T 0048/17 () of 18.11.2020

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2020:T004817.20201118
Date de la décision : 18 Novembre 2020
Numéro de l'affaire : T 0048/17
Numéro de la demande : 07820999.6
Classe de la CIB : H01H33/24
H01H33/70
H01H33/42
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Chambre de coupure avec cylindre répartiteur de champ pour disjoncteurs haute ou moyenne tension
Nom du demandeur : ALSTOM Technology Ltd
Nom de l'opposant : Siemens Aktiengesellschaft
Chambre : 3.5.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54 (2007)
European Patent Convention Art 100(b) (2007)
European Patent Convention Art 113(1) (2007)
RPBA2020 Art 013(2) (2020)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(2) (2007)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4) (2007)
Mot-clé : Possibilité d'exécuter l'invention - (oui),
Nouveauté - (oui),
Réponse au recours
Réponse - ensemble des moyens invoqués par une partie,
Modification après signification - circonstances exceptionnelles (non),
Droit d'être entendu - possibilité de prendre position (oui),
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0583/95
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 2564/19

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours a été formé par la titulaire du brevet à l'encontre de la décision de la division d'opposition de révoquer le brevet n° 2 076 914.

II. Le document suivant est pertinent pour la présente décision:

E12: DE 196 41 550 A1

III. Dans la décision contestée, la division d'opposition avait conclu que la revendication 1 du brevet tel que délivré remplissait les conditions de l'article 83 CBE, mais que l'objet de la revendication 1 n'était pas nouveau au vu du document E12.

IV. Dans une notification émise conformément à

l'article 15(1) RPCR 2020, la Chambre avait indiqué que le motif d'opposition visé à l'article 100b) CBE ne semblait pas s'opposer au maintien du brevet tel que délivré et que, dans le cadre de la discussion sur la nouveauté de l'objet de la revendication 1 au vu du document E12, il faudrait notamment discuter de la caractéristique 1.5.4 de la revendication 1.

V. La procédure orale devant la Chambre s'est tenue le 18 novembre 2020 par visioconférence.

La requérante (titulaire du brevet) a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu tel que délivré. Au vu de la conclusion de la Chambre concernant la requête principale, les requêtes subsidiaires déposées avec la réponse au recours ne sont pas pertinentes pour cette décision.

L'intimée (opposante) a demandé que le recours soit rejeté ou que l'affaire soit renvoyée à la première instance pour suite à donner.

VI. La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit (avec numérotation des caractéristiques entre parenthèses en gras) :

(1) Chambre de coupure (10, 110) pour un disjoncteur

haute ou moyenne tension comprenant au moins :

(1.1) - un premier contact (12, 112) comprenant un contact d'arc (12a, 112a) et un contact principal (12b, 112b) mobile le long de l'axe (AA) de la chambre de coupure (10, 110),

(1.2) - un deuxième contact (14, 114) comprenant un contact d'arc (14a, 114a) et un contact principal (14b, 114b),

(1.3) - des moyens d'actionnement (130) permettant d'actionner le premier contact (12, 112) entre une position fermée dans laquelle les deux contacts (12, 112, 14, 114) sont en contact et une position ouverte dans laquelle ils sont séparés,

caractérisé en ce qu'elle comprend

(1.4) - un tube (18, 118) en matériau isolant s'étendant longitudinalement le long de l'axe (AA) et (1.4.1) positionné pour que, quelle que soit la position relative des contacts (12, 112, 14, 114), les deux contacts d'arc (12a, 112a, 14a, 114a) soient localisés à l'intérieur du tube (18, 118) et les deux contacts principaux (12b, 112b, 14b, 114b) soient localisés à l'extérieur du tube (18, 118),

(1.5) - une buse (16, 116) en matériau isolant

(1.5.1) couplée de façon fixe au premier contact (12, 112) et

(1.5.2) localisée dans le tube isolant (18, 118),

(1.5.3) de sorte que le tube (18, 118) modifie les lignes équipotentielles (V) lors de la coupure et en position ouverte

(1.5.4) et par ses propriétés diélectriques optimise les lignes équipotentielles pendant toute l'ouverture des contacts

Les revendications 2 à 16 dépendent de la revendication 1.

VII. Les arguments de la requérante essentiels pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :

Article 100b) CBE - Recevabilité de l'objection

Le motif d'opposition visé à l'article 100b) CBE ne devrait pas être pris en compte dans la procédure de recours. La décision contestée était positive sur ce point. La question de savoir si la revendication 1 remplit les exigences de l'article 100b) CBE ne fait donc pas partie de la procédure de recours. En outre, l'intimée, dans sa réponse au recours, fait simplement référence aux arguments présentés en première instance et la réponse ne comprend pas une présentation matérielle des faits ou arguments sur ce point, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 12(2) RPCR 2007.

Article 100b) CBE - Discussion sur le fond

Sur le fond, il convient de noter que l'homme du métier comprend sans doute que le terme "optimiser" de la caractéristique 1.5.4 implique la génération des conditions les plus favorables en ce qui concerne le champ électrique entre les deux contacts pendant toute l'ouverture des contacts. Comme il est clairement décrit dans le brevet contesté, l'objectif de l'invention est de diminuer le gradient du champ électrique au niveau des contacts. Comme l'invention fait référence à un disjoncteur de haute ou moyenne tension, les effets d'un champ électrique correspondant entre les contacts sont considérables. Le problème concernant une répartition du champ électrique pendant l'ouverture des contacts ressort d'ailleurs du document D4 (DE 295 11 842 U1, voir la page 3, lignes 4 à 6). L'homme du métier sait donc très bien ce que signifie une optimisation des lignes équipotentielles entre les contacts. De plus, il faut aussi considérer la description qui décrit clairement la signification d'une optimisation des lignes équipotentielles du champ électrique par le tube. Voir en particulier les paragraphes [0002], [0003], [0009], [0011], [0024], [0028] à [0033], [0035], [0036], [0053] et la figure 1 du brevet contesté. L'invention selon la revendication 1 est donc exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.

Articles 100a) et 54 CBE - Nouveauté au vu du document E12

En ce qui concerne la caractéristique 1.5.3 de la revendication 1, le document E12 ne spécifie rien sur l'effet que peut avoir le tube isolant 12 ("Isolierrohr") pendant l'ouverture des contacts principaux. La seule fonction du tube 12 divulguée dans le document E12 est celle d'une limitation de la zone 13 ("Heizvolumen"). Il n'est pas évident que le tube 12 soit positionné à une distance telle de l'axe 2 qu'il ait un effet sur les lignes équipotentielles du champ électrique entre les contacts d'arcs. Il n'y a aucun doute sur le fait que, selon la caractéristique 1.5.3, le tube modifie les lignes équipotentielles quelle que soit la position relative des contacts d'arc lors de l'ouverture des contacts et en position ouverte. Un effet d'optimisation selon la caractéristique 1.5.4 du tube 12 n'est pas implicite dans le document E12. Cette caractéristique a une signification technique spécifique et l'optimisation ne correspond pas à une simple modification des lignes équipotentielles selon la caractéristique 1.5.3. L'homme du métier comprend qu'il faut améliorer la répartition du champ électrique par les propriétés diélectriques du tube pour atteindre une optimisation des lignes équipotentielles. Autrement dit, il faut gérer au mieux la différence du potentiel entre les deux contacts, et le brevet contesté divulgue plusieurs possibilités pour ce faire, comme par exemple fournir des surépaisseurs du tube au niveau des contacts ou varier la composition du tube (voir par exemple la figure 1 et les paragraphes [0033] et suivants). Par conséquent, le tube du brevet contesté a un effet supérieur à celui du tube isolant 12 du document E12.

Recevabilité d'objections supplémentaires et requête en renvoi de l'affaire

Il est évident que le droit d'être entendu de l'intimée a été respecté, car elle a gagné la procédure en première instance. Le règlement de procédure des chambres de recours prévoit que la réponse au recours doit contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie. Cependant, les objections supplémentaires soumises par l'intimée pendant la procédure orale devant la Chambre n'était pas incluses dans la réponse au recours. Au contraire, la réponse était extrêmement courte et, en ce qui concerne la requête principale, elle faisait uniquement référence aux arguments présentés devant la division d'opposition. Les objections supplémentaires ne font donc pas partie de la procédure de recours. En outre, le renvoi de l'affaire à la première instance pour suite à donner n'est pas justifié, comme cela retarderait la procédure pendant une longue période. Le présent recours a été formé contre la décision contestée et l'intimée aurait dû exposer toutes ses objections dès le début dans sa réponse au recours. Comme cela n'a pas été fait, les questions à discuter dans le cadre du recours sont limitées aux objections traitées dans la décision contestée. En outre, il n'y a pas de circonstances exceptionnelles qui justifient le dépôt tardif au titre de l'article 13(2) RPCR 2020 lors de la procédure orale devant la Chambre. Par conséquent, les objections supplémentaires ne doivent pas être prises en compte dans la procédure de recours.

VIII. Les arguments de l'intimée essentiels pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :

Article 100b) CBE - Recevabilité de l'objection

L'intimée n'a pas avancé de commentaires sur la question de savoir si le motif d'opposition visé à l'article 100b) CBE devait être pris en compte dans la procédure de recours.

Article 100b) CBE - Discussion sur le fond

Sur le fond, l'intimée a essentiellement fait valoir que le terme "optimisation" de la caractéristique 1.5.4 ne permet pas à l'homme du métier d'exécuter l'invention selon la revendication 1. En particulier, elle a argumenté que le brevet contesté ne divulgue nulle part un critère pour déterminer l'optimisation des lignes équipotentielles. De plus, l'homme du métier ne sait pas quelles sont les meilleures conditions ou les conditions les plus favorables.

Articles 100a) et 54 CBE - Nouveauté au vu du document E12

Lors de la procédure orale, l'intimée a avancé des arguments concernant la nouveauté de l'objet de la revendication 1 au vu du document E12. L'intimée a argumenté en particulier que la caractéristique 1.5.4 concernant l'optimisation des lignes équipotentielles est vague et donc une simple modification des lignes équipotentielles selon la caractéristique 1.5.3 correspond à une optimisation. Le tube 12 divulgué dans le document E12 cause clairement une modification des lignes équipotentielles du champ électrique entre les contacts 8 et 10 et en particulier une réduction du champ électrique au niveau des contacts. Selon le paragraphe [0024] du brevet contesté, une réduction du champ électrique constitue une optimisation selon la caractéristique 1.5.4. En outre, la disposition du tube 12 par rapport aux contacts 8 et 10 du document E12 est similaire à celle du tube 18 par rapport aux contacts 12 et 14 du brevet contesté (voir la figure 1). La fonction du tube 12 du document E12 correspond à la fonction du tube 18 du brevet contesté, voir le paragraphe [0039] : les gaz chauds sont confinés dans le tube 18. Le tube 12 du document E12 prévu dans la chambre de coupure a donc le même effet que le tube 18 du brevet contesté. Le tube 18 peut donc avoir une distance des contacts très similaire au tube 12 de E12. Le tube 12 du document E12 a par conséquent le même effet sur le champ électrique, c'est-à-dire un effet d'optimisation sur les lignes équipotentielles.

Le surépaisseur du tube 18 au niveau des contacts 12 et 14 (voir la figure 1 du brevet contesté) ne fait pas partie de la caractéristique 1.5.4. Cette caractéristique signifie simplement que les lignes équipotentielles sont optimisées, ce qui équivaut à modifier les lignes équipotentielles. Une modification selon la caractéristique 1.5.3 doit être comprise comme étant une modification par rapport au cas où aucun tube n'est fourni. Il est donc évident que le tube 12 du document E12 va effectuer une modification des lignes équipotentielles par rapport au cas où aucun tube n'est fourni autour des contacts.

Recevabilité d'objections supplémentaires et requête en renvoi de l'affaire

L'intimée demande que des objections supplémentaires au titre de l'article 100a) CBE contre le brevet tel que délivré soient prises en compte dans la procédure de recours. Les objections supplémentaires sont basées sur les documents E7, E3 et E4 eu égard à la nouveauté de l'objet de la revendication 1 et sur E1 et E5 eu égard à l'activité inventive de l'objet de la revendication 1. Des objections correspondantes ont été soulevées de manière recevable au cours de la procédure d'opposition et en particulier dans les motifs d'opposition, mais elles n'ont pas été discutées durant la procédure en première instance. Au cas où la Chambre n'admettrait pas les objections supplémentaires dans la procédure de recours et, en outre, rejetterait la requête en renvoi de l'affaire à la première instance pour suite à donner, le droit de l'intimée d'être entendue serait violé. Même si les objections supplémentaires ne font pas partie de la procédure de recours, elles ont été soulevées devant la division d'opposition, et le fait de ne pas octroyer la possibilité de discuter de ces objections devant la Chambre ou devant la division d'opposition priverait l'intimée de son droit d'être entendue. Bien que les objections aient été traitées dans l'avis provisoire de la division d'opposition, elles n'ont pas été discutées lors de la procédure orale devant la division d'opposition.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Requête principale - Exposé de l'invention (article 100b) CBE)

2.1 Le motif d'opposition visé à l'article 100b) CBE est pris en compte dans la procédure de recours. Cependant, il n'a pas de succès sur le fond.

2.2 Recevabilité

2.2.1 Contrairement à ce qu'a fait valoir la requérante, lorsqu'un recours est formé, l'ensemble de la décision est susceptible de révision. En l'espèce, la division d'opposition a rendu la décision de révoquer le brevet contesté. Dans les motifs de la décision contestée, la division d'opposition a fait en outre des constatations sur le motif d'opposition visé à l'article 100b) CBE (voir point 11.1 des motifs de la décision contestée), qui était soulevé de manière recevable en première instance. La Chambre peut, en principe, rouvrir toute question ou constatation faite au cours de la procédure devant la première instance et n'est pas liée par l'appréciation juridique sur laquelle est fondée une décision faisant l'objet d'un recours (voir La Jurisprudence des Chambres de recours, neuvième édition 2019, V.A.3.1.1; voir en particulier T0583/95 au point 2 des motifs de la décision).

2.2.2 Même si l'intimée, dans la réponse au recours, n'a pas présenté explicitement d'arguments concernant la question de savoir si le brevet expose l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (article 100b) CBE), la Chambre peut prendre en compte les arguments considérés dans la décision contestée lors du réexamen de la décision contestée en ce qui concerne le motif d'opposition visé à l'article 100b) CBE.

2.3 Questions de fond

2.3.1 Comme l'a constaté la division d'opposition dans la décision contestée, le fait que la caractéristique 1.5.4 "et par ses propriétés diélectriques optimise les lignes équipotentielles pendant toute l'ouverture des contacts" (c'est la Chambre qui souligne) soit vague, contrairement aux exigences de l'article 84 CBE, n'empêche pas en l'espèce l'homme du métier de mettre en ½uvre l'invention afin de parvenir à un certain niveau d'optimisation des lignes équipotentielles, dans une optique de réduction du champ électrique sur les contacts d'arcs.

En l'espèce, comme l'a fait valoir la requérante, la description doit être prise en compte pour interpréter la revendication 1 et déterminer ce que l'homme du métier comprendrait par une "optimisation" des lignes équipotentielles. À la lumière de la description, et en particulier des paragraphes [0011], [0027] et [0033], l'homme du métier aurait clairement compris qu'une "optimisation" ne correspond pas à une simple modification des lignes équipotentielles, mais qu'une modification spécifique est nécessaire à des fins d'amélioration de la répartition du champ électrique au niveau des contacts. De plus, la description fournit à l'homme de métier des instructions claires sur la manière de mettre en ½uvre une optimisation des lignes équipotentielles (voir notamment les paragraphes [0029] à [0036]).

Le libellé de la revendication 1 permet donc déjà de comprendre qu'une "optimisation" implique quelque chose de plus qu'une simple "modification", notamment dans une optique d'amélioration, et la Chambre est arrivée à la conclusion que cette présomption est confirmée par la description puisque l'homme du métier peut facilement implémenter une optimisation des lignes équipotentielles grâce aux instructions contenues dans la description.

Contrairement à l'argument de l'intimée, le brevet contesté contient donc également un critère spécifique selon lequel une optimisation a lieu, à savoir la meilleure répartition des lignes équipotentielles au niveau des contacts d'arcs et donc une réduction de l'intensité du champ électrique dans cette zone. En outre, la Chambre ne doute pas que l'homme du métier n'ait pas besoin d'explications supplémentaires pour comprendre ce que l'on entend par une répartition optimisée du champ électrique au niveau des contacts. À cet égard, il convient aussi de noter que la revendication 1 (voir la caractéristique 1.5.4) spécifie explicitement que le tube optimise les lignes équipotentielles "par ses propriétés diélectriques", c'est-à-dire par les propriétés diélectriques du tube. On ne peut donc pas non plus dire que la revendication 1 ne contient aucune indication sur les moyens d'optimiser les lignes équipotentielles.

2.3.2 La Chambre a donc décidé que le brevet contesté expose l'invention selon la revendication 1 de façon suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter.

3. Nouveauté au vu du document E12 (articles 100a) et 54 CBE)

3.1 L'objet de la revendication 1 est nouveau par rapport au document E12, puisqu'il ne divulgue pas la caractéristique 1.5.4, c'est-à-dire que le tube optimise par ses propriétés diélectriques les lignes équipotentielles pendant toute l'ouverture des contacts.

3.2 La Chambre note tout d'abord que, dans la décision attaquée, la division d'opposition a conclu à tort que la caractéristique 1.5.3 ne définit pas quel champ entre quels contacts crée les lignes équipotentielles et que la revendication 1 ne précise donc pas de quelles lignes équipotentielles il s'agit (voir le dernier paragraphe à la page 10 de la décision contestée).

La Chambre est convaincue que l'homme du métier comprendrait que "les lignes équipotentielles" mentionnées dans les caractéristiques 1.5.3 et 1.5.4 se réfèrent à un champ électrique établi entre les contacts d'arcs "pendant toute l'ouverture des contacts". Aucune autre interprétation n'est plausible.

3.3 De plus, dans le contexte de la caractéristique 1.5.4, le terme "optimise" implique une conception spécifique du tube afin que les lignes de champ soient optimisées par les propriétés diélectriques du tube, pour obtenir une répartition plus uniforme du champ électrique au niveau des contacts d'arcs. Comme la Chambre l'a noté en ce qui concerne la question de l'exposé de l'invention, à la lumière de la description, et en particulier des paragraphes [0011], [0027] et [0033] à [0036], l'homme du métier comprendrait clairement qu'une "optimisation" au sens de la caractéristique 1.5.4 ne correspond pas à une simple modification des lignes équipotentielles au sens de la caractéristique 1.5.3, mais qu'une modification spécifique par les propriétés diélectriques du tube est nécessaire à des fins d'optimisation pour que le champ électrique soit réparti le mieux possible au niveau des contacts d'arcs (voir le point 2.3.1 ci-dessus). Il ressort donc directement et sans ambiguïté de l'ensemble du brevet contesté que l'optimisation en ce qui concerne la réalisation technique spécifique du tube implique plus qu'une simple modification. Ainsi, la caractéristique 1.5.4 a une signification technique qui va au-delà d'une simple modification des lignes équipotentielles telle que définie dans la caractéristique 1.5.3.

La conclusion de la division d'opposition dans la décision contestée, selon laquelle toute modification des lignes équipotentielles pourrait être interprétée comme une optimisation, est donc erronée (voir le deuxième paragraphe à la page 11 de la décision contesté).

3.4 Sur cette base, la Chambre considère que la caractéristique 1.5.4 n'est pas divulguée dans le document E12. Comme l'a fait valoir la requérante, le tube 12 ("Isolierrohr") est mentionné dans le document E12 à la colonne 4, lignes 53 à 59 du document E12, où il est décrit comme connectant mécaniquement de manière rigide les contacts 5 et 6 et comme limitant une volume de chauffage 13. De plus, E12 à la colonne 5, lignes 23 à 26 spécifie que le tube 12 est tenu par la base du cylindre 18 (voir la figure 1). Une description plus détaillée du tube 12 n'est pas divulguée dans le document E12. En particulier, ni les propriétés diélectriques ni un effet du tube 12 sur un champ électrique entre les contacts d'arcs 8 et 10 pendant l'ouverture des contacts ne sont mentionnés dans le document E12. Notamment, aucune optimisation des lignes équipotentielles par les propriétés diélectriques du tube 12 pendant toute l'ouverture des contacts n'est divulguée dans E12. Le document E12 divulgue tout au plus de manière implicite que le tube a un effet sur le champ électrique entre les électrodes, comme avait argumenté l'intimée. Cependant, comme indiqué ci-dessus (voir le point 3.3), cela ne correspond pas à une optimisation des lignes équipotentielles au sens de la caractéristique 1.5.4.

3.5 Les autres arguments avancés par l'intimée n'ont pas réussi non plus à convaincre la Chambre. Une simple réduction du champ électrique ne peut pas être considérée comme constituant une optimisation selon la caractéristique 1.5.4. Le paragraphe [0024] du brevet contesté fait référence à une réduction du champ électrique au niveau de la tige de contact d'arc et ne peut être compris comme signifiant que, en général, une réduction du champ électrique par un tube correspond à une optimisation des lignes équipotentielles au sens de la caractéristique 1.5.4. En outre, les similarités structurelles et fonctionnelles existant entre le tube 12 du document E12 et le tube 18 du brevet contesté, comme le prétend l'intimée, ne permettent pas non plus de prouver l'existence d'un effet d'optimisation au sens de la caractéristique 1.5.4.

Au contraire, dans l'ensemble, le document E12 n'indique en aucune façon qu'une optimisation des lignes équipotentielles par les propriétés diélectriques du tube 12 est effectuée pendant toute l'ouverture des contacts.

3.6 La Chambre est donc arrivée à la conclusion que l'objet de la revendication 1 est nouveau au vu du document E12 (articles 100a) et 54 CBE).

4. Objections supplémentaires - Recevabilité (articles 12(2) et (4) RPCR 2007, article 13(2) RPCR 2020) et droit d'être entendu (article 113(1) CBE)

4.1 Au cours de la procédure orale devant la Chambre, l'intimée a soulevé pour la première fois dans la procédure de recours de nouvelles objections à l'encontre de la revendication 1 du brevet tel que délivré. Les objections spécifiques (ci-après dénommées "objections supplémentaires") concernaient, d'une part, le manque de nouveauté de l'objet de la revendication 1 au vu des documents E7, E3 et E4, et d'autre part, le manque d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 au vu de E1 et E5.

4.2 La réponse au recours soumise par l'intimée s'énonçait comme suit :

"Bezogen auf das Beschwerdeschreiben der Patentinhaberin vom 03. März 2017 möchten wir wie folgt Stellung nehmen. Wir möchten bezüglich der Patentfähigkeit des erteilten und am 04. November 2016 vollständig widerrufenen Patents EP 2076914 auf unseren Einspruchsschriftsatz und unsere in der mündlichen Verhandlung vorgebrachten Argumente verweisen und beantragen, den vollständigen Widerruf des Streitpatents im Beschwerdeverfahren aufrecht zu erhalten und die Beschwerde zurückzuweisen.

Nur hilfsweise, für den Fall, die Beschwerdekammer plant den vollständigen Widerruf des Streitpatents nicht aufrecht zu erhalten und das Streitpatent in geänderter oder ursprünglicher Fassung zu erteilen, beantragen wir eine mündliche Verhandlung.

Bezogen auf neu eingereichte Hilfsanträge möchten wir darauf verweisen, dass die Patentinhaberin im Einspruchsverfahren ausreichend Gelegenheit hatte, Hilfsanträge einzureichen. Wir beantragen neue Hilfsanträge, welche nicht Gegenstand des Einspruchsverfahrens waren, nicht zuzulassen (siehe T1165/10, T23/10 und R13/11). Da die Argumente der Patentinhaberin im Beschwerdeschreiben den Argumenten entsprechen, welche im Einspruchsverfahren vorgebracht und ausführlich diskutiert wurden, und bezüglich dem Hauptantrag und bezüglich den Hilfsanträgen der Einspruchsverhandlung keine neuen Argumente im Hinblick auf Neuheit und/oder erfinderischer Tätigkeit vorgebracht werden, möchten wir auf die Wiederholung unserer Argumente an dieser Stelle verzichten und verweisen auf die Schriftstücke im Einspruchsverfahren und auf die mündliche Verhandlung im Einspruchsverfahren sowie deren Protokoll."

Traduction française de l'allemand :

"En faisant référence au mémoire de recours de la titulaire datée le 3 mars 2017, nous aimerions prendre position comme suit. En ce qui concerne la brevetabilité du brevet tel que délivré qui a été entièrement révoqué le 4 novembre 2016, nous nous référons à notre mémoire d'opposition et à nos arguments avancés lors de la procédure orale et demandons que la révocation de l'intégralité du brevet contesté soit maintenue en recours et que le recours soit rejeté.

Seulement à titre subsidiaire, au cas où la Chambre aurait l'intention d'annuler la révocation de l'intégralité du brevet contesté et de délivrer le brevet sous une forme modifiée ou sous sa forme originale, nous demandons une procédure orale.

En ce qui concerne les nouvelles requêtes subsidiaires, nous tenons à souligner que la titulaire a eu suffisamment d'occasions de déposer des requêtes subsidiaires dans le cadre de la procédure d'opposition. Nous demandons de ne pas admettre de nouvelles requêtes subsidiaires qui n'ont pas fait partie de la procédure d'opposition (voir T1165/10, T23/10 et R13/11). Étant donné que les arguments de la titulaire présentés dans son mémoire de recours correspondent aux arguments avancés et discutés en détail lors de la procédure d'opposition, et qu'aucun nouvel argument n'est avancé en ce qui concerne la nouveauté et/ou l'activité inventive de la requête principale et des requêtes subsidiaires de la procédure d'opposition, nous souhaitons nous abstenir de répéter nos arguments ici et nous faisons référence aux documents de la procédure d'opposition et à la procédure orale dans le cadre de la procédure d'opposition, ainsi qu'au procès-verbal."

4.3 L'article 12(2) RPCR 2007, applicable par référence à l'article 12(4) RPCR 2007 en liaison avec l'article 25(2) RPCR 2020, spécifie entre autres que la réponse au mémoire de recours doit contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie. Elle doit présenter de façon claire et concise les motifs pour lesquels il est demandé d'annuler, de modifier ou de confirmer la décision attaquée, et doivent exposer expressément et de façon précise tous les faits, arguments et justifications qui sont invoqués.

La réponse de l'intimée ne contenait aucun fait ou argument explicite au sens de l'article 12(2) RPCR 2007, mais faisait simplement référence aux arguments avancés en première instance (voir la reproduction de la réponse au point 4.2 ci-dessus). À cet égard, la Chambre fait remarquer qu'il est de jurisprudence constante des chambres de recours qu'une simple référence aux arguments présentés par écrit par une partie en première instance ne peut remplacer une présentation matérielle des faits dans la procédure de recours (voir La Jurisprudence des Chambres de recours, neuvième édition 2019, V.A.2.6.4.a)). Il en découle également que des faits ou des arguments présentés devant la division d'opposition ne font pas automatiquement partie de la procédure de recours.

Selon l'article 12(4) RPCR 2007, tout élément présenté par les parties, conformément au paragraphe 1, sera pris en considération par la Chambre s'il remplit les conditions visées au paragraphe 2. Comme les objections supplémentaires ne remplissent pas les conditions de l'article 12(2) RPCR 2007, elles ne doivent donc pas être prises en compte par la Chambre conformément à l'article 12(4) RPCR 2007.

4.4 Ainsi, les objections supplémentaires qui ont été soulevées lors de la procédure orale devant la Chambre concernant le manque de nouveauté et d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 et qui n'ont pas été traitées dans la décision contestée constituent une modification des moyens présentés par l'intimée après la signification de la citation à la procédure orale au sens de l'article 13(2) RPCR 2020. Une telle modification n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes.

4.5 En l'espèce, l'intimée n'a fait aucun commentaire sur la question de savoir quelles sont les raisons convaincantes qui justifieraient des circonstances exceptionnelles pour présenter des objections supplémentaires pour la première fois dans la procédure de recours lors de la procédure orale devant la Chambre. Des raisons correspondantes ne sont pas non plus évidentes pour la Chambre.

4.6 L'intimée a plutôt essentiellement fait valoir que des objections supplémentaires ont déjà été soulevées devant la division d'opposition et en particulier dans le cadre des motifs d'opposition, mais qu'elles n'ont pas été discutées au cours de première instance. Le fait de ne pas prendre en compte ces objections supplémentaires dans la procédure de recours sans renvoyer l'affaire en première instance pour les discuter constituerait donc, selon l'intimée, une violation du droit d'être entendu (article 113(1) CBE).

4.7 En principe, le droit d'être entendu des parties inclut le droit de prendre en compte les objections soulevées. En outre, les parties doivent avoir une possibilité suffisante de présenter des objections. Toutefois, pendant la procédure de recours, les objections doivent être présentées de manière conforme au règlement de procédure des chambres de recours, et elles doivent notamment être présentées en temps utile, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En outre et en tout état de cause, dans la présente procédure de recours d'une durée supérieure à trois ans, l'argument selon lequel l'intimée n'a pas eu suffisamment de temps ou n'a pas eu l'occasion de présenter ses objections supplémentaires qui n'ont pas été traitées dans la décision contestée ne convainc pas la Chambre.

Au contraire, l'intimée a eu amplement le temps et l'occasion de commenter le mémoire exposant les motifs du recours et, le cas échéant, de présenter dans sa réponse les objections supplémentaires qui n'ont pas été traitées dans la décision contestée. Au lieu de cela, l'intimée a fait référence dans une brève réponse aux observations qu'elle avait formulées en première instance et a ainsi renoncé à faire des observations suffisamment détaillées qui répondraient aux exigences de l'article 12(2) RPCR 2007. Il convient également de noter qu'à aucun moment pendant toute la période de plus de trois ans et demi après avoir reçu le mémoire exposant les motifs du recours, et en particulier après réception de l'avis préliminaire de la Chambre, l'intimée n'a formulé d'observations expresses sur le fond. Or, l'intimée aurait dû envisager la possibilité que la Chambre fasse droit au recours.

4.8 Il ne peut donc être conclu que l'intimée est privée de son droit d'être entendue, vu qu'elle a eu suffisamment de temps et de possibilités pour présenter les objections supplémentaires. Le fait que la Chambre a décidé de ne pas prendre en compte les objections supplémentaires qui étaient déposées tardivement pour la première fois lors de la procédure de recours devant la Chambre ne porte pas atteinte au droit d'être entendu de l'intimée.

4.9 La Chambre conclut que la Convention (CBE) ne confère pas à une opposante le droit absolu à ce que toutes les objections soulevées dans la procédure de première instance soient discutées. En l'espèce, la division d'opposition avait fait droit à l'opposition de l'intimée en première instance. Conformément à l'objet premier de la procédure de recours, qui est de procéder à une révision de nature juridictionnelle de la décision contestée, le recours de la titulaire a d'abord pour effet que la décision contestée est révisée à la lumière des objections sur lesquelles la décision contestée est basée. D'autres objections recevables devant la division d'opposition auraient dû être soulevées expressément en réponse au recours, comme le prévoit l'article 12 RPCR 2007. L'obligation de présenter les objections dans la réponse aux motifs du recours existe particulièrement pour donner à la titulaire du brevet la possibilité de contrer ces objections et de préparer d'éventuelles positions de repli. Si les objections soulevées au cours de la procédure orale été admises, la titulaire du brevet n'aurait pas eu la possibilité de s'y préparer. Une telle approche ne correspondrait ni au principe d'économie de procédure ni au principe d'un procès équitable.

4.10 La Chambre a donc décidé que les objections supplémentaires, notamment le manque de nouveauté de l'objet de la revendication 1 au vu des documents E7, E3 et E4, et le manque d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 basés sur E1 et E5, ne doivent pas être prises en compte dans la procédure de recours, comme prévu à l'article 13(2) RPCR 2020.

5. Requête en renvoi de l'affaire (article 111(1) CBE et article 11 RPCR 2020)

5.1 L'article 111(1) CBE prévoit que la Chambre peut soit exercer les compétences de l'instance qui a rendu la décision attaquée, soit renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner. En outre, selon l'article 11 RPCR 2020, la Chambre ne renvoie l'affaire pour suite à donner à l'instance qui a rendu la décision attaquée que si des raisons particulières le justifient. En l'espèce, la Chambre ne voit pas de raisons particulières qui justifient le renvoi de l'affaire. En particulier, aucun vice majeur de procédure n'est apparent, et l'intimée n'a présenté aucune observation à cet effet.

5.2 Comme indiqué ci-dessus, le fait de ne pas renvoyer l'affaire à la division d'opposition n'entraîne pas non plus une violation du droit d'être entendu, puisque l'intimée a eu l'occasion de présenter toutes ses objections pendant la procédure de recours, ce qu'il n'a pas fait de manière motivée.

5.3 Il convient de noter que le fait que les objections supplémentaires ne soient pas prises en compte dans la procédure de recours exclut le renvoi à la première instance en vue d'examiner ces mêmes objections, puisqu'un renvoi contreviendrait aux principes ancrés dans le règlement de procédure des chambres de recours concernant le dépôt tardif de moyens au vu de l'équité de la procédure.

5.4 La Chambre a donc décidé de rejeter la requête de l'intimée en renvoi de l'affaire à la division d'opposition pour suite à donner en vertu de l'article 111(1) CBE et l'article 11 RPCR 2020.

6. Conclusion

Étant donné que l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) est nouveau au vu de document E12, que d'autres objections au titre de l'article 100a) CBE n'ont pas été prises en compte dans la procédure de recours et au vu de la conclusion du point 2.3.2 ci-dessus, la Chambre conclut que les motifs d'opposition visés aux articles 100a) et 100b) CBE ne s'opposent pas au maintien du brevet tel que délivré, et elle fait donc droit à la requête principale de la requérante.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est maintenu tel que délivré.

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