T 1681/15 () of 28.6.2018

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2018:T168115.20180628
Date de la décision : 28 Juin 2018
Numéro de l'affaire : T 1681/15
Numéro de la demande : 07712656.3
Classe de la CIB : C08L 23/00
C08K 5/00
C08L 27/16
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : AGENT D'EXTRUSION A BASE D'UN PVDF HETEROGENE
Nom du demandeur : ARKEMA FRANCE
Nom de l'opposant : 3M Innovative Properties Co.
Chambre : 3.3.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Mot-clé : Nouveauté - (non)
Requêtes subsidiaires produites tardivement - justification du retard (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours a été déposé par l'opposante à l'encontre de la décision de la division d'opposition postée le 26 juin 2015 concernant le maintien du brevet européen No. 1 976 927 sous forme modifiée.

II. La décision a été annoncée à l'issue de la procédure orale tenue devant la division d'opposition le 21 mai 2015. La décision était basée sur un jeu de revendications selon la requête principale reçue le 17 mars 2015, la revendication 1 de cette requête se lisant comme suit:

"1. Agent d'extrusion comprenant :

- au moins un PVDF hétérogène (A) c'est-à-dire un copolymère du VDF et d'au moins un comonomère du VDF comprenant en poids au moins 75% de VDF qui présente une température de fusion Tf (exprimée en °C) entre (172 - 340 m) et 172°C, où m désigne le pourcentage molaire global en comonomère(s), ladite Tf étant comprise entre 160 et 172°C;

- et au moins un agent d'interface (B),

- éventuellement dilués dans une polyoléfine (C).

dans lequel ledit comonomère est choisi parmi le fluorure de vinyle, le trifluoroéthylène (VF3), le 1,2-difluoroéthylène, le tetrafluoroéthylène (TFE), l'hexafluoropropylène (HFP), les perfluoro(alkyl vinyl) éthers."

III. Une notification d'opposition avait été déposée dans laquelle la révocation du brevet avait été requise.

IV. Les documents suivants étaient entre autres cités dans la procédure d'opposition:

D1: WO 2005/047386 A1

D8: US 5,188,873

D9: Chapitre 31 tiré de "Modern Fluoropolymers", édité par John Scheirs, Wiley Series in Polymer Science, 1997, pages 577-579

D10: US 6,359,055

D11 : "Fluoroplastics Volume 2 Melt Processible Fluoropolymers", Sina Ebnasajjad, 2003, page 131

D12: EP-A-0 282 822

V. Les parties de la décision de la division d'opposition pertinentes pour le présent recours peuvent être résumées comme suit:

La revendication 1 de la requête principale était nouvelle vis-à-vis de l'exemple 1 de D8 car ce document ne décrivait pas explicitement la présence d'un agent d'interface dans l'agent d'extrusion et il n'était par ailleurs nulle part suggéré dans D8 que le LLDPE utilisé dans l'exemple 1 pouvait remplir la fonction d'agent d'interface. D8 ne suggérait pas non plus que l'enseignement général divulgué dans le passage à la colonne 1, lignes 12-20 pouvait s'appliquer aux fluoropolymères de D8 et en particulier au Solef 11010 utilisé dans l'exemple 1.

VI. La requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision et a déposé un mémoire exposant les motifs de son recours (manque de nouveauté vis-à-vis de D8 et manque d'activité inventive en partant de D8 ou de D1).

VII. Par lettre du 8 mars 2016, l'intimée (titulaire) a fourni une réponse au mémoire de recours et requis le rejet du recours.

VIII. Les parties ont été convoquées à la procédure orale du 28 juin 2018 par communication du 7 juillet 2017. Dans sa notification signifiée le 17 avril 2018, la chambre a fait part de son opinion préliminaire sur les questions soulevées pas les parties au recours.

IX. Par lettre du 27 avril 2018, l'intimée a fourni des arguments supplémentaires concernant la nouveauté et l'activité inventive de la requête principale ainsi que quatre requêtes subsidiaires.

La revendication 1 de la requête subsidiaire n°1 correspondait à la revendication 1 de la requête principale, dans laquelle l'agent d'interface (B) était défini par une liste de composés selon la revendication 5 de la requête principale.

La revendication 1 de la requête subsidiaire n°2 correspondait à la revendication 1 de la requête principale, dans laquelle l'agent d'interface (B) était choisi parmi les oligomères ou polymères ayant des motifs oxyde d'alkylène ou une polycaprolactone selon la revendication 6 de la requête principale.

La revendication 1 de la requête subsidiaire n°3 correspondait à la revendication 1 de la requête principale, dans laquelle le rapport massique (A)/(B) était compris entre 10/90 et 90/10.

La revendication 1 de la requête subsidiaire n°4 correspondait à la revendication 1 de la requête subsidiaire n°1, dans laquelle le rapport massique

(A)/(B) était compris entre 10/90 et 90/10.

X. Par lettre du 7 juin 2018, la requérante a fourni des arguments supplémentaires concernant la nouveauté et l'activité inventive de la requête principale et a requit de ne pas admettre les quatre requêtes subsidiaires dans la procédure de recours.

XI. Les arguments de la requérante pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit:

Requête principale - Nouveauté vis-à-vis de D8

a) L'exemple 1 de D8 décrivait une composition obtenue par mélange d'un copolymère de polypropylène et d'éthylène, d'un polyéthylène linéaire de basse densité (LLDPE), et d'un polymère à base de VDF (fluorure de vinylidène) commercialisé sous le nom de Solef 11010 par Solvay.

b) Le Solef 11010 était un copolymère comprenant 90% en poids de fluorure de vinylidène et 10% en poids d'hexafluorure de propylène et ayant une température de fusion de 158 à 160°C selon D9 (page 579, Table 31.1), D10 (Exemple 1) et D11 (page 131, table 6.13).

c) La revendication 1 comprenait une définition de ce qui devait être compris en tant que PVDF hétérogène. Cette définition reposait uniquement sur des conditions concernant le point de fusion du polymère et ne faisait aucune référence à des caractéristiques structurelles du PVDF. La structure du PVDF ne devait donc pas être considérée comme une caractéristique du PVDF de la revendication 1. Au vu de la définition du PVDF homogène donnée dans le brevet, la catégorie de polymère homogène choisie pour le Solef 11010 dans D9 ne semblait pas correspondre à la haute température de fusion donnée dans le tableau 31.1. Il était donc permis de douter de la classification du Solef 11010 en tant que copolymère homogène, telle qu'elle est suggérée dans D9.

d) Rien dans le brevet contesté n'excluait une valeur de température de fusion de 160°C du domaine revendiqué. Au contraire, les domaines de valeurs concernant la température de fusion du PVDF hétérogène donnés dans le paragraphe 24 du brevet laissaient penser que le domaine définissant la température de fusion du PVDF comprenait bien la valeur de 160°C. De plus, la mention de la valeur 160°C dans la revendication laissait penser, du fait des règles d'arrondissement des valeurs décimales, qu'une température de fusion de 159,5°C jusqu'à 160,4°C devait être considérée comme encore comprise dans l'intervalle revendiqué.

e) Les propriétés optiques, en particulier la brillance, du film produit dans D8 découlaient des propriétés de surface de ce film, comme cela était aussi indiqué dans le paragraphe 2 du brevet. Le LLDPE de l'exemple 1 de D8 faisait donc bien office d'agent d'interface, car son utilisation permettait d'améliorer les propriétés de surface de la résine extrudée dans l'exemple 1 comparativement aux exemples 2R, 3R et 4R.

Requêtes subsidiaires - Admission dans la procédure

f) Les quatre requêtes subsidiaires avaient été fournies tardivement, après la notification de la chambre visant à préparer la procédure orale. Il n'y avait pas de raison d'admettre ces requêtes dans la procédure car la notification de la chambre ne soulevait pas de question qui aurait pu justifier cette soumission tardive, l'objection de nouveauté vis-à-vis de D8 ayant par ailleurs toujours fait parti de la procédure d'opposition.

XII. Les arguments de l'intimée pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit:

Requête principale - Nouveauté vis-à-vis de D8

a) Le Solef 11010 décrit dans la composition de l'exemple 1 de D8 était un copolymère comprenant 90% en poids de fluorure de vinylidène et 10% en poids d'hexafluorure de propylène et ayant une température de fusion de 158 à 160°C, comme indiqué dans D9 (page 579, Table 31.1) et D11 (page 131, table 6.13). Cependant, D8 ne donnait aucune information quant à la nature homogène ou hétérogène du PVDF utilisé. Le document D9 décrivait cependant deux catégories de copolymères à base de fluorure de vinylidène: des copolymères homogènes (ou statistiques) parmi lesquels le Solef 11010 était listé, et des copolymères hétérogènes; ces deux types de copolymères étant obtenus par des procédés différents. D9 démontrait donc que le Solef 11010 utilisé dans D8 ne pouvait pas être considéré comme un PVDF hétérogène au sens de la revendication 1 de la requête principale. D9 confirmait aussi que la définition d'un PVDF homogène ou hétérogène impliquait la présence de caractéristiques structurelles du PVDF qui résultaient du procédé de préparation du copolymère. La référence au caractère hétérogène du PVDF revendiqué signifiait qu'il fallait tenir compte de ces caractéristiques structurelles lors de l'examen de la nouveauté de l'objet revendiqué. Aucune autre preuve n'avait été fournie qui permettait d'affirmer que le Solef 11010 était un copolymère hétérogène.

b) La revendication 1 du brevet indiquait une température de fusion du PVDF hétérogène comprise entre 160 et 172°C. La valeur de 160°C ne faisait pas partie de la gamme revendiquée, le terme "entre" indiquant que les bornes ne faisaient pas partie de la gamme de température visée. Les valeurs de la température de fusion indiquées dans D9 et dans D10 étaient toutes en dehors de la gamme revendiquée. Le fait que des domaines de valeurs de température de fusion étaient donnés pour le Solef 11010 dans D9 (158-160°C) et pour le PVDF-2 homogène utilisé dans les exemples comparatifs du brevet (140-145°C) découlait de la précision relative de la méthode de mesure par DSC qui reposait sur une interprétation de courbes de mesure. D8 ne divulguait pas un agent d'extrusion comprenant un PVDF hétérogène ayant une température de fusion comprise entre 160 et 172°C.

c) L'interprétation de la notion d'agent de surface adoptée par la requérante n'était pas compatible avec la définition donnée dans le brevet pour ce terme, à savoir "tout produit qui mélangé avec un PVDF hétérogène pour faire un mélange maître...améliore l'efficacité du mélange maître en tant qu'agent d'extrusion". Or, l'agent d'extrusion (tel que défini au paragraphe 1 du brevet) était un additif qui permettait de réduire ou d'éliminer les défauts de surface compris comme "melt fracture", c'est-à-dire les défauts d'homogénéité ayant des zones lisses sur une surface rugueuse, qui apparaissaient lorsqu'on extrudait une résine thermoplastique, comme cela était confirmé par D12. La réduction de ces défauts ne correspondaient pas à l'amélioration des propriétés optiques grâce au LLDPE décrit dans D8. D8 ne mentionnait donc pas la présence d'un agent de surface dans les compositions décrites et il n'y était nulle part mentionné que le LLDPE utilisé dans l'exemple 1 pouvait remplir cette fonction.

d) Par conséquent, l'objet de la revendication 1 était nouveau par rapport au document D8.

Requêtes subsidiaires - Admission dans la procédure

e) Les quatre requêtes subsidiaires avaient été soumises en réponse à la notification de la Chambre dans laquelle une nouvelle interprétation de l'objet revendiqué avait été exposée. Les requêtes subsidiaires devaient donc être admises dans la procédure.

XIII. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen numéro 1 976 927.

XIV. L'intimée a demandé le rejet du recours (requête principale) ou le maintien du brevet sous forme modifiée selon l'une des quatre requêtes subsidiaires soumises par lettre du 27 avril 2018.

Motifs de la décision

1. Requête principale - Nouveauté vis-à-vis de D8

1.1 L'exemple 1 de D8 (colonne 3, ligne 64 à colonne 4, ligne 5) décrit une composition obtenue par mélange d'un copolymère de polypropylène et d'éthylène, d'un polyéthylène linéaire de basse densité (Escorene), et d'un copolymère à base de VDF (fluorure de vinylidène) et d'hexafluoropropylène (HFP) commercialisé sous le nom de Solef 11010 par Solvay. Ceci n'était pas un point de dispute entre les parties, ni non plus le fait que le composé commercial Solef 11010 contenait 90% en poids de fluorure de vinylidène et 10% en poids d'hexafluoropropylène comme cela était divulgué dans le document D10 (exemple 1).

1.2 Concernant la nouveauté de la revendication 1 de la requête principale vis-à-vis de D8, les points qui furent disputés par les parties en recours concernaient le caractère hétérogène ou homogène du PVDF commercial Solef 11010 décrit dans D8, la question de savoir si la température de fusion de ce composé satisfaisait les conditions définies dans la revendication 1 et si le polyéthylène linéaire de basse densité de l'exemple 1 de D8 pouvait être considéré comme un agent d'interface.

1.2.1 La revendication 1 de la requête principale vise un agent d'extrusion comprenant au moins un "PVDF hétérogène (A) c'est-à-dire un copolymère du VDF et d'au moins un comonomère du VDF comprenant en poids au moins 75% de VDF qui présente une température de fusion Tf (exprimée en °C) entre (172 - 340 m) et 172°C, où m désigne le pourcentage molaire global en comonomère(s), ladite Tf étant comprise entre 160 et 172°C [...] dans lequel ledit comonomère est choisi parmi le fluorure de vinyle, le trifluoroéthylène (VF3), le 1,2-difluoroéthylène, le tetrafluoroéthylène (TFE), l'hexafluoropropylène (HFP), les perfluoro(alkyl vinyl) éthers [...]". La présence de l'expression "[...] PVDF hétérogène, c'est-à-dire [...]" dans la revendication 1 exprime clairement que la définition du PVDF hétérogène est circonscrite à l'ensemble des caractéristiques données dans la revendication, c'est-à-dire au contenu en poids de VDF dans le copolymère, à la liste restreinte de comonomères ainsi qu'aux deux conditions s'appliquant à la température de fusion du copolymère de PVDF. La revendication 1 ne contient pas d'autre caractéristique concernant le PVDF mentionné et ne défini spécifiquement ni la structure, ni le procédé de préparation du polymère.L'objet de la revendication 1 n'est donc pas délimité par des considérations de structures ou de procédé de préparation du PVDF.

1.2.2 La description du PVDF se trouvant dans les paragraphes 19 et 21 du brevet contesté ne change en rien cette conclusion. Il est bien mentionné dans ces paragraphes qu'un PVDF hétérogène est un copolymère du VDF et d'au moins un comonomère du VDF qui possède une répartition particulière du comonomère (teneur moyenne en comonomère qui est multimodale avec des chaînes de polymère riches en comonomère et des chaînes comprenant presque pas ou peu de comonomère) qui influe sur la cristallinité et sur la température de fusion du PVDF. La description ne précise cependant à ce sujet aucune autre caractéristique spécifique du PVDF, comme par exemple une caractéristique structurelle observable et mesurable, permettant d'effectuer une distinction non ambiguë entre en PVDF considéré comme hétérogène et un PVDF considéré comme homogène, que celles déjà définies dans la revendication 1 de la requête principale. En effet, les seules références faites à des paramètres mesurables dans les paragraphes 19 et 21 du brevet concernent le pourcentage molaire global en comonomère(s) dans le PVDF, qui permet à l'aide d'une équation mathématique d'évaluer le domaine de température de fusion d'un PVDF choisi, et la valeur mesurée de la température de fusion du PVDF, à propos de laquelle il est indiqué que la température de fusion du PVDF hétérogène est plus élevée que celle d'un PVDF homogène. La chambre en conclu que la description ne défini pas le caractère homogène ou hétérogène d'un PVDF par des moyens clairs, autrement que par des conditions s'appliquant à sa température de fusion, telle que celles-ci sont énoncées dans la revendication 1.

1.2.3 La température de fusion du PVDF commercial Solef 11010 utilisé dans l'exemple 1 n'est pas divulguée dans le document D8. Cette information est toutefois donnée dans le tableau 6.13 du document D11, qui rapporte la valeur de 160°C. À ce propos, ayant été établi dans D10 (voir point 1.1 ci-dessus) que le PVDF commercial Solef 11010 était constitué de 90% en poids de fluorure de vinylidène et de 10% en poids d'hexafluoropropylène, il peut être conclu que ce composé vérifie la première condition s'appliquant à la température de fusion dans la revendication 1 de la requête principale, puisque la valeur de 160°C est incontestablement comprise entre 157°C (172 - 340 x m = 172 - 340 x 0.0453 = 157 où m désigne le pourcentage molaire global en comonomère(s)) et 172°C.

1.2.4 D'autre part, comme il l'a aussi été plusieurs fois rappelé par l'intimée elle même pendant la procédure orale devant la chambre, la valeur de la température de fusion d'un tel copolymère de PVDF est sujette à variation de part et d'autre de la valeur rapportée, du fait que cette valeur résulte d'une interprétation de courbe de température mesurée par DSC. Ceci a été notamment mis en évidence pour le domaine de valeurs de température de fusion décrit pour le PVDF-2 dans les exemples du brevet "PVDF-2: PVDF homogène VDF-HFP (11% poids HFP) [...] de température de fusion 140-145°C" (paragraphe 72), et transparaît aussi à la Chambre des valeurs de température de fusion données dans le paragraphe 24, "Un PVDF homogène comprenant en poids 90% de VDF et 10% d'HFP (4,53% mol) a une Tf de 147°C" et "Un copolymère homogène qui comprend la même teneur globale en HFP aurait une Tf d'environ 148°C" (valeurs soulignées par la Chambre). Ces passages établissent clairement que la personne du métier saurait qu'une valeur de température de fusion donnée pour un copolymère de PVDF doit être comprise comme une plage de températures encadrant la valeur donnée. La Chambre en déduit qu'une température de fusion de PVDF de 160°C, comme pour le composé commercial Solef 11010 selon D8 et D11, n'est pas exclue par la définition du domaine de température de fusion "entre 160 et 172°C" de la revendication 1 de la requête principale.

1.2.5 Cette conclusion n'est pas remise en question par le document D9 cité par l'intimée. L'objet de la section 2 de D9 (pages 578 et 579) est une discussion de plusieurs procédés de préparations de deux copolymères de type PVDF flexible, le copolymère de fluorure de vinylidène et d'hexafluoropropylène (VDF-HFP) ainsi que le copolymère de fluorure de vinylidène et de chlorotrifluoroéthylène (VDF-CTFE). Cette partie du document D9 établi qu'il existe au moins 25 types de ces copolymères, classés en fonction de la nature, de la teneur et de la distribution du comonomère dans le copolymère, de son poids moléculaire, de la forme ou de la présence d'additifs dans le composé, le tableau 31.1 fournissant une liste des copolymères les plus importants. Il est en premier lieu apparent que l'objet du tableau 31.1 de D9 n'est pas d'opérer une distinction claire entre deux catégories de PVDF (homogène ou hétérogène), car le tableau ne fait référence qu'aux copolymères statistiques de VDF-HFP (aussi appelés copolymères homogènes) d'une part et aux copolymères hétérogènes de VDF-CTFE d'autre part. Parmi les copolymères homogènes, le tableau mentionne trois copolymères de la famille Solef (11008, 11010 et 11012) pour lesquels il est donné un domaine de températures de fusion allant de 158 à 160°C. Il est clair que le domaine de températures indiqué correspond aux températures de fusion des trois copolymères pris dans leur ensemble et non pas seulement à la température de fusion du Solef 11010. On ne peut donc pas déduire de ce tableau, contrairement à ce qui a été soumis par l'intimée, que la température de fusion du composé commercial Solef 11010 est en fait comprise dans l'intervalle donné allant de 158 à 160°C.

1.2.6 Par ailleurs, il n'est pas précisé dans le document D9 sur quels critères la classification des copolymères commerciaux, incluant le Solef 11010, a été effectuée. Ce composé est en effet considéré dans le tableau 31.1 comme étant un copolymère homogène, malgré sa haute température de fusion comprise entre 158 et 160°C, alors que selon les critères liés à la température de fusion qui sont développés dans le brevet, la température de fusion d'un copolymère homogène du VDF contenant 10% en poids de HFP, comme c'est le cas du Solef 11010, devrait être bien plus basse, de l'ordre de 147°C (paragraphe 24). La Chambre en déduit que les critères de classification adoptés pour les copolymères homogènes et hétérogènes selon D9 ne correspondent pas à la définition qui en est faite dans le brevet, qui se base sur la valeur de la température de fusion du copolymère. Le document D9 n'établi donc pas que le composé commercial Solef 11010, qui est aussi utilisé dans l'exemple 1 de D8, est un copolymère homogène par opposition à un copolymère hétérogène selon l'objet de la revendication 1 de la requête principale.

1.2.7 Enfin, la question se posait de savoir si le polyéthylène linéaire de basse densité (Escorene) utilisé dans la composition de l'exemple 1 de D8 pouvait être considéré comme un agent d'interface au sens de la revendication 1 de la requête principale. La revendication 1 elle même n'apporte pas d'information supplémentaire permettant de caractériser plus précisément ce qu'il doit être entendu par agent d'interface. Le paragraphe 43 du brevet divulgue que l'agent d'interface est un produit qui, mélangé avec (A) pour faire un mélange maître, améliore l'efficacité du mélange maître en tant qu'agent d'extrusion. La fonction de l'agent d'extrusion est par ailleurs selon les paragraphes 1 et 16 du brevet de réduire ou d'éliminer les défauts de surface qui apparaissent lorsqu'on extrude une résine thermoplastique, défauts de surface qui sont liés aux propriétés optiques de l'article extrudé dans le paragraphe 2 du brevet.

1.2.8 Une utilisation d'additif afin d'améliorer les propriétés optiques d'un article extrudé et donc par contrecoup l'amélioration de ces propriétés de surface est aussi décrite dans le document D8. En effet, une comparaison des compositions des exemples 1 et 4R selon D8 montre que l'utilisation du composé Escorene conduit à une amélioration de la brillance et de la transparence mesurées sur des films soufflés produits à partir de ces compositions. D8 enseigne à ce propos que la présence de polyéthylène basse densité (Z) dans la composition extrudable est liée à l'amélioration des propriétés optiques des articles obtenus (colonne 3, lignes 29-38) qui sont par ailleurs aussi liées aux propriétés de surface dans D8 (colonne 1, lignes 5-11). La Chambre en déduit que le polyéthylène linéaire de basse densité (Escorene) utilisé dans la composition de l'exemple 1 de D8 peut bien être considéré comme un agent de surface tel que défini dans la revendication 1 de la requête principale.

1.3 Il découle de l'analyse faite plus haut que la composition de l'exemple 1 de D8 tombe sous l'objet de la revendication 1 de la requête principale puisque le composé Solef 11010 peut être considéré comme un PVDF hétérogène au sens de la revendication 1, que sa température de fusion satisfait aux conditions posées dans cette revendication et que le LLDPE de l'exemple 1 de D8 peut être considéré comme un agent d'interface. L'objet de la revendication 1 manque donc de nouveauté vis-à-vis de l'exemple 1 de D8. La requête principale ne satisfait donc pas aux exigences de l'article 54 CBE.

2. Requêtes subsidiaires - Admission dans la procédure

2.1 Les quatre requêtes subsidiaires ont été déposées par l'intimée lors de la procédure de recours, le 27 avril 2018, seulement après la notification selon l'article 15(1) RPCR indiquant l'avis préliminaire de la Chambre sur les requêtes des parties, telles qu'elles étaient formulées dans le mémoire de recours de l'opposante daté du 4 novembre 2015 et la réponse de l'intimée datée du 8 mars 2016.

2.2 La lettre de l'intimée datée du 27 avril 2018 ne contient pas de justification du dépôt des requêtes subsidiaires. À ce propos, l'intimée a seulement fait valoir pendant la procédure orale que les requêtes subsidiaires avaient été déposées en réponse à la nouvelle interprétation du document D8 faite par la Chambre dans sa notification.

2.3 La notification de la Chambre de recours, et en particulier sa section 8.1 traitant l'objection de nouveauté au vu de l'exemple 1 du document D8, contient deux points principaux qui concernent la question touchant au caractère hétérogène du composé Solef 11010 de D8 (sections 8.1.3 à 8.1.5) et la question de savoir si le composé Escorene de D8 pouvait être vu comme un agent d'interface (sections 8.1.6 à 8.1.8). En l'occurrence, la Chambre en conclu (sections 8.1.5, 8.1.8 et 8.1.9) que le composé Solef 11010 de D8 pouvait être vu comme un PVDF hétérogène et que le composé Escorene pouvait être considéré comme un agent d'interface au sens de la revendication 1 de la requête principale. Ces deux points, ainsi que la discussion qui en est faite dans la notification de la Chambre, ne peuvent être considérés comme étant nouveaux aux parties car ils avaient déjà été abordés par la requérante dans son mémoire de recours (sections 2.3 à 2.7 et 2.8 à 2.14) et par l'intimée dans sa réponse (section 4.1).

2.4 L'avis préliminaire de la Chambre sur des points déjà abordés par les parties ne justifie pas l'introduction des quatre requêtes subsidiaires fournies par l'intimée. Ces requêtes auraient donc pu et dû être soumises avec la réponse au mémoire de recours, comme cela découle de l'article 12(1) et (2) RPCR.

2.5 Par ailleurs, la lettre de l'intimée datée du 27 avril 2018, avec laquelle les requêtes subsidiaires ont été déposées, n'expose en rien l'objet des modifications effectuées pour chacune de ces requêtes, laissant ainsi la partie adverse et la Chambre dans l'obscurité quant à l'argumentation de l'intimée concernant la nouveauté de ces requêtes au vu du document D8 mais aussi quant l'activité inventive de ces requêtes au vu de D1 ou de D8 comme art antérieur le plus proche.

2.6 La Chambre considère donc approprié de faire usage de son pouvoir discrétionnaire selon l'article 13(1) RPCR en n'admettant pas les requêtes subsidiaires 1 à 4 dans la procédure.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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