European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T095915.20190910 | ||||||||
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Date de la décision : | 10 Septembre 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0959/15 | ||||||||
Numéro de la demande : | 06020789.1 | ||||||||
Classe de la CIB : | A47L13/40 D04H1/435 D04H1/498 D04H1/4291 D04H1/4374 D04H5/03 D04H1/492 B32B5/26 D04H5/02 A47L13/16 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Non-tissé comprenant une nappe en filaments continus, son procédé de fabrication et son application en tant que chiffon d'essuyage | ||||||||
Nom du demandeur : | ANDRITZ Perfojet SAS | ||||||||
Nom de l'opposant : | THE PROCTER & GAMBLE COMPANY Trützschler GmbH & Co. KG |
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Chambre : | 3.2.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Modifications - extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée (oui) Activité inventive - requête subsidiaire 3 (non) Requêtes subsidiaires produites tardivement - requête subsidiaire 3bis Requêtes subsidiaires produites tardivement - recevable (non) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Les requérantes (titulaire et opposante 2) ont chacune formé recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition ayant décidé que le brevet européen No. 1 743 971 sous forme modifiée satisfaisait aux conditions énoncées dans la Convention (CBE).
Par la suite les deux requérantes sont uniquement désignées par rapport à leur qualité respective de titulaire et d'opposante.
Puisque la partie de droit, à savoir l'opposante 1, n'a pas soumis de commentaires substantiels au cours de la procédure de recours, le terme "opposante", sans plus de référence ni numéro, désignera l'opposante 2.
II. La Chambre a informé les parties par communication dûment notifiée du dépôt des mémoires de recours respectifs et a fixé un délai pour soumettre une réponse. La titulaire n'a pas soumis de réponse.
III. La Chambre a convoqué les parties à une procédure orale.
IV. Par notification, établie en vue de la procédure orale, les parties ont été informées de l'opinion provisoire de la Chambre.
V. Avec la lettre du 2 juillet 2019 la titulaire a soumis trois jeux de revendications modifiées correspondant à une requête principale et aux requêtes subsidiaires 1 et 2, accompagnés de commentaires concernant l'opinion provisoire de la Chambre. Avec la lettre du 8 juillet 2019 elle a soumis trois jeux "bis" de revendications modifiées supplémentaires. L'opposante a répondu à l'opinion provisoire et aux écrits de la titulaire avec sa lettre du 12 août 2019.
VI. La procédure orale a eu lieu le 10 septembre 2019, en absence de la partie de droit (opposante 1) comme annoncé par sa lettre du 24 septembre 2018. Au cours de la procédure orale la titulaire a déposé deux jeux de revendications modifiées désignés comme requêtes subsidiaires 3 et 3(bis). Elle a abandonné les trois jeux "bis" déposés le 8 juillet 2019.
VII. L'opposante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
VIII. La titulaire du brevet a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale ou une des requêtes subsidiaires 1 ou 2, toutes déposées par courrier du 2 juillet 2019, ou sur la base d'une des requêtes subsidiaires 3 ou 3(bis) déposées au cours de la procédure orale devant la Chambre.
IX. Le document suivant a été invoqué par les parties:
D12: EP-B1-0 333 211.
X. La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit:
"Non-tissé qui comprend au moins un voile cardé de fibres discontinues thermoplastiques, caractérisé en ce que le voile est hydroenchevêtré à une nappe non étirée en filaments continus, inélastiques, indépendants et orientés au hasard et en ce que le non-tissé a une masse volumique non supérieure à 0,06 g/cm**(3)et a un allongement à la traction en % dans le sens travers supérieur à 30%."
XI. La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 s'énonce comme suit (caractères gras ajoutés par la Chambre, indiquant les modifications par rapport à la requête principale):
"Non-tissé qui comprend au moins un voile cardé de fibres discontinues thermoplastiques, caractérisé en ce que le voile est hydroenchevêtré à une nappe non étirée en filaments continus, inélastiques, indépendants et orientés au hasard et en ce que le non-tissé a une masse volumique non supérieure à 0,06 g/cm**(3)et a un allongement à la traction en % dans le sens travers supérieur à 30% et le voile cardé a un poids surfacique de 10 à 30 g/m**(2)."
XII. La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 s'énonce comme suit (caractères gras, indiquant les modifications par rapport à la requête principale, ajoutés par la Chambre):
"Non-tissé qui comprend au moins deux voiles cardés de fibres discontinues thermoplastiques, caractérisé en ce que les voiles sont hydroenchevêtrés à une nappe interposée entre eux, non étirée, en filaments continus, inélastiques, indépendants et orientés au hasard et en ce que le non-tissé a une masse volumique non supérieure à 0,06 g/cm**(3)et a un allongement à la traction en % dans le sens travers supérieur à 30% et les voiles cardés ont un poids surfacique de 10 à 30 g/m**(2)."
XIII. Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 l'expression "au moins" a été éliminée.
XIV. Dans les jeux de revendications constituants les requêtes principale, subsidiaires 1, 2 et 3, la dernière revendication s'énonce comme suit:
"L'utilisation d'un non-tissé suivant l'une des revendications précédentes comme chiffon d'essuyage."
XV. L'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire "3(bis)" a été modifié pour désigner l'"[u]tilisation comme chiffon d'essuyage d'un non-tissé qui comprend ... [les caractéristiques définies à l'identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 3]".
XVI. Les arguments de l'opposante peuvent être résumés ainsi.
Requête principale - Article 123(2) CBE
L'introduction du terme "cardé" aboutit à une généralisation intermédiaire qui s'étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Au paragraphe 20 de la description cette caractéristique est divulguée uniquement comme une propriété préférentielle des voiles de fibres thermoplastiques ayant un poids surfacique de 10 à 30 g/m**(2). De plus, l'énoncé du paragraphe 20 n'est pas clair en ce qui concerne le nombre de voiles cardés déposés sur les deux côtés de la nappe. Ce paragraphe ne peut pas par conséquent constituer une base pour la caractéristique "au moins un voile cardé". La description du mode de réalisation d'un non-tissé aux paragraphes 31 et 38 divulgue une nappe ayant de chaque côté un voile de fibres thermoplastiques cardés avec précisément un poids surfacique tel que divulgué au paragraphe 20.
Requête subsidiaire 1 - Article 123(2) CBE
L'ambiguïté du paragraphe 20 quant au nombre de voiles déposés des deux côtés de la nappe ne permet pas d'en dériver sans ambiguïté la caractéristique "au moins un voile cardé" telle que définie à la revendication.
Requête subsidiaire 3 - Article 56 CBE
L'objet de la revendication 1 découle d'une manière évidente pour l'homme du métier du document D12. Le non-tissé selon l'exemple 2 constitue l'état de la technique le plus proche. La seule différence entre l'objet revendiqué et ce non-tissé connu concerne le matériau des fibres constituant un des deux voiles qui n'est pas thermoplastique. La masse volumique du non-tissé selon l'exemple 2 peut être calculée à partir des valeurs du tableau 1, tout en respectant les règles d'arrondissement avec la précision requise par la revendication, c'est-à-dire, à deux décimales près. La nappe du non-tissé est formée par des fibres "meltblown" qui sont considérées par l'homme du métier comme filaments continus, dans les limites d'une interprétation techniquement raisonnable du terme "continu" de la revendication. Ce terme n'implique pas une longueur précise, et encore moins une longueur infinie. Il indique plutôt une extension très longue par rapport aux fibres de courte extension ("staple fibre") constituant les voiles, extension requise notamment pour obtenir un enchevêtrement suffisamment solide des fibres des voiles autour des filaments de la nappe. Dans ce sens la qualification des fibres du "meltblown" dans D12 comme "à peu près continues" ("nearly continuous") ne permet pas de conclure à une différence dans la structure entre la nappe du non-tissé revendiqué et celui de l'état de la technique le plus proche. De plus l'objet de la revendication n'est pas limité à un usage comme chiffon d'essuyage. La seule différence technique établie ci-dessus ne contribue pas à un effet technique particulier. Le choix du matériau alternatif est évident pour l'homme du métier au vu de la revendication 11 de D12. Si la Chambre devait juger qu'il manque dans le non-tissé de l'exemple 2 d'autres caractéristiques définies à la revendication 1, comme par exemple "cardé", l'opposante considère de toute façon que ces caractéristiques ne pourraient pas non plus être considérées inventives non plus, faute d'un effet synergétique.
Requête subsidiaire "3(bis)" - Article 13(1) RPCR
La requête ne devrait pas être admise dans la procédure. La seule revendication indépendante visant l'utilisation du non-tissé représente un changement de catégorie de l'objet revendiqué. Une requête similaire avait été déposée déjà devant la division d'opposition mais n'a pas été maintenue dans la procédure de recours. Le fait que toutes les requêtes considérées auparavant comprenaient une telle revendication n'est pas pertinent car son objet n'a jamais eu besoin d'être considéré auparavant. De surcroît, l'utilisation revendiquée du non-tissé comme chiffon d'essuyage est également envisagée en D12. Le brevet n'indique aucun avantage particulier lié aux caractéristiques distinctives au regard de cette utilisation.
XVII. Les arguments de la titulaire peuvent être résumés ainsi.
Requête principale - Article 123(2) CBE
L'introduction du terme "cardé" dans la revendication 1 est conforme aux exigences de l'article 123(2) CBE. Le contenu de la demande telle que déposée doit être déterminé sur la base de ses revendications, notamment de la revendication indépendante qui forme la divulgation la plus générale de l'invention, et de la description, en tenant compte notamment des buts recherchés par l'invention. Le paragraphe 6 définit l'objet de l'invention par référence à la revendication 1. Selon celle-ci un non-tissé avec une nappe et un seul voile représente l'essentiel de l'invention. De la revendication 2 et du paragraphe 9 de la description il ressort clairement que la présence d'un deuxième voile constitue un perfectionnement de l'invention. Quant au paragraphe 20, il ouvre deux branches d'un perfectionnement supplémentaire, visant l'emploi de fibres cardées. Selon la branche préférée, un voile de fibres cardées est déposé de chaque côté de la nappe, selon la branche non-préférée, un seul voile de fibres cardées est déposé uniquement sur un côté. La caractéristique "cardé" est notamment indépendante du nombre de ces voiles compris dans le non-tissé. L'utilisation du pluriel dans l'énoncé est une simple conséquence de l'accord des mots au nombre de voiles potentiellement compris dans le non-tissé. Le contenu du paragraphe 20 ne peut pas être compris de manière à englober un mode de réalisation présentant deux couches du même côté de la nappe. Une telle configuration est exclue par l'énoncé de la revendication qui requiert que le voile soit hydroenchevêtré sur la nappe. En présence de deux voiles déposés l'un sur l'autre du même côté de la nappe, le voile extérieur ne pourrait être hydroenchevêtré qu'au voile interposé. Par contre, son hydroenchevêtrement à la nappe même serait pratiquement impossible.
Concernant le poids surfacique du voile, l'intervalle défini n'est pas lié au choix de la nature du voile cardé ou non-cardé. Il n'est donc pas nécessaire de définir cette caractéristique non-essentielle dans la revendication.
Requête subsidiaire 1 - Article 123(2) CBE
La caractéristique concernant le poids surfacique du voile cardé a été définie dans la revendication. Il est techniquement impossible d'enchevêtrer deux voiles avec un tel poids surfacique sur le même côté de la nappe, l'interprétation correspondante du paragraphe 20 doit alors être écartée.
Requête subsidiaire 3 - Article 56 CBE
Le problème que le brevet litigieux se propose de résoudre est d'enlever la poussière d'une manière plus efficace, comme en témoignent les résultats obtenus par les exemples réalisés selon l'invention. Le document D12, au contraire, divulgue des non-tissés de compositions variées qui doivent pouvoir servir à tout. Cependant, quelque chose qui sert à tout ne sert finalement à rien. Pour arriver à l'invention selon le brevet, l'homme du métier doit procéder à une série de sélections dans D12 qui ne sont pas évidentes sans connaissance de l'invention. Il doit d'abord choisir parmi les usages possibles des non-tissés de D12, celui d'un chiffon d'essuyage, et ensuite, choisir les matières et la composition particulière en une nappe de filaments continus interposée entre deux voiles de fibres thermoplastiques cardés. En ce qui concerne le non-tissé selon l'exemple 2 de D12, les couches extérieures ne sont pas constituées de fibres cardées. Une des deux couches n'est pas constituée de fibres thermoplastiques. La masse volumique du non-tissé calculée pour le cas de l'exemple 2 est égale à 0,061 g/cm**(3), donc supérieure à la valeur de 0,06 requise par la revendication. Le non-tissé de l'exemple 2 comprend au mieux une couche "meltblown" entre deux couches constituées également de fibres discontinues, au contraire d'une nappe formée de filaments continus et indépendants requise selon la revendication. En haut de la page 4 de D12 il est expliqué que les fibres de la couche "meltblown" ne sont qu'à peu près continues, contrairement à la caractéristique "filaments continus" revendiquée. La fonction de chiffon d'essuyage et l'aptitude à enlever de la poussière ne sont pas non plus divulguées pour le non-tissé selon l'exemple 2.
Les différences établies contribuent à améliorer la capacité d'un tel non-tissé à enlever la poussière. Ceci a été démontré dans le brevet à l'aide des deux non-tissés réalisés selon l'invention, dont les résultats d'adsorption de poussière sont indiqués à la Figure 4 et au tableau I.
Requête subsidiaire "3(bis)" - Article 13(1) RPCR
La requête devrait être admise dans la procédure. Son objet n'a jamais été abandonné, car présent dans toutes les requêtes soumises au cours de la procédure de recours. Son admission est équitable au vu des précédentes discussions au sujet de l'activité inventive. La Chambre n'a pas reconnu de lien entre les caractéristiques distinctives du non-tissé selon la requête subsidiaire 3 et l'effet recherché, en particulier en vue de son aptitude à enlever efficacement des grandes quantités de poussière grâce notamment aussi à la nature des voiles cardés en combinaison avec les autres caractéristiques revendiquées. Ce lien est maintenant défini explicitement par l'usage recherché et ne peut pas être ignoré aux fins de l'examen de l'activité inventive. D12 ne suggère pas un tel usage, mais des usages complètement différents, voir à la page 3, lignes 31-33 et à la page 10, lignes 4 à 7. L'objet revendiqué ne peut pas être considéré comme découlant d'une manière évidente de D12.
Motifs de la décision
Requête principale - Article 123(2) CBE
1. Comparé à l'énoncé de la revendication 1 du brevet tel que délivré, il a été précisé à la revendication 1 selon la requête principale que, entre autres, le non-tissé comprend "au moins un voile cardé de fibres discontinues thermoplastiques" (souligné par la Chambre).
Les parties s'accordent à dire que cette modification provient de la description de la demande telle que déposée (référence est faite par la suite à sa version publiée).
La division d'opposition avait conclu dans la décision contestée que cette modification n'était pas conforme aux dispositions de l'article 123(2) CBE. Selon les motifs de la décision, la demande telle que déposée ne divulguait que des non-tissés à deux voiles cardés, conclusion contestée par la titulaire. L'opposante de son côté, contestant l'argument de la titulaire, surenchérit en ce qu'elle considère que l'emploi de voiles cardés est divulgué exclusivement pour des voiles d'un poids surfacique entre 10 et 30 g/m**(2).
2. Selon l'article 123(2) CBE, le brevet européen ne peut être modifié de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
Le principe de base à l'examen de cette exigence de la Convention dérive de la jurisprudence de la Grande Chambre de Recours, tel qu'il a été résumé et confirmé dans sa décision G 2/10 (JO OEB 2012, 376, Motifs 4.3).
Appliqué au cas d'espèce il est donc nécessaire de déterminer si l'homme du métier est objectivement en mesure, à la date de dépôt, de déduire l'objet modifié directement et sans équivoque de l'ensemble des documents tels qu'ils ont été déposés (revendications, description et figures), en se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré.
Ceci n'est pas le cas pour l'objet de la revendication modifiée selon la requête principale pour les raisons suivantes.
3. La Chambre accepte que la revendication 1 telle que déposée définit l'invention dans des termes les plus larges et couvre ainsi des modes de réalisation de non-tissés avec au moins un voile et une nappe tels que définis avec les autres caractéristiques d'un tel voile et une telle nappe dans cette revendication originale. Ainsi, la revendication originale couvre des non-tissés comprenant au moins un voile cardé de même que des non-tissés avec au moins un voile non-cardé. Elle couvre donc aussi bien des non-tissés avec simplement un voile (cardé ou non-cardé) que des non-tissés avec deux voiles (les deux cardés ou non-cardés ou seulement l'un des deux cardé), voire plus de voiles, et, par exemple dans le cas de deux voiles, la revendication n'exclut pas non plus - et couvre donc - des réalisations avec un voile de chaque côté de la nappe, ou encore avec les deux voiles superposés l'un sur l'autre sur le même côté de la nappe (pourvu que les voiles, possiblement composés de deux types de fibres différentes, soient suffisamment minces et présentent des fibres discontinues suffisamment longues pour être hydroenchevêtrés tous les deux à la nappe). La revendication couvre tout cela et ne divulgue cependant presque rien de tout cela.
L'emploi de voiles cardés est divulgué dans la description, au paragraphe 20, appartenant à la description générale de l'invention, et aux paragraphes 32 et 37, appartenant à la description d'un mode de réalisation préféré de l'invention (ainsi que pour le non-tissé selon l'exemple 1).
La titulaire a fondé son argumentation exclusivement sur la base de la divulgation du paragraphe 20, soutenant que l'homme du métier comprendrait de ce passage que la propriété du voile, d'être cardé ou non-cardé, est indépendante du nombre des voiles et de son poids surfacique.
La première phrase du paragraphe 20 s'énonce comme suit:
"Sur cette nappe de filaments continus sont déposés de préférence de chaque côté, des voiles de fibres thermoplastiques de 10 à 30 g/m**(2) de préférence cardés."
4. Selon la Chambre, cette phrase divulgue la propriété "cardé" uniquement comme une caractéristique préférentielle des voiles de fibres thermoplastiques [d'un poids surfacique] de 10 à 30 g/m**(2), lesquels voiles peuvent être déposés, d'une façon non-préférée, seulement d'un côté ou, de préférence, des deux côtés de la nappe.
Des voiles cardés sont donc uniquement divulgués dans ce passage comme une réalisation préférentielle d'un type de voile spécifique ayant un certain poids surfacique.
Concernant le nombre de ce type de voiles à déposer sur les côtés de la nappe, ce passage ne constitue pas une divulgation sans équivoque et reste ambiguë si elle est considérée dans le contexte le plus large de la description et des revendications. Le type de voile spécifique (au poids surfacique indiqué) est seulement mentionné au pluriel dans ce passage, sans précision ou limitation quant à leur nombre et certainement pas que ce nombre devrait être égal à précisément deux voiles. Le passage couvre ainsi la présence d'au moins deux voiles du type spécifique, ce dont il pourrait résulter différentes réalisations : plusieurs voiles de chaque côté ou plusieurs voiles seulement sur un côté de la nappe. Elle semble couvrir aussi la présence de seulement deux voiles au total, un de chaque côté de la nappe, même si une telle interprétation ne semble pas correspondre à une lecture littérale de ce passage ("...de chaque côté, des voiles..."). Par contre, ce passage en soi ne divulgue pas directement et sans équivoque l'option telle que définie à la revendication en cause, c'est-à-dire d'un seul voile (cardé et sans limitation du poids surfacique) sur (un côté de) la nappe.
Considérant les paragraphes 6 et 9 ainsi que la revendication indépendante 1 telle que déposée, que la titulaire a cité au soutien de son argument, la Chambre n'y trouve rien qui peut changer sa conclusion. Le fait que la revendication indépendante 1 telle que déposée et le paragraphe 6 référent à l'invention dans les termes les plus généraux, sans limitation à un type de voile spécifique (cardé ou non-cardé, sans limitation au poids surfacique), n'est pas pertinent. Aucun de ces passages ne contient une divulgation concernant le nombre de voiles à déposer sur les côtés de la nappe dans le cas de voiles du type spécifique indiqué au paragraphe 20. Le paragraphe 9 révèle effectivement la présence de deux couches seulement comme un mode préféré, mais également sans lien avec le type de voile divulgué au paragraphe 20.
L'argument de la titulaire, s'appuyant sur l'énoncé "de préférence de chaque côté" et selon lequel "[l]orsqu'il n'y a pas de préférence, le voile n'est prévu que d'un côté", ne peut pas convaincre. Il part de la prémisse que le pluriel au paragraphe 20 signifie nécessairement le nombre "deux", pour laquelle la Chambre ne trouve pas de divulgation sans équivoque.
La Chambre ne considère pas non plus qu'il soit techniquement impossible de déposer deux voiles avec le poids surfacique indiqué au paragraphe 20 d'un même côté de la nappe et de les hydroenchevêtrer ensemble à la nappe, selon les définitions de la revendication. Ceci semble surtout dépendre, par exemple, de l'épaisseur des deux voiles, de la longueur de leurs fibres discontinues et des conditions de l'hydroenchevêtrage. La revendication ne contient pas de définitions qui excluent clairement un tel mode de réalisation.
Il n'est pas pertinent que la caractéristique "cardé" d'un voile de fibres thermoplastiques, d'une façon générale, soit indépendante du poids surfacique du voile en cause et du nombre de voiles à déposer sur la nappe. D'autres modes de réalisation qui apparaissent techniquement raisonnables et que l'homme du métier aurait pu imaginer également à la place de ce qui est décrit dans ce passage de la description ne font pas nécessairement partie de la divulgation directe et sans équivoque du brevet. Ce qui compte ici, en l'absence de toute autre indication dans la description à l'appui de la position de la titulaire, c'est la divulgation concernant le type de voiles déposés selon cette phrase du paragraphe 20 sur la nappe. Sur ça, la divulgation est sans équivoque: les voiles déposés présentent un poids surfacique dans l'intervalle indiquée. Ces voiles avec ce poids surfacique sont de préférence cardés. L'interprétation de la titulaire selon laquelle les voiles déposés sur la nappe sont cardés indépendamment, par exemple, du poids surfacique, ne peut donc pas être déduite de cette proposition directement et sans équivoque.
Même si la titulaire dans son argument ne s'est pas appuyée sur la partie de la description du mode de réalisation préféré, il convient de noter que la conclusion ne serait pas différente.
Comme l'intervalle du poids surfacique n'a pas été défini dans la revendication modifiée et comme la revendication définit également un non-tissé constitué de seulement un voile cardé, sans qu'un tel non-tissé avec un seul voile cardé puisse être déduit directement et sans équivoque de la demande telle que déposée, l'exigence de l'article 123(2) CBE n'est pas satisfaite.
Requêtes subsidiaires 1 - Article 123(2) CBE
5. Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 la plage du poids surfacique telle que divulguée au paragraphe 20 a été ajoutée. Par contre, le nombre de voiles cardés du non-tissé n'a pas été modifié.
L'argument de la titulaire se limite essentiellement à l'allégation que l'hydroenchevêtrement de plusieurs voiles superposés du même côté de la nappe ne pourrait pas être réalisé et ne pourrait par conséquent pas constituer une interprétation de la phrase pertinente au paragraphe 20. Pour les raisons déjà indiquées ci-dessus au point 4, cet argument n'est pas convaincant.
L'objet de la revendication 1 s'étend donc également au-delà du contenu de la demande telle que déposée, contrairement à l'article 123(2) CBE.
Requête subsidiaire 2 - Article 123(2) CBE
6. Aussi l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 s'étend-il au-delà du contenu de la demande telle que déposée, contrairement à l'article 123(2) CBE. La revendication en cause définit que le non-tissé comprend "au moins deux voiles cardés" hydroenchevêtrés à la nappe interposée entre eux et couvre ainsi des modes de réalisation avec, par exemple, deux voiles sur chaque côté de la nappe. Une telle réalisation n'est nulle part divulguée dans la demande telle que déposée. La titulaire n'a pas soumis de commentaire au sujet de cette objection soulevée par la Chambre dans sa notification émise en préparation de la procédure orale.
Requête subsidiaire 3 - Article 56 CBE
7. La requête en cause a été déposée au cours de la procédure orale. Ni l'opposante ni la Chambre n'ont eu d'objections à son admission dans la procédure. Cependant l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 n'implique pas d'activité inventive pour les raisons suivantes.
7.1 L'argumentation de la titulaire à ce sujet n'est pas convaincante. L'approche adoptée par la titulaire exige l'exécution, lors de la lecture de D12, d'une série de sélections successives et, selon la titulaire, non-évidentes afin d'arriver à un non-tissé selon la revendication 1 actuelle. Un tel argument ne répond notamment pas à l'objection soulevée par l'opposante au titre de l'article 56 CBE et basée sur l'approche problème-solution. Cette approche est régulièrement appliquée par les instances de l'OEB, les Chambres de recours y compris, afin de décider si l'objet revendiqué satisfait ou non aux exigences de l'article 56 CBE. La titulaire n'a pas indiqué de raison particulière de procéder différemment dans le cas présent et la Chambre ne voit pas non plus de raison de dévier de la pratique courante en la matière.
7.2 La Chambre considère que le non-tissé selon l'exemple 2 de D12 constitue l'état de la technique le plus proche de l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3. Selon la description à la page 7 de D12, ce non-tissé comprend deux couches de fibres discontinues ("staple fibers"), dont seulement une est composée d'un matériau thermoplastique, en polypropylène. Les deux couches sont hydroenchevêtrées à une couche interposée entre elles, constituée de fibres "meltblown", en polypropylène. Le poids surfacique des deux couches de fibres discontinues est explicitement indiqué dans cette description et est égal à respectivement 14 g/m**(2) (pour celle en rayon, matériau non-thermoplastique), et 15 g/m**(2) (pour celle en polypropylène).
Par référence à différents passages de la description de D12 précédant la description de l'exemple 2, l'opposante a argué que la couche "meltblown", qui selon la Chambre s'identifie à la nappe selon la revendication 1 (voir ci-dessus 7.3.1), est non-étirée, constituée de fibres inélastiques et orientées au hasard. Elle a également justifié par référence au contenu du tableau 1 aux pages 8 et 9 de D12, que le non-tissé de l'exemple 2 présente un allongement à la traction en % dans le sens travers supérieur à 30%. Suite à ces explications la titulaire n'a plus contesté cette partie de l'argument de l'opposante et la Chambre ne trouve rien à l'encontre non plus.
7.3 Cependant, la titulaire a contesté que les trois couches du non-tissé de l'exemple 2 de D12 constituent des voiles et une nappe au sens du brevet. Elle a contesté aussi que les deux couches de fibres discontinues extérieures, qui selon la Chambre peuvent néanmoins être identifiées aux voiles selon la revendication 1 (voir ci-dessus 7.3.1), sont cardés, que le non-tissé a une masse volumique non supérieure à 0,06 g/cm**(3), et enfin que la couche intermédiaire "meltblown" - la nappe selon la Chambre (ibid.) - est formée nécessairement de filaments continus et indépendants.
7.3.1 La Chambre ne peut pas suivre l'argument de la titulaire concernant une distinction structurelle entre les couches du non-tissé selon D12 et les termes "voile" et "nappe", employés dans le brevet en litige. Ni la revendication modifiée ni la description du brevet ne contiennent une définition qui implique nécessairement une certaine solidité de la structure des fibres ou des filaments constituant respectivement les voiles et la nappe et qui pourrait servir de base à une telle distinction. De plus, la revendication 1 a pour objet un produit final dont la constitution plus ou moins solide des matières utilisées à sa fabrication n'est plus une caractéristique nécessairement discernable dans le produit final, dû à l'hydroenchevêtrement, procédé par lequel la structure des trois couches est modifiée.
7.3.2 L'argument de la titulaire concernant la masse volumique du non-tissé selon l'exemple 2 de D12 n'est pas non plus convaincant.
La revendication définit ce paramètre avec une précision à deux décimales près. La Chambre considère que la comparaison avec l'art antérieur doit s'effectuer alors aussi avec une valeur de la même précision. Le brevet ne semble pas contenir d'indication que la précision voulue soit autre que celle indiquée à la revendication, par exemple, non supérieure à 0,060 g/cm**(3). Pour le moins, la titulaire n'a pas indiqué de support dans le brevet pour une telle interprétation plus limitée. En plus, les valeurs exposées au tableau I au paragraphe 72 du brevet indiquent la masse volumique également seulement à deux décimales près. Le fait qu'il soit techniquement possible et même fréquemment divulgué dans d'autres demandes de brevet de déterminer la masse volumique avec une précision supérieure, par exemple à trois décimales près, ne peut pas justifier de s'éloigner du choix de la titulaire de définir ce paramètre avec une précision à seulement deux décimales.
La valeur de la masse volumique calculée à partir des données pour l'exemple 2 au tableau 1 de D12, arrondie à trois décimales, est égale à 0,061 g/cm**(3), ce qui n'a pas été contesté par la titulaire. L'arrondi à deux décimales correspond donc à 0,06 g/cm**(3), ce qui mène à la conclusion que le non-tissé de l'exemple 2 de D12 présente un poids surfacique non supérieur à 0,06 g/cm**(3), correspondant à l'objet revendiqué.
7.3.3 Concernant la nature des fibres de la nappe interposée, la Chambre ne peut pas accepter les différences structurelles alléguées par la titulaire. Le brevet ne comprend pas de définition de l'expression "filaments continus". Comme il a été également argué par l'opposante, cette expression n'est pas considérée par l'homme du métier comme signifiant nécessairement une longueur infinie ou supérieure à plusieurs kilomètres de filaments individuels. L'expression "filaments continus" ne peut pas être comprise comme désignant une continuité absolue. Même si un procédé "meltblowing" peut en principe aboutir à des filaments continus ou des fibres discontinues, les fibres "meltblown" sont décrites en D12 comme à peu près continues ("nearly continuous"), de telles fibres étant excellentes pour y attacher des fibres discontinues ("...excellent for anchoring ... loose fibers ... staple fibers...", voir notamment à la page 4, lignes 1-4). Par la juxtaposition des deux expressions "nearly continuous", à peu près continue, et "loose/staple", discontinue, pour décrire la relation entre ces deux types de fibres, l'homme du métier exclut la possibilité suggérée par la titulaire que les fibres de la couche meltblown en D12 sont discontinues. La Chambre conclut alors que de telles fibres "meltblown" à peu près continues constituent des "filaments continus" au sens mentionné ci-dessus. Une différence structurelle entre un filament continu, qui ne peut donc pas l'être dans l'absolu, et une telle fibre "meltblown" d'extension à peu près continue, n'est pas identifiable.
7.3.4 Nonobstant la portée large de l'expression "filaments indépendants" dans la revendication 1, l'opposante s'est appuyée sur les paragraphes 7 et 16 du brevet en litige et sur la page 6, lignes 8 à 18 de D12, pour démontrer que les filaments indépendants constituant la nappe du non-tissé revendiqué ne peuvent pas être distingués des fibres (filaments continus) "meltblown" du non-tissé selon l'exemple 2 de D12 en ce qui concerne leur "indépendance" requise. La titulaire n'a pas contesté ces arguments. La Chambre trouve, en accord avec l'opposante, que les fibres "meltblown" de l'exemple 2 de D12 constituent des filaments indépendants au sens du brevet.
8. Par contre, la Chambre considère que les fibres discontinues de l'exemple 2 de D12 ne sont pas nécessairement cardés, car cette caractéristique est divulguée en D12 uniquement comme une option parmi d'autres (page, 4, lignes 56, "...e.g. dry or wet forming, carding, etc.").
9. La Chambre conclut que le non-tissé selon la revendication se distingue du non-tissé de l'exemple 2 de D12, l'état de la technique le plus proche, uniquement par les caractéristiques suivantes:
- les deux voiles sont cardés, et
- le deuxième voile, en rayon dans l'exemple 2, est aussi composé de fibres thermoplastiques.
10. Un effet technique attribuable à ces deux caractéristiques n'est pas discernable dans le brevet. Il n'est pas plausible que ces deux caractéristiques contribuent particulièrement à une meilleure rétention de poussière lorsque le non-tissé est utilisé en tant que chiffon de nettoyage, comme il a été soutenu par la titulaire. Les résultats présentés au tableau I du brevet pour comparer deux échantillons différents de non-tissés selon l'invention (exemples 1 et 2) avec un échantillon comparatif ne sont pas concluants dans ce contexte. Les voiles utilisés dans l'exemple comparatif sont identiques à ceux de l'exemple 1 selon l'invention (brevet, page 7, lignes 7 à 10). La meilleure capture de poussière des échantillons selon l'invention n'est donc pas attribuable au fait que les deux voiles sont composés de fibres thermoplastiques et cardés.
Un rapport quelconque avec l'utilisation du non-tissé comme chiffon d'essuyage n'est d'ailleurs pas défini par des caractéristiques techniques correspondantes dans la revendication.
Faute de pouvoir attribuer les deux caractéristiques distinctives à l'aptitude du non-tissé à capturer la poussière, ces caractéristiques répondent dès lors à un problème objectif moins ambitieux, c'est-à-dire de mettre à disposition un non-tissé alternatif.
11. Au vu de la divulgation de D12 même, le choix des fibres thermoplastiques et cardées pour les deux voiles est évident pour l'homme du métier. L'emploi de fibres discontinues en polypropylène, matériau incontestablement thermoplastique, est divulgué, par exemple, à la revendication 11 comme une alternative aux fibres discontinues en rayon utilisées dans l'exemple 2. Pareillement, l'utilisation de telles fibres discontinues cardées est suggérée comme une alternative à la page 4, lignes 54 à 56. En l'absence de tout effet particulier attribuable à ces deux caractéristiques distinctives, le choix de ces options, d'ailleurs bien connues pour l'homme du métier, ne peut être considéré que comme arbitraire, et par conséquent dépourvu d'activité inventive.
12. L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 ne remplit donc pas la condition énoncée à l'article 56 CBE.
13. Sur ce, la titulaire soutient qu'il conviendrait d'examiner aussi l'autre revendication indépendante de ce jeu de revendications. La Chambre tient à rappeler que si une des revendications d'un jeu proposé ne satisfait déjà pas aux exigences de la Convention, le jeu en cause ne peut plus servir de base au maintien du brevet et doit être refusé dans sa totalité. Surtout au stade du recours, à plus forte raison pour un recours sur opposition, il ne s'agit plus d'essayer d'identifier cette revendication dans un jeu de plusieurs revendications qui pourrait servir de base au maintien du brevet contesté.
Requête subsidiaire "3(bis)" - Article 13(1) RPCR
14. L'opposante s'est opposée à l'admission de cette requête dans la procédure.
14.1 La requête subsidiaire "3(bis)" a été déposée au cours de la procédure orale devant la Chambre, donc après expiration du délai pour répliquer aux motifs de recours conformément à l'article 12(1)b) et (2) du Règlement de Procédure des Chambres de recours (RPCR). Elle constitue par conséquent une modification des moyens invoqués par la partie au sens de l'article 13 RPCR. Selon le paragraphe (1) de cette disposition, dans de telles conditions son admission dans la procédure et son examen sont laissés à l'appréciation de la Chambre. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, la Chambre dispose de divers critères (justification du dépôt tardif; stade de la procédure et complexité des nouveaux moyens; principe de l'économie de la procédure). Pour ce qui est du principe d'économie de procédure, il est généralement requis que les modifications soient recevables de prime abord, en ce sens qu'elles visent à résoudre les points critiques soulevés contre les requêtes précédentes (voir par exemple La Jurisprudence des Chambres de recours, 8**(ème) édition 2016, IV.E.4.2.1 et 4.2.2).
14.2 L'objet de la revendication modifiée de la présente requête porte sur "l'utilisation comme chiffon d'essuyage" d'un non-tissé qui comprend les caractéristiques identiques du non-tissé objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3. De prime abord, il n'apparaît pas comment cette modification peut changer la conclusion de la Chambre au titre de l'article 56 CBE, vu que les caractéristiques structurelles du non-tissé dédié à cet usage restent inchangées.
Lors des discussions précédant le dépôt de cette requête au cours de la procédure orale, il avait été aussi débattu de la question de savoir si une relation de cause à effet existait entre les caractéristiques distinctives du non-tissé objet de la requête subsidiaire 3 et son aptitude à capturer la poussière. La Chambre a considéré qu'une telle relation n'était pas établie.
Par la définition de l'utilisation dans la revendication la titulaire soutient avoir établi ce lien manquant. Cependant, la Chambre n'est pas convaincue que le simple fait de désigner l'usage voulu du non-tissé dans la revendication puisse établir un lien technique entre les caractéristiques structurelles distinctives du non-tissé (inchangées) et l'aptitude du non-tissé à capturer la poussière (ou d'être utilisé en tant que chiffon d'essuyage).
De plus, l'emploi des non-tissés de D12 en tant que chiffon d'essuyage est envisagé à la page 3, lignes 31-33 ("...application for wipes..."), comme il avait été argué par l'opposante déjà dans son mémoire de recours (page 12) et répété pendant la procédure orale devant la Chambre lors des discussions de l'activité inventive de la requête subsidiaire 3 précédant le dépôt de la présente requête subsidiaire 3(bis).
Il s'ensuit que la revendication 1 modifiée selon la requête subsidiaire "3(bis)" ne satisfait pas, au moins de prime abord, les exigences de l'article 56 CBE.
14.3 La Chambre acquiesce que l'objet de la revendication modifiée était présent dans les jeux de revendications constituant les requêtes principale et subsidiaire soumises avec le mémoire de recours de la titulaire, ainsi que dans les requêtes subsidiaires 1, 2 et 3, déposées en réponse à la notification de la Chambre. Cependant, jusqu'à la réponse de la titulaire à la notification de la Chambre informant les parties de son opinion provisoire, une telle revendication n'a jamais été examinée en soi quant à sa conformité aux exigences de la Convention. Comme la revendication indépendante 1 de la requête principale et requêtes subsidiaires 1 à 3 ne satisfaisait pas aux exigences de la CBE, la prise en considération des autres revendications de ces requêtes n'était pas requise (R 14/10, motifs 6.3).
Il n'y a par ailleurs pas eu de changement imprévisible ou radical en procédure de recours en ce qui concerne le fond des objections soulevées par l'opposante. Ceci n'a pas non plus été argué par la titulaire. Les objections qui ont conduit aux rejets des requêtes de rang supérieur avaient déjà été formulées dans le mémoire de recours de l'opposante. La titulaire n'a cependant pas répondu au mémoire de recours de l'opposante. Elle n'a pas non plus réfuté les objections soulevées notamment au titre de l'article 56 CBE dans les deux lettres du 2 et 8 juillet 2019 qu'elle a soumis suite à la notification de la Chambre. À la deuxième de ces deux lettres (8 juillet 2019) la titulaire a joint trois requêtes "bis", dont les revendications visaient effectivement l'utilisation (requêtes abandonnées par la suite au cours de la procédure orale), cependant sans justification des modifications, notamment au regard de l'attaque par l'opposante à la page 12 de son mémoire de recours contre la revendication portant sur l'utilisation.
Considérant toutes les circonstances qui entourent le dépôt de la requête subsidiaire "3(bis)", son admission et son examen sont, à ce stade tardif de la procédure, contraires au principe de l'économie de procédure.
14.4 Par conséquent, la requête subsidiaire "3(bis)" n'a pas été admise dans la procédure (article 13(1) RPCR)
15. En l'absence d'un jeu de revendications conforme aux exigences de la Convention, le brevet doit être révoqué (Article 101(3)b) CBE).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. Le brevet européen est révoqué.