T 1575/15 (Procédé de photostabilisation/L'OREAL) of 7.3.2019

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2019:T157515.20190307
Date de la décision : 07 Mars 2019
Numéro de l'affaire : T 1575/15
Numéro de la demande : 05291360.5
Classe de la CIB : A61K 8/35
A61K 8/37
A61Q 17/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Procédé de photostabilisation d'un dérivé de dibenzoylméthane par un dérivé arylalkyl benzoate et compositions cosmétiques photoprotectrices
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Beiersdorf Aktiengesellschaft
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(3)
Mot-clé : Preuves produites tardivement - justification du retard (non)
Preuves produites tardivement - report de la procédure orale aurait été nécessaire (oui)
Activité inventive - (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (propriétaire du brevet) a introduit un recours contre la décision de révocation du brevet européen n° 1 618 870, dont les revendications 1 et 5 s'énoncent comme suit:

"1. Procédé de photostabilisation vis-à-vis du rayonnement UV d'au moins un dérivé du dibenzoylméthane, caractérisé par le fait qu'il consiste à associer audit dérivé de dibenzoylméthane au moins un dérivé arylalkyl benzoate de formule (I):

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

dans lesquelles :

X désigne O;

n est un entier de 2 à 6 ;

R1 désigne un atome d'hydrogène ; un atome d'halogène ; un radical alcoxy en C1 -C4 linéaire ou ramifié (de préférence méthoxy ou éthoxy) ; le radical nitro ; le radical amino ; le radical C6 H6 SO2 ;

R2 désigne un atome d'hydrogène ; le groupe hydroxyle ; un atome d'halogène ; un radical alcoxy en C1 -C4 linéaire ou ramifié (de préférence méthoxy ou éthoxy) ; le radical nitro ; le radical amino ; le radical C6 H6 SO2 ;"

"5. Composition cosmétique ou dermatologique, à usage topique, caractérisée par le fait qu'elle comprend au moins, dans un support cosmétiquement acceptable :

(a) au moins un filtre UV du type dérivé du dibenzoylméthane et

(b) au moins un composé benzoate d'alkylaryle de formule (I) tel que défini dans l'une quelconque des revendications 1 à 4 ;

sous réserve que:

(i) ladite composition ne contienne pas d'octylméthoxycinnamate ;

(ii) ladite composition est différente d'une solution constituée de ButylMethoxy Dibenzoylmethane dissout dans un solvant choisit parmi le 2-phenylethyl benzoate, le 2-phenylethyl o-toluate, le 2-phenylethyl p-toluate ou dans le mélange 2-phenylethyl o-toluate/2-phenylethyl p-toluate (1/1) et

(iii) la ladite composition est différente des compositions suivantes dans lesquelles les quantités des ingrédients sont indiquées en pourcentage en poids par rapport au poids total ...[des compositions 1 à 5]."

II. Une opposition avait été formée par l'intimé (opposant) en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité pour manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), pour insuffisance de description de l'invention (Article 100(b) CBE) et pour extension de l'objet des revendications au-delà de la demande telle que déposée (Article 100(c) CBE).

Entre autres, les documents suivants ont été cités:

(4) XP-002320817, fiche commerciale du X-TEND**(TM) 226, a novel ester with high solubilizing capacity; ISP international Speciality Producs; août 2003, et

(6) FR-A-2 800 991.

Selon la division d'opposition, les motifs visés à l'Article 100(b) et (c) CBE ne s'opposaient pas au maintien du brevet tel que délivré. L'objet des revendications du brevet tel que délivré était nouveau par rapport à l'état de la technique cité. En ce qui concernait l'activité inventive, le document (6) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Ce document divulguait un procédé de photo-stabilisation du butyl méthoxy dibenzoylméthane par des dérivés aromatiques de l'acide benzoïque dans des compositions cosmétiques antisolaires, en particulier par le benzoate de benzyle. Le rapport expérimental déposé par le requérant avec une lettre datée du 5 juillet 2012 (document (7)) ne mettait pas en ½uvre le benzoate de benzyle et, par conséquent, ne montrait pas que la caractéristique distinctive de l'invention, à savoir le remplacement du groupement méthylène présent dans le benzoate de benzyle par une chaîne comprenant de 2 à 6 groupements méthylène, donnait lieu à une amélioration de la photostabilité du butyl méthoxy dibenzoylméthane. Par conséquent, le problème objectif résolu résidait dans la mise à disposition d'un procédé alternatif pour photostabiliser le butyl méthoxy dibenzoylméthane. La solution proposée par le brevet litigieux qui consistait à associer le 2-phénétyléthyl benzoate au butyl méthoxy dibenzoylméthane était évidente à la lumière du document (4). L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré, et pour la même raison celui de la revendication 5, manquaient donc d'activité inventive.

III. Avec le mémoire exposant les motifs du recours daté du 22 octobre 2015, le requérant a déposé une nouvelle requête principale, les requêtes subsidiaires 1 et 2, ainsi qu'un rapport expérimental (document (10)).

Les revendications 1 à 4 de la requête principale sont identiques à celles du brevet tel que délivré. Les compositions objet de la revendication 5 de la requête principale diffèrent de celles de la revendication 5 du brevet tel que délivré en ce qu'elles spécifient additionnellement que le composé (c) est au moins un agent protecteur inorganique complémentaire actif dans l'UV-A et/ou l'UV-B choisi parmi les pigments ou les nanopigments d'oxydes métalliques, traité ou non et que l'exclusion (iii) des cinq compositions est supprimée.

Dans la requête subsidiaire 1, les arylalkylbenzoates de formule (I) sont limités au 2-phenethyl benzoate.

La requête subsidiaire 2 diffère de la requête subsidiaire 1 en ce que les revendications de procédé 1 à 4 sont supprimées.

IV. Dans la notification datée du 12 juin 2018 accompagnant la citation invitant les parties à comparaître à une procédure orale le 7 mars 2019, la Chambre a indiqué qu'elle pourrait ne pas partager l'avis du requérant selon lequel le rapport d'essai (document (10)) démontrait de manière convaincante une amélioration de la photostabilité des dérivés du dibenzoylméthane.

V. Avec une lettre datée du 8 février 2019, le requérant a déposé un complément au rapport expérimental du document (10).

Selon le requérant, ce complément au rapport expérimental devait être admis dans la procédure de recours car il constituait une réponse à une objection de la Chambre soulevée dans la notification accompagnant la citation à la procédure orale. Le document (6) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Le rapport expérimental déposé avec les motifs du mémoire de recours (document (10)) montrait que le 2-phényléthyl benzoate conférait une meilleure stabilité photochimique au butyl-methoxydibenzoylméthane vis-à-vis des rayonnements UV-A que le benzoate de benzyle. Même si le problème technique ne devait être vu qu'en la mise à disposition d'un autre procédé de stabilisation des filtres UV-A, la solution d'utiliser le 2-phényléthyl benzoate n'était néanmoins pas évidente à la lumière de l'état de la technique. En effet, le document (6) orientait l'homme du métier vers d'autres alternatives, à savoir les dérivés silicates alors que le document (4) n'abordait pas l'aspect de la photo stabilisation des filtres UV-A. L'objet des revendications de la requête principale impliquait donc une activité inventive.

L'objet des revendications des requêtes subsidiaires 1 et 2 impliquait une activité inventive pour les mêmes raisons que la requête principale.

VI. Selon l'intimé, le complément au rapport expérimental déposé avec la lettre du 8 février 2019 ne devait pas être admis dans la procédure de recours car il avait été reçu par l'intimé seulement quelques jours avant la date de la procédure orale, ce qui ne lui laissait pas de temps d'y répondre par des contre-essais. D'autre part la notification de la Chambre avait été envoyée le 12 juin 2018, ce qui ne pouvait pas justifier la tardivité du dépôt de ce rapport. Le document (6) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Le document (10)) ne montrait pas d'amélioration de la stabilité photochimique pour les compositions du brevet litigieux. Le problème technique à résoudre était donc la mise à disposition d'un procédé alternatif de stabilisation des filtres UV-A. La solution d'utiliser le 2-phényléthyl benzoate était évidente à la lumière du document (6). L'objet des revendications des requêtes principale et subsidiaires 1 et 2 manquait donc d'activité inventive.

VII. Le requérant (propriétaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale déposée avec le mémoire de recours daté du 22 octobre 2015, ou subsidiairement selon l'une des requêtes subsidiaires 1 et 2 déposées avec cette même lettre.

L'intimé (opposant) a demandé le rejet du recours.

VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Admission du complément au rapport d'essai du document (10) dans la procédure de recours

L'intimé s'est opposé à l'admission de ce complément qu'il a reçu quelques jours avant la procédure orale du 7 mars 2019 au motif qu'il ne pouvait plus y répondre par de contre-essais.

Selon le Règlement de Procédure des Chambres de Recours (RPCR), le mémoire de recours et la réponse doivent contenir l'ensemble des moyens invoqués par les parties (Article 12 (1) et (2) RPCR). L'admission de toute modification présentée par une partie après que celle-ci a déposé son mémoire de recours ou sa réponse est laissée à l'appréciation de la Chambre qui tient à cet effet compte de l'état de la procédure et du principe de l'économie de la procédure (Article 13 (1) RPCR). Ce dernier principe s'applique tout particulièrement à la période postérieure à la convocation à la procédure orale. Un critère essentiel pour l'admission de moyens tardifs est le respect du droit à être entendu de l'autre partie.

L'intimé en recevant le complément d'essais quelques jours avant la procédure orale n'a pas eu la possibilité d'y répondre par des contre-essais. Par conséquent, l'admission du complément au rapport expérimental du document (10) dans la procédure de recours aurait comme conséquence l'ajournement de la procédure orale afin de garantir le droit à être entendu de l'intimé, ce que l'article 13(3) RPCR tend à interdire.

Le requérant justifie le dépôt tardif de ces essais comme une réponse à une nouvelle objection de la Chambre dans la notification accompagnant la citation à la procédure orale.

Cependant, cet argument ne peut pas justifier la tardiveté du dépôt du complément au rapport expérimental du document (10) qui a été produit presque 8 mois après la notification de la chambre, et seulement un mois avant la procédure orale. Dans les circonstances de l'espèce, la Chambre décide donc de ne pas admettre ce complément d'essais dans la procédure de recours (Article 13 (3) RPCR).

Requête principale, activité inventive

3. Art antérieur le plus proche

En accord avec les parties, la Chambre considère que l'état de la technique le plus proche de l'invention est représenté par le document (6). Ce document divulgue un procédé de photo-stabilisation du 4-t-butyl,4'-méthoxy dibenzoyl-méthane, présent dans les compositions cosmétiques antisolaires en tant que filtre UV-A, qui consiste à associer à ce filtre UV-A une quantité efficace d'un dérivé aromatique de l'acide benzoïque et/ou de l'acide salicylique (voir revendication 1). Ces dérivés sont préférentiellement des dérivés répondant à la formule FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE dans laquelle R1 représente un atome d'hydrogène ou un groupe hydroxyle et R2 représente un groupe phényle ou benzyle (voir revendication 2).

4. Problème technique

Le requérant a défini le problème à résoudre comme étant l'amélioration de la stabilisation vis-à-vis du rayonnement UV de compositions cosmétiques comprenant des filtres UV-A dérivés du dibenzoylméthane.

5. Solution proposée

La solution proposée par le brevet litigieux est le procédé de photo-stabilisation de la revendication 1, caractérisé en ce qu'un dérivé aromatique de formule FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

est associé au dérivé du dibenzoylméthane.

6. Succès

Pour montrer que les dérivés de formule (I) de la revendication 1 du brevet tel que délivré sont de meilleurs photo-stabilisateurs des filtres UV-A dérivés du dibenzoylméthane que ceux divulgués dans le document (6), le requérant s'est référé aux essais comparatifs (document (10)) déposés avec le mémoire de recours. Dans ces essais la photostabilité de deux compositions comprenant le butyl-methoxydibenzoylméthane est comparée. Ainsi une composition (A1) reflétant l'état de la technique et stabilisée par le benzoate de benzyle est comparée à une composition (B1) selon l'invention stabilisée par le 2-phénéthyl benzoate. La valeur moyenne du facteur de protection solaire (FPS) mesurée in vitro sur trois plaques de la composition (A1) reflétant l'état de la technique est de 16,5±0,5 après une heure d'exposition aux UV-A alors qu'elle était initialement de 28,4±0,9 avant exposition. Pour la composition (B1) de l'invention elle est de 19,4±1,5 après une heure d'exposition aux UV-A alors qu'elle était initialement de 31,6±2,9 avant exposition.

Selon le requérant, le FPS avant exposition de la composition comparative (Al) était similaire à celui de la composition de l'invention (Bl), alors qu'après exposition, le FPS de la composition selon l'invention était meilleur. Les résultats montreraient donc que le 2-phényléthyl benzoate confère une meilleure stabilité photochimique au butyl-méthoxydibenzoylméthane vis-à-vis des rayonnements UV-A que le benzoate de benzyle.

Cependant, le FPS initial de 28,4±0,9 de la composition (A1) est différent d'un FPS initiale de 31,6±2,9 de la composition (B1). Par conséquent, les données expérimentales du rapport expérimental du document (10) ne corroborent pas l'affirmation du requérant selon laquelle les compositions (A1) et (B1) possèdent le même FPS avant exposition.

Force est donc de constater que la perte de protection solaire après une heure d'exposition est similaire pour les compositions de l'état de la technique et de l'invention, voire même légèrement moins importante pour la composition de l'état de la technique (perte de 11,9 sur le FPS comparée à une perte de 12,2 pour la composition de l'invention). Les essais comparatifs du document (10) ne démontrent donc pas que le 2-phényléthyl benzoate confère une meilleure stabilité photochimique au butyl-méthoxydibenzoylméthane vis-à-vis des rayonnements UV-A que le benzoate de benzyle.

Par conséquent, le problème technique doit être reformulé en la mise à disposition de compositions cosmétiques antisolaires alternatives stabilisées contre le rayonnement UV.

7. Evidence

Il reste donc à déterminer si la solution proposée au problème de la mise à disposition de compositions alternatives de stabilisation découle de manière évidente de l'état de la technique. Le document (6) enseigne que les dérivés aromatiques de l'acide benzoïque stabilisent les compositions solaires comprenant des filtres UV-A dérivés du dibenzoylméthane (voir page 2, 4**(ème) paragraphe, revendication 1). Le 2-phenylethyl benzoate est un dérivé aromatique de l'acide benzoïque. Ce composé est connu et est divulgué en association avec le butyl-méthoxydibenzoylméthane dans des compositions antisolaires (voir document (4)).

Par conséquent, l'homme du métier cherchant à mettre à disposition un autre photo-stabilisateur que ceux divulgués dans la revendication 2 ou dans les exemples du document (6), à savoir les salicylate et benzoate de phényle ou benzyle, considérerait le 2-phényléthyl benzoate comme une solution évidente à la seule lecture du document (6) et arriverait ainsi à l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré sans faire preuve d'activité inventive.

En conséquence, la requête principale doit être rejetée pour défaut d'activité inventive (Article 56 CBE).

8. Requête subsidiaire 1

Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 1, les arylalkylbenzoates de formule FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE sont limités au 2-phenethyl benzoate. Cette restriction n'entraine aucune différence supplémentaire par rapport à l'état de la technique et ne contribue donc pas à fonder une activité inventive. En conséquence, cette requête est rejetée pour les mêmes raisons que la requête principale.

9. Requête subsidiaire 2

La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 a pour objet une composition cosmétique ou dermatologique qui comprend en plus du filtre UV-A de type dérivé du dibenzoylméthane et du 2-phenethyl benzoate, au moins un agent protecteur inorganique complémentaire actif dans l'UV-A et/ou l'UV-B choisi parmi les pigments ou les nano-pigments d'oxydes métalliques, traité ou non.

Cependant, le document (6) enseigne que les compositions cosmétiques peuvent aussi contenir des filtres solaires complémentaires comme les nano-pigments d'oxyde métallique enrobé ou non (voir page 7, dernier paragraphe).

Par conséquent, la requête subsidiaire 2 doit également être rejetée pour manque d'activité inventive.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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