature de la pièce à fabriquer, à savoir une pièce céramique mate d'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie.

En effet, le procédé de D1 porte sur la fabrication d'aimants permanents ou de pièces en céramique non-spécifiées (paragraphes [0002] et [0034]).

Or, lors de la procédure orale, la requérante a admis que toute pièce en céramique n'est pas adaptée à une utilisation dans une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie et a cité à cet égard une tasse en céramique.

8.2 Cet argument s'applique également à D4 qui divulgue des pièces électroniques en céramique (résumé, colonne 1, lignes 6 à 12) qui ne sont pas nécessairement adaptées à une utilisation dans une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie. Cela n'a pas été contesté.

En outre, le document D4 ne divulgue pas qu'une étape de sablage se poursuit avec une étape finale de rodage. Au contraire, ces étapes se déroulent de manière simultanée (colonne 6, lignes 14 à 17 et 33 à 44).

8.3 Pour ces raisons, l'objet de la revendication 1 est nouveau (article 54(1) et (2) CBE). Il en va de même pour les revendications 2 à 8 qui dépendent directement ou indirectement de la revendication 1.

8.4 En ce qui concerne l'objet de la revendication 9, la requérante n'a pas expliqué pourquoi elle n'avait pas formulé d'objection de défaut de nouveauté lors de la procédure orale devant la division d'opposition.

Lors de cette procédure, elle avait même indiqué qu'elle ne soulevait pas d'objection de défaut de nouveauté contre l'objet de la revendication 9 (cf. point 41 du procès-verbal).

Pour ces raisons, la chambre exerce le pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par l'article 12(4) RPCR 2007 et considère une telle objection soulevée au cours de la procédure de recours comme irrecevable.

9. Requête principale - article 56 CBE

Pour les raisons suivantes, la requête satisfait aux exigences de l'article 56 CBE et la question de la recevabilité des objections selon l'article 12(4) RPCR 2007 dans ce contexte peut être laissée en suspens :

9.1 L'invention telle que définie par la revendication 1concerne un procédé de fabrication d'une pièce céramique mate d'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie.

9.2 Le document D13 concerne la fabrication de pièces de porcelaine qui sont mates, comme l'indique le mot "opaque" dans la revendication 1. Des tuiles ou des dalles ("tiles or slabs") sont indiquées comme exemples spécifiques (paragraphes [0001] et [0002]).

Pour cela, une étape de sablage est mise en ½uvre (revendication 1: "propelling, at a preset velocity, material having an abrasive action against an exposed surface of said manufactured articles").

Les parties s'accordent sur le fait que D13 ne divulgue pas une étape finale de rodage.

Comme D13 concerne un procédé de fabrication de pièces de porcelaine, c'est à dire un type de céramique, avec une surface mate, D13 est un point de départ approprié pour l'appréciation de l'activité inventive.

9.3 D'après le brevet, le problème à résoudre est la mise à disposition d'un procédé de fabrication d'une pièce céramique mate d'une pièce d'horlogerie, de bijouterie ou de joaillerie qui ne griffe pas des matériaux plus tendres (paragraphes [0011] et [0015]).

9.4 Il est proposé de résoudre ce problème par la mise à disposition d'un procédé de fabrication conformément à la revendication 1, caractérisé en ce que l'étape de sablage se poursuit par une étape finale (c) de rodage.

9.5 D'après le brevet, le rodage rabote les sommets de la surface de la pièce céramique (figures 2 à 5), ce qui a pour effet qu'elle glisse sur la surface d'un objet rencontré plutôt que de la griffer (paragraphes [0016] et [0017]). Le succès de la solution est plausible et n'a pas été contesté.

9.6 D'après la requérante, une combinaison de D13 avec le document D18 conduirait à l'objet de la revendication 1.

Cela n'est pas le cas. Pour commencer, le document D13 lui-même dissuade l'homme du métier d'envisager un rodage. En effet, le paragraphe [0012] indique que le rodage ("lapping") entraîne des inconvénients et n'assure pas l'obtention de surfaces uniformément mates.

En outre, le document D18 concerne un domaine technique très différent de celui de D13, à savoir la fabrication de pièces pour moteurs à combustion, comme des vilebrequins (paragraphe [0001], revendications 1 et 8 "crankshaft"). Ces objets ne sont pas en céramique mais en métal (revendication 1).

De surcroît, D18 ne mentionne pas le problème du griffage d'autres objets.

Pour ces raisons, l'homme du métier cherchant à résoudre le problème technique posé en partant de D13 ne considérerait pas le document D18.

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 est inventif au vu de la combinaison de D13 avec D18 (article 56 CBE).

9.7 La requérante formule également une objection de défaut d'activité inventive en partant de D19 en combinaison avec D1. Elle est d'avis que l'homme du métier, en voyant la montre au salon, chercherait à la reproduire dans une sorte d'ingénierie inverse ("reverse engineering"). Pour cela, il appliquerait à la pièce en céramique d'une montre l'enseignement de D1 qui, dans les paragraphes [0039] à [0041], divulguerait qu'un rodage suit le sablage.

Or, même en laissant en suspens la question de savoir si la présentation de la montre Chanel J12 Calibre 3125 au salon Baselworld 2011 a vraiment été prouvée par les documents D19-I, D19-II et D19-III (seuls documents admis à cet égard dans la procédure), cette objection ne peut pas aboutir.

D'après G 1/92 (cf. point 3 des motifs), même si un produit accessible sur le marché peut divulguer sous certaines conditions sa composition ou sa structure interne, il ne divulgue pas ses "caractéristiques extrinsèques, qui n'apparaissent que lorsqu'il y a interaction entre le produit et des conditions externes spécifiquement choisies".

Autrement dit, l'homme du métier, en voyant la montre au salon Baselworld 2011, ne saurait pas que, dans son procédé de fabrication, le sablage d'une ou plusieurs pièces de cette montre a été suivi par une étape de rodage afin d'écrêter l'état de surface des parties mates comme l'exige la revendication 1. Par ailleurs, le caractère non-griffant des pièces de la montre n'est pas non plus divulgué par la montre présentée.

La chambre note également que la requérante n'a pas signalé d'indice dans le document secondaire D1 suggérant qu'un sablage qui se poursuit avec un rodage évite que la pièce griffe d'autres objets.

En d'autres termes, vouloir déterminer les étapes de fabrication de la pièce céramique de la montre présentée au salon à partir de la présentation elle-même relève de considérations ex-post facto.

9.8 Lors de la procédure orale, la requérante a indiqué qu'elle considérait dorénavant le document D2 comme état de la technique le plus proche et que l'objet de la revendication 1 n'était pas inventif au vu d'une combinaison de D2 avec D1.

Or, lors de la procédure orale devant la division d'opposition, la requérante a fait valoir qu'elle considérait D13 comme état de la technique le plus proche si la nature de la pièce à fabriquer selon la revendication 1 n'était pas restrictive (et était par exemple limitée à l'horlogerie) tandis que D19 était l'état de la technique le plus proche si la nature de la pièce était restrictive (cf. point 43 du procès-verbal). Le document D2, en revanche, n'a pas été mentionné pendant la procédure orale.

Par ailleurs, même si une objection en partant de D2 est évoquée au point 9.7 du mémoire exposant les motifs du recours, il est indiqué à la page 29, premier paragraphe, que D13 est "un point de départ plus prometteur pour l'évaluation de l'activité inventive, car D2 ne mentionne pas explicitement le sablage".

Pour ces raisons, la chambre exerce son pouvoir d'appréciation et ne prend pas en considération cette attaque (articles 25(2) RPCR 2020 et 12(4) RPCR 2007).

9.9 Dans son mémoire exposant les motifs du recours (cf. pages 27 à 38), la requérante invoque plusieurs dizaines d'autres attaques contre l'activité inventive de l'objet de la revendication 1, soit en partant de D13, D19 ou D2 comme état de la technique le plus proche mais en combinaison avec d'autres documents secondaires, soit en partant d'autres documents considérés comme état de la technique le plus proche.

Or, lors de la procédure orale devant la division d'opposition, seules les attaques contre l'objet de la revendication 1 fondées sur la combinaison de D13 avec D18 et sur D19 ont été évoquées (voir le point II.F.1 de la décision attaquée ainsi que les points 42 à 58 du procès verbal).

La requérante n'a pas fourni d'arguments pour justifier qu'elle n'ait pas évoqué ces autres attaques dès la procédure orale en première instance.

Par conséquent, ces autres attaques visant le défaut d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 ne sont pas prises en considération (articles 25(2) RPCR 2020 et 12(4) RPCR 2007).

9.10 Pour les raisons indiquées ci-dessus, l'objet des revendications dépendantes 2 à 8 implique également une activité inventive (article 56 CBE).

9.11 Aucune objection de défaut d'activité inventive n'a été soulevée contre l'objet de la revendication 9 au stade du recours.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la première instance avec l'ordre de maintenir le brevet sous forme modifiée sur la base

- des revendications 1 à 9 selon la requête principale, telle que présentée comme requête subsidiaire 1 avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours,

- d'une description devant être adaptée, le cas échéant

- et des figures 1 à 6 telles que déposées.

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