T 0785/15 () of 8.11.2018

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2018:T078515.20181108
Date de la décision : 08 Novembre 2018
Numéro de l'affaire : T 0785/15
Numéro de la demande : 08701601.0
Classe de la CIB : F42B 12/40
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 368 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : PROJECTILE BALISTIQUE NON-LÉTHAL À MARQUAGE LUMINEUX DE LA ZONE D'IMPACT
Nom du demandeur : Cyalume Technologies, Inc
Nom de l'opposant : Rheinmetall Waffe Munition GmbH
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
Mot-clé : Activité inventive - requête principale (oui)
Activité inventive - analyse a posteriori
Preuves produites tardivement - avec les motifs du recours
Preuves produites tardivement - recevable (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. L'opposante a formé le 15 avril 2015, avec paiement simultané de la taxe correspondante, recours contre la décision en date du 26 février 2015 de la division d'opposition de rejeter l'opposition contre le brevet européen N° 2 115 383 issu de la demande européenne

N° 08 701 601.0.

Les motifs de recours ont été déposés le 26 juin 2015.

La décision était fondée sur la revendication 1 telle que délivrée et libellée comme suit:

"Projectile à marquage lumineux de la zone d'impact, constitué d'un corps cylindrique creux (1), comprenant une ou plusieurs masses inertielles (2) aptes à se déplacer lors de l'accélération, positive ou négative, qu'implique un processus de tir, déplacement qui provoque l'éventrement d'une ou plusieurs membranes (3,4) séparant, à l'intérieur du corps ogival creux (1) du projectile, deux ou plusieurs chambres (5, 6),

caractérisé en ce que

les chambres (5, 6), contiennent chacune au moins un liquide à potentialité chimiluminescente, lesquels liquides en se mélangeant émettent de la lumière et

en ce que le projectile comporte, à l'avant, un conduit assurant la communication entre l'intérieur du projectile et le milieu extérieur, conduit permettant l'expulsion du liquide illuminé."

II. La division d'opposition a considéré que l'objet de la revendication 1 du brevet satisfaisait au critère d'activité inventive notamment par rapport au document D5 combiné avec D24 ou D25 tels que définis ci-après.

III. Les documents suivants, soumis en phase d'opposition, ont été cités par la requérante:

D5: DE 199 25 404 A1

D24: WO 95/14903 A1

D25: WO 03/102492 A1

D26: DE 696 13 034 T2

IV. La requérante demande l'annulation de la décision et la révocation du brevet dans sa totalité.

Les principaux arguments avancés par la requérante relatifs au défaut de brevetabilité de l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) sont les suivants:

a) Les deux lignes d'attaque de défaut d'activité

inventive basées sur la combinaison de D5 avec les connaissances générales de l'homme du métier ou avec D24 ou D25 et sur la combinaison de D26 avec D5 devraient être admises, car pertinentes et justifiées en réaction aux motifs exposés dans la décision contestée.

b) L'objet de la revendication 1 n'impliquerait pas

d'activité inventive car il découlerait à l'évidence de D5 en application des connaissances générales de l'homme du métier ou en combinaison avec D24 ou D25.

D5 comprendrait toutes les caractéristiques de la revendication 1 à l'exception du conduit situé à l'avant du projectile et assurant la communication entre l'intérieur du projectile et le milieu extérieur afin de permettre l'expulsion du liquide illuminé.

Dans le cas de D5 le liquide illuminé serait expulsé après l'éclatement de la tête de l'enveloppe suite à l'impact du projectile sur la cible. Le projectile selon D5 satisferait notamment à l'exigence de présence de masses inertielles telles que définies dans le préambule de la revendication 1. Aux masses inertielles correspondraient les liquides (7,8) contenus dans les chambres (4,5) agencées dans l'enveloppe du projectile. Par ailleurs, ces liquides se déplaceraient de manière obligée avec le déplacement du projectile lors du processus de tir. À cet égard aucune distinction ne saurait être faite avec l'objet revendiqué, car le libellé de la revendication 1 ne limiterait pas le déplacement des masses inertielles à un déplacement strictement relatif par rapport à l'enveloppe du projectile. Les caractéristiques énoncées par le préambule de même que la première de la partie caractérisante de la revendication 1 seraient ainsi divulguées dans D5.

L'unique distinction se résumerait ainsi à la présence d'un conduit selon les termes de la dernière caractéristique de la revendication 1, et le problème technique consisterait alors à modifier le projectile connu de D5 de manière à expulser le liquide illuminé par un moyen plus précis que par destruction de la tête de l'enveloppe.

Sur la base de ses connaissances générales, il serait évident pour l'homme du métier de prévoir une ouverture sous la forme d'un canal reliant les chambres à l'extérieur afin de libérer le liquide illuminé sur la cible à marquer. Sinon, il suffirait à l'homme du métier de s'inspirer de l'enseignement du document D24 ou D25, qui tous les deux suggéreraient la présence de canaux prévus à la tête du projectile pour faire s'écouler un produit colorant.

V. L'intimée (titulaire) requiert le rejet du recours au principal et, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous une forme modifiée sur la base de l'un des jeux de revendications des requêtes auxiliaires 1 à 3 déposées avec sa réplique du 6 novembre 2015.

En ce qui concerne la revendication 1 de la requête principale, l'intimée s'appuie sur les arguments principaux suivants.

a) Les deux lignes d'attaque pour défaut d'activité

inventive basées sur D5 en combinaison avec les connaissances générales et sur D26 comme point de départ de l'analyse problème-solution ne devraient pas être considérées dans la procédure car présentées tardivement et non prima facie pertinentes.

b) Le projectile revendiqué ne découlerait pas à

l'évidence de D5 combiné avec les connaissances générales ou avec D24 ou D25.

L'objet revendiqué se distinguerait de D5 non seulement par la dernière caractéristique de la revendication 1 mais aussi par les caractéristiques définissant la membrane et la masse inertielle apte à en provoquer l'éventrement. Les liquides (7,8) enfermés dans les deux chambres (4,5) selon D5 correspondraient aux liquides revendiqués dans la partie caractérisante mais ne pourraient pas en même temps constituer une autre entité revendiquée, constituée celle-ci par les masses inertielles. En outre la paroi rigide (6) dans D5, munie de points de fragilisation permettant sa rupture sous la force cinétique, ne serait pas assimilable à une membrane pouvant être éventrée.

Ni les connaissances générales dans le domaine ni l'enseignement de D24 ou D25 ne permettraient à l'homme du métier d'arriver à l'invention de manière évidente, d'autant que le concept de membrane à éventrer par des masses inertielles resterait sans exemple. Mais même si la recherche de l'homme du métier s'était limitée à la seule question de trouver un mode d'expulsion plus précis du liquide illuminé, il n'aurait pas été évident de prévoir un canal connu en soi de D24 ou D25 dans le projectile divulgué dans D5.

VI. Le 15 mars 2018, la Chambre a convoqué les parties à une procédure orale fixée au 8 novembre 2018.

Elle a par ailleurs communiqué son avis provisoire

dans une notification datée du 13 septembre 2018.

À la fin de la procédure orale la Chambre a prononcé sa décision.

Motifs de la décision

1. Recevabilité - Lignes d'argumentation

1.1 D5 en combinaison avec les connaissances générales de l'homme du métier

La ligne d'attaque basée sur la combinaison de D5 et des connaissances générales de l'homme du métier, que la requérante a soumise aux fins d'argumenter un défaut d'activité inventive de l'objet revendiqué, a déjà fait partie des débats lors de la procédure d'opposition, cf. le procès-verbal de la procédure orale qui s'est tenue devant la division d'opposition le 17 février 2015, page 2, point 5, deuxième alinéa du paragraphe "L'opposant a déclaré".

La recevabilité de cette ligne d'attaque, qui a été considérée en première instance et qui, par voie de conséquence, fait partie de l'objet du recours, ne saurait être mise en question.

1.2 D26 en combinaison avec D5

La Chambre estime légitime et fondée la requête de l'intimée de ne pas accepter dans la procédure la ligne d'attaque en matière d'activité inventive basée sur D26 comme état de la technique le plus proche.

La ligne d'attaque à l'encontre de l'objet de la revendication 1 délivrée et basée sur D26 comme état de la technique le plus proche a été présentée pour la première fois avec le mémoire de recours. Cette ligne d'attaque est fondée sur des faits nouveaux, à savoir des passages concrets de D26 cités pour la première fois. Il faut rappeler à cet endroit que le document D26 a été introduit dès le début de la procédure d'opposition, à savoir avec le mémoire d'opposition mais uniquement dans le cadre des motifs d'opposition adressés à la seule encontre de revendications dépendantes.

La requérante n'a dans ses écrits donné aucune explication ou justification qui aurait pu permettre à la Chambre, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'appréciation conféré par l'article 12(4) RPCR, de considérer des circonstances particulières qui auraient pu justifier le dépôt de cette nouvelle attaque à un stade aussi tardif. Ce n'est que lors de la procédure orale devant la Chambre que la requérante a apporté la justification sous forme d'une réaction rendue nécessaire par l'exposé des motifs de la décision signifiée.

Cet argument n'est pas convainquant pour les raisons et considérations suivantes. Avec la convocation à la procédure orale la division d'opposition avait indiqué que, selon son avis provisoire, l'objet revendiqué serait inventif par rapport à la combinaison basée sur D1 avec chacun des documents D24, D25 et D27, voir communication du 4 juin 2014, point 4.2.3 (note de la Chambre: le texte au paragraphe 4.2.4 annonce à l'évidence une conclusion négative erronée).

Lors de la procédure orale devant la division d'opposition, l'opposante a choisi d'abandonner la ligne d'attaque basée sur D1 pour en soumettre une nouvelle, basée cette fois-ci sur D5 comme point de départ en combinaison soit avec les seules connaissances générales de l'homme du métier soit avec D24 ou D25 (procès-verbal, point 5); une ligne d'attaque basée sur D26 n'a pas été soumise à ce moment-là.

Ces faits de procédure à eux seuls constituent de l'avis de la Chambre une raison suffisante de ne pas admettre la nouvelle attaque d'activité inventive partant de D26 comme état de la technique le plus proche.

À titre complémentaire, la Chambre estime que cette attaque n'est de prime abord pas pertinente. En effet, le type de projectile décrit dans D26 est plus éloigné techniquement de l'objet revendiqué que celui divulgué par D5, puisque D26 ne concerne pas un projectile à marquage lumineux mais un projectile apte à diffuser une substance incapacitante et totalement dépourvu de masse inertielle propre à éventrer par son déplacement une membrane séparant deux chambres.

Au vu de ces considérations et après exercice de son pouvoir d'appréciation conféré par l'Article 12(4) RPCR, la Chambre arrive à la conclusion de ne pas introduire, et donc de laisser inconsidérée, l'attaque de défaut d'activité inventive basée sur D26 comme état de la technique le plus proche.

2. Requête principale - Activité inventive

2.1 Contenu technique divulgué par D5

La Chambre partage l'analyse de D5 faite par l'intimée et distingue les particularités suivantes de cet état de la technique.

2.1.1 Le projectile 1 selon D5 sert pour le marquage lumineux de la zone d'impact. Il est constitué d'un corps cylindrique creux composé d'un boîtier de cartouche ("Patronenhülse") 2 et d'un capot creux ("Haube") 3.

À l'intérieur du capot creux 3 sont agencées deux chambres 4,5 contenant chacune un liquide à potentialité chimiluminescente, lesquels liquides 7,8 en se mélangeant émettent de la lumière (cf. Figures et colonne 2, lignes 26 à 35). Les chambres 4,5 sont séparées par une cloison ("Trennwand") 6, qui est positionnée soit longitudinalement (figure 1) dans l'axe du projectile, soit transversalement (figure 2). La cloison 6 est destinée à se briser sous l'effet de forces cinétiques engendrées soit par l'accélération lors de la mise à feu, soit par la force centrifuge de rotation exercée sur le projectile stabilisé en rotation (colonne 2, lignes 36 à 55); à cet effet, D5 prévoit au besoin de fragiliser la cloison 6 par des points de rupture adéquats. Une fois la cloison brisée, les deux liquides se mélangent pour produire le liquide illuminé, qui, après la brisure du capot creux lors de l'impact, sera dispersé autour de la zone d'impact pour marquer celle-ci.

Selon une alternative, cf. colonne 1, lignes 39 à 42, la paroi n'est brisée qu'à l'impact du projectile sur la cible et ce n'est qu'à ce moment-là que les liquides à potentialité chimiluminescente sont mélangés pour produire le liquide illuminé.

2.1.2 Mais force est de constater que les liquides à potentialité chimiluminescente de D5 ne participent en rien à la destruction de la paroi 6 et ne sauraient ainsi assumer la fonction de masse inertielle apte à éventrer la paroi.

Cette constatation se voit vérifiée par la description des deux modes de réalisation illustrés aux figures 1 et 2 de D5. Pour le mode de réalisation selon la figure 1, il est indiqué que c'est la force exercée par l'accélération lors du tir qui fait se briser la cloison 6, cf. colonne 2, lignes 36 à 40. Rien ne laisse suggérer que les liquides 7,8 contenus dans les chambres 4,5, qui sont agencées de part et d'autre de la cloison 6 positionnée longitudinalement, se déplacent afin de percer la cloison 6.

Quant au mode de réalisation selon la figure 2, le lecteur apprend du texte de la colonne 2, lignes 50 à 55, que la paroi de séparation 6 est rompue par l'effet de la force centrifuge exercée par la mise en rotation du projectile lors de sa mise à feu. Une quelconque implication des liquides 7,8 des chambres 4,5 dans la rupture de la paroi est donc également exclue dans ce deuxième mode de réalisation.

De ces considérations, la Chambre retient que, pour tous les cas de figure décrits, la paroi 6 destinée à rompre sous l'effet de forces purement mécaniques ne peut pas constituer une membrane susceptible d'être éventrée par des masses inertielles.

2.1.3 Il s'avère ainsi que ni les conclusions de la division d'opposition à cet égard (point 3.2, premier paragraphe de la décision), ni l'argumentaire de la requérante, retenant que la paroi 6 de D5 formerait une membrane et que celle-ci serait éventrée par le déplacement des liquides 7,8 présents dans les chambres 4,5, ne sont supportés de manière objective par l'enseignement de D5.

2.1.4 Bien au contraire, la Chambre arrive à la conclusion que, dans l'invention revendiquée, les liquides à potentialité chimiluminescente d'une part et les masses inertielles d'autre part sont nécessairement constitués par deux entités physiques distinctes. Ainsi, la lecture de la revendication 1 sur le document D5 telle que présentée par la requérante, selon laquelle les liquides feraient également office de masses inertielles au sens de l'invention, conduit de facto à une analyse erronée.

2.1.5 Enfin la Chambre note, avec un certain étonnement d'ailleurs, les remarques faites par la division d'opposition sous l'intitulé "obiter dictum", page 7, avant dernier paragraphe de la décision.

Dans ce texte sont exprimées les réserves de la division d'opposition quant à sa propre analyse/comparaison faite précédemment dans le cadre de l'étude de l'activité inventive. La division d'opposition semble en effet vouloir "corriger/relativiser" son analyse en indiquant que la paroi 6 selon D5 ne correspond pas nécessairement à une membrane au sens du brevet en litige et que les liquides 7,8, qu'elle considère être les masses inertielles selon la revendication 1, quand bien même celles-ci étaient aptes à faire éclater la cloison, ne le feraient pour autant pas par "éventrement".

Sur la base de ces "réserves", il apparaît clairement que la division d'opposition, contrairement à ses conclusions au point 3.2 de la décision, aurait dû considérer les caractéristiques définissant les masses inertielles et la/les membrane(s) également comme nouvelles et distinctives par rapport à l'état de la technique divulgué dans D5.

2.2 Différences - Problème objectif

2.2.1 Il résulte de l'analyse faite ci-avant que l'objet de la revendication 1 se distingue de l'état de la technique divulgué par D5 par les caractéristiques suivantes:

- caractéristique A:

une ou plusieurs masses inertielles aptes à se déplacer lors de l'accélération, positive ou négative, qu'implique un processus de tir, déplacement qui provoque l'éventrement d'une ou plusieurs membranes séparant, à l'intérieur du corps ogival creux du projectile, deux ou plusieurs chambres;

- caractéristique B:

un conduit situé à l'avant du projectile, assurant la communication entre l'intérieur du projectile et le milieu extérieur et permettant l'expulsion du liquide illuminé.

2.2.2 Le problème objectif ne peut pas être déterminé uniquement sur la base de la caractéristique B et ne peut donc pas concerner uniquement la recherche des moyens permettant un marquage plus précis de la cible par le liquide illuminé expulsé.

Il convient au contraire de formuler le problème objectif sur la base des effets techniques développés par les deux caractéristiques distinctives A et B, à savoir d'une part le mélange efficace et confiné dans l'enveloppe des liquides par éventrement de la membrane sous l'action des masses inertielles et l'expulsion ciblée et efficace sur site par la présence du conduit.

Le problème technique objectif consiste ainsi à développer un projectile permettant le marquage précis d'une zone-cible par un liquide illuminé.

2.3 D24, D25 - Solution non-évidente

2.3.1 Tant D24 que D25 concernent des projectiles de nature très différentes de celle décrite dans D5.

Le projectile selon D24 présente entre le dôme d'extrémité 11 de son enveloppe 1 et l'insert 2 une cavité contenant une masse de produit de marquage semi-solide, en particulier graisseux ou pâteux et de consistance semblable à du rouge à lèvres classique. Avec la mise à feu cette masse semi-solide est poussée vers l'extérieur de l'enveloppe au travers de canaux 5 agencés dans le dôme 11 et par l'intermédiaire d'un piston 3 coulissant. La masse ainsi expulsée recouvre le dôme 11 du projectile pour marquer la cible lors de l'impact, cf. notamment page 2, lignes 7 à 12; page 2, ligne 35 à page 3, ligne 8.

Aux dires de D24 (page 1, lignes 16 à 19), ce projectile de marquage présente l'avantage de pouvoir être manipulé sans grande précaution et utilisé avec des armes automatiques. Il va de soi que ce résultat est très fortement lié à l'utilisation d'un produit de marquage semi-solide.

Outre l'absence de deux chambres séparées par une membrane et contenant deux liquides chimiluminescents, il convient de noter que le piston 3 n'a pour seule fonction que de pousser la masse semi-solide pour l'expulser de l'enveloppe. Par ailleurs, le piston 3 du fait même de sa forme arrondie ne serait à l'évidence pas apte à éventrer une membrane.

Le projectile selon D25 est en tous points très similaire à celui de D24. L'on retrouve ainsi un dôme d'extrémité 4 comportant des canaux (4a,Y), une masse de produit de marquage 8, qui, montrée figée sur place avec une surface de frontière plane sans l'aide d'aucun élément du type paroi (figure 1), doit être semi-solide ou du moins suffisamment visqueuse, ainsi qu'une bille 7 faisant office de piston-pressoir pour expulser la masse de marquage 8 lors de l'impact. Il est clair qu'ici aussi la forme de bille du piston-pressoir exclut, si tant est que le lecteur se posait la question, toute fonction ou aptitude à percer une membrane, membrane au demeurant absente dans le dispositif connu de D25.

2.3.2 En conclusion, hormis le fait que l'agencement du projectile ainsi que le produit de marquage utilisé dans D24 et D25 sont fondamentalement différents par rapport au dispositif connu de D5, l'homme du métier n'aurait aucune incitation à considérer l'enseignement des documents D24 et D25 pour résoudre le problème objectif. Même dans l'hypothèse d'une telle combinaison de documents, l'homme du métier n'aurait pas pu aboutir à la solution proposée par le brevet, à savoir une masse inertielle capable d'éventrer une membrane séparant deux liquides chimiluminescents.

2.4 Argumentaire de la requérante

La requérante a fondé son argumentaire sur l'hypothèse que l'objet revendiqué ne se distingue de D5 que par la présence de conduit d'expulsion tel que défini par la dernière caractéristique de la revendication 1; ce qui, au vu des conclusions de la Chambre (voir supra) ne constitue pas un point de départ approprié pour l'analyse basée sur l'approche problème-solution.

2.4.1 Mais même si l'on suivait le début de l'argumentaire de la requérante, où elle estime:

- que les fluides 7,8 retenus dans les chambres 4,5 selon D5 constituent non seulement les composants à mélanger pour obtenir le liquide illuminé mais également les masses inertielles; et

- que la paroi 6 de D5 est assimilable à une membrane telle que revendiquée;

il manquerait encore la divulgation de la caractéristique fonctionnelle desdites masses inertielles, à savoir leur aptitude à éventrer une membrane.

On retournerait ainsi peu ou prou à la même conclusion que celle exposée ci-avant, à savoir que l'objet revendiqué n'est pas dérivable à l'évidence des documents D5, D24 et D25.

2.4.2 Enfin, la Chambre considère que si l'homme du métier ne faisait face qu'au seul problème consistant à modifier le projectile connu de D5 afin de répandre le liquide illuminé sur la cible non plus par la destruction de la tête de projectile mais sous la forme d'une expulsion guidée et contenue, comme l'argumente la requérante, il ne trouverait aucune solution adaptée dans D24 ou D25, qui soit techniquement directement applicable au projectile connu de D5.

En effet, le transfert de l'enseignement contenu dans D24 ou D25 conduirait l'homme du métier à prévoir un conduit dans la partie avant de l'enveloppe du projectile connu de D5. Cependant, une tel agencement se heurterait immédiatement à un problème d'incompatibilité avec la présence du liquide contenu dans la chambre d'extrémité selon la figure 2 ou des liquides contenues dans les deux chambres selon la figure 1. Contrairement à la pâte semi-solide ou visqueuse utilisée dans D24/D25 le(s) liquide(s) de D5 s'échapperai(en)t de la (des) chambre(s) avant même d'avoir pu se mélanger pour produire le fluide luminescent.

L'étape suivante concernerait ensuite encore la question comment intégrer des conduits d'expulsion connus en soi de D24/D25 dans le projectile connu de D5. La Chambre estime que l'homme du métier n'aurait eu aucune incitation à poursuivre sa réflexion dans cette voie, sauf à disposer au préalable des informations techniques apportées par l'objet du brevet en litige.

2.5 En conclusion, la Chambre estime que le fait d'extraire d'un document une caractéristique, en l'occurrence un canal d'expulsion en extrémité de projectile, et de l'appliquer hors du contexte dans lequel elle est définie dans ce document en termes d'interrelation constructive et fonctionnelle avec d'autres éléments constitutifs, en l'occurrence une chambre unique remplie seulement en partie d'une masse semi-solide, à un dispositif aux particularités très distinctes ne constitue pas une démarche normale pour l'homme du métier dans la recherche d'une solution à un problème technique.

La Chambre arrive à la conclusion que les arguments avancés par la requérante et reposant sur la combinaison de D24 ou D25 avec D5 se fondent sur l'addition d'une série de caractéristiques prises isolément et hors contexte dans D24 ou D25 puis appliquées sans considération de leur fonction originellement divulguée et de leur compatibilité technique. Une telle ligne d'argumentation repose indiscutablement sur une analyse ex post facto en connaissance préalable de l'objet revendiqué.

2.6 L'objet de la revendication 1 de la requête principale satisfait ainsi aux exigences de l'article 56 CBE.

3. Comme le motif d'opposition invoqué par la requérante ne s'oppose pas au maintien du brevet tel que délivré, fondement de la requête principale de l'intimée, l'examen des requêtes auxiliaires en est devenu caduque.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

Quick Navigation