European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2018:T222514.20181212 | ||||||||
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Date de la décision : | 12 Décembre 2018 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 2225/14 | ||||||||
Numéro de la demande : | 07021527.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | A63C 5/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Courbe d'un profil de ski | ||||||||
Nom du demandeur : | SALOMON S.A.S. | ||||||||
Nom de l'opposant : | K-2 Corporation | ||||||||
Chambre : | 3.2.04 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive - (oui) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le 26 novembre 2014 la requérante (opposante) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition signifiée par voie postale le 26 septembre 2014 de rejeter l'opposition contre le brevet européen no. 1 925 344. La taxe de recours a été acquittée le même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 6 février 2015.
II. L'opposition formée contre le brevet était fondée sur les motifs d'opposition selon l'article 100 (a) CBE combiné avec l'article 52(1) et 56 CBE, selon l'article 100(b) CBE pour insuffisance de l'exposé.
La division d'opposition avait estimé que les motifs d'opposition visés à l'article 100 CBE ne s'opposaient pas au maintien du brevet délivré en particulier en considération du document suivant:
E1: FR 2 786 108
III. Une procédure orale devant la chambre de recours a eu lieu le 12 décembre 2018.
IV. La requérante (opposante) demande l'annulation de la décision attaquée, et la révocation du brevet.
L'intimée (titulaire) demande le rejet du recours, et le maintien du brevet tel que délivré (requête principale), ou à titre subsidiaire, l'annulation de la décision attaquée, et le maintien du brevet sous forme modifiée, selon l'une des requêtes subsidiaires 1-3 soumises avec la lettre datée du 4 août 2014.
V. La revendication 1 telle que délivrée (requête principale) a le libellé suivant:
"Ski (1) destiné à recevoir des éléments de retenue ainsi que la chaussure (4) d'un utilisateur et ayant une pointe avant, S, une extrémité arrière, T, et une zone centrale placée entre la pointe avant (5) et l'extrémité arrière (6) et qui lorsqu'elle est posée sur une surface plane (9) comporte au moins deux lignes de contact avec ladite surface plane qui sont d'une part, la ligne de contact avant, LS, laquelle est placée à proximité de la pointe avant (5) et d'autre part, la ligne de contact arrière, LT, laquelle se trouve à proximité de l'extrémité arrière (6) ; lesdits éléments de retenue étant placés entre la ligne de contact avant et la ligne de contact arrière, lequel ski étant caractérisé en ce que la distance, DS, séparant la ligne de contact avant, LS, de la pointe du ski, S, est supérieure à 500 mm, DS > 500 mm et en ce que la portion placée entre la pointe avant S et la ligne de contact avant LS, appelée spatule, est constituée par une zone convexe qui comprend :
- une première partie de spatule (10) dont le profil latéral est compris entre un arc de cercle de rayon 9 m et un arc de cercle de rayon 5 m ;
- une deuxième partie de spatule (11) contiguë
à ladite première partie de spatule (10), dont le
profil est compris entre un arc de cercle de rayon
9 m et une arc de cercle de rayon 1 m;
- une troisième partie de spatule (12) contiguë
à ladite deuxième partie de spatule (11); et
s'étendant jusqu'à la pointe avant S du ski."
VI. La requérante a argumenté de la façon suivante:
En partant de l'état de la technique divulgué dans E1, la caractéristique distinctive concerne le premier rayon de courbure. Cette caractéristique ne permet pas de résoudre le problème posé dans le brevet. L'homme du métier n'aurait aucune difficulté à prévoir un ski alternatif ayant le rayon de courbure revendiqué, car un tel rayon ne se traduit que par une faible variation d'inclinaison, n'ayant aucune influence sur le comportement du ski sur piste.
VII. L'intimée a argumenté de la façon suivante :
L'effet produit par la faible convexité qui a pour conséquence une meilleur continuité structurelle de la jonction est explicité dans le brevet, et permet une meilleure prise de carre sur neige dure. E1 enseigne de travailler sur les largeurs maximales de spatule et sur le déplacement de la ligne de contacte, l'homme du métier ne retire aucune information utile pour travailler sur le paramètre rayon de courbure de la spatule.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Activité inventive
2.1 État de la technique le plus proche
Il n'est pas disputé que E1 représente l'état de la technique le plus proche. E1 est mentionné dans le paragraphe 5 du brevet comme état de la technique que l'invention vise à perfectionner. E1 cherche à améliorer le comportement d'un ski en neige poudreuse sans l'altérer sur neige dure ou damée (page 1, lignes 16-17). Dans ce but, E1 divulgue un ski ayant une spatule longue et relevée dont le profil de spatule est constitué par une succession de portions de différents rayons de courbure. Concernant la longueur de la spatule, il est indiqué qu'elle est comprise sensiblement entre 300 et 500 millimètres (page 1, lignes 28-30). Un exemple particulier de ski est donné en page 5 qui comporte une spatule longue de 430mm (lignes 18 à 20) et ayant 9 portions successive ayant des valeurs de rayons variant de 321cm à 5cm (voir valeurs R1 à R9 dans le tableau).
2.2 Partant du ski divulgué dans E1, il n'est pas contesté que le ski défini dans la revendication 1 se distingue par le fait que la première partie de spatule ait un profil latéral compris entre un arc de cercle de rayon 9 m et un arc de cercle de rayon 5 m.
2.3 Formulation du problème technique
2.3.1 Partant du problème technique défini dans le paragraphe 9 du brevet de fournir un ski dont le comportement est optimal à la fois dans la neige poudreuse mais également sur une piste damée, il n'est pas non plus contesté que E1 adresse ce même problème de polyvalence du ski, dont la formulation est comme indiquée ci-dessus en relation avec la page 1, lignes 16-17 de E1 d'améliorer le comportement d'un ski en neige poudreuse sans l'altérer sur neige dure ou damée.
Dans un tel cas, conformément à la jurisprudence constante il convient de reformuler un problème objectif plus restreint, qui soit défini par les caractéristiques sous-jacentes subsistant dans les revendications. Ce problème doit en outre pouvoir être déduit de la demande telle que déposée. Dans ce but tout effet produit par l'invention peut être utilisé comme base pour reformuler le problème technique, dès
lors que ledit effet peut lui aussi être déduit de la demande telle qu'elle a été déposée (voir la Jurisprudence des Chambres de Recours, 8ieme édition, 2016 (JdCdR), I.D.4.4.1).
2.3.2 En relation avec la figure 4, le brevet indique dans le paragraphe 33 les caractéristiques et avantages essentiels résultant de la forme de la spatule, en particulier de sa première partie, contiguë et tangente à la portion centrale du ski, et dont le profil latéral est compris, selon la revendication 1, entre un arc de cercle de rayon 9m et 5m, et exhibe donc une faible convexité. Grâce à cette très faible convexité, la courbure du profil latéral du ski présente une meilleure continuité au niveau de la jonction entre la portion centrale du ski et la spatule, avec pour corollaire un meilleur comportement sur neige dure lors du déclenchement du virage.
2.3.3 La requérante fait observer que la prise de carre est reliée selon le brevet à d'autres paramètres non indiqués dans la revendication, c'est à dire la largeur du ski et son évasement. En l'absence de ces paramètres, le problème d'améliorer le comportement sur neige dure n'est pas résolu par la longueur ou courbure de la spatule. Le seul avantage dérivable d'une telle configuration de spatule se trouve dans les paragraphes 5 ou 41 concernant la perception visuelle de la spatule par le skieur. Le problème objectif reformulé tel que dérivable serait ainsi d'améliorer cette visibilité de la spatule.
2.3.4 La chambre peut suivre la requérante sur le fait que la distance entre les lignes de largeur maximale, supérieure à celle entre les lignes de contact avant et arrière ainsi qu'indiqué au paragraphe 32 du brevet agisse sur le comportement en virage lié à un contact de la carre du ski avec la piste sur une certaine longueur. Cependant à dimension et largeur maximale égale pour un ski, il est évident qu'une faible convexité permette lors de la prise de carre une meilleure continuité lors du déclenchement du virage. En effet la hauteur de la carre par rapport à la piste dure est plus faible pour une portion à faible convexité que pour une à plus grande courbure. Lors du déclenchement du virage la carre vient donc plus rapidement et plus progressivement au contact de la piste. La continuité géométrique au niveau de la jonction entre la partie centrale et la spatule, mentionnée comme avantage à plusieurs reprises dans le brevet (paragraphes 6,33 et 35), se traduit donc également par une meilleure continuité du mouvement. C'est ce que l'homme du métier peut directement déduire de cette différence de courbure dans la première partie de spatule.
En revanche la convexité réduite de la première portion ne permet pas une meilleure visibilité de la spatule avancée par la requérante, au contraire elle est indiquée comme n'étant presque pas visible dans le paragraphe 41 cité (voir première phrase, lignes 7-10).
2.3.5 Il résulte donc de ce qui précède, que sur la base de l'avantage déductible du brevet de fournir un premier rayon de courbure entre 5 et 9 mètres, une rédaction plus limitée du problème objectif peut être considérée comme étant d'améliorer encore plus la polyvalence du ski en particulier en relation avec son comportement sur piste damée.
2.4 Non évidence de la solution
2.4.1 E1 enseigne de rechercher le meilleur compromis entre le comportement sur neige poudreuse ou sur neige dure en déplaçant la ligne de contact du ski vers la zone centrale pour compenser l'effet dû à l'élargissement de la spatule (page 2, lignes 4-5). L'ajustement de la position de la ligne de contact par rapport à la largeur maximale de spatule et son élargissement représentent donc les paramètres sur lesquels E1 incite à travailler. En faisant varier ces paramètres les considérations de rayons de courbure sont absentes et ne peuvent mettre l'homme du métier sur la voie de la solution proposée. En effet, l'invention réside dans la réalisation par l'homme du métier qu'une meilleure continuité entre la portion centrale du ski et la spatule, où leurs profils sont rigoureusement tangents, contribue à une meilleure comportement du ski sur piste dure. Cette meilleure continuité est concrétisée dans la revendication 1 en particulier par la domaine de valeurs de rayon d'arc de cercle de 5 à 9 mètres.
En ce qui concerne l'enseignement de E1 en rapport avec la courbure de la première portion, la revendication 5 ainsi que le passage correspondant de la description page 5, lignes 7 à 10 incitent l'homme du métier à travailler dans un rayon voisin de 3m, en particulier 321cm comme indiqué dans l'exemple. Ce domaine est donc éloigné du minimum de 5m requis par la revendication 1 du brevet attaqué.
2.4.2 La requérante a objecté que E1 divulgue aussi une certaine tangentialité par rapport au point de contact et une courbure progressive de la spatule, et l'homme du métier ne verrait donc aucun problème pour agrandir le rayon de courbure de la première portion pour atteindre 5m, d'autant plus que le passage d'un rayon de 3m à 5m ne montre pas de différence notable sur la forme de la spatule, et n'a donc pas d'influence mesurable sur le comportement du ski sur la piste. En effectuant cette modification il conserverait l'avantage de la progressivité des rayons de courbure et de la tangentialité déjà présents dans E1.
2.4.3 La chambre considère cette divulgation différemment. La progressivité indiquée dans E1 concerne la variation du rayon de courbure le long la spatule (page 4, lignes 26-28) et non pas la première portion de spatule, et donc la continuité de la jonction entre la partie centrale et la spatule. En outre la tangentialité est mathématiquement présente au niveau du point de contact mais diverge immédiatement après ce point de jonction avec la portion centrale du ski. En ce qui concerne le changement de comportement du ski sur la neige à attribuer à une différence de forme mineure sur la première portion, la chambre observe que le brevet indique de manière explicite l'effet technique d'une faible convexité comme explicité ci-dessus. La continuité géométrique améliorée dans la jonction entre la partie centrale du ski et la première portion de spatule produit de manière crédible l'effet évoqué par l'intimée que dans le déclenchement du virage l'accroissement de longueur utile de la carre s'effectue de manière plus rapide et avec une meilleure continuité ou progressivité dans cette première portion de spatule. Au yeux de la chambre il est donc crédible que le skieur note une différence sensible sur le pilotage du ski lorsqu'il enclenche un virage en particulier sur neige très dure.
2.4.4 La requérante a également soumis que l'homme du métier qui voudrait fournir la longueur de spatule maximale prévue dans E1 de 500mm, fournirait de manière évidente une première portion de rayon supérieure au premier rayon R1 de 321cm. En extrapolant l'enseignement de E1 ce rayon supplémentaire serait supérieur à 5m.
La chambre n'est pas convaincue que l'homme du métier fournirait un tel rayon supplémentaire plus grand au niveau de la jonction. En effet d'autres solutions aussi prometteuses s'offriraient à lui notamment en modifiant la longueur d'une ou plusieurs portions P1 à P9. Comme observé ci-dessus l'enseignement de E1 incite l'homme du métier à travailler dans le domaine des rayons de courbure de valeur "assez grande" (page 4, ligne 29), mais néanmoins voisine de trois mètres à proximité de la zone centrale (page 5, ligne 8). Ce même rayon voisin de 3m défini dans la revendication 5, est également explicitement prévu pour une longueur de spatule allant jusqu'à 500mm (revendication 1, ligne 13). Les capacités d'adaptation standard de l'enseignement de E1 pourrait conduire l'homme du métier à considérer et tester des valeurs autour de 3 mètres, mais n'irait pas selon la chambre jusqu'à s'éloigner de cette valeur numérique explicitement indiquée, notamment pas jusqu'à des valeurs de 5 mètres et au delà.
2.5 Il résulte de ce qui précède que le ski défini dans la revendication 1 du brevet ne découle pas de manière évidente de l'enseignement de E1 en utilisant les connaissances générales de l'homme du métier.
3. La question de l'activité inventive en partant de E1 était la seule conclusion de la division d'opposition contestée par la requérante dans son recours, que la chambre était habilitée à revoir, et pour laquelle une réponse positive s'impose. Au vu de ce qui précède la chambre confirme donc la conclusion de la décision attaquée, selon laquelle l'objet de la revendication 1 du brevet délivré répond aux exigences de la CBE.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.