T 1906/16 (Compositions cosmétiques détergentes comprenant une silicone aminée … of 20.3.2019

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2019:T190616.20190320
Date de la décision : 20 Mars 2019
Numéro de l'affaire : T 1906/16
Numéro de la demande : 09163365.1
Classe de la CIB : A61K 8/44
A61K 8/46
A61K 8/898
A61Q 5/02
A61Q 5/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Compositions cosmétiques détergentes comprenant une silicone aminée et utilisation
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Henkel AG & Co. KGaA
Kao Germany GmbH
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Activité inventive - (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n° 2 143 416 a été délivré sur la base de 15 revendications.

Le libellé de la revendication indépendante 1 s'énonçait comme suit:

"1. Composition cosmétique détergente, caractérisée par le fait qu' elle comprend, dans un milieu aqueux cosmétiquement acceptable,

(A) un ou plusieurs tensioactifs anioniques sulfate ou sulfonate,

(B) un ou plusieurs tensioactifs amphotères et

(C) une ou un mélange de silicones aminées de formule (I) ou (II) suivante,

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

dans laquelle :

m et n sont des nombres tels que la somme (n + m) peut varier notamment de 1 à 1000 et en particulier de 50 à 250 et plus particulièrement de 100 à 200,

n pouvant désigner un nombre de 0 à 999 et notamment de 49 à 249 et plus particulièrement de 125 à 175 et m pouvant désigner un nombre de 1 à 1 000, et notamment de 1 à 10 et plus particulièrement de 1 à 5,

R1 identiques ou différents, représentent un radical hydroxy ou alcoxy en C1 -C4 ,

De préférence le radical alcoxy est un radical méthoxy,

une partie au moins des radicaux R1 de la silicone ou du mélange de silicones de formule (I) désignant un radical alcoxy

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

dans laquelle :

p et q sont des nombres tels que la somme (p + q) peut varier notamment de 1 à 1000 et en particulier de 50 à 350, et plus particulièrement de 150 à 250,

p pouvant désigner un nombre de 0 à 999 et notamment de 49 à 349 et plus particulièrement de 159 à 239 et q pouvant désigner un nombre de 1 à 1 000, et notamment de 1 à 10 et plus particulièrement de 1 à 5;

R1 représente un radical hydroxy ou alcoxy en C1 -C4 ,

une partie au moins des radicaux R1 de la silicone ou du mélange de silicones de formule (II) désignant un radical alcoxy,

le rapport en poids tensioactif amphotère / tensioactif anionique sulfate ou sulfonate allant de 1 à 2,

la quantité totale de tensioactifs représentant de 4 % à 35 % en poids par rapport au poids total de la composition finale."

II. Deux oppositions ont été formées contre le brevet délivré. Le brevet a été opposé aux motifs de l'article 100(a) CBE, pour absence d'activité inventive.

III. Par la décision prononcée à la clôture de la procédure orale du 11 mai 2016, la division d'opposition a décidé de rejeter les oppositions (article 101(2) CBE).

IV. Les documents suivants, cités au cours de la procédure d'opposition, restent pertinents:

D1 : EP 1504749 (9 février 2005)

D3: Wacker-Belsil ADM Grades, Présentation de la

société Wacker

D4: EP 1136066 (26 septembre 2001)

D6: EP 1464321 (6 octobre 2004)

D7: EP 1312335 (21 mai 2003)

V. Dans sa décision, la division d'opposition avait considéré D3 comme état de la technique le plus proche, au détriment de D1, D4, D6 et D7. En effet, la division d'opposition était de l'avis qu'aucun des documents D1, D4, D6 ou D7 ne pouvaient constituer l'état de la technique le plus proche.

D3 était une présentation de l'entreprise Wacker, publiée en 2005, décrivant en particulier des shampoings conditionnants et l'utilisation des silicones aminées telles que décrites dans le brevet dans des compositions détergentes capillaires.

La différence entre la composition de la revendication 1 du brevet et celles décrites dans D3 était le rapport en poids tensioactif amphotère/tensioactif anionique sulfate ou sulfonate, qui allait de 1 à 2 dans la revendication 1 du brevet, au lieu de 0,14 dans D3. L'effet de cette différence technique était que les cheveux teints artificiellement avec de telles compositions présentaient une meilleure ténacité de la couleur lors de shampoings répétés, comme démontré par les tests comparatifs à la page 9 du brevet. Aucune incitation à modifier ce rapport ne pouvait être déduit de D3, ni du document D4. L'objet de la revendication 1 du brevet contesté impliquait une activité inventive.

VI. L'opposante 01 (ci-après la requérante) a formé un recours contre cette décision.

VII. Aux fins de la préparation de la procédure orale planifiée pour le 21 février, la Chambre a envoyé une notification dans laquelle elle a exprimé un avis préliminaire positif quant à l'activité inventive.

VIII. La titulaire (ci-après l'intimée), la requérante et l'opposante 02, partie de droit à la procédure, ont toutes informé la Chambre de leur non-participation à la procédure orale.

IX. Par une notification datée du 19 février 2019, la procédure orale prévue le 21 février 2019 était annulée par la Chambre.

X. Les arguments suivants ont été avancés par la requérante et par la partie de droit à la procédure dans leurs écritures:

Le but du brevet contesté était d'améliorer la ténacité des colorations directes ou d'oxydation, en particulier vis à vis des shampooings (voir par. [0007]-[0008]).

La requérante voyait les documents D1 ou D4 comme possibles états de la technique le plus proche. Elle était en désaccord avec la division d'opposition qui n'avait pas retenu ces documents, comme également D6 et D7, comme potentiels états de la technique le plus proche.

D1 divulguait dans l'exemple 5 une composition de shampoing comprenant de la cetyle PEG/PPG dimethicone au lieu de la silicone revendiquée. Comme aucun test experimental n'avait été fourni par la titulaire permettant une comparaison avec la composition revendiquée, le problème devenait la mise à disposition d'une composition de shampoing alternative. L'homme du métier aurait combiné l'enseignement de D1 avec celui de D3 pour répondre à ce problème, d'où un manque d'activité inventive.

D4 divulguait dans les exemples 1A, 2, 3, et 4 des compositions de shampoings comprenant une trimethylsilyl amodimethicone. Le problème était soit la mise à disposition d'une composition alternative ou permettant une amélioration de la protection quant à la coloration des cheveux. La solution était évidente au vu de D3 qui proposait les silicones revendiquées dans ce but.

XI. Les arguments suivants ont été avancés par l'intimée dans ses écritures:

L'intimée partage l'opinion de la division d'opposition sur le fait que D3 devait être considéré comme état de la technique le plus proche. Le problème technique à la base de la présente invention était l'obtention de compositions capillaires de nettoyage des cheveux qui ne conduisent pas à un affadissement de la couleur des cheveux teints, au fur et à mesure des lavages répétés. En d'autres termes, la présente invention concernait des shampoings qui protégeaient la couleur des cheveux teints, c'est-à-dire qui permettait auxdits cheveux teints de conserver leur couleur artificielle, même après plusieurs lavages. Seul le document D3 mentionnait un problème technique similaire, à savoir la protection de la couleur des cheveux (page 7), et devait être considéré comme l'état de la technique le plus proche pour cette raison.

Le document D1 était relatif à des compositions colorantes des cheveux, et plus précisément à des shampoings qui contenait des colorants directs. Le document D4 concernait des shampoings comprenant des silicones mais était totalement silencieux quant à la protection de la couleur des cheveux teints. Ni D1, ni D4 ne pouvaient constituer l'état de la technique le plus proche.

La différence avec l'état de la technique le plus proche D3 était le ratio revendiqué, le problème technique objectif était la protection de la couleur, et la solution n'était suggérée dans aucun des documents cités dans la procédure.

XII. Les requêtes

La requérante et la partie de droit à la procédure ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée a demandé le rejet du recours.

Motifs de la décision

Requête principale - Activité inventive

1. L'invention concerne des compositions destinées au nettoyage et à la protection de la couleur des fibres kératiniques telles que les cheveux (voir par. (0001)). Ces compositions permettent de protéger la couleur artificielle de l'effet de lavages répétés, et d'améliorer la ténacité des colorations directes ou d'oxydation, ceci dans des conditions douces compatibles avec les cheveux colorés.

2. La requérante a considéré les documents D1 ou D4 comme états de la technique le plus proche, alors que la division d'opposition avait écarté ces documents dans sa décision et basé sa décision sur le document D3.

La requérante était également critique quant à la décision de la division d'opposition de ne pas considérer D6 ou D7.

2.1 D1 se rapporte à des compositions colorantes des cheveux contenant des colorants directs et un agent conditionnant qui est le cetyl dimethicone polyol. L'exemple 5 décrit une composition colorante comprenant 3,5% en poids de disodium lauryl ether sulfosuccinate, 7,0% en poids de cocoamidopropyl betaïne, et 0,5% en poids de cetyl dimethicone polyol. Ce document ne décrit pas l'utilisation d'une silicone aminée selon la présente invention et se rapporte à une composition colorante des cheveux, et donc vise un but totalement différent.

2.2 D4 concerne des shampoings comprenant des silicones différentes des silicones aminées selon l'invention, 13,3% en poids de cocoamidopropyl betaïne et 9,5% en poids de sodium trideceth sulfate (voir exemples 1A, 2, 3 et 4). Ce document ne mentionne pas la protection de la couleur des fibres kératiniques comme potentielle propriété ou utilisation desdits shampoings.

2.3 D6 concerne des compositions de coloration pour les cheveux comprenant un colorant fluorescent et une silicone aminée. Ce document se rapporte à une composition présentant une bonne affinité tinctoriale pour les matières kératiniques ainsi que des bonnes propriétés de ténacité vis-à-vis des agents extérieurs, en particulier des shampooings. Dans D6, il s'agit donc d'une composition tinctoriale et non d'une composition de nettoyage qui protège une coloration artificielle qui est déjà présente sur les cheveux.

2.4 D7 se rapporte à une composition cosmétique conditionnante capillaire comprenant une silicone aminée selon l'invention; l'exemple 1 comprend également un tensioactif amphotère at un tensioactif sulfate avec un rapport en poids tensioactif amphotère/tensioactif anionique sulfate inférieur à 1. Il n'y a aucune mention ou indication dans D7 d'un possible effet protecteur pour les cheveux artificiellement teints.

2.5 D3 divulgue l'utilisation de silicones aminées selon l'invention dans des compositions permettant entre autres la protection des couleurs des fibres kératiniques (voir page 7). Les compositions divulguées comprennent en outre 67.92% en poids de Genapol LRO comprenant 26.5% de sodium laureth sulfate, et 8.33% en poids de Genagen CAB 818 comprenant 30% de cocoamidopropyl betaïne (voir page 15). Les compositions décrites dans D3 présentent donc un rapport en poids tensioactif amphotère/tensioactif anionique sulfate ou sulfonate de l'ordre de 0,14 au lieu de 1 à 2 dans la revendication 1 du brevet. Ce rapport constitue la seule différence entre l'objet de la revendication 1 et la divulgaution de D3.

2.6 Au vu de l'enseignement de ces documents, la Chambre ne voit aucune raison de revenir sur le choix de D3 par la division d'opposition comme état de la technique le plus proche. Ce document comporte non seulement à la fois le plus de caractéristiques en commun avec l'invention revendiquée, dont en particulier l'élément essentiel de l'invention, à savoir une silicone aminée telle que revendiquée, mais mentionne également la propriété protective des fibres kératiniques colorées.

2.7 Au vu des tests comparatifs donnés dans l'exemple 2 du brevet contesté, la Chambre ne voit pas non plus de raisons de revenir sur la formulation du problème telle qu'énoncé par la division d'opposition.

2.7.1 L'exemple 2 compare en effet une composition selon l'invention ayant un rapport tensioactif amphotère/tensioactif anionique sulfate de 1.35 à une composition équivalente qualitativement ayant un rapport tensioactif amphotère/tensioactif anionique sulfate de 0.36. L'effet sur des cheveux colorès aprés 8 lavages mesuré par le DE était de 8.75 pour la composition selon l'invention et de 13.3 pour la composition comparative, la protection étant d'autant plus efficace que le DE mesuré était bas. L'effet de la différence technique est donc bien que les cheveux teints artificiellement présente une meilleure ténacité de la couleur lors de shampoings répétés avec une composition selon l'invention.

2.7.2 Le problème réside donc indéniablement en l'obtention de compositions capillaires de nettoyage de cheveux protègant la couleur des cheveux teints, c'est à dire qui permettent aux cheveux teints de conserver leur couleur artificielle, même après plusieurs lavages.

2.8 Comme la division d'opposition dans sa décision, la Chambre ne voit aucune incitation dans D3 à modifier les quantités de surfactants pour arriver à l'invention revendiquée, encore plus particulièrement au vu de l'effet technique lié au ratio entre les surfactants.

Aucune incitation à modifier ce rapport ne peut non plus être déduit d'aucun autre document cité, en particulier de D4 ou de D7.

D7 ne suggère aucun ratio ou aucune quantité particulières de tensioactifs amphotères ou amioniques sulfate dans les compositions de shampoing ou aprés-shampoings décrites. La présence des deux types de surfactants est uniquement divulguée dans l'example 1. Ce document n'incite pas à faire une modification dudit ratio, encore moins au vu de l'effet technique lié au ratio entre les surfactants.

Le document D4 mentionne des compositions lavantes et conditionnantes comprenant un tensioactif amphotère et un tensioactif anionique sulfate ayant un rapport tel que revendiqué, mais ce document a un enseignement et un problème totalement étranger au problème du brevet contesté. Rien n'inciterait l'homme du métier à faire une modification du ratio des tensioactifs, au vu du problème à résoudre, qui était inconnu de D4.

Par ailleurs, D1 et D6 étant des compositions colorantes, l'homme du métier ne serait pas incité à les consulter pour répondre au problème du brevet contesté.

2.9 L'objet de la revendication 1 du brevet contesté implique une activité inventive.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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