European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T104816.20190919 | ||||||||
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Date de la décision : | 19 Septembre 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1048/16 | ||||||||
Numéro de la demande : | 06300077.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61Q 5/04 A61K 8/37 A61K 8/87 A61K 8/895 A61K 8/92 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de traitement capillaire et utilisation dudit procédé | ||||||||
Nom du demandeur : | L'Oréal | ||||||||
Nom de l'opposant : | Kao Germany GmbH | ||||||||
Chambre : | 3.3.07 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive - (oui) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen EP 1 685 825 (ci-après le "brevet") a été délivré sur la base de 20 revendications.
Le libellé de la revendication 1 du brevet était le suivant:
"Procédé de traitement des fibres capillaires permettant d'imprimer à la chevelure tout type de motifs et de formes caractérisé en ce qu'il comprend au moins les étapes successives suivantes :
- application sur les fibres capillaires d'un agent réducteur,
- rinçage des fibres capillaires,
- application sur les fibres capillaires d'une composition cosmétique comprenant au moins un stéride et/ou au moins un polymère fixant non cristallin ou semi-cristallin,
- élévation de la température des fibres capillaires au moyen d'une source de chaleur, à une température allant de 50°C à 280°C, ladite source de chaleur étant un fer à friser, un fer à lisser ou un fer à cranter.
- application sur les fibres capillaires d'un agent oxydant."
II. Le brevet a été opposé au motif de l'article 100(a) CBE pour défaut d'activité inventive.
III. Il est fait référence aux documents suivants dans la présente décision :
D1: EP 0 765 655 A1
D2: EP 1 468 667 A1
D3: EP 1 486 196 A1
D7 Rapport d'essais comparatifs (déposé le 20 novembre 2015)
D8: Rapport d'essais comparatifs (joint au mémoire de recours)
D10: JP2000-256146
D11: Traduction du document D10 en anglais
D12: rapport d'essais comparatifs supplémentaires (déposé avec la réponse au mémoire de recours)
IV. A l'issue de la procédure orale, la division d'opposition a décidé de rejeter l'opposition.
La division d'opposition a estimé dans sa décision que le document D2 représentait l'état de la technique le plus proche. D2 divulguait un procédé de lissage des cheveux dont l'objet revendiqué se distinguait par l'application d'une composition à base de stéride ou d'un polymère liant. Un effet technique résultant n'était pas démontré. Le problème technique objectif était donc de mettre à disposition un procédé de lissage alternatif. La solution revendiquée n'était pas suggérée dans D2. Quant à D3, il visait l'augmentation de la nervosité des boucles et ne serait pas combiné avec le procédé de lissage de D2. L'objet revendiqué impliquait donc une activité inventive.
V. L'opposante (ci-après nommée requérante) a formé un recours contre cette décision.
VI. Dans sa réponse au mémoire de recours, la titulaire (ci-après nommée intimée) a déposé le rapport d'essais comparatifs D12 ainsi que les requêtes subsidiaires 1 et 2.
VII. Dans sa notification au titre de l'Article 15(1) RPCR datée du 11 juin 2019, la Chambre a formulé son opinion préliminaire.
VIII. La procédure orale devant la chambre a eu lieu le 19 septembre 2019.
IX. Les arguments de la requérante peuvent se résumer comme suit:
L'état de la technique le plus proche D2 décrivait un procédé général de traitement des fibres capillaires. L'unique différence résidait dans l'utilisation d'un stéride et/ou au moins un polymère fixant non cristallin ou semi-cristallin. En l'absence de démonstration d'un effet résultant, le problème technique était de fournir un procédé alternatif. D2 fournissait une incitation à utiliser un polymère cationique dans le procédé. D3 divulguait aussi un procédé de déformation permanente des fibres capillaires, comportant l'utilisation de polymères cationiques non-cristallins. L'objet revendiqué dérivait donc de manière évidente de D2 en combinaison avec D3. Additionnellement, D1 divulguait l'utilisation d'un polymère cationique après l'étape de réduction. L'objet revendiqué était donc évident eu égard à une combinaison de D2 et D1.
Le rapport de tests comparatifs D8 démontrait que le procédé revendiqué ne pouvait être exécuté sur toute la portée de la revendication, ce qui était pertinent non seulement pour la suffisance de description mais aussi pour l'activité inventive. D8 mettait en évidence qu'à 80°C aucun effet significatif ne résultait de l'emploi dudit polymère, et qu'à 200°C la présence du polymère conduisait à un effet préjudiciable de collage de cheveux. Le procédé revendiqué n'apportait donc aucune contribution à l'état de la technique et devait donc être considéré comme n'impliquant pas d'activité inventive.
Quant à D11, il enseignait qu'au delà de 220°C, et donc à la température revendiquée de 250°C, le procédé ne pouvait être reproduit sans destruction du cheveux. Par conséquent le procédé revendiqué n'impliquait aucune activité inventive.
X. Les arguments de l'intimée peuvent se résumer comme suit:
L'état de la technique le plus proche D2 proposait un procédé de traitement capillaire comprenant l'application d'une composition de céramide et l'élévation de la température au delà de 60°C. Le procédé revendiqué se différenciait de ce mode de réalisation par la mise en oeuvre d'une composition comprenant au moins un stéride et/ou au moins un polymère fixant non cristallin ou semi-cristallin au lieu d'un céramide. D7 et D12 démontraient que cette différence conduisait à une amélioration de la durabilité de la mise en forme des mèches de cheveux. Le problème technique objectif était donc de mettre en oeuvre un procédé de traitement capillaire capable de fixer la coiffure plus durablement dans des formes diverses. Rien dans D2 ou D3 n'incitait l'homme du métier à employer séparément une composition réductrice et une composition contenant un polymère fixant, les deux applications étant espacées par une étape de rinçage. De même, dans le procédé décrit dans D1, le rinçage était effectué avec la composition comprenant le polymère fixant. L'objet revendiqué impliquait donc une activité inventive.
XI. La requérante demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit révoqué.
XII. L'intimée demande que le recours soit rejeté ou, à titre subsidiaire, que le brevet soit maintenu sur la base d'une des requêtes subsidiaires 1 à 2 présentées avec la réponse au mémoire de recours.
Motifs de la décision
Requête principale (brevet tel que délivré)
1. Activité inventive
1.1 La chambre, en accord avec les parties, considère que D2 représente l'état de la technique le plus proche.
1.2 D2 divulgue un procédé de traitement capillaire pour le lissage des cheveux comprenant l'application d'une composition contenant un céramide suivie de l'élévation de la température des cheveux à plus de 60°C au moyen d'un fer plat ou rond (voir le paragraphe [0007]). Ces étapes peuvent être précédées de l'application d'une composition réductrice et d'un rinçage (voir le paragraphe [0020]), et suivies d'une étape de fixation par une composition oxydante (voir le paragraphe [0033]).
1.3 Le procédé de traitement des fibres capillaires revendiqué vise à imprimer tout type de motifs et de formes, il couvre donc des procédés de lissage ou défrisage comme des procédés de frisage. L'unique caractéristique distinctive du procédé revendiqué par rapport à celui de D2 est donc que la composition cosmétique appliquée sur les fibres capillaires avant élévation de leur température comprend au moins un stéride et/ou au moins un polymère fixant non cristallin ou semi-cristallin.
1.4 La Chambre aboutit à la conclusion (voir ci- dessous) que, même si le problème technique est de fournir un procédé alternatif de traitement des fibres capillaires permettant d'imprimer à la chevelure tout type de motifs et de formes, l'objet revendiqué implique une activité inventive. Il n'y a donc pas lieu de chercher à déterminer si une amélioration de la durabilité de la mise en forme des mèches de cheveux est démontrée par D7 ou D12, ou invalidée par D8.
1.5 Selon la requérante, D8 démontre que la présence dudit polymère fixant n'a aucun effet significatif à basse température (80°C), et qu'à haute température (200°C) le procédé ne peut être mis en oeuvre sans effet préjudiciable de collage des cheveux. De même, D11 prouverait que le procédé ne peut être reproduit sur l'ensemble des températures revendiquées. La requérante en conclut que la présence dudit polymère n'apporte aucune contribution à l'état de la technique. Par conséquent, aucune activité inventive ne saurait être reconnue à un tel objet.
La Chambre ne partage pas cet opinion. La revendication 1 comporte la caractéristique selon laquelle le procédé est un procédé de traitement des fibres capillaires permettant d'imprimer à la chevelure tout type de motifs et de formes. Le problème technique ci-dessus est donc nécessairement résolu par l'objet de la revendication 1 puisque c'est une caractéristique de la revendication 1. En tout état de cause, l'impossibilité alléguée de réaliser le procédé revendiqué à des températures élevées relèverait de la suffisance de l'exposé, motif qui ne fait pas partie du cadre légal de la présente procédure.
L'absence d'amélioration par rapport au procédé de D2 ne conduit pas à la conclusion que l'invention est dénuée de contribution à l'état de la technique. Malgré la définition du problème comme étant de fournir un procédé alternatif, le brevet peut être considéré comme contribuant à l'état de la technique, en ce qu'il met à disposition une méthode différente, quand bien même elle aboutit à un résultat similaire.
1.6 Il reste donc à déterminer si le procédé revendiqué est une solution évidente au problème ci-dessus.
Dans le procédé défini par la revendication 1, les fibres capillaires sont soumises à un traitement comprenant les étapes suivantes:
- application d'un agent réducteur,
- rinçage,
- application de la composition cosmétique,
- élévation de la température à 50-280°C, et
- application d'un agent oxydant.
Selon la revendication 1, le stéride et/ou polymère fixant non cristallin ou semi-cristallin est présent dans la composition cosmétique appliquée après rinçage de l'agent réducteur et avant élévation de la température.
Aucun des documents cités ne décrit ou suggère l'application sur les fibres capillaires d'une composition cosmétique comprenant un stéride et/ou polymère fixant non cristallin ou semi-cristallin à ce stade du procédé.
Le paragraphe [0027] de D2 mentionne un polymère cationique sans préciser s'il s'agit d'un polymère fixant, et n'indique pas à quel stade ou dans quelle composition ce polymère peut être présent. Le paragraphe [0028] de D2, mentionnant les polysaccharides cationiques Polyquaternium-10 et hexadimethrine chloride, se rapporte à la présence des dits polymères dans la composition réductrice, et non la composition cosmétique appliquée avant élévation de la température.
De même, D3 (voir [0018) ne décrit la présence de polymères que dans la composition réductrice.
Enfin D1 décrit (voir la revendication 1) l'application d'un polymère cationique pendant la phase de rinçage après l'application d'un réducteur. Cependant D1 ne décrit aucune étape d'élévation de la température des fibres capillaires ainsi traitées par le polymère cationique.
Puisque aucun des documents D1 à D3 ne divulgue l'élévation de la température de fibres capillaires traitées par une composition de stéride et/ou dudit polymère fixant, ces documents ne conduisent pas à l'objet revendiqué de manière évidente.
Les critères de l'Article 56 CBE sont donc respectés.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté