European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T150816.20190409 | ||||||||
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Date de la décision : | 09 Avril 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1508/16 | ||||||||
Numéro de la demande : | 09172563.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | B60N 2/08 B60N 2/07 B60N 2/18 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Siège pour véhicule automobile | ||||||||
Nom du demandeur : | Lear Corporation | ||||||||
Nom de l'opposant : | Adient Ltd. & Co. KG | ||||||||
Chambre : | 3.2.01 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Possibilité d'exécuter l'invention Activité inventive |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen No. 2 174 828 a été maintenu sous forme modifiée par la décision de la Division d'Opposition signifiée par voie postale le 9 mai 2016. Un recours a été formé contre cette décision par l'Opposante et par la Titulaire dans les délais et la forme prévus à l'article 108 CBE.
II. Une procédure orale a eu lieu le 9 avril 2019. La Requérante II (Titulaire) n'était pas représentée à la procédure orale, la Chambre étant avisée par la Requérante II par dépôt électronique en date du 13 février 2019. La Requérante II a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré (requête principale) ou, à défaut, selon les requêtes subsidiaires 1 à 5 déposées le 18 janvier 2017. La Requérante I (Opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
III. La revendication 1 du brevet a le libellé suivant :
"Siège pour véhicule automobile, comprenant une assise (3), un dossier (2) et un dispositif de guidage de l'assise (3) entre une position extrême avant (A) et une position extrême arrière (B), le dispositif de guidage comprenant, en position assemblée:
- au moins un support (5) destiné à être fixé au châssis du véhicule, présentant une surface de guidage (9) orientée longitudinalement et tournée vers le haut, ladite surface de guidage (9) étant curviligne et globalement ascendante de l'arrière vers l'avant;
- des moyens de déplacement (13) avant et arrière montés sur l'assise (3), aptes à coopérer avec ladite surface de guidage (9) pour permettre le déplacement du siège (1) entre ses deux positions extrêmes (A, B);
ladite surface de guidage (9) possédant une portion avant sur laquelle sont aptes à se déplacer les moyens de déplacement avant sur l'ensemble de leur course, et une portion arrière sur laquelle sont aptes à se déplacer les moyens de déplacement arrière sur l'ensemble de leur course, la portion arrière (31) et la portion avant (30) de la surface de guidage (9) étant sensiblement tangentes;
caractérisé en ce que, en position montée, la portion arrière de la surface de guidage est située au-dessus du prolongement théorique, vers l'arrière, de la courbe constituant la portion avant".
La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de la revendication 1 du brevet en ce que le libellé "de la courbe constituant la portion avant" a été remplacé par le libellé "de la courbe constituant la portion avant, et en ce que la portion avant de la surface de guidage (9) présente sensiblement la forme d'une portion de cercle de rayon moyen R1".
La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 en ce que le libellé "de la courbe constituant la portion avant, et en ce que la portion avant de la surface de guidage (9) présente sensiblement la forme d'une portion de cercle de rayon moyen R1" a été remplacé par le libellé "de la courbe constituant la portion avant, et en ce que la portion avant de la surface de guidage (9) présente sensiblement la forme d'une portion de cercle convexe de rayon moyen R1".
La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 diffère de la revendication 1 du brevet en ce que le libellé "de la courbe constituant la portion avant" a été remplacé par le libellé "de la courbe constituant la portion avant et en ce que la portion arrière (31) de la surface de guidage (9) présente sensiblement la forme d'une portion de cercle de rayon moyen R2".
La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 diffère de la revendication 1 du brevet en ce que le libellé "de la courbe constituant la portion avant" a été remplacé par le libellé "de la courbe constituant la portion avant et en ce que la portion arrière (31) de la surface de guidage (9) est concave, la portion arrière (31) et la portion avant (30) étant sensiblement tangentes".
La revendication 1 de la requête subsidiaire 5 diffère de la revendication 1 du brevet en ce que le libellé "de la courbe constituant la portion avant" a été remplacé par le libellé "de la courbe constituant la portion avant et en ce que la portion arrière (31) de la surface de guidage (9) est sensiblement plane et tangente à la portion avant (3) de la surface de guidage (9)."
IV. La Titulaire a présenté les arguments suivants:
L'objet de la revendication 1 du brevet et la description du fascicule de brevet (voir brevet publié, désigné par EP-B) divulguent l'invention de façon suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter. En particulier, la caractéristique selon laquelle "en position montée, la portion arrière de la surface de guidage est située au-dessus du prolongement théorique, vers l'arrière, de la courbe constituant la portion avant" (désignée par caractéristique (i) dans la suite) peut être réalisée par l'homme du métier.
Tout d'abord il est constaté que selon la jurisprudence des Chambres de Recours une invention est exposée de manière suffisamment claire et complète s'il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention.
Ce critère est évidemment rempli par la présente invention, à savoir lorsque la portion avant de la surface de guidage présente sensiblement la forme d'une portion de cercle de rayon moyen R1. En outre, l'Opposante et la Division d'Opposition reconnaissent que l'homme du métier peut également mettre en oeuvre l'invention lorsque la portion avant de la surface de guidage présente la forme d'une parabole, d'une ellipse ou plus généralement de toute courbe spécifique.
D'autre part il est évident que l'homme du métier exclurait immédiatement toutes les variantes couvertes par le texte littéral de la revendication, mais qui dans la pratique ne seraient pas envisageables ou aptes pour résoudre de manière appropriée et raisonnable le problème technique posé. Dans le cas présent l'homme du métier, contrairement à l'exemple donné par l'Opposante, ne considérerait pas une courbe sinusoïdale comme une courbe envisageable pour la forme de la portion avant de la portion de guidage.
Reste donc seule la question des courbes qui pourraient convenir pour adapter la position du siège aux différentes morphologies, mais qui ne seraient pas définies par une fonction "classique", c'est-à-dire cercle, ellipse, parabole etc. Pour ces courbes, dites "complexes", il existe (contrairement à l'avis de la Division d'Opposition) une méthode extrêmement courante en analyse numérique, méthode appelé "extrapolation". En effet, une technique particulièrement répandue consiste à approximer ou prolonger une courbe par un polynôme. Le théorème de l'unisolvence affirme qu'il n'existe qu'un seul polynôme p de degré n au plus, défini par un ensemble de n+1 points.
Par conséquent, à la date de priorité du brevet, l'homme du métier n'aurait eu aucune difficulté à prolonger vers l'arrière une courbe complexe formant la portion avant de la surface de guidage.
L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 implique une activité inventive au vu du document E4 (US-A-2 088 784), celui-ci étant aussi l'avis de la Division d'Examen et de la Division d'Opposition dans la décision contestée.
Concernant le paragraphe en page 2, colonne de gauche, lignes 21 à 27 de E4, la Titulaire rappelle que ce paragraphe est de portée générale et ne peut pas détruire la nouveauté d'un mode de réalisation spécifique. En particulier, ce paragraphe ne doit pas être isolé du reste de E4. Or, le but de E4 est d'améliorer la position d'une personne de grande taille sans avoir à trop baisser le siège. A cet effet, E4 prévoit d'incliner le siège vers l'arrière pour gagner de l'espace en hauteur (voir p.1 col.1 lignes 21-23, lignes 26-32, lignes 36-40; p.2, col.2, ligne 50).
Dans la mesure où:
- aucune réalisation concrète avec un rayon variable n'est décrite ou représentée;
- le but de E4 est d'incliner le siège en position arrière;
- et le problème de l'inclinaison excessive du dossier en position arrière du siège n'est jamais évoqué;
la Titulaire estime que l'on ne peut pas déduire que le paragraphe en question de E4 aurait incité l'homme du métier à trouver, sans faire preuve d'activité inventive, l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 (et 2). En outre, au moyen du siège selon l'invention une simplification mécanique est obtenue, sans remise en cause du confort et de la sécurité.
V. L'Opposante a présenté les arguments suivants :
L'objet de la revendication 1 du brevet conjointement avec la description du fascicule de brevet (EP-B) ne divulgue pas l'invention de manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse la mettre en oeuvre. En effet, l'homme du métier ne serait pas en mesure de réaliser la caractéristique (i) susmentionnée (i.e. "en position montée, la portion arrière de la surface de guidage est située au-dessus du prolongement théorique, vers l'arrière, de la courbe constituant la portion avant"), car il existe généralement une infinité de possibilités et de manières aptes à obtenir le prolongement théorique de la courbe constituant la portion avant.
L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 et 2 n'implique pas une activité inventive au vu de E4 et des connaissances générales de l'homme du métier. En l'espèce, E4 montre à la figure 1 un siège ayant une surface de guidage représentée par une courbe ayant la forme d'une portion d'arc de cercle. E4 propose cette construction dans le but d'obtenir un siège dont la position verticale et longitudinale peuvent être ajustées, sans cependant devoir trop abaisser le siège pour accueillir ou installer les personnes de grande taille (E4, page 1, colonne 1, lignes 18-33). La surface de guidage illustré dans E4 (voir aussi E4, page 1, colonne 2, lignes 35-40) conduit (en raison de sa courbure) à une augmentation de l'inclinaison du dossier (par rapport à la verticale), de la même manière que dans la présente invention. Le même effet technique est donc obtenu dans les deux cas. Or, en vue du paragraphe cité de E4 (voir page 2, colonne 1, lignes 21-27) l'homme du métier est invité à envisager des variations de la construction illustrée à la figure 1 et 4, ce paragraphe notamment suggérant explicitement la possibilité de réaliser une courbe (constituant la surface de guidage) ayant des rayons de courbure différents à ses deux extrémités. L'homme du métier aurait donc modifié le rayon de courbure de la portion arrière de la courbe (i.e. surface de guidage) de manière à rendre le siège plus confortable pour les personnes de grande taille. De cette manière, seulement deux alternatives étant possibles (rayon de courbure à l'une des extrémités de la courbe étant plus grand ou plus petit qu'à l'autre extrémité), l'homme du métier arriverait de manière évidente à constater que le rayon de courbure de la portion arrière de la surface de guidage doit être plus grand que celui de la portion avant, afin d'obtenir le résultat souhaité, notamment éviter une inclinaison excessive du dossier (voir EP-B, [0009]).
Motifs de la décision
1. Les recours sont recevable.
2. La Chambre partage l'avis de l'Opposante (et de la Division d'Opposition dans la décision contestée) en ce que l'invention, plus particulièrement la caractéristique (i) de la revendication 1 du brevet, n'est pas divulguée de manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse la mettre en oeuvre.
Selon la jurisprudence des Chambres de Recours la divulgation d'un seul mode de réalisation de l'invention est suffisante dès lors qu'elle permet d'exécuter l'invention dans toute sa portée, telle que revendiquée, et non pas uniquement d'obtenir un nombre limité de modes de réalisations parmi ceux qui sont possibles et revendiqués (voir par exemple T 409/91, T435/91).
Concernant ladite caractéristique (i) (i.e. "en position montée, la portion arrière de la surface de guidage est située au-dessus du prolongement théorique, vers l'arrière, de la courbe constituant la portion avant") force est de constater que la description de EP-B ne divulgue aucune méthode ou procédé généralement apte à obtenir le prolongement théorique d'une courbe constituant la portion avant, notamment au cas où cette courbe constituerait (d'après la terminologie de la Titulaire) une courbe "complexe", qui pourrait convenir pour atteindre l'objet de l'invention (à savoir adapter la position du siège aux différentes morphologies), mais qui ne serait pas définie par une fonction "classique", c'est-à-dire cercle, ellipse, parabole etc.
En effet, le seul "prolongement théorique" vers l'arrière de la courbe constituant la portion avant, est illustré aux figures 9 à 13 et se rapporte uniquement à des fonctions "classiques". Aucune mention de susdites courbes "complexes" ainsi que d'une méthode permettant leur "prolongement théorique" n'est faite dans la description de EP-B.
Contrairement à l'avis de la Titulaire ledit "prolongement théorique" d'une courbe "complexe" ne pourrait pas être effectué par l'homme du métier, puisque il n'est pas possible de définir un tel prolongement de manière générale et au même temps univoque et non-ambiguë, plusieurs méthodes et procédés étant disponibles. En l'espèce, l'interpolation polynomiale conduit à un résultat qui dépend du degré n du polynôme, ce degré pouvant être choisi de façon complètement arbitraire, n+1 points de la courbe "complexe" étant nécessaires pour déterminer ce polynôme. Evidemment, un choix différent desdits n+1 points conduira à un polynôme différent (ayant même degré n, mais des coefficients différents).
Enfin, il est à noter qu'une infinité d'autres manières existent pour effectuer ledit prolongement, par exemple en requérant à l'extrémité de la courbe (concernée par le prolongement) la continuité de la fonction et de ses dérivés jusqu'à un certain ordre.
Il s'en suit que l'homme du métier ne serait pas en mesure de déduire quelles sont les courbes "complexes" qui satisfont à ladite caractéristique (i).
En vue des raisons exposées ci-dessus, la portée de l'objet de la revendication 1 du brevet est excessivement large, englobant une infinité de modes de réalisation possibles, qui ne sont pas divulgués de manière suffisamment claire et complète dans EP-B.
Pour les raisons exposées ci-dessus l'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 3 à 5 ne satisfait également pas aux exigences de l'article 83 CBE.
3. L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 (et 2) est dépourvu d'une activité inventive à l'égard de E4 et des connaissances générales de l'homme du métier.
E4 montre, ce qui n'est pas contesté, un siège pour véhicule automobile selon le préambule de la revendication 1. L'objet de la revendication 1 s'en distingue par la caractéristique selon laquelle "en position montée, la portion arrière de la surface de guidage est située au-dessus du prolongement théorique, vers l'arrière, de la courbe constituant la portion avant, et en ce que la portion avant de la surface de guidage (9) présente sensiblement la forme d'une portion de cercle de rayon moyen R1" (caractéristique désignée par (ii) dans la suite).
E4 se propose, tel que l'invention, d'améliorer le confort en adaptant la position du siège aux différentes morphologies (voir page 1, colonne 1, lignes 18-35), particulièrement pour éviter que les passagers de grande taille soient assis dans une position trop baisse (E4, page 1, colonne 1, lignes 25-30). E4 propose une surface de guidage de l'assise ayant la forme d'un arc de cercle (E4, page 1, colonne 2, lignes 35-40), permettant ainsi au dossier d'augmenter son inclinaison (par rapport à la verticale) en déplaçant l'assise vers l'arrière (i.e. horizontalement et verticalement). De cette manière un occupant de grande taille dispose vers le haut de l'habitacle de plus d'espace pour la tête (voir E4, page 1, colonne 1, lignes 29-32), tout en évitant en même temps de faire baisser excessivement l'assise.
Pour l'homme du métier il serait évident, en partant de E4, de modifier la portion arrière de la surface de guidage afin de rendre la position arrière du siège plus confortable pour les passagers de grande taille, qui se trouvent souvent (dans l'art antérieur) dans une position trop baisse du siège, ou dans laquelle le dossier est trop incliné.
Pour ce faire, l'homme du métier n'aurait qu'à suivre les indications données explicitement dans E4, qui suggèrent de prévoir des rayons de courbure différents aux deux extrémités de la surface de guidage, la hauteur de la portion avant du siège pouvant donc varier indépendamment de la hauteur de la portion arrière (E4, page 2, colonne 1, lignes 20-27).
En conséquence, l'homme du métier arrivera forcément à la caractéristique (ii) de la revendication, du fait qu'il constaterait que seulement l'alternative (entre deux alternatives possibles) comportant un rayon de courbure plus grand à l'extrémité arrière de la surface de guidage (par rapport au rayon de courbure à l'extrémité avant de la surface de guidage) lui permettrait d'atteindre le but de l'invention, à savoir éviter que (pour les passagers de grande taille) le dossier soit trop incliné vers l'arrière si bien que le conducteur se trouve exagérément couché (voir EP-B, [0009]). En fait, ledit choix des rayons de courbure conduirait, tel que montré par exemple à la figure 10 de EP-B, directement et implicitement à la caractéristique (ii), l'homme du métier ne devant pas faire preuve d'activité inventive.
Les raisons exposées ci-dessus s'appliquent également à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2, puisque la portion avant de la surface de guidage divulguée dans E4 est un cercle convexe (voir passages cités).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
La décision attaquée est annulée.
Le brevet européen est révoqué.