T 1752/16 () of 21.5.2019

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2019:T175216.20190521
Date de la décision : 21 Mai 2019
Numéro de l'affaire : T 1752/16
Numéro de la demande : 04290391.4
Classe de la CIB : C08L 77/00
C08L 23/02
C08K 7/06
C08K 7/24
B32B 1/08
B32B 27/34
F16L 11/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Utilisation de nanotubes de carbone dans des mélanges de polyamide et de polyoléfine
Nom du demandeur : ARKEMA FRANCE
Nom de l'opposant : Evonik Degussa GmbH
Kuraray Co., Ltd
EMS-PATENT AG
Chambre : 3.3.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 113(1)
European Patent Convention R 103(1)(a)
European Patent Convention Art 111
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 11
Mot-clé : Vice substantiel de procédure - violation du droit d'être entendu (oui)
Remboursement de la taxe de recours - (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours a été déposé par la titulaire du brevet à l'encontre de la décision de la division d'opposition postée le 13 juin 2016 concernant la révocation du brevet européen No. 1 449 885.

II. La décision était basée sur le brevet tel que délivré comme requête principale ainsi que sur les requêtes subsidiaires 1 à 7, la requête subsidiaire 1 ayant été déposée lors de la procédure orale devant la division d'opposition, la requête subsidiaire 2 ayant été déposée par courrier du 18 février 2015 et les requêtes subsidiaires 3 à 7 ayant été déposées par courrier du 9 mars 2016.

La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit:

"1. Utilisation de nanotubes de carbone dans au moins une couche d'une structure, ladite couche étant formée à partir d'un mélange de polyamide (A) et de polyoléfine (B), pour améliorer les propriétés barrière aux essences alcoolisées de ladite structure."

III. Les parties de la décision de la division d'opposition pertinentes pour le présent recours peuvent être résumées comme suit:

a) Les mesures de l'effet barrière à toute essence alcoolisée de structures formées à partir de mélanges de polyamide et de polyoléfine dépendaient de conditions expérimentales qui n'étaient pas décrites dans le brevet opposé. Donc, il n'était pas possible de déterminer objectivement si l'effet recherché avait été obtenu, ni sur la totalité de l'étendue revendiquée, ni au cas par cas par l'homme du métier désireux de reproduire l'invention. Les conditions de suffisance de description n'étaient donc pas remplies.

b) Cette conclusion qui était valable pour toutes les requêtes découlait des arguments essentiellement présentés par la titulaire pendant la procédure orale devant la division d'opposition et du contenu du brevet opposé. Bien que ces arguments avaient été présentés en partie en vue de déterminer l'admissibilité de documents tardifs, la conclusion de la division d'opposition ne se fondait nullement sur le contenu de ces documents et demeurait indépendante de cette admissibilité proprement dite.

c) La décision prise en défaveur de la titulaire durant la procédure orale alors que, dans la citation correspondante, la division avait émis un avis préliminaire positif ne pouvait à lui seul justifier l'ajournement des débats requis par la titulaire.

d) Aucun fait nouveau n'avait été retenu en l'espèce contre la titulaire au cours de la procédure orale. L'impossibilité d'extrapoler les résultats expérimentaux était à la base des objections soulevées dans les mémoires d'opposition des opposants 1 et 3 au titre de défaut d'activité inventive. Par ailleurs, si les faits et les motifs opposés devaient être invoqués et présentés à temps, il n'en était pas de même pour les arguments, qui pouvaient être soulevés à tout moment.

e) La procédure orale n'avait donc pas été ajournée.

IV. La titulaire du brevet (requérante) a formé un recours contre cette décision et a déposé un mémoire exposant les motifs de son recours et contenant notamment une requête en annulation de la décision attaquée en raison d'un vice substantiel de procédure justifiant un remboursement de la taxe de recours.

V. Par lettres des 22 février 2017, 24 février 2017 et 28 février 2017, les opposantes 2 (intimée 2), 3 (intimée 3) et 1 (intimée 1) respectivement ont fourni leurs réponses au mémoire de recours et requis le rejet du recours.

VI. Les parties ont été convoquées à une procédure orale pour le 21 mai 2019. Dans sa notification signifiée le 29 janvier 2019, la chambre a fait part de son opinion préliminaire sur la question d'un vice substantiel de procédure débattue par les parties au recours.

VII. La procédure orale s'est tenue le 21 mai 2019.

VIII. Les arguments de la requérante (titulaire) pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit:

Vice substantiel de procédure

a) L'objection de manque de suffisance de description liée aux conditions de mesure de l'effet barrière dans le brevet opposé était apparue pour la première fois au cours de la procédure orale lors de la discussion de l'admissibilité des essais produits dans les documents tardifs soumis par les opposantes.

b) Cette attaque ne figurait ni dans les mémoires d'opposition, ni dans les soumissions des opposantes en réponse à la convocation, ni dans l'opinion provisoire de la division d'opposition. L'obtention de l'amélioration de l'effet barrière était mentionnée dans les mémoires d'opposition des opposantes 1 et 3 dans le contexte d'arguments relatifs à une attaque de manque d'activité inventive. Cette attaque était différente d'une attaque de manque de suffisance de description qui ne s'évaluait pas seulement sur la divulgation du fascicule du brevet mais aussi sur le connaissances générales de la personne du métier. Le jour de la procédure orale, la titulaire était dans l'incapacité matérielle de produire des documents à l'appui de sa défense. Dans ces circonstances, la titulaire n'avait pas été en mesure de fournir une réponse appropriée à l'attaque considérée par la division d'opposition. La division d'opposition n'avait donc pas respecté le droit à être entendu de la titulaire et avait commis un vice substantiel de procédure.

Renvoi de l'affaire en première instance

c) Afin d'éviter la naissance d'un soupçon de partialité envers la division d'opposition si un renvoi en première instance devait être considéré, il était requis d'ordonner la constitution d'une division d'opposition différente pour continuer le traitement de l'affaire.

IX. Les arguments des intimées pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit:

Vice substantiel de procédure

a) Les parties savaient toutes depuis l'introduction du motif d'opposition relatif à l'article 100(b) CBE dans la procédure par la division d'opposition que l'insuffisance de description serait discutée le jour de la procédure orale. La titulaire n'a donc pas pu être prise au dépourvu par le cours de la discussion lors de la procédure orale.

b) De plus, la question relative à l'obtention de l'amélioration de l'effet barrière sur l'étendue de la revendication avait été abordée depuis le commencement de la procédure d'opposition dans les mémoires des opposantes 1 et 3. Le fait que cette question relevait du manque d'activité inventive dans les mémoires d'opposition et avait été requalifiée sous le manque de suffisance de description par la division d'opposition ne pouvait pas justifier de l'effet de surprise soumis par la titulaire.

c) De plus, la discussion relative à l'obtention de l'amélioration de l'effet barrière lors de la procédure orale constituait un nouvel argument qui ne pouvait pas être rejeté comme étant tardif. Il avait aussi été donné suffisamment de temps à la titulaire lors de la procédure orale pour réagir à l'objection de manque de suffisance de description.

d) La titulaire avait donc eu le temps de se préparer aux arguments pertinents au motif de manque de suffisance de description avant la procédure orale. Aussi, c'est la titulaire elle-même qui avait soulevé la question de la reproduction des mesures de l'effet barrière dans les essais fournis dans les documents tardifs discutés lors de la procédure orale.

e) La division d'opposition n'avait par conséquent pas commis de vice substantiel de procédure. Il n'était donc pas justifié de demander un renvoi, ni une nouvelle composition de la division d'opposition pour traiter l'affaire si un renvoi était ordonné.

X. La requérante requit l'annulation de la décision de la division d'opposition, le renvoi en première instance devant une division d'opposition de composition différente et le remboursement de la taxe de recours pour vice substantiel de procédure.

XI. Les intimées 1 à 3 requirent le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Vice substantiel de procédure

1.1 Selon l'article 113(1) CBE, les décisions de l'OEB ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position. À cet effet, il ne suffit pas seulement pour cela qu'une partie ait eu connaissance des arguments et moyens de preuves utilisés à son encontre, mais encore qu'elle ait eu la possibilité d'y répondre en organisant une défense appropriée.

1.2 Dans le cas d'espèce, la décision de révoquer le brevet opposé pour manque de suffisance de description ne se fonde que sur la conclusion de la division d'opposition selon laquelle l'absence d'un protocole de mesure des propriétés barrière aux essences alcoolisées dans le brevet ne rendrait objectivement pas possible de déterminer si l'effet recherché pouvait être obtenu sur l'étendue de la revendication 1 (page 7, quatrième paragraphe de la décision attaquée).

1.3 La division d'opposition a considéré que cette conclusion découlait des arguments présentés par la titulaire lors de la procédure orale (page 7, sixième paragraphe de la décision attaquée) et que l'impossibilité d'extrapoler les résultats de la mesure de l'effet barrière présentés dans le brevet à toute l'étendue de la revendication ne constituait pas un fait nouveau car cette problématique avait déjà été soulevée par les opposantes 1 et 3 dans leurs mémoires d'opposition au titre de l'activité inventive (page 9, premier paragraphe de la décision attaquée).

1.4 Selon la décision attaquée, l'exposé de la titulaire était cependant que les mesures de l'effet barrière des structures décrites dans les documents tardifs produits par les opposantes ne pouvaient pas être comparées à celles du brevet opposé car ces documents n'indiquaient pas les conditions dans lesquelles ces mesures avaient été effectuées, en particulier le fait que les mesures devaient être effectuées en flux stationnaire (page 7, premier paragraphe de la décision attaquée). Dans le contexte de la suffisance de description du brevet, il suffisait cependant que l'homme du métier puisse déterminer sans effort excessif qu'il pouvait obtenir l'amélioration recherchée (page 7, troisième paragraphe de la décision attaquée). Il apparaît à la Chambre que la conclusion de la division d'opposition selon laquelle la personne du métier serait dans l'incapacité de mettre en oeuvre l'objet revendiqué sur l'étendue de la revendication en l'absence des conditions de mesure de l'effet barrière ne paraît pas découler de façon évidente de l'argument de la titulaire qui visait à montrer que des mesures effectuées dans des conditions différentes ne pouvaient pas être comparées entre elles de façon significative. La Chambre ne reconnaît donc pas dans l'argument de la titulaire tel qu'il est résumé dans la décision attaquée en quoi la titulaire pouvait prévoir que l'absence de certaines conditions de mesures de l'effet barrière dans le brevet pouvait conduire à une objection liée à la mise en oeuvre de l'objet revendiqué.

1.5 Quant aux mémoires d'opposition des opposantes 1 et 3, les passages relatifs à l'obtention de l'amélioration de l'effet barrière dans le contexte de l'activité inventive concernent l'absence de définition du mélange d'essences et de la quantité de nanotubes de carbone dans la revendication 1 (pages 9 et 10 du mémoire d'opposition de l'opposante 1) ainsi que le manque d'exemples montrant un effet d'amélioration dans le brevet (page 13 du mémoire d'opposition de l'opposante 3). Les mémoires d'opposition des opposantes 1 et 3, ne laissent donc pas reconnaître une objection liée à l'absence des conditions de mesure de l'effet barrière dans le brevet ni la nécessité de connaître ces conditions afin de mettre en oeuvre l'objet revendiqué.

1.6 En conséquence, il ressort de la décision attaquée que l'objection liée à la nécessité de connaître les conditions de mesure de l'effet barrière afin de s'assurer que l'effet recherché pouvait être obtenu sur l'étendue de la revendication a été déduit par la division d'opposition d'arguments qui ont bien été échangés par les parties pour la première fois lors de la procédure orale (page 7, sixième paragraphe de la décision attaquée). Même si c'est de l'exposé oral de la titulaire concernant l'admission de documents tardifs dans la procédure que la division d'opposition a dérivé son objection et sa conclusion (page 7, premier paragraphe de la décision attaquée), il n'en reste pas moins que le titulaire n'y a été confronté que le jour de la procédure orale, constituant un tournant surprenant dans la discussion de la suffisance de description auquel la titulaire du brevet ne pouvait pas se préparer de manière appropriée avant la procédure, comme l'a d'ailleurs fait remarqué la titulaire à la division d'opposition (procès verbal, page 7, second paragraphe).

1.7 Le procès verbal permet aussi d'établir qu'afin de répondre à l'objection de la division d'opposition, la titulaire a estimé qu'il lui était nécessaire de fournir de nouveaux moyens de preuves (page 6, cinquième paragraphe), ce qui au vu de la complexité de l'objection formulée par la division d'opposition, aurait requis, de l'avis de la chambre, un report de la procédure orale.

1.8 Avant de prendre la décision de clore la procédure d'opposition, la division d'opposition n'a donc pas donné à la titulaire du brevet la possibilité d'organiser une défense appropriée à l'objection à laquelle elle a été confrontée pour la première fois pendant la procédure orale et a enfreint de ce fait l'article 113(1) CBE. Du fait que la décision est uniquement basée sur cette objection, il existe par conséquent un lien de causalité entre le non-respect du droit à être entendu et la décision rendue, de sorte que la division d'opposition a commis un vice substantiel de procédure au sens où l'entend la règle 103 CBE.

2. Renvoi et remboursement de la taxe de recours

2.1 La violation de l'article 113(1) CBE ayant abouti à la révocation du brevet caractérise en l'espèce un vice substantiel de procédure qui justifie non seulement le remboursement de la taxe de recours selon les dispositions de la règle 103(1)(a) CBE, mais aussi le renvoi en première instance afin de rendre à la requérante la possibilité, dont elle a été privée, de faire valoir ses arguments éventuellement fondés sur des faits aussi devant cette instance. En conséquence il doit être fait droit au recours dans la mesure où il a pour objet l'annulation de la décision de la première instance et le remboursement de la taxe de recours. En ce qui concerne la suite à donner à l'affaire, la chambre, considérant les articles 111 CBE et 11 RPCR, renvoie l'affaire à la première instance.

2.2 Par ailleurs, la chambre ne voit pas de raison de suspecter les membres de la division d'opposition de partialité dans la conduite de la procédure d'opposition, ni de penser qu'ils pourraient faire de preuve de partialité à l'occasion du réexamen de l'affaire. Cependant, en considération des irrégularités procédurales substantielles entachant la procédure d'opposition, il apparaît fondamental que les parties n'aient aucune raison ne serait-ce que de suspecter qu'elles n'ont pas reçu un traitement équitable, comme cela pourrait être le cas si la même division d'opposition devait conclure à la révocation du brevet à l'issue de la procédure, même si celle-ci devait avoir été conduite de façon irréprochable.

2.3 Pour ces raisons, la Chambre considère qu'un remplacement des membres de la division d'opposition, c'est-à-dire une composition comprenant trois nouveaux membres, serait approprié afin d'éviter toute suspicion ou doléance de la part des parties à la procédure. La Chambre estime que ces dispositions seraient aussi équitables envers les membres de la division d'opposition qui se trouveraient sinon dans la situation de devoir s'efforcer d'écarter le résultat de la décision annulée afin d'instruire l'affaire une seconde fois et de parvenir à une nouvelle décision.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant l'instance du premier degré pour suite à donner devant une division d'opposition de composition différente.

3. La taxe de recours est remboursée.

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