T 0133/15 () of 21.2.2019

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2019:T013315.20190221
Date de la décision : 21 Fevrier 2019
Numéro de l'affaire : T 0133/15
Numéro de la demande : 06291553.3
Classe de la CIB : F01N 13/14
F01N 13/16
B60R 13/08
F16L 59/08
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Ecran de protection thermique et acoustique d'un composant de véhicule
Nom du demandeur : TREVES Products, Services & Innovation
Nom de l'opposant : Autoneum Management AG
Chambre : 3.2.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 83
Mot-clé : Possibilité d'exécuter l'invention - (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante (opposante) a formé recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition ayant décidé que le brevet européen No. 1 885 927 sous forme modifiée satisfaisait aux conditions énoncées dans la Convention (CBE).

II. La Chambre a convoqué les parties à une procédure orale.

III. Par notification, établie en vue de la procédure orale, les parties ont été informées de l'opinion provisoire de la Chambre, exprimant notamment des doutes que l'invention était exposée d'une manière suffisamment claire et complète pour être exécutée par l'homme du métier. La Chambre a également remarqué que les arguments de l'intimée (titulaire du brevet) à ce sujet se limitaient à une référence générale à son argumentation déployée dans la procédure orale devant la division d'opposition - ce qui suivant les articles 12(1) et (2) RPCR ne satisfaisait pas à l'exigence d'une réponse au mémoire de recours - et au raisonnement succinct donné dans la décision attaquée.

IV. Par lettre du 20 février 2019 l'intimée a retiré sa requête en procédure orale et a informé la Chambre de son intention de ne pas comparaître à la procédure orale convoquée pour le 21 février 2019. Au regard de l'opinion provisoire émise par la Chambre l'intimée a fait référence à ses arguments développés dans sa réplique au mémoire de recours et a confirmé sa requête visant au maintien du brevet sous la forme modifiée considérée par la division d'opposition comme satisfaisant aux conditions énoncées dans la Convention.

V. La procédure orale a eu lieu le 21 février 2019 en l'absence de l'intimée.

VI. La requérante a demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.

VII. L'intimée a demandé par écrit le rejet du recours.

VIII. La revendication 1 s'énonce comme suit:

"Ecran (1) de protection thermique et acoustique d'un composant de véhicule automobile, vis à vis de la ligne d'échappement, comprenant, associées en superposition entre elles :

une couche fibreuse (2) thermo-compressée de fibres liées entre elles, la couche fibreuse (2) présentant des zones de densité variable, obtenues par compression différenciée, l'épaisseur de ladite couche variant de 3 à 20 mm,

une première feuille (3) d'aluminium,

ledit écran étant caractérisé en ce que :

ladite couche est agencée pour présenter un module de traction compris entre 9 et 90 MPa, une résistivité au passage de l'air comprise entre 27000 et 71000 N.s.m**(-4) et une conductivité thermique comprise entre 0,055 et 0,061 W.m**(-1).K**(-1)à 200°C,

ladite première feuille présente une épaisseur comprise entre 70 et 150 micromètres."

IX. La requérante a argué que le brevet ne contenait aucune indication permettant à l'homme de métier de mettre en oeuvre un écran selon la revendication 1. Le brevet ne divulguait qu'un exemple incomplet d'une couche fibreuse présentant des valeurs pour les trois paramètres, c'est-à-dire pour le module de traction, la résistivité au passage de l'air et la conductivité thermique, qui tombaient dans l'intervalle respectif défini dans la revendication. Cependant, le brevet ne divulguait ni la composition exacte de cette couche fibreuse exemplaire, ni les conditions de sa fabrication par thermo-compression et il n'y avait également aucune indication sur la façon de faire modifier les paramètres intervenant dans sa fabrication (type de fibres, type et quantité de la résine liante, pression, température, etc.) afin d'obtenir une couche fibreuse présentant les valeurs revendiquées. Une relation entre ces nombreux paramètres à varier et les trois paramètres interdépendants définis dans la revendication, qui n'était pas nécessairement simplement linéaire, n'était pas divulguée. Sans description détaillée d'une couche fibreuse pouvant servir comme point de départ et sans instructions comment varier les différents paramètres influant sur ses propriétés, les essais nécessaires à l'exécution de l'invention excédaient les efforts routiniers de l'homme du métier et équivalaient à un programme de recherche.

X. L'intimée a réfuté cette objection par référence à l'échec de l'argument dans la décision attaquée et par référence générale à ses arguments déjà exposés durant la procédure orale devant la division d'opposition.

XI. Selon la décision attaquée, la division d'opposition avait notamment considéré qu'il relevait de la compétence normale de l'homme du métier, après une analyse sur banc d'essais des couches fibreuses mentionnées au paragraphe 17 du brevet en vue de déterminer les paramètres revendiqués, de sélectionner des paramètres de la méthode de fabrication par thermocompression afin d'arriver par des tests de routine au résultat voulu.

Motifs de la décision

1. Par sa notification établie en vue de la procédure orale, les parties ont été informées de l'opinion provisoire de la Chambre, selon laquelle l'invention ne semblait pas être exposée d'une manière suffisamment claire et complète pour être exécutée par l'homme du métier.

Dans la seule lettre en réponse soumise par l'intimée en réaction à cette notification aucun argument nouveau n'a été soumis. Faute d'argument nouveau la Chambre ne voit pas de raison pour changer son opinion provisoire. Après reconsidération du raisonnement donné dans la décision attaquée ainsi que des arguments soumis par l'intimée dans la procédure orale devant la division d'opposition, tels qu'ils ont été résumés dans la décision attaquée, conforme au procès-verbal dont le contenu n'a d'ailleurs pas été contesté par l'intimée, la Chambre confirme son opinion provisoire et conclut que les exigences de l'article 83 CBE ne sont pas satisfait pour les raisons données ci-dessous.

2. L'écran de protection thermique objet de la revendication 1 est caractérisé entre autres par trois paramètres de la couche fibreuse thermo-compressée, notamment son module de traction, sa résistivité au passage de l'air et sa conductivité thermique. L'intimée n'a pas contesté que ces trois paramètres sont interdépendants et peuvent varier en fonction des matériaux choisis constituant la couche fibreuse ainsi que des conditions lors de sa thermo-compression. Il n'a pas non plus été contesté que les relations entre ces paramètres définis et les variables liées à la composition de la couche et sa fabrication ne sont pas nécessairement simples, par exemple linéaires. La revendication ne définit aucune limitation ayant trait à toutes ces conditions variables intervenant dans la production d'une telle couche fibreuse thermo-compressée.

La description du brevet divulgue très généralement que la couche fibreuse pourrait être composée, par exemple, de fibres de verre ou de roche et que les fibres pourraient être liées entre elles par exemple par une résine phénolique (paragraphe 17), typiquement entre 5 et 15% en poids de résine (paragraphe 21). Suivant le paragraphe 27, dans un mode de réalisation les plages des paramètres sont de préférence plus étroites que selon le libellé de la revendication 1. Cependant des matériaux appropriés n'y sont pas exposés. Au paragraphe 28 une plage pour la masse surfacique et une plage pour son épaisseur sont indiquées pour la couche thermo-compressée. Les conditions de sa thermo-compression ne sont mentionnées nulle part. Un exemple spécifique d'une couche fibreuse, divulguant sa composition exacte et présentant des valeurs spécifiques comprises dans les plages des trois paramètres, n'est pas exposé, pas plus que des indications sur la manière dont les différentes variables intervenant dans la mise en oeuvre d'une telle couche fibreuse dans un écran tel que défini à la revendication devraient être manipulées. Les figures du brevet n'en disent pas plus.

Par exemple et afin de rester dans le cadre du peu d'informations tirées du brevet, la relation entre la concentration d'une (quelconque) résine phénolique dans la couche fibreuse (composée de fibres de roche ou de verre) et son impact sur les trois paramètres revendiqués qui doivent être observés en même temps, n'appartient pas aux connaissances générales de l'homme du métier, ce qui n'a pas été contesté par l'intimée.

Il s'ensuit que le brevet n'expose aucun point de départ à partir duquel l'homme du métier pourrait conduire des essais. Comme le brevet est également muet sur les indications qui pourraient guider ses essais en partant d'une quelconque couche fibreuse appartenant à l'art antérieure - admettant que l'homme du métier connaissait ou a pu analyser ces propriétés cruciales sur banc d'essais - la mise en oeuvre d'un écran objet de la revendication 1 demande à l'homme de métier des efforts qui excèdent de simples essais routiniers et équivalent plutôt à un programme de recherche et développement.

3. Pour ces raisons l'argument donné dans la décision attaquée et sur lequel l'intimée a fondé toute sa défense (voir point XI ci-dessus) n'a pas convaincu la Chambre.

4. Faute d'un exposé suffisamment clair et complet pour que l'homme du métier puisse exécuter l'invention (article 83 CBE), le brevet doit être révoqué (article 101(3)b) CBE).

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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