T 0427/15 () of 17.6.2019

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2019:T042715.20190617
Date de la décision : 17 Juin 2019
Numéro de l'affaire : T 0427/15
Numéro de la demande : 09807920.5
Classe de la CIB : C23C 2/02
C23C 2/26
C25D 5/02
C25D 5/10
C25D 5/56
C25D 1/00
G03F 7/00
G03F 7/40
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 450 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : PROCÉDÉ DE FABRICATION DE PIÈCES MÉTALLIQUES MULTI-NIVEAUX PAR LA TECHNIQUE LIGA-UV
Nom du demandeur : Nivarox-FAR S.A.
Nom de l'opposant : Mimotec S.A.
Chambre : 3.4.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 99(1)
European Patent Convention Art 100(a)
European Patent Convention Art 100(b)
European Patent Convention Art 111(1)
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention Art 123(3)
European Patent Convention Art 134(1)
European Patent Convention R 81(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
Mot-clé : Procédure orale - droit d'être entendu pendant la procédure orale
Modifications - extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée (requête principale
Modifications - oui)
Motifs d'opposition - nouveau motif d'opposition (oui)
Motifs d'opposition - extension de l'objet du brevet (requête subsidiaire
Motifs d'opposition - non)
Motifs d'opposition - exposé insuffisant (requête subsidiaire
Motifs d'opposition - non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0010/91
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours a été formé contre la décision intermédiaire de maintien du brevet européen no. 2 316 056 sous forme modifiée conformément à l'article 101(3)(a) et 106(2) CBE, rendue par la division d'opposition.

II. Dans cette décision intermédiaire, la division d'opposition a rejeté la requête principale au motif que l'invention définie par les revendications indépendantes 3 et 4 ne pouvait pas être mise en oeuvre par l'homme du métier, contrairement aux dispositions des articles 83 et 100(b) CBE.

La division d'opposition a constaté que les documents du brevet selon la première requête subsidiaire (dans laquelle les revendications 3 et 4 de la requête principale ont été supprimées) remplissaient les conditions de la CBE.

III. A la fin de la procédure orale les requêtes des parties étaient les suivantes :

La titulaire/requérante (ci-après « la titulaire ») a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sous forme modifiée selon la requête principale, ou selon la requête subsidiaire 1 déposée sous l'intitulé de requête subsidiaire 5, ou selon une des requêtes subsidiaires 2 à 5 dérivées des requêtes subsidiaires précédentes 1 à 4 et renumérotées pendant la procédure orale, toutes déposées par courrier daté du 31 août 2016.

L'opposante/intimée (ci-après « l'opposante ») a demandé le rejet du recours, et à titre subsidiaire, le renvoi à la division d'opposition.

IV. Référence est faite aux documents suivants:

D3 : EP 1 681 375 A2

D12 : Bucknall, D G : Nanolithography and patterning techniques in microelectronics, Woodhead Publishing Limited, Cambridge, 2005, pages 218-237;

D16 : WO 2009/062943

D17 : EP 2 440 690

D18 : EP 1 932 804

D21 : Benjamin Bohl, Reinhard Steger, Roland Zengerle and Peter Koltay: Multi-layer SU-8 lift-off technology for microfluidic devices; J. Micromech. Microeng. 15, pages 1125-1130; 22 April 2005

D22 : Maskentechnik Für Mikroelektronik-/Mikrotechnik-bauteile, VDI-Berichte 1102, Düsseldorf, VDI-Verlag, 1993, pages 55-59.

V. (i) Le libellé de la revendication 3 de la requête principale est le suivant :

« Procédé de fabrication d'une microstructure métallique multi-niveaux par une technique de photolithographie UV et de dépôt galvanique, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes consistant à :

a) se munir d'un substrat (1) comportant une surface conductrice (2) ;

b) recouvrir la surface conductrice (2) d'une première couche de résine photosensible (3) ;

c) irradier la première couche de résine photosensible (3) à travers un masque (4) correspondant à l'empreinte désirée ;

d) développer la première couche de résine photosensible (3) de manière à creuser dans celle-ci des ouvertures et à obtenir ainsi un premier niveau d'un moule en résine, les ouvertures dans la première couche de résine laissant apparaître la surface conductrice (2) du substrat ;

d') former une deuxième surface conductrice (5) uniquement sur les parties supérieures subsistantes de la première couche de résine (3) développée à l'étape précédente ;

e) déposer une nouvelle couche de résine photosensible (6) sur la première couche de résine développée (3), de manière à recouvrir cette dernière et à remplir les ouvertures dans celle-ci ;

f) irradier la nouvelle couche de résine photosensible (6) à travers un masque (7) correspondant à l'empreinte désirée ;

g) développer la nouvelle couche de résine photosensible (6) de manière à creuser dans celle-ci des ouvertures et à obtenir un moule en résine multi-niveaux, les ouvertures dans le moule multi-niveaux laissant apparaître la surface conductrice (2) du substrat et la deuxième surface conductrice (5) sur les parties supérieures subsistantes de la première couche de résine (3) ;

h) déposer galvaniquement un métal ou un alliage dans les ouvertures du moule en résine multi-niveaux ;

i) détacher le substrat (1) puis éliminer les couches de résine (3, 6) de manière à faire apparaître une structure métallique multi-niveaux (8) constituée par ledit métal ou alliage déposé dans les ouvertures. »

(ii) Le libellé de la revendication 4 de la requête principale est le suivant :

« Procédé de fabrication d'une microstructure métallique multi-niveaux par une technique de photolithographie UV et de dépôt galvanique, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes consistant à :

a) se munir d'un substrat (1) comportant une surface conductrice (2) ;

b) recouvrir la surface conductrice (2) d'une première couche de résine photosensible (3) ;

c) irradier la première couche de résine photosensible (3) à travers un masque (4) correspondant à l'empreinte désirée ;

d) développer la première couche de résine photosensible (3) de manière à creuser dans celle-ci des ouvertures et à obtenir ainsi un premier niveau d'un moule en résine, les ouvertures dans la première couche de résine laissant apparaître la surface conductrice (2) du substrat ;

e) déposer une nouvelle couche de résine photosensible (6) sur la première couche de résine développée (3), de manière à recouvrir cette dernière et à remplir les ouvertures dans celle-ci ;

f) irradier la nouvelle couche de résine photosensible (6) à travers un masque (7) correspondant à l'empreinte désirée ;

g) développer la nouvelle couche de résine photosensible (6) de manière à creuser dans celle-ci des ouvertures et à obtenir un moule en résine multi-niveaux, les ouvertures dans le moule multi-niveaux laissant apparaître la surface conductrice (2) du substrat et des parties supérieures subsistantes de la première couche de résine (3) ;

g') former une deuxième surface conductrice (5) uniquement sur les parties supérieures de la première couche de résine (3) au fond desdites ouvertures ;

h) déposer galvaniquement un métal ou un alliage dans les ouvertures du moule en résine multi-niveaux ;

i) détacher le substrat (1) puis éliminer les couches de résine (3, 6) de manière à faire apparaître une structure métallique multi-niveaux (8) constituée par ledit métal ou alliage déposé dans les ouvertures. »

(iii) Dans la requête subsidiaire 1 (déposée par courrier daté du 31 août 2016 sous l'intitulé initial « requête subsidiaire 5 ») la revendication 4 de la requête principale a été supprimée.

VI. Les arguments de la titulaire qui sont pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :

(i) M. Lorenz ne devrait pas être autorisée à faire un exposé dans la procédure orale. Il n'est pas clair si M. Lorenz était directeur de la société Mimotec S.A. (l'opposante), mais même si c'était le cas, l'opposante a désigné un mandataire agréé, et c'est donc le mandataire qui est chargé de la présentation de la cause de l'opposante.

(ii) Il ne doit pas être tenu compte des documents D16-D18, car ils ont été soumis tardivement et ne sont pas pertinents.

(iii) Le brevet en cause a été opposé aux motifs de l'article 100 a) CBE, pour absence de nouveauté et d'activité inventive. La division d'opposition a décidé à tort d'admettre le nouveau motif d'opposition selon l'article 100 b) introduit après le délai défini par l'article 99(1) CBE.

(iv) Même si le nouveau motif d'opposition selon l'article 100 b) est admis, en tenant compte des connaissances générales de l'homme du métier, la divulgation du brevet contesté permet à l'homme du métier de mettre en oeuvre les procédés des revendications 3 et 4 de la requête principale conformément aux exigences des articles 100(b)/83 CBE.

Les procédés pour former une couche à motifs déposée sur un substrat sont bien connus de l'homme du métier, par exemple les procédés du type « shadow mask » (divulgué par exemple dans le document D12) ou du type « lift-off ». L'emploi de l'un ou l'autre de ces procédés permettrait facilement la mise en oeuvre de l'étape d') de la revendication 3 ou de l'étape g') de la revendication 4 par l'homme du métier.

(iv) La revendication 3 de la requête principale est essentiellement une combinaison des revendications 1 et 4 telles que délivrées, et donc il n'y a pas d'extension de la portée au-delà de la portée du brevet tel que délivré, et par conséquent il n'y a pas de violation de l'article 123(3) CBE.

(v) Les modifications de la revendication 4 de la requête principale trouvent une base dans la demande telle que déposée à l'origine (voir en particulier aux pages 8, lignes 9-21 et 23-29, et page 9, lignes 7-9 et 22-28). L'article 123(2) CBE n'exige pas de fondement littéral.

VII. Les arguments de l'opposante qui sont pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :

(i) M. Lorenz est actuellement le CEO (Chief Executive Officer) de la société Mimotec S.A., et donc il peut à ce titre faire un exposé oral au nom de l'opposante pendant la procédure orale.

(ii) La chambre de recours devrait refuser d'admettre les documents D21, D22 dans la procédure. Ces documents ne faisaient pas partie du mémoire de recours, ne sont pas des guides ou manuels de base et n'ont pas de pertinence prima facie sur le mode de réalisation du dépôt d'une couche conductrice « uniquement sur les parties supérieures subsistantes de la première couche de résine ».

(iii) Les requêtes subsidiaires soumises avec le mémoire de recours n'ont jamais été présentées lors de la première instance. La chambre de recours devrait refuser d'admettre les requêtes subsidiaires dans la procédure au titre de l'article 12(4) RPCR. En effet, ces requêtes visent toutes à surmonter l'objection formulée au titre de l'insuffisance de description, et auraient dû être soumises en première instance. Puisque cela n'a pas été le cas, il faut refuser de les admettre dans le cadre du recours.

(iv) Les modifications qui sont apportées à un brevet au cours d'une procédure d'opposition doivent être examinées pour s'assurer qu'elles se conforment aux exigences de la CBE (article 101(3) CBE), y compris les exigences de l'article 101(b)/83 CBE. La division d'opposition avait par conséquent raison de considérer si les objets des revendications modifiées étaient exposées dans le brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.

(v) Le brevet n'expose pas les inventions selon les revendications indépendantes 3 et 4 de façon suffisamment claire et complète. En fait, le brevet est silencieux sur l'étape cruciale de la formation d'une seconde couche conductrice sur des éléments de résine développé, et l'homme du métier n'aurait pas su réaliser cette étape en faisant appel aux connaissances générales et sans effort inventif. Les techniques suggérées par la titulaire (« shadow mask » et « lift-off ») ne sont bien connues de l'homme de métier que pour le dépôt des couches sur les surfaces planes, et pas pour les surfaces structurées ou texturées comme requis par les revendications 3 et 4.

(vi) La revendication 3 de la requête principale définit un objet qui n'était pas couvert par le brevet tel que délivré contrairement aux exigences de l'article 123(3) CBE.

La revendication 4 telle que délivrée définit une étape « de former une surface conductrice (5) sur les parties subsistantes de la surface de la couche de résine (3) développée à l'étape précédente ». Cette caractéristique a été reprise dans la nouvelle revendication 3 mais en ajoutant « uniquement sur les parties supérieures ... ». La méthode de la revendication 3 de la requête principale est donc différente de la méthode résultant de la combinaison des revendications 1 et 4 initiales, car un effet technique différent est obtenu en déposant la couche conductrice uniquement sur les parties supérieures. Donc l'objet de la revendication 3 s'étend au-delà du brevet tel de délivré.

La revendication 4 de la requête principale aussi définit un objet qui n'était pas couvert par le brevet tel que délivré.

(vii) L'objet de la revendication 4 de la requête principale s'étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée et donc ne remplit pas les conditions de l'article 123 (2) CBE.

La revendication 4 se base sur les revendications 1 et 5 de la demande telle que déposée. La revendication 5 telle que déposée définit une étape de former une surface conductrice « au fond desdites ouvertures ». Cependant, la revendication 4 inclut aussi les caractéristiques basées sur la revendication 4 de la demande telle que déposée (c'est-à-dire de former la surface conductrice sur les parties supérieures de la première couche de résine), et donc la revendication 4 est un mélange de deux revendications (4 et 5) telle que déposées, qui correspondent à deux différents modes de réalisation particuliers, et pour lequel aucune base ne se trouve dans la demande telle que déposée (article 123 (2) CBE).

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. La question de savoir si M. Lorenz peut présenter ses observations pendant la procédure orale

2.1 L'opposante (« Mimotec S.A. ») a deposé un pouvoir daté du 28 mars 2019 autorisant M. Cyrille Poindron à agir pour la société. Le pouvoir était signé par « H. Lorenz, CEO » et une autre personne. L'abréviation « CEO » signifie en anglais "Chief Executive Officer", c'est-à-dire Directeur Général de la société. Pendant la procédure orale M. Lorenz a déclaré qu'il était encore « CEO » de Mimotec S.A., et la titulaire n'a fourni aucun élément de preuve que ce n'était pas le cas. La chambre considère donc que M. Lorenz est directeur de Mimotec S.A. (l'opposante).

2.2 La chambre n'a connaissance d'aucune jurisprudence qui limiterait le droit d'une personne à présenter des soumissions du seul fait de la nomination d'un mandataire agréé, lorsque cette personne est par ailleurs pleinement autorisée à représenter une partie elle-même, et est donc de fait autorisée de manière inhérente, à présenter elle-même des soumissions de son plein droit.

Par conséquent, M. Lorenz a le droit de s'exprimer pendant la procédure orale dans l'exercice de ses fonctions en tant que directeur, même si l'opposante a désigné un mandataire agréé en application de l'article 134(1) CBE.

3. Recevabilité du motif d'opposition au titre de l'article 100 b) CBE

3.1 Selon la titulaire, la décision de la division d'opposition d'admettre le motif d'opposition au titre de l'article 100 b) CBE dans la procédure n'était pas fondé. La titulaire a donc demandé expressément lors de la procédure orale que la chambre renvoie l'affaire à la division d'opposition pour poursuite de la procédure sans tenir compte du motif d'opposition au titre de l'article 100 b) CBE.

La titulaire se plaint aussi d'aspects de la procédure suivie, par exemple, le refus par la division d'opposition de reporter la procédure orale. Cependant, ces griefs contre la procédure devant la division d'opposition ne semblent liés à aucune demande tendant à ce que la chambre prenne des mesures concrètes.

3.2 Le brevet en cause a été opposé en entier aux motifs de l'article 100 a) CBE, à savoir pour absence de nouveauté et d'activité inventive.

3.3 Par courrier en date du 12 septembre 2014, suite aux modifications introduites pendant la procédure d'opposition par la titulaire, l'opposante a invoqué pour la première fois le motif d'insuffisance de l'exposé de l'invention définie dans les revendications indépendantes 1-4 (article 100 b) CBE).

3.4 Dans son courrier du 24 septembre 2014 la titulaire a constaté que « le motif d'opposition selon l'Art. 100 b) CBE n'ayant pas été soulevé dans le délai d'opposition au sens de l'Art. 99(1) CBE, il constitue un nouveau motif non admissible dans la présente procédure d'opposition. »

3.5 Dans la décision intermédiaire la division d'opposition a expliqué qu'elle avait admis ces objections d'insuffisance de l'exposé parce qu'elles concernaient des modifications apportées au texte du brevet tel que délivré (voir le point 2.6.2 des motifs) :

« Le motif d'opposition au titre de l'art. 100(b) CBE a été considéré comme admissible car il a été formulé en réponse aux modifications apportées par la titulaire au jeu de revendications constituant la requête principale. Ces modifications imposent une restriction (par l'ajout des mots "uniquement" et "supérieures") des modes de réalisation couverts par la revendication 4 telle que délivrée. »

Bien que cela ne soit pas explicitement mentionné dans la décision, il est clair que les mêmes considérations s'appliquent à la revendication 3, qui comprend également les termes modifiés « uniquement » et « supérieures ».

3.6 La règle 81(1) CBE s'énonce comme suit :

« La division d'opposition examine les motifs d'opposition qui sont invoqués dans la déclaration de l'opposante visée à la règle 76, paragraphe 2 c). Elle peut également examiner d'office les motifs d'opposition qui n'ont pas été invoqués par l'opposante s'ils sont susceptibles de s'opposer au maintien du brevet européen. »

3.7 Ce point est développé plus en détail dans la décision G 10/91 :

« En principe, la division d'opposition n'examine que les motifs d'opposition qui ont été valablement invoqués et motivés, conformément à l'article 99(1) CBE, ensemble la règle 55c) CBE. A titre exceptionnel, la division d'opposition peut, en application de l'article 114(1) CBE, examiner d'autres motifs d'opposition qui, de prime abord, semblent en tout ou partie s'opposer au maintien du brevet européen. » (G 10/91, Sommaire, point 2.)

3.8 Toutefois, au point 19 des motifs de la décision G 10/91, la Grande chambre de recours a ajouté ce qui suit :

« Afin d'éviter tout malentendu, il importe en définitive de confirmer qu'en cas de modifications des revendications ou d'autres parties d'un brevet pendant une procédure d'opposition ou de recours, il faut examiner en détail si ces modifications sont compatibles avec les conditions posées par la CBE (eu égard par exemple aux dispositions de l'article 123(2) et (3) CBE). »

Par conséquent, si une division d'opposition estime qu'une modification effectuée pendant la procédure d'opposition ne satisfait pas aux exigences de la CBE, ou si un opposant le fait valoir, la division d'opposition a le droit et le devoir d'examiner cette question.

3.9 Dans la présente affaire, dans sa lettre datée et reçue à l'OEB le 12 septembre 2014 (à savoir la date limite jusqu'à laquelle des documents pouvaient être produits selon la règle 116 CBE, comme indiqué dans la citation à la procédure orale) l'opposante a soulevé l'objection que, en raison directe des modifications apportées par la titulaire aux revendications 1-4, les requêtes de la titulaire ne sont pas conformes à une exigence de la CBE, à savoir la suffisance de l'exposé de l'invention (article 83 CBE).

3.10 Dans le cas des revendications 3 et 4, les termes « uniquement » et « supérieures » n'apparaissent pas dans les revendications du brevet délivré, et donc ces revendications comportent clairement des « modifications » au sens du point 19 de G 10/91. Par conséquent, la division d'opposition a conclu à juste titre qu'il fallait examiner si ces revendications étaient conformes aux exigences de l'articles 83/100 b) CBE.

4. Recevabilité des nouveaux documents

4.1 Le motif d'insuffisance de l'exposé de l'invention a été invoqué pour la première fois à peu près un mois avant la date de la procédure orale devant la division d'opposition. Dans un tel cas, la chambre estime qu'il n'est ni surprenant, ni constitutif d'un abus de procédure que les parties soumettent, pendant la procédure de recours, de nouveaux arguments, éventuellement appuyés par de nouveaux documents, visant à établir que l'exposé de l'invention est ou n'est pas suffisant au sens de l'article 100 b) CBE.

4.2 Les documents D16 et D17 ont été soumis par l'opposante dans son réponse au mémoire d'appel, et les documents D21 et D22 ont été soumis par l'opposante dans son courrier ultérieur daté 31 août 2016. Les quatre documents D16, D17, D21, D22 sont liés aux aspects particuliers de la question de la suffisance de l'exposé et les parties avaient connaissance de ces documents plus de deux ans et demi avant la date de la procédure orale devant la chambre. La chambre a donc décidé d'admettre ces documents dans la procédure (articles 12(4) et 13(1) RPCR).

5. Revendication 4 de la requête principale: article 123 (2) CBE.

5.1 Il n'y a pas de doute que la revendication 1 de la demande telle que déposée constitue la base principale de la revendication 4 de la requête principale. La question est de savoir si la caractéristique g') ajoute un élément qui s'étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée en violation de l'article 123 (2) CBE.

5.2 Le libellé de l'étape g') est le suivant :

« former une deuxième surface conductrice (5) uniquement sur les parties supérieures de la première couche de résine (3) au fond desdites ouvertures ».

Selon l'étape précédente (g), la nouvelle couche de résine photosensible (6) est développée de manière à creuser dans celle-ci des ouvertures, de telle façon que « les ouvertures ... laissant apparaître la surface conductrice (2) du substrat ». Les parties de la surface conductrice (2) ainsi exposées forment donc les fonds desdites ouvertures.

5.3 Selon l'étape g') la deuxième surface conductrice (5) est formée uniquement sur les parties supérieures de la première couche de résine, et par conséquent non pas sur la surface conductrice (2), et donc pas non plus au fond desdites ouvertures, comme requis par le libellé de la revendication 5 de la demande telle que déposée.

De ce fait, la revendication 5 de la demande telle que déposée ne constitue pas une base pour l'ajout de l'étape g') de la revendication 1 de la requête principale. En fait les deux textes se contredisent mutuellement.

5.4 La seule autre partie de la demande telle que déposée dans laquelle se trouve le mot "fond" est le passage suivant de la page 9 (lignes 26 à 28):

« Selon encore une autre variante, la couche conductrice peut même être formée au fond des ouvertures entre l'étape g) et l'étape h) une fois les moules en photorésist réalisés. »

Cet enseignement correspond exactement à celui de la revendication 5 de la demande telle que déposée, et ne fournit pas une base pour l'étape g') de la revendication 1 pour les raisons expliquées ci-dessus.

5.5 De plus, les autres passages aux pages 8 et 9 cités par la titulaire ne fournissent pas une base claire et sans équivoque pour l'étape g') de la revendication 1. En effet, ces passages semblent se rapporter aux autres modes de réalisation.

5.6 La chambre conclut donc que l'objet de la revendication 4 de la requête principale s'étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée et donc ne remplit pas les conditions de l'article 123 (2) CBE. Par conséquent, le brevet ne peut pas être maintenu sur la base de la requête principale.

6. Recevabilité de la requête subsidiaire 1

6.1 Dans sa lettre du 17 mai 2019 l'opposante a demandé que la chambre refuse d'admettre les requêtes subsidiaires soumises avec le mémoire de recours dans la procédure, parce qu'elles n'ont jamais été présentées lors de la première instance (article 12 (4) RPCR). Cette question n'a pas été mentionnée par l'opposante pendant la procédure orale.

6.2 La requête subsidiaire 1 a été déposée sous l'intitulé « requête subsidiaire 5 » par courrier daté du 31 août 2016 et comprend trois revendications indépendantes (revendications 1-3) qui correspondent aux revendications 1-3 de la requête principale considérée par la première instance (la revendication indépendante 4 de la requête principale considérée par la division d'opposition a été supprimée). La chambre ne voit donc aucune justification pour refuser d'examiner l'objet de ces revendications qui a déjà été examiné par la division d'opposition au cours de la procédure de première instance. La requête subsidiaire 1 est donc admise dans la procédure.

7. Revendication 3 de la requête subsidiaire 1: article 123 (3) CBE.

7.1 L'article 123(3) CBE impose la condition qu'au cours de la procédure d'opposition, les revendications du brevet européen ne peuvent être modifiées de façon à étendre la protection. A ce titre l'article 69(1) CBE définit que l'étendue de la protection est déterminée par la teneur des revendications, la description et les dessins servant à interpréter les revendications.

7.2 Le procédé selon la revendication 3 de la requête subsidiaire 1 comprend toutes les caractéristiques de la seule revendication indépendante (revendication 1) du brevet tel que délivré et aussi les caractéristiques suivantes de l'étape d') :

« former une deuxième surface conductrice (5) uniquement sur les parties supérieures subsistantes de la première couche de résine (3) développée à l'étape précédente ».

7.3 Par contre, la revendication 1 du brevet tel que délivré ne définit ni n'exclut une étape pour former une deuxième surface conductrice. En conséquence, la portée des revendications telles que délivrées comprennent, entre autres, des modes de réalisation où les parties ne sont que partiellement couvertes par une deuxième couche conductrice.

7.4 La chambre ne voit pas comment l'addition de l'étape d') peut représenter autre chose qu'une limitation de l'étendue de la protection demandée selon la requête subsidiaire 1 par rapport à celle du brevet tel que délivré. Donc, la requête subsidiaire 1 ne contrevient pas à l'article 123(3) CBE.

8. Revendication 3 de la requête subsidiaire 1: article 100 b) CBE.

8.1 Selon l'opposante, le brevet n'expose pas du tout comment exécuter l'étape d') de la revendication 3, et l'homme du métier n'aurait pas su réaliser cette étape grâce aux connaissances générales et sans effort inventif. L'opposante accepte que les techniques suggérées par la titulaire (« shadow mask » et « lift-off ») étaient bien connues de l'homme de métier avant la date de priorité du brevet, mais elle affirme que ce n'est le cas que pour le dépôt des couches sur les surfaces planes, et que l'homme du métier n'aurait pas su appliquer ces techniques au dépôt des couches sur les surfaces structurées ou texturées comme requis par la revendication 3.

8.2 La chambre admet que le dépôt d'une couche conductrice dans des évidements d'une surface ou sur une surface multi-niveaux utilisant les techniques « shadow mask » ou « lift-off » pourrait poser des difficultés particulières. Cependant, ces difficultés n'apparaissent pas en l'espèce.

Selon l'étape b) de la revendication 3, la surface conductrice (2) est recouverte par une première couche de résine photosensible (3). Implicitement, la surface supérieure de cette couche est, du moins nominalement, plane. Selon les étapes c) et d), des ouvertures sont formées dans la première couche de résine photosensible (3) qui s'étendent jusqu'à la surface conductrice (2) du substrat.

Selon l'étape d') la deuxième surface conductrice (5) est formée sur les parties supérieures subsistantes de la première couche de résine (3), c'est-à-dire sur un ensemble de surfaces coplanaires (qui faisaient originellement parties de la même surface plane). Donc les techniques standards « shadow mask » ou « lift-off » comme utilisées dans le cas d'une surface plane pourraient également être employées dans le cas d'espèce.

8.3 L'opposante soutient que si la technique « shadow mask » était utilisée, il ne serait pas possible de former une deuxième surface conductrice uniquement sur les parties supérieures subsistantes de la première couche de résine, parce qu'il était inévitable que quelques particules métalliques seraient déposées sur les parois latérales et au fond des ouvertures pendant le dépôt. Les causes potentielles de ce prétendu problème sont l'angle de divergence du faisceau de particules, le problème d'alignement, et la variation d'épaisseur de la couche de résine.

8.4 Lors de la procédure orale la titulaire a mis l'accent sur le document D12 pour illustrer le dépôt d'une couche structurée sur un substrat pouvant comprendre une résine telle que SU-8 (voir la section 7.3.1) par la technique « shadow mask ». Le principe fondamental est illustré dans la Figure 7.4.

8.5 Il est expliqué dans la section 7.2.2 de D12 que le matériau qui est vaporisé dans la chambre sous vide se propage en lignes droites entre la source et le substrat, la distance entre la source et le substrat étant grande par comparaison aux dimensions de la source, ce qui suggère un faisceau très directionnel. De plus, le substrat et le stencil sont disposés nominalement perpendiculaires au faisceau de particules métalliques, et les conséquences d'un écart, par rapport à la perpendicularité, aussi peu important qu'un degré (1°) sont discutées, ce qui implique clairement que le faisceau doit être fortement collimé. La chambre conclut donc que l'angle de divergence du faisceau de particules serait, en pratique, très petit.

L'utilisation d'un faisceau fortement collimé aurait pour effet que l'homme du métier pourrait s'assurer que très peu de, voire aucunes, particules métalliques seraient déposées sur les parois latérales et au fond des ouvertures pendant le dépôt.

8.6 De plus, la chambre est d'avis qu'il n'y aurait pas un problème important d'alignement. Le brevet concerne un procédé de fabrication d'une microstructure (pas une nanostructure) métallique multi-niveaux, avec les dimensions typiques entre 150 et 600 microns (voir paragraphe [0018] du brevet). L'homme du métier serait bien capable d'aligner un stencil avec une surface structurée ayant des dimensions de cet ordre de grandeur.

8.7 L'opposante soutient que l'épaisseur de la couche de résine (3) varie de +/- 30 microns, et ceci signifie qu'il n'est pas possible d'utiliser la technique « shadow mask » sans former une couche conductrice sur les flans de la résine. La chambre est cependant d'avis que pour un faisceau de particules très directionnel et collimé (voir point 8.5 ci-dessus) un tel effet serait minimal.

8.8 La chambre peut admettre que, dans la pratique, la mise en oeuvre du procédé revendiqué par la technique « shadow mask » pourrait entraîner le dépôt de petites quantités de métal évaporé sur les parois latérales et au fond des ouvertures, surtout lorsque les deuxièmes surfaces conductrices s'étendent jusqu'aux bords des parties supérieures subsistantes de la première couche de résine (ce qui apparaît nécessaire pour l'étape galvanique - voir alinéa [0035]).

8.9 Cependant, la revendication 3 requiert que la deuxième surface conductrice (5) soit formée « uniquement sur les parties supérieures subsistantes de la première couche de résine (3) développée à l'étape précédente ». De cette formulation, l'homme du métier comprendrait que le procédé devrait être effectué de telle manière qu'une deuxième surface conductrice n'est pas déposée sur les autres surfaces telles que les parois latérales et les fonds des ouvertures, et il peut facilement exécuter cette étape en utilisant un stencil.

8.10 Le fait que, en exécutant ce procédé, des quantités minimes non désirées pourraient coller aux autres surfaces pendant le procédé n'est pas pertinent pour la question de la conformité aux exigences de l'article 100 b) CBE.

8.11 L'opposante soulève également le "problème des bras" (ou "doughnut problem" dans la terminologie de la titulaire). Dans le cas où le masque a un anneau central, il faut fournir les bras pour relier l'anneau avec le reste du masque, et les bras nuisent à l'étape suivante de métallisation. La titulaire soutient que l'homme du métier serait bien capable de surmonter ce problème, par exemple par des moyens divulgués dans le document D22.

L'invention définie par la revendication 1 est un procédé de fabrication d'une microstructure métallique multi-niveaux. Même si la chambre acceptait le point de vue de l'opposante qu'il y a certaines microstructures métalliques multi-niveaux pour lesquelles la technique revendiquée ne serait pas appropriée, cela ne conduirait pas à la conclusion que le procédé lui-même n'a pas été exposé de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.

8.12 L'autre technique suggérée par la titulaire est le « lift-off » (qui est également mentionnée dans le document D12, section 7.1). L'opposante admet que cette technique appartienne aux connaissances générales de l'homme du métier s'agissant du dépôt d'une matière métallique sur une surface plane (comme illustré, par exemple, dans les figures 19A-19H du document D3).

Cependant, comme indiqué ci-dessus (point 8.2) la chambre ne voit aucune différence majeure entre le dépôt d'une matière sur une surface plane et le dépôt d'une matière sur un ensemble de surfaces coplanaires (qui faisaient originellement parties de la même surface plane). 8.13 Il est vrai que, en utilisant cette technique afin de réaliser le procédé revendiqué, une couche de résine devrait être déposée sur les surfaces intérieures des ouvertures ainsi que sur les parties supérieures subsistantes de la première couche de résine. Cependant les techniques appropriées pour couvrir une surface structurée avec une couche de résine sont divulguées dans l'alinéa [0029] du brevet en cause (« dépôt à la tournette » comme dans la figure 7 du brevet, « gicler la surface à recouvrir avec un photorésist en spray », ou « dépôt galvanique d'un photorésist »).| |

8.14 Pour les raisons indiquées ci-dessus, la chambre est d'avis que l'homme du métier aurait su réaliser le procédé selon la revendication 3 de la requête subsidiaire 1 sans effort inventif en utilisant les techniques bien connues de « shadow mask » ou « lift-off ». L'invention définie par la requête subsidiaire 1 est donc conforme aux exigences de l'article 100 b) CBE.

9. Poursuite de la procédure

9.1 Pour l'objet de la revendication 3 de la requête subsidiaire 1, l'instance du premier degré n'a pas pris de décision sur tous les motifs d'opposition autres que selon l'article 100 b) CBE, et en particulier n'a pas examiné la question de l'activité inventive.

9.2 Par conséquent, la chambre estime qu'il est opportun d'exercer le pouvoir que lui confère l'article 111(1) CBE et de renvoyer l'affaire à la division d'opposition pour poursuite de la procédure sur la base du jeu de revendications selon la requête subsidiaire 1.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de poursuivre la procédure.

Quick Navigation