European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T218016.20190508 | ||||||||
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Date de la décision : | 08 Mai 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 2180/16 | ||||||||
Numéro de la demande : | 98401862.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | C21D 8/04 C22C 38/00 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé d'élaboration d'une tôle mince en acier à ultra bas carbone pour la réalisation de produits emboutis pour emballage et tôle mince obtenue | ||||||||
Nom du demandeur : | ArcelorMittal | ||||||||
Nom de l'opposant : | ThyssenKrupp Steel Europe AG | ||||||||
Chambre : | 3.3.05 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Document produit tardivement - recevable (non) Activité inventive - connaissances générales Activité inventive - analyse a posteriori Activité inventive - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le recours a été formé par la requérante (opposante) contre la décision intermédiaire par laquelle la division d'opposition a conclu que le brevet en litige (ci-après le "brevet") tel que modifié selon la requête principale satisfait aux exigences de la CBE.
II. La division d'opposition a estimé dans sa décision que l'objet de cette requête implique une activité inventive partant de
D1 : EP 0 556 834 B1
comme état de la technique le plus proche, notamment en partant de l'exemple 4 de D1. Elle a conclu en particulier que l'objet de la revendication unique de la requête principale s'en distingue par la valeur du coefficient de Lankford ("r moyen") qui est supérieure à 1,6.
III. Au cours de la procédure devant la division d'opposition, le document suivant entre autres a été cité :
D5 : FR 2 730 942 A1
IV. Avec son mémoire de recours en date du 2 décembre 2016, la requérante a déposé le document suivant :
D6 : ASTM E 112 - 96
et a annoncé qu'elle déposerait des tests comparatifs afin de démontrer que l'homme du métier partant de l'exemple 4 de D1 et mettant en oeuvre le procédé selon le brevet arriverait à une tôle ayant les propriétés énoncées à la revendication unique.
V. Avec sa réponse au mémoire de recours, l'intimée (titulaire du brevet) a déposé six requêtes subsidiaires.
VI. Avec son courrier en date du 8 février 2019, la requérante a déposé entre autres les documents suivants :
V4 : rapport, premier essai
V5 : rapport, deuxième essai
V6 à V9 : tableaux
V10 : micrographies
V11 : tableau, micrographies.
VII. La revendication unique de la requête principale de l'intimée se lit comme suit :
"Tôle mince en acier à ultra-bas carbone pour la réalisation de produits emboutis d'emballage renfermant en poids, au plus 0,006% de carbone, entre 0,10 et 0,35 % de manganèse, moins de 0,006 % d'azote, moins de 0,025 % de phosphore, moins de 0,020 % de soufre, moins de 0,020 % de silicium, moins de 0,010% d'aluminium, au plus 0,08 % d'un ou plusieurs des éléments cuivre, nickel et chrome, au plus 0,001% de titane et au plus 0,001 % de niobium, le reste de la composition étant constitué par du fer et des impuretés inévitables, la tôle mince étant obtenue par laminage à froid d'une tôle laminée à chaud par un premier laminage et par un second laminage séparés par un recuit en continu, présentant une structure homogène à grains équiaxes avec un indice de grains supérieur à 10, un coefficient de Lankford (r moyen) supérieur à 1,6 et un coefficient d'anisotropie plane (DeltaC) voisin de 0."
VIII. Les arguments de la requérante peuvent se résumer comme suit :
Le temps qui s'est écoulé après la mise en oeuvre des essais entre décembre 2016 et juin 2017 était nécessaire pour coordonner la rédaction des rapports (compris parmi les documents V4 à V11) nécessitant la préparation et l'évaluation des données obtenues. 49 des 74 essais, soit 66% menaient à une tôle ayant un indice de grains supérieur à 10, et un grand nombre d'essais possédaient une valeur "r moyen" supérieure à 1,6. L'état de la technique le plus proche est représenté par l'exemple 4 de D1. L'objet de la revendication unique ne se distingue de cet état que par la valeur "r moyen". Il est évident pour l'homme du métier de se poser comme but d'augmenter cette valeur représentative pour l'emboutissabilité. Par ailleurs, l'homme du métier n'aurait pas choisi les exemples 9 et 11 de D1 ayant une composition autre que celle revendiquée puisque ces exemples comprennent des microalliages ayant des inconvénients. Selon les connaissance générales, l'homme du métier aurait employé d'autres moyens pour augmenter la valeur "r moyen" de l'exemple 4 de D1 tout en gardant sa composition. Ainsi, il aurait augmenté la température de recuit ou adapté l'étape de lamination à froid.
IX. Les arguments de l'intimée peuvent se résumer comme suit :
D6 et les documents V4 à V11 sont tardifs et ne devraient pas être admis dans la procédure. L'objet de la revendication unique implique une activité inventive. Partant de l'exemple 4 de D1, l'homme du métier aurait choisi l'une des exemples 9 et 11 de D1 ayant une valeur "r moyen" selon la revendication unique mais une composition qui n'était pas couverte par cette revendication.
X. Requêtes
La requérante demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit révoqué.
L'intimée demande, à titre principal, le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base d'un des jeux de revendications déposées comme requêtes subsidiaires 1 à 6 avec sa lettre en réponse au mémoire de recours.
Motifs de la décision
1. Recevabilité des documents D6 et V4 à V11
1.1 Le document D6 a été déposé avec le mémoire de recours. Ce document concerne une norme industrielle et a été soumis afin d'illustrer une méthode pour déterminer l'élément "indice de grains" indiqué dans la revendication unique. La chambre ne voit aucune raison de ne pas admettre ce document (cf. article 12(4) RPCR).
1.2 Quant aux documents V4 à V11, ceux-ci n'ont été déposés qu'avec le courrier de la requérante daté du 8 février 2019, c.-à-d. après le dépôt du mémoire de recours et après la fixation de la date de la procédure. Leur admission relève donc de l'appréciation de la chambre (article 13(1) et (3) RPCR).
1.2.1 Les pièces V4 à V11 sont relatives à des essais effectués par la requérante entre décembre 2016 et juin 2017, c.-à-d. plus de 19 mois avant que ces pièces n'aient été déposées auprès de l'OEB.
Bien que des essais aient été annoncés dans le mémoire de recours, il n'y a, selon la chambre, aucune justification pour les déposer si tardivement. Il est peu convainquant que la "coordination" de la rédaction des rapports relatifs à ces essais ait pris plus de 19 mois.
De plus, ces pièces comprennent un grand nombre de pages (à aux seuls les rapports V4 et V5 comptent au total 89 pages) et sont d'une certaine complexité. Les admettre aurait alors soulevé des questions que l'intimée n'aurait pu raisonnablement traiter et vérifier et elle n'aurait pu refaire les essais sans que la procédure orale soit renvoyée à une date ultérieure. Le fait que la requérante ait signifié ces pièces à l'intimée en même temps que leur dépôt auprès de l'OEB est sans importance à cet égard.
Enfin, ces pièces ne sont pas pertinentes de prime abord. Selon la requérante, elles serviraient à montrer que l'homme du métier partant de D1 arriverait sans activité inventive à l'objet de la revendication unique. Or, les résultats contenus dans les pièces en question ne font pas partie de l'art antérieur et il ne peut être exclu que les résultats ont été obtenus en ayant recours à l'information contenue dans le brevet. Par ailleurs, les résultats suggèrent que seulement 66% des essais mènent à un indice de grain supérieur à 10. Pas tous les essais mènent à une valeur "r moyen" supérieure à 1,6 telle que requise par la revendication unique, ce qu'admet la requérante. En d'autres termes, ces essais suggèrent que l'homme du métier, partant de D1, n'arriverait pas nécessairement à l'objet revendiqué.
Pour ces raisons, la chambre n'a pas admis les documents V4 à V11 dans la procédure.
2. Requête principale - activité inventive
2.1 Le brevet concerne une tôle mince en acier à ultra-bas carbone pour la réalisation de produits emboutis d'emballage.
2.2 Selon la requérante, l'état de la technique le plus proche est représenté par l'exemple 4 de D1.
Les parties concordent sur ce que l'objet de la revendication s'en distingue en particulier par le coefficient de Lankford qui est supérieur à 1,6. En effet, la valeur de ce coefficient pour l'exemple 4 de D1 n'est que de 1,5 (voir le tableau 3, page 9).
L'intimée conteste cependant que l'élément "présentant une structure homogène à grains équiaxes" soit divulgué dans D1. Vu que l'objet de la revendication unique implique une activité inventive pour d'autre raisons (voir ci-dessous), il n'est pas nécessaire de statuer ni sur cet élément ni sur les documents D5 et D6 qui ont été soumis afin de prouver la divulgation implicite dans D1 et/ou l'évidence de l'élément concernant l'indice de grains.
2.3 Selon le brevet, le problème à résoudre était d'améliorer l'emboutissabilité de la tôle (paragraphe [0021]).
2.4 Conformément à la revendication unique de la requête principale, il est proposé de résoudre ce problème par une tôle mince en acier à ultra-bas carbone pour la réalisation de produits emboutis d'emballage caractérisée en particulier par un coefficient de Lankford ("r moyen") supérieur à 1,6.
2.5 Quant au succès de la solution, les parties concordent sur ce qu'une tôle ayant un coefficient de Lankford plus élevé possède une emboutissabilité améliorée. Ceci est en outre confirmé par le passage page 3, lignes 43 à 46, de D1 cité par la requérante. Il n'est par conséquent pas nécessaire de reformuler le problème à résoudre.
2.6 La question qui se pose enfin est de savoir si cette solution découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible pour l'homme du métier.
2.6.1 Parmi D1, D5 et D6, les documents de l'état de la technique cités par la requérante et admis par la chambre, seul D1 divulgue une valeur "r moyen" supérieure à 1,6. En particulier, les exemples 9 et 11 de D1 possèdent une valeur "r moyen" de 1,9 en même temps qu'un très faible coefficient d'anisotropie plane (Deltar ou DeltaC). En outre, selon D1 une valeur "r moyen" élevée et une valeur de Deltar près de zéro représentent une excellente emboutissabilité (page 3, lignes 43 à 46). Par conséquent, l'homme du métier, face au problème posé, aurait choisi des exemples de D1 qui, selon son enseignement, possèdent une emboutissabilité améliorée par rapport à celle de l'exemple 4. Il aurait alors choisi des exemples tels que les exemples 9 et 11 de D1. Or, il n'est pas contesté que ces exemples possèdent une composition différente de celle de la revendication unique. En d'autres termes, l'homme du métier ne serait pas arrivé à la solution proposée.
2.6.2 D'après la requérante, il était évident pour l'homme du métier de se poser comme but d'obtenir une valeur "r moyen" supérieure à 1,6, c.-à-d. des valeurs généralement désirables quand il s'agit d'obtenir une tôle pour l'emboutissage.
Néanmoins, il revient à la requérante de démontrer que l'homme du métier, partant de l'exemple 4 de D1, non seulement aurait été incité à obtenir une tôle ayant les propriétés revendiquées mais que l'état de la technique divulgue aussi des mesures pour y arriver tout en gardant la composition de l'exemple 4 de D1. La requérante n'est pas parvenue à cette démonstration.
2.6.3 Selon la requérante, l'homme du métier aurait été guidé par ses connaissances générales et aurait augmenté la valeur "r moyen" au-delà de 1,6 tout en gardant la composition selon l'exemple 4 de D1 et ainsi serait arrivé à l'objet de la revendication unique.
2.6.4 Lors de la procédure orale devant la chambre, la requérante a, pour la première fois, argumenté que, d'une part, l'homme du métier n'aurait pas choisi les compositions des exemples 9 et 11 de D1 comprenant des éléments de microalliages puisqu'il savait que ceux-ci possèdent des inconvénients tels leur usinage plus difficile (nécessité de recuire à température plus élevée et risque d'oxydation du titanium) et qu'il existe le risque de faciliter la contamination microbienne lors de leur utilisation en tant que matériaux pour des canettes de boissons. D'autre part, l'homme du métier avait d'autres moyens à sa disposition pour améliorer l'emboutissabilité de la tôle selon l'exemple 4 de D1 ou augmenter sa valeur "r moyen". Ainsi, il pouvait recuire à température plus élevée, ce qui découlait d'une comparaison des températures de recuit des exemples 5 et 4 de D1. Il pouvait encore influer sur la valeur "r moyen" par la manière dont l'étape de lamination à froid est employée.
2.6.5 La chambre rappelle que la priorité du brevet en litige date de 1997, c.-à-d. plus que vingt ans avant la procédure orale devant la chambre lors de laquelle la requérante a, pour la première fois, fait valoir des connaissances générales de l'homme du métier telles qu'énoncées aux points 2.6.3 et 2.6.4 ci-dessus. Or, la requérante n'a pas fourni de preuve pour de telles connaissances générales à la date effective du brevet en litige. En l'absence de telles preuves et au vu de l'enseignement de D1, la chambre ne peut accepter l'argument que l'homme du métier n'aurait pas suivi cet enseignement et n'aurait pas choisi les exemples 9 et 11 de D1 afin de résoudre le problème posé. Cet argument relève plutôt d'une analyse a posteriori. Par ailleurs et comme l'admet la requérante elle-même, bien que l'exemple 5 de D1 montre qu'une augmentation de la température de recuit mène à une valeur "r moyen" plus élevée (1,6 comparé à 1,5 pour l'exemple 4), l'homme du métier n'aurait pas augmenté davantage la température de recuit afin d'éviter des phénomènes de recristallisation. L'augmentation de la température de recuit n'aurait par conséquent pas permis à l'homme du métier d'obtenir une tôle selon la revendication unique qui requiert une valeur "r moyen" supérieure à 1,6.
2.6.6 Il résulte de ce qui précède que la revendication unique de la requête principale est considérée comme satisfaisant à la condition d'activité inventive requise dans l'article 56 CBE.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.