European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T208816.20190723 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 23 Juillet 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 2088/16 | ||||||||
Numéro de la demande : | 09768146.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 9/00 A61K 31/00 A61K 9/08 A61K 47/12 A61K 47/10 A61K 47/18 A61K 8/03 A61Q 19/08 A61P 17/00 |
||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | Composition injectable a base d'acide hyaluronique ou l'un de ses sels, de polyols et de lidocaïne, stérilisée à la chaleur | ||||||||
Nom du demandeur : | ANTEIS S.A. | ||||||||
Nom de l'opposant : | Laboratoires Vivacy ALLERGAN, INC. |
||||||||
Chambre : | 3.3.07 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Modifications - admises (oui) Activité inventive - (oui) |
||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 2 349 203 a été délivré sur la base de 15 revendications.
II. Deux oppositions ont été formées contre le brevet délivré aux motifs de l'article 100(a) CBE, pour absence de nouveauté et d'activité inventive, de l'article 100(b) CBE pour divulgation insuffisamment claire et complète de l'invention pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, et de l'article 100(c) CBE pour extension de l'objet de brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
III. Par la décision prononcée à la clôture de la procédure orale du 13 avril 2016 la division d'opposition a décidé de maintenir le brevet sous forme modifiée. La décision était basée sur le jeu de revendications déposé comme requête principale durant la procédure orale.
Le libellé de la revendication indépendante 1 de la requête principale s'énonçait comme suit:
"1. Composition aqueuse injectable sous forme de gel, utilisée dans des buts esthétiques ou dans des buts thérapeutiques, à base d'acide hyaluronique ou l'un de ses sels, d'un ou plusieurs polyol(s) et de lidocaïne, ayant subi une stérilisation à la chaleur qui a pour effets une amélioration des propriétés rhéologiques de viscoélasticité et une amélioration de la rémanence in vivo, par rapport à un gel sans polyol et sans lidocaïne, caractérisé en ce que le gel à base d'acide hyaluronique ou l'un de ses sels est réticulé."
IV. Les documents suivants cités au cours de la procédure d'opposition restent pertinents:
D1: WO 98/41171 A1
D2: WO 2007/077399 A2
D3: WO 2008/068297 A1
D12: WO 2008/088381 A2
D14: WO 2010/136694 A2
D15: WO 2005/067994
D19: WO 2004/073759 A1
D27b: "Supplementary tests" soumis par par lettre du 20 juillet 2012
D29: Summary of various comparative tests performed by Vivacy (opponent 01)
D29a-d: Detailed description of the various tests performed
D30: Summary of tests performed by Anteis SA (patent proprietor)
D31: "Additional comparative tests" soumis le 12 février 2016 par Anteis SA (patent proprietor)
D32: Synthèse des tests réalisés par Antéis
V. Dans sa décision, la division d'opposition avait considéré que la requête principale remplissait les critères de l'article 123(2) CBE, puisque la revendication 1 se basait sur les revendications 1 et 7 telles qu'initialement déposées et les revendications 2-13 se basaient sur les caractéristiques des revendications 2-5 et 8-15 comme initialement déposées.
Le jeu de revendication ne pouvaient introduire pas de nouvelles objections sous l'article 84 CBE, puisque émanant des revendications 1 et 7 telles que délivrées.
La division d'opposition avait aussi considéré que l'homme du métier était en mesure d'exécuter l'invention sur toute la portée de la revendication. Au vu des essais contradictoires D29 fournis par l'opposante 01, la division d'opposition avait estimé que le bénéfice du doute profitait au titulaire du brevet.
En ce qui concernait la nouveauté, D14 ne pouvait être pertinent car la priorité du brevet contesté était valide et que ce document était publié trop tard. D12 n'était pas non plus valide, car des sélections multiples dans ce document étaient nécessaires pour arriver à l'objet revendiqué.
Partant de D15 comme état de la technique le plus proche, deux différences avaient été identifiées, à savoir l'ajout de polyol pour stabiliser le gel ainsi que l'ordre dans lequel l'étape de stérilisation à la chaleur se faisait. L'effet provenant de ces différences était l'obtention d'un gel stérile injectable à dégradation thermique moindre. Le problème était de fournir un gel stérile injectable d'acide hyaluronique et de polyol avec une thermostabilité améliorée. Aucun des documents cités, dont D2, D1 ou D15 n'incitaient à procéder à une telle séquence d'opération. Par ailleurs la division d'opposition avait considéré que le problème identifié avait été plausiblement résolu sur toute la portée de la revendication, au vu de l'exemple du brevet de D27b et D31. La requête principale remplissait ainsi les critères de l'article 56 CBE.
VI. Les opposantes 01 et 02 (ci-après les requérantes 01 et 02) ont formé un recours contre cette décision.
VII. Par une lettre datée du 24 avril 2017, la titulaire (ci-après l'intimée) a soumis les requêtes subsidiaires 1 à 8.
VIII. Aux fins de la préparation de la procédure orale, la Chambre a envoyé une notification datée du 21 mai 2019. Dans cette notification, la Chambre a exprimé un avis préliminaire positif quant à la validité des amendements, la suffisance de description et l'activité inventive de la requête principale.
IX. Par lettre datée du 27 juin 2019, la requérante 01 retirait son recours et informait la Chambre et les parties qu'elle ne participerait pas à la procédure orale.
X. La procédure orale s'est tenue le 23 juillet 2019 en présence de l'intimée et de la requérante 02.
XI. Les arguments suivants ont été avancés par la requérante 02:
Requête princiale - Amendements
L'expression "par rapport à un gel sans polyol et sans lidocaïne" présent dans la revendication 1 de la requête principale n'était pas dérivable directement et sans équivoques de la demande telle que déposée. Les divulgations en page 3, lignes 22, page 4, lignes 7 et 12-17 et page 5, lignes 1-6 et 10-11 de la demande telle que déposée se rapportaient à un gel d'acide hyaluronique seul, et non à ses sels, et ne pouvait constituer une base pour cette caractéristique.
Requête principale - Suffisance de description
L'opposante 01, partie de droit à la procédure, était d'avis que le contenu du brevet ne permettait pas à l'homme du métier d'obtenir les effets revendiqués, c'est à dire une amélioration des propriétés rhéologiques de viscoélasticité et une amélioration de la rémanence in vivo. Ceci était démontré par les essais D29, qui montraient que la lidocaïne avait toujours pour effet de sensibiliser les compositions comprenant un ou plusieurs polyols lors de la stérilisation à la chaleur. Cette dégradation était si importante que les compositions finales de HA-lidocaïne-polyol avait une valeur G' après stérilisation moins importante qu'une composition témoin à base d'acide hyaluronique seule.
En outre, le brevet n'indiquait pas les conditions de réticulations de l'acide hyaluronique.
La requérante 02 n'avait pas objecté ou commenté une insuffisance de description du brevet.
Requête principale - Activité inventive
D15 était l'état de la technique le plus proche, et la seule différence entre l'objet revendiqué et la divulgation de D15 était la présence de polyol(s). Les essais comparatifs du brevet ne reproduisaient pas exactement la composition selon D15, puisque ne comptant pas moins de 6 différences entre la composition de l'exemple 21 de D15 et les compositions testées dans D27b. Le même argument s'appliquait aux essais de D31.
Le problème ne pouvait qu'être reformulé comme la mise à disposition d'une composition alternative. La solution était évidente au vu de D2, D3 ou D19.
Par ailleurs, la revendication 1 de la requête principale était une revendication de type produit-par-procédé et c'est le produit qui devait être inventif et non le procédé. Les avantages présentés concernaient le procédé et non le produit final revendiqué et obtenable par le procédé. Le paramètre G' mesuré par les essais était dépendant de facteurs, tel que le poids moléculaire de l'acide hyaluronique et son degré de réticulation initial. Le document D15 montrait ainsi un paramètre G' mesuré bien plus élevé que les essais du brevet, de D27b ou D31, et que la stérilisation avait également un effet. La stérilisation par la chaleur tendait à dépolymériser l'acide hyaluronique et à diminuer la valeur du paramètre G'; la diminution relative du paramètre G' n'était pas un effet qui pouvait être pris en compte, car dépendante grandement de la température de stérilisation et d'autres facteurs qui n'étaient pas présents dans la revendication 1. Il n'y avait aucune évidence d'un effet se rapportant au produit final revendiqué et donc pour cette raison le problème à résoudre ne pouvait q'être la mise à disposition d'un gel d'acide hyaluronique alternatif.
En outre, même si le problème devait être redéfini comme la mise à disposition d'un gel amélioré, la solution était évidente au vu de D2, qui suggérait l'addition d'un polyol pour stabiliser l'acide hyaluronique.
L'opposante 01 avait aussi considéré que l'étape de stérilisation ne devait pas être prise en compte pour l'appréciation de l'activité inventive. En outre, elle considérait également D2 comme état de la technique le plus proche.
XII. Les arguments suivants ont été avancés par l'intimée:
Requête principale - Amendements
L'expression "par rapport à un gel sans polyol et sans lidocaïne" était dérivable directement des passages en page 3, lignes 22, page 4, lignes 7 et 12-17 et page 5, lignes 1-6 et 10-11 de la demande telle que déposée.
Requête principale - Suffisance de la description
L'exemple 1 du brevet contesté et les essais D29b et D31 montraient que l'effet revendiqué était atteint. Quant aux conditions de réticulations de l'acide hyaluronique, les conditions étaient connues de l'homme du métier et indiquées également dans la description par un document de référence.
Requête principale - Activité inventive
D15 était l'état de la technique le plus proche, et le problème à résoudre vis-à-vis de D15 était la mise à disposition d'une composition injectable sous la forme d'un gel réticulé d'acide hyaluronique et de lidocaïne ayant une stabilité thermale améliorée. Les essais D27b et D31 et l'exemple 1 du brevet prouvaient l'existence de cet effet. Une combinaison avec l'enseignement de D2, D3 ou D19 ne pouvait arriver à l'objet revendiqué et la requête principale était inventive pour cette raison. D2 en particulier se rapportait à un acide hyaluronique non-réticulé, et ne donnait aucune indication que le gel pouvait être stabilisé par l'ajout d'un polyol.
XIII. Requêtes
La requérante 02 et l'opposante 01, partie de droit à la procédure de recours, ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée a demandé le rejet du recours et, à défaut le maintien du brevet sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 8 telles que soumises avec la lettre du 24 avril 2017.
Motifs de la décision
1. Requête principale - Amendements
Le terme "par rapport à un gel sans polyol et sans lidocaïne" a été objecté par la requérante 02 au titre de l'article 123(2) CBE, en particulier parce que il ne s'appliquait qu'à l'acide hyaluronique seul et non à ses sels.
Une base explicite pour ce terme se trouve en page 3 ligne 22 de la demande telle que déposée initialement. Ledit passage mentionne:
"On a maintenant découvert que l'ajout d'un polyol et de lidocaïne dans un gel à base d'acide hyaluronique, qu'il soit non réticulé ou réticulé, greffé ou non greffé, réticulé et greffé, suivi d'une stérilisation de cette formulation à la chaleur, permet (par rapport à un gel sans polyol et sans lidocaïne):..."
Même si ledit passage fait référence à l'acide hyaluronique seul (et non ses sels), il est évident que l'invention et l'enseignement général de la demande telle que déposée se rapporte également aux sels d'acide hyaluronique. Le premier paragraphe de la demande telle que déposée en page 1 exposant la portée de l'invention ainsi que la revendication 1 telle que déposée se rapportent ainsi explicitement à une composition aqueuse injectable sous forme de gel, "à base d'acide hyaluronique ou l'un de ses sels" et non à l'acide hyaluronique en tant que tel seulement.
L'application de la caractéristique "par rapport à un gel sans polyol et sans lidocaïne" à un gel comprenant de l'acide hyaluronique ou l'un de ses sels est donc divulguée et dérivable directement et sans équivoque de la demande telle que déposée.
La requête principale remplit les conditions de l'article 123(2) CBE.
2. Requête principale - Suffisance de description
2.1 L'opposante 01 (partie de droit à la procédure) a objecté dans ses écritures une insuffisance de description quant aux conditions de réticulation et à l'effet revendiqué, en l'occurrence "ayant subi une stérilisation à la chaleur qui a pour effets une amélioration des propriétés rhéologiques de viscoélasticité et une amélioration de la rémanence in vivo, par rapport à un gel sans polyol et sans lidocaïne".
2.2 Dans sa notification, la Chambre avait émis l'avis que l'invention était suffisamment décrite et donc que le brevet exposait l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, confirmant en ceci la décision de la division d'opposition.
2.3 L'opposante 01 avait retiré son recours en réponse à l'avis préliminaire de la Chambre et n'a donc pas contesté l'avis argumenté émis par la Chambre. En l'absence de réaction de l'opposante 01 à cet avis préliminaire, la Chambre ne voit aucune raison de remettre en cause la décision de la division d'opposition sur ce motif.
2.4 La requérante 02 n'a, par ailleurs, pas objecté le brevet quant à la suffisance de description et n'a pas commenté ce motif.
2.5 Il en résulte que la décision de la division d'opposition sur ce motif est confirmée et que les exigences de l'article 100(b) CBE sont remplies.
3. Requête principale - Activité inventive
3.1 L'invention concerne une composition aqueuse injectable sous forme de gel à base d'acide hyaluronique réticulé (HA) ou l'un de ses sels, d'un ou plusieurs polyol(s) et de lidocaïne, la composition étant stérilisée à la chaleur présentant des propriétés rhéologiques améliorées et une longue rémanence in vivo, pour une utilisation dans des buts esthétiques ou dans des buts thérapeutiques.
3.2 Le document D15 a été considéré comme état de la technique le plus proche par la division d'opposition dans sa décision. Ce document se rapporte à l'utilisation d'acide hyaluronique réticulé (HA) pour augmentation tissulaire. La composition peut comprendre de la lidocaïne pour accroître les propriétés d'élasticité de la composition, exprimées par le paramètre d'élasticité G' et est stérilisée (voir pages 12, 13, 17, exemple 21 et Figure 7); D15 mentionne en particulier que l'ajout de lidocaïne à une composition comprenant 0.1% en poids d'acide hyaluronique permet d'obtenir une composition ayant une valeur du paramètre G' par rapport à une composition non-stabilisée par la lidocaïne plus élevée au moins d'environ 110%, voire 120%, 150% ou et de préférence au moins environ 175% (voir page 17, premier par.). Ce document ne mentionne pas l'ajout de polyol, qui constitue l'unique différence avec la composition revendiquée par la requête principale.
Le document D2 a également été mentionné comme état de la technique le plus proche, en particulier par l'opposante 01 qui a retiré son recours. Ce document décrit l'association d'acide hyaluronique et de glycérol sous forme d'un gel pour usage dermatologique et une stérilisation ce qui augmente la viscosité (voir rev. 1). L'acide hyaluronique n'est pas sous forme réticulée dans D2. L'objet revendiqué comporte donc moins de caractéristiques en commun avec l'objet revendiqué et le choix de D15 comme état de la technique le plus proche par la division d'opposition est donc fondé.
3.3 Selon l'intimée, le problème à résoudre est la mise à disposition d'une composition aqueuse injectable sous la forme d'un gel comprenant de l'acide hyaluronique réticulé et de la lidocaïne ayant une stabilité thermale améliorée.
La requérante 02 définit le problème comme la mise à disposition d'une composition d'acide hyaluronique alternative sous la forme d'un gel.
3.4 L'intimée a mis en avant l'exemple 1 du brevet ainsi que le contenu des essais D27b et D31 pour démontrer l'existence d'une amélioration de la stabilité thermique.
L'amélioration de la stabilité thermique est exprimée par la mesure des propriétés rhéologiques, en particulier par la mesure du paramètre rhéologique d'élasticité G'. Selon le brevet contesté, ledit paramètre G' subit une diminution significativement moins forte après stérilisation dans les compositions selon l'invention, par rapport à une composition ne comprenant pas de lidocaïne et/ou de polyol. La composition selon l'invention possède ainsi après stérilisation une plus forte élasticité et une meilleure capacité du gel à créer du volume.
3.4.1 L'exemple 1 du brevet en cause montre de façon plausible que le paramètres G' et G'' d'une composition selon l'invention B sont plus élevés après stérilisation par rapport à une composition C ne contenant que des polyols et d'une composition D sans polyol et lidocaïne.
3.4.2 Les essais D27b et D31 sont résumés dans le tableau du document de synthèse D32 comme montré ci-dessous.
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
Les essais 2.1 et 2.2 dont la source est D27b, et les essais 2.5 et 2.6 provenant de D31 montrent ainsi sans équivoque que l'ajout d'un polyol améliore la valeur G' après l'étape de stérilisation, et donc la stabilité de la composition, par rapport à une composition comprenant uniquement de l'acide hyaluronique réticulé et de la lidocaïne.
Les essais résumés dans D32 mettent en évidence que l'effet d'amélioration de la stabilité thermique lié à l'addition d'un polyol comme avancé par l'intimée, en particulier en ce qui concerne les propriétés d'élasticité du gel, est démontré et bien réel.
3.4.3 Ces résultats semblent être infirmés par les essais D29, qui avaient été déposés par l'opposante 01 en procédure d'opposition et qui ont été discutés pendant la procédure d'opposition.
Les essais D29 montrent en effet qu'une composition selon l'invention comprenant du HA - lidocaïne - polyol affiche systématiquement des paramètres G' et G'' inférieur à celui d'une composition sans lidocaïne, sans polyol, ou même sans lidocaïne et polyol(s) après stérilisation. Ces essais semblent ainsi contredire ainsi l'influence de la lidocaïne et/ou des polyols quant à une amélioration des propriétés rhéologiques après stérilisation thermique, en particulier de l'élasticité exprimée par le paramètre G'.
Aucune des parties n'a fourni d'explications techniques quant à l'origine des résultats contradictoires entre les tests D29 et les tests D27b et D31.
Il apparaît cependant que les essais D29 contredisent également l'enseignement technique du document D15, utilisé comme état de la technique le plus proche. D15 montre en effet qu'une composition de HA et lidocaïne stérilisée montre des valeurs de G' supérieures à une composition sans lidocaïne (voir D15, exemple 21 et Figure 7), alors que D29 montre le contraire (voir Tableaux 15 et 16 de D29 et Tableaux A et B de D29B).
En outre, la Chambre ne voit en particulier aucune raison de remettre en cause techniquement les essais et les résultats affichés dans D27b et D31.
Au vu des points ci-dessus, en particulier surtout des résultats contradictoires également affichés par les essais D29 vis-à-vis de l'enseignement de l'état de la technique D15, les essais D29 perdent en crédibilité et/ou en exploitabilité et ne peuvent remettre en cause de façon crédible l'existence d'une amélioration d'une stabilité thermique d'un gel d'acide hyaluronique réticulé par l'ajout d'un polyol et/ou de lidocaïne. La division d'opposition était déjà arrivé à la même conclusion quant à la suffisance de description en accordant le bénéfice du doute à la titulaire du brevet contesté, sur la seule base des exemples du brevet contesté et des essais D27b et D31, sans même tenir compte de l'enseignement de D15.
3.4.4 La Chambre ne peut également suivre les arguments de la requérante 02 qui conteste la validité des essais comparatifs, car ne reproduisant pas exactement l'exemple 21 de D15, et qui considère que la prétendue amélioration est liée au procédé de préparation et non au produit final revendiqué. La requérante 02 met en outre en avant l'impossibilité de comparer les paramètres G' observés dans les essais D27b et D31, voire dans de l'exemple 21 de D15, au vu de la grande disparité des valeurs G' obtenues selon les compositions testées.
Tout d'abord, des essais comparatifs ne nécessitent pas d'être des comparaisons parfaites entre des compositions reproduisant parfaitement les compositions selon l'état de la technique le plus proche. Il suffit que lesdits essais démontrent crédiblement l'existence d'un effet lié à la caractéristique différentielle entre la composition revendiquée et la composition de l'état de la technique le plus proche. En cela, les comparaisons résumées dans le document D32, correspondant aux essais D27b et D31, répondent parfaitement à ces exigences, puisque comparant des compositions de type HA-lidocaïne-polyol à des compositions de type HA-polyol.
Ensuite, si la composition de la revendication 1 de la requête principale est bien revendiquée sous la forme d'un produit par procédé, en l'occurrence une composition telle que définie "ayant subi une stérilisation à la chaleur", cette composition possède des propriétés et structures intrinsèques propres qui lui sont conférées par le procédé de stérilisation par la chaleur. La dégradation thermique se traduit par une altération des propriétés de viscoélasticité exprimée par une diminution de valeur du paramètre G'. L'ajout d'un polyol et/ou de lidocaïne permet d'atténuer cette diminution de la propriété de viscoélasticité, et cette atténuation est bien une propriété intrinsèque du produit final qui lui a été conférée par le procédé de stérilisation, et qui correspond à un changement structurel du gel comprenant l'acide hyaluronique. Les essais comparatifs comparent donc bien un produit initial avec un produit final dont les caractéristiques physiques sont différentes, et l'amélioration constatée est bien liée au au produit final revendiqué.
Par ailleurs, comme l'a souligné la requérante 02, même s'il est évident que la valeur du paramètre G' du produit final est une résultante, entre autres, des paramètres du procédé de stérilisation utilisé, ceci se traduisant par des valeurs de G' du produit final différentes selon la durée de stérilisation choisie, cette différence de valeur du paramètre G' des compositions finales n'est pas un phénomène inattendu. Les conditions de stérilisation varient en effet entre 10 et 30 minutes selon les conditions expérimentales décrites dans D32, et les variations de mesure du paramètre G' induites par ces conditions sont logiques, puisque on constate que l'allongement de la durée de stérilisation réduit la valeur final du paramètre G' comme l'on pouvait s'y attendre, car impliquant une dégradation accrue des propriétés intrinsèques de l'acide hyaluronique (voir D32, exemples 2.1, 2.2 et 2.5, 2.6). Au final, ce que l'homme du métier retient des essais résumés dans D32 est qu'une composition initiale particulière subissant une stérilisation par la chaleur particulière produit de façon constante une composition finale ayant une valeur du paramètre G' inférieure à celle de la composition initiale mais supérieure à celle d'une composition finale ne comportant pas de polyol et/ou de lidocaïne.
Enfin, il n'est pas possible de douter de la validité d'essais comparatifs, parce que des valeurs croisées d'un paramètre varient pour différentes compositions initiales et finales. Il est évident qu'un paramètre reste particulier pour une composition particulière, et ne peut être comparé au paramètre d'autre compositions particulières, comprenant des constituants alternatifs à des concentrations différentes ou ayant subi un protocole de stérilisation différent.
3.4.5 Le problème à résoudre est donc bien celui proposé par l'intimée, à savoir la mise à disposition d'une composition aqueuse injectable sous la forme d'un gel comprenant de l'acide hyaluronique réticulé et de la lidocaïne ayant une stabilité thermale améliorée, en particulier en ce qui concerne le caractère élastique de la composition.
3.5 Comme solution à ces problèmes, la revendication 1 de la requête principale propose une composition comprenant en particulier un ou plusieurs polyol(s).
3.6 La question qui se pose ensuite est de savoir si la solution revendiquée découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible pour l'homme du métier.
3.6.1 D2 divulgue notamment que l'addition d'une faible quantité, de l'ordre de 0,5 à 5 % poids/volume, d'un alcool visqueux biocompatible entraîne une augmentation importante de la viscosité d'une solution de polysaccharide d'origine naturelle, stabilise cette solution pendant la stérilisation et maintient des propriétés visqueuses particulièrement intéressantes pour le rajeunissement du tissu cutané; des exemples de tels alcools sont notamment le glycérol et le laurylsulfate de polyéthylèneglycol (voir page 2).
Le document D2 se rapporte cependant à des gels comprenant de l'acide hyaluronique non réticulé alors que la composition de la revendication 1 de la requête principale concerne de l'acide hyaluronique réticulé. Il est évident pour l'homme du métier qu'une stérilisation par la chaleur conduit à une dégradation thermique potentiellement plus important pour un polymère réticulé que pour le même polymère non-réticulé et qu'un effet stabilisateur constaté sur le polymère non-réticulé ne peut être extrapolé vers le polymère réticulé, qui a une structure intrinsèquement plus fragile.
Par ailleurs, D2 mentionne de façon très générique une stabilisation pendant la stérilisation, et se réfère ensuite plus particulièrement au maintien des propriétés visqueuses. Le problème selon l'invention réside, de son coté, spécifiquement en une stabilisation quant au caractère élastique de la composition. Les deux propriétés sont techniquement distinctes puisque le caractère de la viscosité mentionné par D2 a trait la résistance à l'écoulement, alors que le caractère élastique a trait à la résistance à la déformation. Encore une fois, un effet sur le maintien de la viscosité ne peut être extrapolé vers un effet sur le maintien de l'élasticité d'une composition.
Dans ces circonstances, l'homme du métier à la recherche d'une solution au problème tel que défini ci-dessus n'aurait pas été conduit par l'enseignement technique du document D2 à utiliser un polyol selon la revendication 1 de la requête principale.
3.6.2 Les autres documents mentionnés dans la procédure ne sont pertinents non plus:
- Le document D3 décrit la préparation de gels d'acide hyaluronique réticulé pouvant comprendre du mannitol comme agent anti-oxydant (page 7).
- D19 mentionne l'ajout de mannitol à une solution injectable d'acide hyaluronique pour diminuer le risque de réactions inflammatoires locales (voir page 3).
3.7 Il en ressort que la solution proposée par l'objet de la revendication 1 de la requête principale n'est pas évidente et doit être considéré comme impliquant une activité inventive.
3.8 Par conséquent, les conditions de l'article 56 CBE sont remplies pour la requête principale.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.