T 0556/15 (UTILISATION D AGENTS EPAISSISSANTS POUR LA FABRICATION DE CAPSULES … of 1.6.2017

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2017:T055615.20170601
Date de la décision : 01 Juin 2017
Numéro de l'affaire : T 0556/15
Numéro de la demande : 03814478.8
Classe de la CIB : A61K 9/48
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : UTILISATION D AGENTS EPAISSISSANTS POUR LA FABRICATION DE CAPSULES MOLLES, ET PROCEDE DE FABRICATION DE FILMS
Nom du demandeur : Paris, Laurence
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 113(1)
European Patent Convention Art 111(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 11
Mot-clé : Vice substantiel de procédure (oui)
Renvoi à la première instance
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0951/92
T 1842/09
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0233/18

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 03 814 478.8 a été refusée sur la base de la requête principale déposée par lettre du 16 mai 2013.

Le libellé de la revendication indépendante 1 de la requête principale s'énonçait comme suit:

"1. Procédé de fabrication de films gélifiés pour capsules molles à partir de compositions visqueuses, aqueuses ou hydro-alcooliques tamponnées ou non constituées d'au moins un agent épaississant à une concentration supérieure à 2% présentant la propriété unique de se gélifier instantanément au contact de solutions complexantes, caractérisé en ce qu'il consiste:

- a) à réaliser à froid ou à une température n'excédant pas 90°C, une solution pseudo-colloïdale aqueuse ou hydro-alcoolique tamponnée ou non, par dispersion sous vide d'au moins un agent épaississant sélectionné parmi les carraghénanes lambda et les gommes arabique ou leurs dérivés, ladite solution, pseudo-colloïdale contenant des ions alcalins ou alcalino-terreux, un plastifiant, un tensio-actif et/ou un agent désintégrant,

- b) A maintenir ces solutions à une température de 25°C pendant leur stockage,

- c) à réaliser des filins pour les capsules molles avec une température maintenue à au moins 50°C,

- d) à transférer la dite solution pseudo-colloïdale vers les systèmes de formation des films soit par gravité simple soit par pression en utilisant des vis sans fin ou une presse pour former un film,

- e) à gélifier le film formé en appliquant une solution complexante par pulvérisation, et/ou par trempage, soit simultanément sur les deux faces du film soit alternativement après décollement du film de son support,

- f) et à faire subir au film formé gélifié, une opération de séchage dans un courant d'air dont la température est comprise entre -10°C et +70°C."

II. Selon la décision de la division d'examen, certaines modifications linguistiques et certaines omissions dans la revendication 1 introduisaient des éléments qui s'étendaient au-delà du contenu de la demande telle que déposée: L'objet de la revendication 1 ne remplissait ainsi pas les conditions de l'article 123(2) CBE.

En outre, la division d'examen avait considéré qu'il n'y avait pas de base pour l'ajout de l'expression

"solution pseudo-colloïdale" dans les présentes

revendications 2, 3 et 20.

Dans ladite décision, une référence explicite quant aux exigences de l'article 113(1) CBE était présente. Selon la division d'examen, la décision était fondée sur des objections au sujet desquelles la demanderesse avait eu plusieurs occasions de répondre de façon appropriée, en déposant des revendications conformes à l'Art. 123(2) CBE, conformément à l'art. 113(1) CBE; la demanderesse avait été informée de la possibilité d'un rejet au cas où la non-conformité avec l'Art. 123(2) CBE persisterait.

III. La demanderesse a formé un recours contre cette décision. Dans son mémoire de recours, la requérante demandait entre autre l'annulation de la décision contestée et le remboursement de la taxe de recours au vu d'une violation de l'article 113(1) CBE par la division d'examen.

IV. Par sa lettre datée du 11 mai 2017, la requérante a soumis une requête principale et deux requêtes subsidiaires.

V. La procédure orale s'est tenue le 1er juin 2017.

Durant la procédure orale, après que la Chambre eût exprimé son intention de renvoyer le cas devant la division d'examen pour la poursuite de la procédure d'examen, la requérante confirma qu'elle n'avait pas d'autres commentaires ou requêtes.

VI. Les arguments suivants ont été avancés par la requérante:

Quoique la demanderesse eût tenu compte à chaque fois des objections soulevées selon l'article 123(2) CBE au cours des différents examens dans des mémoires déposés les 25 août 2009, 17 janvier 2011 et 16 mai 2013, la division d'examen avait néanmoins procédé au rejet des dernières revendications proposées en date du 16 mai 2013 et ce, sur la base de nouvelles objections de fait soulevées et pour lesquelles il n'avait pas été donné à la demanderesse la faculté de répondre.

Contrairement à ce que prétend la division d'examen, la décision de rejet du 13 novembre 2014 n'était pas conforme aux dispositions de l'article 113(1) de la CBE, en particulier parce que la demanderesse n'avait jamais été informée à l'avance des caractéristiques particulières des revendications qui ont été seulement énumérées dans la décision de rejet donc en violation de l'article 113(1) CBE. Avant l'émission de cette décision de rejet, la demanderesse aurait dû être informée de ces nouvelles objections particulières considérées par l'Examinateur de la division d'examen contraires à l'article 123(2) CBE, et par conséquent être invitée à formuler des observations sur ces objections potentielles. La demanderesse avait donc été prise au dépourvu et n'avait plus eu de possibilité équitable, pendant la procédure d'examen, pour préparer sa propre défense contre ces nouvelles objections.

Vu les circonstances particulières du cas d'espèce, la division d'examen aurait dû légitimement ajourner la procédure de rejet afin de donner à la demanderesse, suffisamment de temps pour préparer des moyens de défense appropriés contre les nouvelles objections de fait soulevées.

Cette violation de l'article 113(1) de la CBE constituait aussi un vice substantiel de procédure justifiant le remboursement de la taxe de recours.

VII. Requêtes

La requérante demande le remboursement de la taxe de recours au vu d'une violation de l'article 113(1) CBE par la division d'examen.

La requérante demande en outre l'annulation de la décision contestée et la délivrance d'un brevet sur la base de la requête principale ou de l'une des requêtes subsidiaires 2 ou 3 déposées le 11 mai 2017.

Motifs de la décision

1. Vice substantiel de procédure

1.1 Conformément à l'article 113(1) CBE, les décisions de l'Office européen des brevets ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des éléments de preuve sur lesquels les parties concernées ont eu l'occasion de présenter leurs observations. Selon une jurisprudence constante, le terme "motifs" doit être interprété comme se référant au raisonnement essentiel, à la fois légal et factuel, sur lequel la décision est fondée (voir, par exemple, T 951/92, JO 1996, 53, point 3 v) des motifs). En cas de refus de la demande, il permet au demandeur, avant qu'une décision ne soit rendue, de commenter le motif essentiel du refus.

1.2 La décision attaquée repose entièrement sur l'absence de conformité avec l'article 123(2) CBE.

1.2.1 Selon la décision de la division d'examen, certaines modifications linguistiques et certaines omissions dans la revendication 1 de la requête déposée le 16 mai 2013 introduisaient des éléments qui s'étendaient au-delà du contenu de la demande telle que déposée, en particulier:

- la substitution de l'expression "proportion dans le milieu" par le terme "concentration" sans précision, qui constitue un possible élargissement du contenu de la demande,

- la substitution de l'expression "d'un agent épaississant seul ou en association avec d'autres agents épaississants" par "d'au moins un agent épaississant" (étape a)),

- la sélection de certains épaississants de la liste de

la revendication 2 telle que publiée en combinaison avec par exemple des étapes des revendications 33 et 36 telles que publiées,

- la substitution de l'expression "masse" par l'expression "solution pseudo colloïdale" dans l'étape d),

- la substitution de l'expression "la masse du film" par "le film formé" dans l'étape e),

La décision mentionnait en outre l'absence de base pour l'ajout de l'expression "solution pseudo-colloïdale" dans les présentes revendications 2, 3 et 20.

1.2.2 Durant la procédure d'examen, la division d'examen a formulé ses premières objections au titre de l'article 123(2) CBE dans une communication conformément à l'article 94(3) CBE datée du 20 septembre 2010.

Dans cette communication en réponse aux revendications déposées par lettre du 25 août 2009 la division d'examen avait considéré que les revendications 1, 16 et 18 n'étaient pas conformes aux exigences de l'Art. 123(2) CBE, objectant en particulier les caractéristiques "sous certaines conditions de froid et de chaleur" et "sur des tambours maintenus à une température entre 10-15°" de la revendication 1. Selon la division d'examen, l'objet des revendications 16 et 18 portant sur la nature des agents désintégrants ne trouvait pas non plus de base dans la demande telle que déposés.

1.2.3 La requérante a déposé ensuite une réponse détaillée et un nouveau jeu de revendications par lettre datée du 17 janvier 2011. La division d'examen avait considéré dans sa communication datée du 12 décembre 2012 en réponse auxdites revendications déposées par lettre du 17 janvier 2011 que l'objet de la revendication 1 était un collage d'aspects individuels différents qui n'étaient pas décrits en combinaison dans les documents de la demande tels que déposés, et donc pas licites sous l'Art 123(2) CBE. Cette objection au titre de l'article 123(2) CBE se rapportent plus particulièrement aux caractéristiques ou points suivants mentionnés par la division d'examen et leur combinaison présentes dans la revendication 1:

- "La proportion d'agents épaississants supérieure à 2% a été éliminée",

- "L'étape a) provient de la revendication 32 avec l'addition des agents épaississants b) et élimination de la présence de ions alcalins ou alcalino-terreux, plastifiant, tensioactif et/ou agents désintégrants, de la température de stockage, de la température maintenue à au moins 50°C",

- "L'étape c) n'est pas claire sur quoi doit être solubilisé dans la masse des additifs"

- "L'étape d) L'étape d) provient de la revendication 35 telle que déposée",

- "La base pour l'étape e) indiquée par le demandeur apparaît dans la revendication 36 telle que déposée; mais elle est conduite sous effet de la gravité ou de la pression. Cette indication manque."

- "L'étape f), l'explication de la base par le demandeur n'est pas acceptée, parce qu'elle appartient à un exemple, qui ne peut pas être généralisé"

- Les étapes g) et h) proviennent de la revendication 32 et 33 telles que déposées, respectivement.

Dans cette même communication, la division d'examen informait en outre la demanderesse que "si un jeu de revendications au moins prima facie permissible sous l'Art. 123(2) CBE ne sera pas déposé, la demande sera rejetée en vertu de l'art. 97(2) CBE".

1.2.4 La comparaison des objections soulevées dans les deux communications en date du 20 septembre 2010 et le 12 décembre 2012 avec les motifs de la décision de la division d'examen montre qu'aucune des objections formulées dans la décision de la division d'examen à l'encontre de la revendication 1 n'a été soulevée dans les communications précédentes.

Certaines d'entre elles ne pouvaient être soulevés, car les caractéristiques objectées n'étaient présentes dans aucune des versions antérieures de la revendication 1. D'autres caractéristiques présentes également dans les jeux de revendications déposées le 25 août 2009 et le 17 janvier 2011 auraient pu être objectées par la division d'examen dans ses communications, mais ne l'ont pas été.

Les objections soulevées dans la décision attaquée ont également été une surprise pour le requérant, qui n'a pas jamais été en mesure de commenter les motifs sur lesquels la décision était fondée, puisqu'il n'a pris connaissances des nouvelles objections sous l'article 123(2) CBE que lorsqu'il a reçu la décision.

1.3 Par ailleurs, dans la décision attaquée, la question du droit d'être entendu a été traitée textuellement comme suit par la division d'examen:

"La décision peut être rendue, étant donné qu'elle est fondée sur des objections au sujet desquelles la demanderesse a eu plusieurs occasions de répondre de façon appropriée, en déposant des revendications conformes à l'art. 123(2), conformément à l'art. 113(1) CBE ; la demanderesse avait été informée de la possibilité d'un rejet au cas où la non-conformité avec l'article 123(2) CBE persisterait. Aucune requête au sens de l'article 116 CBE n'a été déposée."

1.3.1 La Chambre ne partage pas l'opinion de la division d'examen selon laquelle le fait de soulever des objections chaque fois différentes au titre de l'article 123(2) CBE dans plusieurs communication et de prendre une décision de rejet de la demande fondée sur l'article 123(2) CBE sur des objections encore différentes permettent le respect du droit du demandeur d'être entendu.

Selon la Chambre, le terme "motifs", tel qu'il figure à l'article 113(1) CBE, ne doit en effet pas être interprété au sens étroit du terme, mais plutôt au sens donné par la décision T 951/52. Selon cette décision, le mot "motifs" ne désigne pas ainsi simplement un motif d'objection au sens étroit d'une condition requise par la CBE que l'OEB considère comme non remplie par la demande, comme l'article 123(2) CBE de façon générale dans le cas présent. Le mot "motifs" doit plutôt être interprété comme faisant référence à l'essentiel des arguments de droit et de fait qui justifient rejet de la demande. En d'autres termes, il convient que le demandeur soit informé, avant qu'une décision ne soit prise, des arguments auxquels il doit répondre, et qu'il lui soit donné la possibilité d'y répondre (voir T 951/92 point 3(v) des motifs).

Dans le cas de la décision T 951/92, la division d'examen avait informé la requérante qu'il existait certaines caractéristiques dans trois revendications qui avaient été considérées comme violant l'article 123(2) CBE, mais la requérante n'avait pas été informée quelles étaient ces caractéristiques ni pourquoi elles avaient été considérées comme constituant une matière ajoutée. La Chambre avait conclu que la communication ne comportait aucun raisonnement juridique ou factuel.

Le cas présent diffère du cas de la décision T 951/92 en ce que les communications envoyées à l'appelant par la division d'examen contiennent des objections détaillées au titre de l'article 123(2) CBE. Cependant, ces objections ne concernaient aucun des éléments sur lesquels la décision était fondée (voir à cet égard aussi T 1842/09). La requérante n'a donc à aucun moment eu connaissance des caractéristiques des revendications 1, 2, 3 et 20 qui ont violé l'article 123(2) CBE jusqu'à ce qu'il ait reçu la décision.

Le fait que la requérante ait eu plusieurs occasions de modifier ses revendications avant la décision est en l'espèce non décisif. Ce qui est décisif, c'est qu'il n'avait pas l'occasion de commenter les motifs sur lesquels la décision était fondée.

1.3.2 La Division d'examen a informé la requérante dans sa communication datée du 12 décembre 2012 que, si le défaut de conformité avec l'article 123(2) CBE persiste, la demande serait rejetée. L'intention de la division d'examen était peut-être de se référer à son pouvoir discrétionnaire de ne pas admettre d'autres modifications à la demande conformément à la règle 137(3) CBE. Toutefois, la décision de la division d'examen ne renvoie pas à la règle 137(3) CBE, ni à des modifications qui ne sont pas admises, ni à un pouvoir discrétionnaire de la division d'examen ou à des critères pour l'exercice de ce pouvoir. Au lieu de cela, le refus est fondé uniquement sur le défaut de conformité de la revendication 1 déposée le 16 mai 2013 avec l'article 123(2) CBE. Étant donné que l'appelant a été informé de ces objections pour la première fois qu'il a reçu la décision, il n'avait pas l'occasion de présenter ses observations.

1.4 La violation du droit de la requérante d'être entendu constitue une violation substantielle de la procédure (voir la jurisprudence de la 8e édition de la chambre des recours, IV. E. 8.4.3). Le recours est recevable et la Chambre juge équitable, compte tenu du vice substantiel de procédure, que la taxe d'appel soit remboursée (règle 103(1)(a) CBE).

2. Renvoi devant la division d'examen

La requérante a demandé que le cas soit renvoyé à la division d'examen pour la poursuite de la procédure. Conformément à l'article 11 du Règlement de procédure des chambres de recours, une chambre renvoie un cas devant la division d'examen si des lacunes fondamentales apparaissent dans la procédure d'examen, à moins que des raisons spéciales ne se présentent pour faire autrement. Vu les circonstances exposées ci-dessus, la Chambre est de l'avis qu'il convient de renvoyer le cas à la Division d'examen.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'examen afin de poursuivre la procédure.

3. Il est fait droit à la requête en remboursement de la taxe de recours.

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