T 0249/15 () of 27.2.2018

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2018:T024915.20180227
Date de la décision : 27 Fevrier 2018
Numéro de l'affaire : T 0249/15
Numéro de la demande : 03740568.5
Classe de la CIB : C22C 21/10
C22F 1/053
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : PRODUITS EN ALLIAGES AL-ZN-MG-CU
Nom du demandeur : Constellium Issoire
Nom de l'opposant : Arconic Inc.
Aleris Rolled Products Germany GmbH
Chambre : 3.2.08
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Nouveauté
Activité inventive
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Par décision postée le 10 décembre 2014, la division d'opposition a établi que le brevet européen n°1492895, modifié en accord avec la requête subsidiaire 1 alors au dossier, et l'invention qui en constitue l'objet satisfont aux conditions de la CBE.

II. La requérante 1 (titulaire du brevet), la requérante 2 (opposante 1) et la requérante 3 (opposante 2) ont formé un recours contre cette décision dans la forme et les délais prévus.

III. Une procédure orale devant la Chambre a eu lieu le 27 février 2018.

Les requérantes 1 et 3 n'étaient pas représentées,

comme annoncé par lettres du 15 janvier 2018 et du 8 janvier 2018.

IV. La requérante 1 a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale ou d'une des requêtes subsidiaires 1-4 soumises par lettre du 27 août 2015.

Les requérantes 2 et 3 ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

V. La revendication 1 selon la requête principale s'énonce comme suit (les modifications par rapport à la revendication indépendante 4 du brevet tel que délivré sont soulignées):

"Produit laminé, filé ou forgé en alliage Al-Zn-Mg-Cu, caractérisé en ce qu'il contient (en pourcents massiques) :

a) Zn 9,5 - 14,0 Cu 0,3 - 4,0 Mg 0,5 - 4,5

Fe + Si < 0,25

b) au moins un élément sélectionné dans le groupe composé de Zr, Sc, Hf, La, Ti, Ce, Nd, Eu, Gd, Tb, Dy, Ho, Er, Y, Yb, Cr, Mn, la teneur de chacun desdit éléments, s'il est sélectionné, étant comprise entre 0,02 et 0,7 % ,

c) le reste aluminium et impuretés inévitables,

et en ce qu'il satisfait les conditions

d) Mg / Cu < [deleted: 2,4] 2,0 et

e) (7,7 - 0,4 Zn) > (Cu + Mg) > (6,4 - 0,4 Zn)."

La revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 diffère de la revendication 1 de requête principale par l'énoncé suivant:

"en ce que sa teneur en magnésium, cuivre, zinc et silicium est choisie de telle manière que

Mg > 1.95 + 0,5 (Cu - 2,3) + 0,16 (Zn - 6) + 1,9 (Si - 0,04)."

La revendication 1 selon la requête subsidiaire 2 diffère de la revendication 1 de requête subsidiaire 1 par l'énoncé suivant:

"caractérisé en ce que la limite d'élasticité Rp0,2(L) > 630 MPa"

La revendication 1 selon la requête subsidiaire 3 diffère de la revendication 1 de requête subsidiaire 2 par l'énoncé suivant:

"et en ce que KIC(L-T) > 23 MPaSQRTm"

La revendication 1 selon la requête subsidiaire 4 porte sur l'utilisation du produit de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3

"comme élément structural dans un caisson de voilure sous forme d'un extrados, ledit produit étant utilisé à l'état métallurgique T651".

VI. Le document suivant a joué un rôle pour la présente décision:

D4: EP -A- 0 377 779.

VII. S'agissant du document D4, les requérantes 2 et 3 ont développé essentiellement les arguments suivants:

Requête principale

D4 détruit la nouveauté de l'objet de la revendication 1. En particulier, l'exemple 6 de la table 3 présente des teneurs en Zn, Mg et Cu en accord avec la revendication 1 de la requête principale. Même si cet exemple n'est pas indiqué comme exemple inventif dans la table 3, il ressort clairement de la page 12 qu'il s'agit d'un exemple de l'invention de D4 au sens large. En effet, sa composition tombe dans les domaines des compositions des alliages inventifs 5, 7 et 8 de la table 6. L'alliage de l'exemple 6 de la table 3 a donc lui aussi une teneur en Zr en accord avec lesdits alliages 5, 7 et 8 de la table 6. Cette teneur en Zr est en accord avec la revendication 1 de la requête principale. Quant aux éléments Fe et Si, D4 divulgue qu'il s'agit d'impuretés, dont les teneurs doivent donc être réduites autant que possible. Les valeurs divulguées à titre d'exemple à la page 4 remplissent la condition prescrite dans la revendication 1 pour Fe+Si. Par conséquent, D4 divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 de la requête principale.

Requêtes subsidiaires

La requête subsidiaire 1 introduit un critère de coulabilité selon lequel une fonction des teneurs de Zn, Cu et Si doit être inférieure à la teneur en Mg. Cette fonction, calculée pour les teneurs de Zn et Cu de l'exemple 6 de la table 3 et les teneurs de Si divulguées à la page 4, donne des valeurs qui ne sont pas éloignées, voire correspondent à la teneur en Mg. L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 est donc dénuée de nouveauté.

D4 divulgue que des traitements thermiques différents peuvent être utilisés, selon que l'on vise à optimiser la résistance à la corrosion ou à obtenir des propriétés mécaniques élevées. Les propriétés mécaniques des requêtes subsidiaires 2 et 3 sont donc implicitement divulguées dans D4 ou évidentes. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de ces requêtes n'est pas nouveau ou n'implique pas d'activité inventive.

Quant à la requête subsidiaire 4, D4 divulgue l'utilisation de l'alliage comme extrados. En outre, l'état métallurgique T651 est un état standard. L'objet de la revendication 1 n'implique ainsi pas d'activité inventive.

VIII. La requérante 1 a développé en réponse essentiellement les arguments suivants:

Requête principale

L'exemple 6 de la table 3 de D4 n'est pas divulgué comme un alliage inventif de ce document. En effet, les teneurs de Zn et Cu dudit exemple 6 ne sont pas en accord avec l'enseignement à la page 12 de D4. En outre, la table 3 ne divulgue pas les teneurs en Zr et en Fe plus Si des exemples. Par conséquent, D4, et en particulier l'exemple 6 de la table 3, ne détruit pas la nouveauté de l'objet de la revendication 1 de la requête principale.

Requêtes subsidiaires

Il n'y a pas de recoupement entre la composition de la revendication 1 de D4 et celle de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1. En outre, pour ce qui concerne l'exemple 6 de la table 3, comme on ne connaît pas sa teneur en Fe et Si, D4 ne divulgue pas que cet alliage remplit le critère de coulabilité défini par la requête subsidiaire 1.

Quant aux propriétés mécaniques des requêtes subsidiaires 2 et 3, elles ne sont pas divulguées dans D4.

Motifs de la décision

1. Requête Principale

1.1 D4 se rapporte à un alliage corroyé (par exemple par laminage, filage ou forgeage, page 4, lignes 36-37). Les alliages inventifs selon D4 ne sont pas limités à la composition de la revendication 1 de ce document mais comprennent aussi les plages de composition divulguées dans la table 6 (page 13, ligne 6). La table 6, qui couvre entre autres des teneurs en cuivre moins élevées que la revendication 1, comprend des compositions qui se recoupent avec la composition de la revendication 1 de la requête principale, comme par exemple les alliages 5 (8,5-10% Zn; 2,1-3,2% Mg; 1,2-2,2% Cu et 0,04-0,15% Zr) et 8 (9-11,5% Zn; 2-3% Mg; 1,5-2,75% Cu et 0,04-0,15% Zr). Pour établir la nouveauté de l'objet de la revendication 1 de la requête principale, il y a donc lieu d'examiner si l'homme du métier envisagerait sérieusement de mettre en application l'enseignement de D4 concernant lesdits alliages 5 et 8 dans la plage de valeurs commune.

1.2 La table 3 de D4 divulgue les teneurs en Zn, Mg et Cu d'un certain nombre d'exemples (les teneurs des autres éléments d'alliage ne sont pas données dans cette table). Ni la table 3, ni la Figure 2, qui se rapporte aux exemples de la table 3, ne divulguent si les exemples 5-14, qui sont regroupés sous le titre "Mg < 2.3%" dans la table 3 et dans le polygone C dans la Figure 2, sont des exemples inventifs ou non, tandis que les exemples 1-4 sont clairement indiqués comme "Invention Alloy". Toutefois, la page 12, lignes 27-33, divulgue que les alliages du polygone C de la Figure 2 , c'est-à-dire les exemples 5-14 de la table 6, sont eux aussi des alliages inventifs, et qu'ils comprennent également un ou plusieurs éléments parmi Zr, Hf, et V (dont la teneur n'est pas indiquée dans la table 3). En effet, les teneurs en Zn, Mg et Cu de l'exemple 6 tombent dans les domaines desdits alliages inventifs 5 et 8 de la table 6.

Il est vrai que, comme la requérante 1 l'a fait valoir, les teneurs de Zn et Cu de l'exemple 6 de la table 3 ne sont pas en accord avec l'enseignement à la page 3, lignes 43-47 de D4 ("Improved 7XXX alloy products containing about 7.6 to about 8.4 or 8.6% zinc, about 1.6 or 1.8% to about 2.3% magnesium and about 2 to about 2.6 or 2.8% copper possess significantly greater levels of strength than their 7X50 counterparts while maintaining, or even slightly improving their toughness and/or corrosion resistance performances, particularly when thermally treated by one of two preferred methods"). En effet, la teneur de Cu de l'exemple 6 de la table 3 tombe aussi en dehors de la composition de la revendication 1 de D4 ("about 1.75 to 3% copper"). Cependant, comme expliqué ci-dessus, l'invention de D4 n'est pas limitée aux alliages de la revendication 1 mais comprend aussi les alliages de la table 6, en particulier les alliages 5 et 8 de ladite table 6, dont les plages de composition couvrent la composition de l'alliage 6 de la table 3.

La Chambre conclut donc que l'exemple 6 de la table 3 est un exemple desdits alliages inventifs 5 et 8 de la table 6. L'alliage de l'exemple 6 (Zn 9,7%; Mg 2,1%; Cu 1,5%) présente donc également une teneur en Zr (0,04-0,15% Zr, voir table 6) en accord avec la revendication 1 de la requête principale. Par conséquent, l'homme du métier envisagerait sérieusement de mettre en application l'enseignement de D4 avec un alliage dont la composition est comprise dans le domaine pour Zn, Cu, Mg et Zr défini aux points a) et b) de la revendication 1 et qui satisfait aussi aux conditions d) et e) de ladite revendication.

Il reste à établir si D4 divulgue aussi que cet alliage a une teneur de Fe + Si < 0,25, comme requis par la revendication 1 de la requête principale. D4 divulgue, à la page 4, lignes 20-31, que Fe et Si sont des impuretés nuisibles pour la ténacité. Leur teneur préférée maximale est d'environ 0.2 ou 0.25% et l'alliage inventif peut comprendre environ 0.04 ou 0.05 ou 0.06% de chacun de ces éléments. L'homme du métier va donc également envisager sérieusement de travailler dans le domaine revendiqué pour Fe+Si.

L'objet de la revendication 1 de la requête principale est ainsi dénué de nouveauté.

2. Requête subsidiaire 1

La requête subsidiaire 1 introduit un "critère de coulabilité" selon lequel une fonction des teneurs de Zn, Cu et Si, c'est-à-dire 1.95 + 0,5 (Cu - 2,3) + 0,16 (Zn - 6) + 1,9 (Si - 0,04), doit être inférieure à la teneur en Mg.

La requérante 1 a fait valoir qu'avec cette limitation, il n'y a pas de recoupement entre la composition de la revendication 1 de D4 et celle qui est revendiquée.

Toutefois, comme expliqué ci-dessus, l'enseignement de D4 n'est pas limité aux alliages de la revendication 1 de ce document. En effet, même avec la limitation supplémentaire introduite dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 1, la plage des compositions revendiquée continue de se recouper avec les plages des alliages 5 et 8 de la table 6 de D4.

En outre, pour les valeurs de la teneur en Si divulguée à la page 4, ligne 30, (0,04, 0,05 ou 0,06%), l'expression 1,95 + 0,5 (Cu - 2,3) + 0,16 (Zn - 6) + 1,9 (Si - 0,04) calculée pour l'exemple 6 de la table 3 donne des valeurs qui sont très proches (2,16% pour 0,05% Si et 2,18% pour 0,06% Si), voire correspondent (2,14% pour 0,04% Si) à la teneur en Mg.

Donc, dans ce cas également, l'homme du métier va envisager sérieusement de travailler dans le domaine revendiqué.

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 est ainsi dénué de nouveauté.

3. Requêtes subsidiaires 2-4

3.1 L'exemple 6 de la table 3 de D4 a une limite d'élasticité Rp0,2 (L) d'environ 611 MPa. L'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 2-4 est donc nouveau.

3.2 Les requêtes subsidiaires 2 et 3 introduisent des conditions sur les propriétés mécaniques (limite d'élasticité et ténacité). Leur choix représente un compromis pour satisfaire aux exigences de l'industrie aéronautique (paragraphe [0006] du brevet). Lesdites propriétés sont obtenues dans le brevet par des traitements thermiques standards, en particulier du type T6, appliqués à la composition revendiquée (voir paragraphes [0005] et [0032] ainsi que l'exemple 1).

D4 se rapporte aussi à des alliages pour l'industrie aéronautique, qui sont le résultat d'un compromis entre résistance mécanique, ténacité et résistance à la corrosion (page 2, lignes 1-6 et 36-38). L'homme du métier va choisir le compromis visé entre ces propriétés selon l'application particulière.

D4 même divulgue que l'exemple 6 a une résistance à la corrosion "EB" selon la table 3, correspondant à un état T76 (table 2). Si l'on accepte une résistance à la corrosion inférieure "EC", correspondant à un état du type T6 (table 2), il est possible d'atteindre des valeurs de résistance mécanique d'environ 5% plus élevées (page 2, lignes 16-27s).

L'homme du métier va donc chercher à obtenir des valeurs comprises dans les plages définies dans les requêtes subsidiaires 2 et 3 sans devoir faire preuve d'activité inventive. Il va également s'attendre à obtenir ces propriétés sans difficulté car il connaît les traitements thermiques standards nécessaires.

L'objet de la revendication 1 des requête subsidiaires 2 et 3 n'implique ainsi pas d'activité inventive.

3.3 D4 divulgue l'utilisation de l'alliage pour un extrados d'ailes et le fait que les états du type T6 assurent une résistance mécanique élevée (page 1, lignes 1-12). Le traitement thermique T651 est un traitement thermique standard du type T6, dont les avantages sont bien connus pour l'homme du métier. Il est donc évident d'utiliser l'alliage connu de D4 comme requis par la revendication 1 de la requête subsidiaire 4.

L'objet de cette revendication n'implique donc pas d'activité inventive.

4. Droit d'être entendu

La présente décision se base sur le document D4. Des objections tirées du manque de nouveauté et d'activité inventive et fondées sur ce document ont déjà été soulevées dans la procédure d'opposition et ont été reprises dès le début de la procédure de recours. Les parties, y compris celles qui étaient absentes lors de la procédure orale, ont donc pu prendre position au sujet des motifs sur lesquels la présente décision est fondée.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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