T 2184/14 () of 14.11.2019

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2019:T218414.20191114
Date de la décision : 14 Novembre 2019
Numéro de l'affaire : T 2184/14
Numéro de la demande : 08017038.4
Classe de la CIB : B65D 35/10
B65D 47/08
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Tubes souples en matière plastique et leur procédé de fabrication
Nom du demandeur : Cebal SAS
Nom de l'opposant : Linhardt GmbH & Co. KG
Tubex GmbH
ESSEL DEUTSCHLAND GmbH & Co. KG(DE)/
Essel Propack Polska Sp. z o.o(PL)/
CTL-TH PACKAGING, S.L.(ES)
TUPACK Verpackungen Gesellschaft m.b.H.
Chambre : 3.2.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention R 99
European Patent Convention R 115(2)
European Patent Convention Art 108
European Patent Convention Art 113(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 15(3)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(3)
Mot-clé : Recevabilité du recours - (oui)
Procédure orale - en l'absence des requérantes 2 et 4 et de l'intimée
Requête principale et requête subsidiaire 2 produites tardivement - recevables (non)
Activité inventive - requête subsidiaire 1 (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 1704/06
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante 1 (titulaire du brevet), la requérante 2 (opposante 1), la requérante 3 (opposante 4) et la requérante 4 (opposante 3) ont chacune formé un recours dans le délai et la forme prescrits contre la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen n° 2 022 724 sous forme modifiée.

Quatre oppositions avaient été formées à l'encontre du brevet dans son intégralité, basées sur les motifs selon l'article 100 a) CBE (manque de nouveauté et/ou d'activité inventive) et l'article 100 c) CBE (modification inadmissible).

II. La Chambre a informé les parties de son opinion provisoire avec la notification du 7 août 2019. En réaction, la requérante 1 a déposé avec son courrier du 11 octobre 2019 une nouvelle requête principale, maintenu sa requête subsidiaire 1 correspondant au rejet des recours des opposantes 1, 3 et 4 et déposé de nouvelles requêtes subsidiaires 2 à 8. La requérante 3 a déposé des arguments supplémentaires avec son courrier du 27 septembre 2019 et les requérantes 2 et 4 ont annoncé avec leur courrier respectif du 12 août 2019 et 7 octobre 2019 qu'elles ne participeraient pas à la procédure orale prévue le 14 novembre 2019. L'intimée (opposante 2) n'a pas réagi.

Une procédure orale a eu lieu le 14 novembre 2019 en l'absence des requérantes 2 et 4 et de l'intimée conformément à la règle 115(2) CBE et l'article 15(3) RPCR.

Au cours de la procédure orale la requérante 1 a retiré ses requêtes subsidiaires 2 à 8 et déposé une nouvelle requête subsidiaire 2.

Pour plus de détails sur les points de fait et de droit qui ont été discutés lors de la procédure orale il est fait référence au procès-verbal.

Le dispositif de la présente décision a été annoncé à la fin de la procédure orale.

III. La requérante 1 a requis

l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale déposée avec la lettre du 11 octobre 2019 ou,

à titre subsidiaire,

le rejet des recours des opposantes 1, 3 et 4 (c'est-à-dire le maintien du brevet tel que maintenu par la division d'opposition; requête subsidiaire 1),

subsidiairement

le maintien du brevet sur la base de la requête subsidiaire 2 remise lors de la procédure orale du 14 novembre 2019.

IV. Les requérantes 2, 3 et 4 (en procédure écrite pour les requérantes 2 et 4) ont requis chacune

l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet contesté,

subsidiairement

le rejet du recours de la titulaire du brevet.

L'intimée (opposante 2), qui est partie de droit à la procédure de recours conformément à l'article 107 CBE, n'a pas réagi en procédure de recours et n'a donc formulé aucune requête.

V. Les documents suivants de la procédure d'opposition sont pertinents pour la présente décision:

A4: DE 101 37 937 A;

A5: DE 694 02 744 T;

A12*: publication du lien internet url: http://

de.wikipedia.org/wiki/Polyethylen, date inconnue

de mise à la disposition du public, 7 pages; et

A17: Norme allemande, "Zylindrische Kunststofftuben -

Coex-Mehrschichttube, Maße, Werkstoffe", DIN

6103, août 2002, 4 pages.

*A12 n'est pas un document de l'art antérieur au sens de l'article 54(2) CBE; il sert simplement de moyen de preuve quant aux propriétés intrinsèques du polyéthylène.

VI. La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit:

"Procédé de fabrication d'un tube souple comportant une jupe cylindrique et une tête de distribution, comportant au moins les étapes suivantes :

a) extrusion d'un manchon cylindrique ;

b) découpe du manchon de façon à réaliser une jupe à la longueur désirée ;

c) moulage de la tête de tube souple ;

d) fixation de la tête sur une extrémité de la jupe

caractérisé en ce que le manchon extrudé a un diamètre

supérieur à 34 mm et une épaisseur comprise entre 0,2 et 0,4mm, de préférence entre 0,25 et 0,35mm et en ce qu'il comprend du polyéthylène haute densité (PE.HD), de masse spécifique comprise entre 0,935g/cm3 et 0,97g/cm3, de préférence supérieure à 0,945g/cm3, dans une proportion pondérale supérieure à 55%, de préférence 70%."

La revendication 4 de la requête principale et de la requête subsidiaire 1 (brevet tel que maintenu par la division d'opposition) s'énonce comme suit:

"Tube souple (210) ayant une tête de distribution (230) et une jupe cylindrique (220) en matière plastique ou métalloplastique, de diamètre supérieur à 44mm, caractérisé en ce que ladite jupe cylindrique a une épaisseur comprise entre 0,2 et 0,4mm, de préférence entre 0,25 et 0,35mm, en ce qu'elle comprend du polyéthylène haute densité (PE.HD), de masse spécifique comprise entre 0,935g/cm3 et 0,97g/cm3, de préférence supérieure à 0,945g/cm3, dans une proportion pondérale supérieure à 55%, de préférence 70%."

La revendication 3 de la requête subsidiaire 2 s'énonce comme suit (les caractéristiques supprimées par rapport à la revendication 4 de la requête subsidiaire 1 sont barrées par la Chambre et celles ajoutées mises en caractères gras):

"Tube souple (210) ayant une tête de distribution (230) et une jupe cylindrique (220) en matière plastique ou métalloplastique, de diamètre supérieur à 44mm, caractérisé en ce que ladite jupe cylindrique a une épaisseur comprise entre 0,2 [deleted: et 0,4mm, de préférence entre 0,25 ]et 0,35mm, en ce qu'elle comprend du polyéthylène haute densité (PE.HD), de masse spécifique comprise entre 0,935g/cm3 et 0,97g/cm3, de préférence supérieure à 0,945g/cm3, dans une proportion pondérale supérieure à 55%, de préférence 70% et également du polyéthylène basse densité (PE.BD), de masse spécifique comprise entre 0,86g/cm3 et 0,93g/cm3, dans une proportion pondérale inférieure à 45%, de préférence 30%, et dont plus de 50%, de préférence plus de 90% en poids, de PE.BD est un PE.BD linéaire (PE.BDL)."

VII. Les arguments de la requérante 1 sont résumés comme suit (une discussion plus détaillée est fournie dans les motifs de la décision):

Recevabilité du recours de la requérante 1

La requérante 1 est lésée par la décision attaquée puisqu'elle n'a pas obtenu sa requête principale d'alors. Son recours devrait donc être considéré comme recevable.

Requête principale

La nouvelle requête principale déposée avec le courrier du 11 octobre 2019 ne change pas le cadre de fait et de droit fixé par la décision attaquée pour la procédure de recours puisqu'elle correspond à la requête principale telle que discutée dans la décision attaquée. Les arguments fournis dans le mémoire de recours par la requérante 1 pour la requête principale d'alors s'appliquent mutatis mutandis à la nouvelle requête principale. Les opposantes ne peuvent donc pas prétendre être surprises, ni par la requête, ni par les arguments. La nouvelle requête principale devrait donc être admise dans la procédure.

Requête subsidiaire 1

Le document A17 pris comme art antérieur le plus proche vis-à-vis de la revendication 4 ne divulgue pas la valeur 0,34 mm pour l'épaisseur de la jupe. Il ne divulgue pas non plus la combinaison de l'épaisseur de la jupe de 0,4 mm et du diamètre 50 mm.

Par conséquent, le choix du matériau ainsi que la plage d'épaisseur de la jupe entre 0,2 et 0,4 mm sont des caractéristiques distinctives de la revendication 4 par rapport à la divulgation de A17.

Les effets techniques attribuables au choix du matériau sont multiples et ne concernent pas uniquement l'accroissement de la stabilité du tube. Au vu de ces effets techniques et du problème à résoudre qui en résulte, l'homme du métier ne sélectionnerait pas de manière évidente le matériau revendiqué. L'objet de la revendication 4 devrait donc être considéré comme impliquant une activité inventive.

Requête subsidiaire 2

La caractéristique relative au PE.BD ajoutée à la revendication 3 de la requête subsidiaire 2 a été discutée par les opposantes dans les mémoires d'opposition. Elles ne peuvent donc pas prétendre ne pas pouvoir traiter cette requête à la procédure orale.

La proportion de PE.BD minimale qui doit être vue comme étant de facto incluse dans la composition de la revendication 3 correspond à celle permettant d'obtenir les effets mentionnés dans la description du brevet, c'est-à-dire une amélioration de la soudabilité et de la tenue à la fissuration sous contrainte de la jupe.

Cette caractéristique contribue donc à l'activité inventive de l'objet revendiqué. Comme elle n'est ni divulguée ni suggérée dans l'art antérieur disponible, l'objet de la revendication 3 de la requête subsidiaire 2 est de prime abord inventif.

La requête subsidiaire 2 devrait donc être admise dans la procédure de recours.

VIII. Les arguments des requérantes 2, 3 et 4 sont résumés comme suit (une discussion plus détaillée est fournie dans les motifs de la décision):

Recevabilité du recours de la requérante 1

La requérante 1 ne peut pas prétendre être lésée sur la base de la seule requête déposée avec son mémoire de recours puisqu'elle l'avait retirée lors de la procédure d'opposition. Son recours devrait donc être considéré comme irrecevable.

Requête principale

Le dépôt de la nouvelle requête principale un mois environ avant la procédure orale consiste en une modification extrêmement tardive des moyens invoqués par la titulaire contraire au principe de l'économie de la procédure. La nouvelle requête principale ne devrait donc pas être admise dans la procédure.

Requête subsidiaire 1

Par rapport à A17 pris comme art antérieur le plus proche vis-à-vis de la revendication 4, la seule caractéristique distinctive est le choix du matériau. Le seul effet technique attribuable directement au matériau sélectionné est l'augmentation de la stabilité du tube. Au vu de la divulgation des matériaux possibles dans A17 l'homme du métier faisant face au problème d'accroître la stabilité du tube choisirait immédiatement le PE.HD en raison de ses propriétés mécaniques, cf. A12. Après des essais de routine il aboutirait de façon évidente au matériau revendiqué. L'objet de la revendication 4 devrait donc être considéré comme manquant d'activité inventive.

Requête subsidiaire 2

Le dépôt tardif de la requête subsidiaire 2 implique de devoir discuter pour la toute première fois à la procédure orale devant la Chambre l'activité inventive de la revendication 3 sur la base d'une nouvelle caractéristique, en l'occurrence la proportion de PE.BD dans le matériau sélectionné. La requête subsidiaire 2 devrait donc être considérée comme irrecevable.

Motifs de la décision

1. Le droit d'être entendu

Bien que les requérantes 2 et 4 ainsi que l'intimée n'aient pas assisté à la procédure orale, le principe du droit d'être entendu selon l'article 113(1) CBE a bien été respecté puisque cet article dispose uniquement que les parties doivent avoir la possibilité d'être entendues et que, par conséquent, si une partie est absente à la procédure orale, elle renonce à cette possibilité (cf. note explicative de l'article 15(3) RPCR cité dans T 1704/06, non publiée au JO OEB, cf. aussi La Jurisprudence des Chambres de Recours, 9ème Edition 2019, partie III.B.2.7.3.b).

2. Recevabilité du recours de la requérante 1

2.1 La requérante 3 a soulevé pour la première fois lors de la procédure orale devant la Chambre une objection à l'encontre de la recevabilité du recours de la requérante 1. D'après elle, la titulaire avait retiré délibérément sa requête de maintien du brevet tel que délivré lors de la procédure d'opposition. Elle ne pouvait donc pas la soumettre de nouveau en recours et prétendre être lésée sur sa base. Cette requête étant sa seule requête déposée avec le mémoire de recours, le recours de la requérante 1 devrait être considéré comme irrecevable.

2.2 La Chambre ne partage pas l'avis de la requérante 3 pour les raisons suivantes fournies par la requérante 1 lors de la procédure orale.

La requérante 1 est de facto lésée par la décision attaquée, cf. point 9 des motifs, du fait qu'elle n'a pas obtenu le maintien du brevet sous forme modifiée selon sa requête principale d'alors.

De plus, conformément à la jurisprudence constante, la recevabilité d'un recours n'est pas liée aux chances de succès d'une des requêtes d'une partie, en l'occurrence à la pertinence de présenter au moment du recours une requête susceptible d'être irrecevable (cf. point 4 de la notification de la Chambre du 7 août 2019; point 3 ci-après).

La Chambre note finalement qu'il est satisfait aux exigences de l'article 108 CBE et de la règle 99 CBE, ce qui n'a pas été contesté par la requérante 3.

Au vu des raisons ci-dessus, la Chambre considère le recours de la requérante 1 recevable.

3. Requête principale

3.1 La requête principale a été déposée par la requérante 1 en recours pour la première fois avec son courrier du 11 octobre 2019, remplaçant celle qui avait été produite avec le mémoire de recours.

Même si, comme justement invoqué par la requérante 1, celle-ci correspond à la requête principale telle que discutée dans la décision attaquée, cette requête n'avait jusque-là pas été soumise en recours et, donc, son admission dans la procédure est sujette à l'appréciation de la Chambre conformément aux articles 13(1) et (3) RPCR.

3.2 A cet effet, la requérante 1 fait valoir que la requête principale ne change pas le cadre de fait et de droit fixé par la décision attaquée pour la procédure de recours puisqu'elle correspond à la requête principale telle que discutée dans la décision attaquée, points 6 à 9 des motifs.

De plus, selon elle, les arguments fournis dans le mémoire de recours pour la requête principale d'alors (maintien du brevet tel que délivré) s'appliquent mutatis mutandis à la nouvelle requête principale.

Pour la requérante 1, les opposantes ne peuvent donc pas prétendre être surprises, ni par la requête, ni par les arguments, impliquant que la nouvelle requête principale devrait être admise dans la procédure.

3.3 La Chambre ne suit pas la requérante 1. Elle considère, comme mis en avant par la requérante 3, que déposer cette nouvelle requête principale aussi tardivement dans la procédure de recours, c'est-à-dire un mois environ avant la procédure orale, consiste en une modification extrêmement tardive des moyens invoqués par la titulaire contraire au principe de l'économie de la procédure, même si cette requête est l'objet de la décision attaquée et même si, comme le prétend la requérante 1, les arguments en son support pourraient se trouver dans le mémoire de recours.

La requête principale est donc irrecevable (articles 13(1) et (3) RPCR).

4. Requête subsidiaire 1 (brevet tel que maintenu par la division d'opposition)

La requérante 3 conteste que l'objet de la revendication 4 présente une activité inventive à partir de A17 pris comme art antérieur le plus proche prenant aussi en compte les connaissances générales de l'homme du métier, y compris éventuellement les documents A12, A4 et A5.

4.1 Divulgation de A17

4.1.1 Le document A17 concerne une norme qui divulgue un tube souple ayant une tête de distribution et une jupe cylindrique (cf. schéma page 3) en matière plastique (cf. page 2, permier paragraphe, "...Kunststofftuben, Coex-Mehrschichttuben..."), de diamètre 50 mm, c'est-à-dire supérieur à 44 mm, avec une jupe cylindrique d'épaisseur de 0,4 mm à 0,6 mm (cf. tableau 1 à la page 4, "Nennmaße" de "Manteldicke").

Avec les tolérances qui y sont divulguées (+0,03 -0,06, "Grenzabmaße" de "Manteldicke") la divulgation générale pour la plage de l'épaisseur est considérée comme allant de 0,34 mm à 0,63 mm.

4.1.2 La requérante 1 conteste que A17 divulgue la plage 0,34 - 0,63 mm, en particulier la valeur 0,34 mm.

Selon elle, lorsqu'il s'agit d'une valeur ponctuelle fournie dans la norme A17 la tolérance s'appliquerait bien autour de cette valeur de telle sorte que le diamètre 50 mm avec la tolérance "+0,2 -0,6" impliquerait que la plage 49,4 - 50,2 mm serait effectivement divulguée, cf. tableau 1, "Nenndurchmesser" et "Grenzabmaße" de "Tubendurchmesser". Ceci ne s'appliquerait cependant pas pour une plage de valeurs comme par exemple 0,4 à 0,6 mm (cf. tableau 1, "Nennmaße" de "Manteldicke") car, si c'était le cas, la plage ainsi divulguée perdrait toute signification. Pour la requérante 1, ce serait le principe même d'une plage de valeurs de limiter la divulgation aux valeurs situées entre les bornes inférieures et supérieures. Par conséquent, si A17 avait eu l'intention de divulguer la plage 0,34 - 0,63 mm, celle-ci aurait été explicitement indiquée dans la norme. Comme ce n'est pas le cas, la valeur 0,34 mm (0,4 mm avec la tolérance -0,06 mm) n'y serait pas divulguée.

De plus, rien n'indiquerait dans A17 que la combinaison spécifique de diamètre 50 mm et d'épaisseur 0,34 mm (0,4 mm avec la tolérance -0,06 mm) serait effectivement considérée comme divulguée, c'est-à-dire déductible directement et sans ambiguïté par l'homme du métier de la divulgation de A17. Cette combinaison qui consisterait à prendre la valeur extrême de l'épaisseur dans la marge de tolérance serait une divulgation hypothétique que l'homme du métier n'envisagerait pas comme mode de réalisation divulgué ou pouvant être mis en ½uvre à la lecture de la norme A17 (cf. décision attaquée, point 8.8 des motifs).

La caractéristique de la revendication 4 "une épaisseur comprise entre 0,2 et 0,4 mm" (emphase ajoutée par la Chambre), c'est-à-dire inférieure strictement à 0,4 mm, excluant la valeur 0,4 mm divulguée dans la norme A17, serait donc par nature une caractéristique distinctive de l'objet de la revendication 4 vis-à-vis d'hypothétiques modes de réalisation que l'homme du métier déduirait de A17.

4.1.3 La Chambre ne partage pas l'avis de la requérante 1 pour les raisons suivantes discutées lors de la procédure orale.

La tolérance divulguée pour l'épaisseur s'applique aux valeurs limites de la plage de la même manière que pour la valeur ponctuelle du diamètre. L'homme du métier visant la valeur nominale de 0,4 mm divulguée au tableau 1 de A17 tire l'enseignement direct et non ambiguë que la tolérance affichée doit s'appliquer. En effet, si on suivait la logique de la requérante 1 en appliquant la tolérance (+0,03 -0,06 mm) qu'aux valeurs comprises entre les limites de la plage de telle sorte à rester dans les limites de cette même plage, il s'agirait alors d'une divulgation implicite d'une plage allant de 0,46 à 0,57. L'exclusion de la plage de valeurs nominales comprise entre 0,4 et 0,45 mm qui en résulterait, si on suivait l'interprétation de A17 proposée par la requérante 1, ne correspond pas à ce que l'homme du métier déduirait de la divulgation de ce document.

Par conséquent, la Chambre est d'avis que la plage 0,34 à 0,63 mm est bien divulguée par A17. Comme la valeur limite 0,34 mm tombe dans la plage de valeurs revendiquée d'entre 0,2 et 0,4 mm, cette caractéristique de la revendication 4 est considérée comme étant anticipée.

Au vu du tableau 1 de A17 l'homme du métier envisagerait immédiatement un tube présentant en combinaison un diamètre de 50 mm et une épaisseur de jupe de 0,34 mm car, comme indiqué par la requérante 3, une norme telle que A17 ne divulgue a priori pas de combinaisons qui ne peuvent pas être mises en ½uvre. L'homme du métier en déduirait ainsi que la combinaison de diamètre 50 mm et d'épaisseur 0,40 mm (y compris 0,34 mm en prenant en compte la tolérance de -0,06 mm) est faisable pour la production d'un tube souple co-extrudé. L'homme du métier déduirait donc directement et sans ambiguïté qu'un tube avec un diamètre 50 mm et une épaisseur de jupe de 0,34 mm est bien divulgué au tableau 1 de A17.

4.2 Caractéristiques distinctives

Au vu des raisons ci-avant, comme admis par la requérante 3, la jupe du tube souple du tableau 1 de A17 ne comprend pas:

du polyéthylène haute densité (PE.HD), de masse spécifique comprise entre 0,935 g/cm3 et 0,97 g/cm, dans une proportion pondérale supérieure à 55%.

Cette caractéristique de la revendication 4 est donc distinctive par rapport à la divulgation de A17.

4.3 Effet(s) technique(s)

4.3.1 A la procédure orale la requérante 1 a fait valoir que cette caractéristique distinctive aurait pour effets techniques:

- d'augmenter la stabilité du tube de telle manière, entre autres, à obtenir une rigidité satisfaisante pour sa manipulation lors de la fabrication et du transport,

- de le garder suffisamment souple pour faciliter son utilisation, et

- d'augmenter son aptitude au pli mort, c'est-à-dire de diminuer l'effet de mémoire de forme.

4.3.2 Comme discuté à la procédure orale, la Chambre n'est pas convaincue que l'ensemble de ces effets techniques serait directement associé à la seule caractéristique distinctive relative au choix du matériau.

En effet, dans le brevet contesté, paragraphe 24, il est bien indiqué que c'est la combinaison de l'épaisseur et du matériau qui permet d'obtenir les effets techniques invoqués par la requérante 1.

En particulier, comme indiqué au paragraphe 25, dernière phrase, l'amélioration de la propriété au pli mort est liée à la diminution notable de l'épaisseur de la paroi, et ce malgré l'utilisation du polyéthylène haute densité (PE.HD) plus rigide que le polyéthylène basse densité (PE.BD). L'amélioration de cette propriété paraît donc être plus liée à l'épaisseur de la paroi plutôt qu'au matériau sélectionné.

De même, le matériau sélectionné avec sa forte proportion en PE.HD peut difficilement être vu comme contribuer à accroître la souplesse du tube, étant donné que le PE.HD est plus rigide que le matériau de référence, c'est-à-dire le PE.BD comme déjà évoqué ci-avant, cf. paragraphe 25 du brevet contesté, dernière phrase.

Les tests fournis au paragraphes 49 à 52 (souplesse) et 57 et 58 (aptitude au pli mort) du brevet ne permettent pas non plus de mettre en évidence l'effet du matériau sélectionné seul en comparaison avec le matériau de référence PE.BD. En effet, à la fois le matériau et l'épaisseur sont modifiés, ce qui montre aussi que les effets escomptés sont bien en lien avec la combinaison de l'épaisseur de la jupe et du matériau sélectionné.

En définitif, comme aussi indiqué par les requérantes 1 et 3, le seul effet technique associé directement à cette caractéristique distinctive est d'obtenir une bonne stabilité du tube (cf. brevet contesté, paragraphes 19 et 24) en raison du module délasticité plus élevé que celui du PE.BD.

4.4 Problème technique objectif

Le problème technique objectif peut donc être vu comme étant de modifier le tube de A17 de contenance élevée et de faible épaisseur de telle manière à obtenir une stabilité élevée (cf. mémoire de recours de la requérante 3, page 3 et lettre du 9 juin 2015, page 3; lettre de la requérante 1 du 22 juin 2015, point II).

4.5 Caractère inventif de la solution

4.5.1 La norme A17 donnant une liste explicite de choix pour les matériaux en polyéthylène (PE), l'homme du métier penserait tout d'abord inévitablement à les tester. Dans le but d'accroître la stabilité du tube, l'homme du métier sélectionnerait, au vu de ses propriétés, telles qu'indiquées dans A12, cf. tableau à la page 1, "Elastizitätsmodul", une forte proportion de PE-HD. En effet, il apparaît clairement que le PE.HD présente un module d'élasticité plus élevé que les autres PE (PE.BD "PE.LD" ou PE.BDL "PE.LLD") ce qui coïncide avec la propriété recherchée d'une plus grande stabilité.

Par des essais de routine, et toujours dans l'optique de résoudre le problème posé, il aboutirait ainsi à la proportion revendiquée de PE.HD de manière évidente.

4.5.2 La Chambre note aussi que, comme indiqué par la requérante 3, les tests fournis dans le brevet contesté ne montrent pas que la limite de 55% serait critique pour l'obtention d'un effet quelconque au-delà de cette limite.

Nonobstant les arguments fournis au point 4.5.1 relatifs aux essais de routine que l'homme du métier effectuerait, cette valeur limite de 55% ne pourrait donc pas non plus en elle-même justifier l'activité inventive de l'objet revendiqué.

Comme aussi indiqué par la requérante 2, la plage de valeurs de la densité du PE-HD "entre 0,935 g/cm**(3) et 0,97 g/cm**(3)" spécifiée à la revendication 4 correspond à celle intrinsèque du PE-HD, cf. A12, page 1, tableau "Eigenschaften" colonne "PE-HD", ligne "Dichte". Cette plage de valeur est donc implicite dès lors que le PE.HD est sélectionné.

Au vu des raisons ci-dessus, il apparaît que l'homme du métier aboutirait à l'objet revendiqué de manière évidente (article 56 CBE).

4.5.3 La requérante 1 a fait valoir que A17, cf. point 5 de la page 4, fait référence à d'autres matériaux que la liste PE.BD, PE.BDL et PE.HD pour le tube, comme par exemple les couches barrières ("Sperrschichten") mais aussi à d'autres matériaux plastiques en général (cf. "ANMERKUNG 2"). Les possibilités de choix du matériau seraient donc vastes pour l'homme du métier à la lecture de A17 et ne seraient pas simplement cantonnés à trois sortes de PE. Au vu des propriétés recherchées, comme la souplesse, le PE.HD ne serait a priori pas le meilleur matériau à ses yeux.

4.5.4 La Chambre ne partage pas cet avis, déjà pour les raisons fournies au point 4.5.1 ci-avant selon lesquelles l'homme du métier penserait en premier lieu à tester les matériaux listés explicitement. Les autres matériaux mentionnés de façon générique sans aucune indication particulière viendraient seulement dans un deuxième temps dans le cas où l'homme du métier n'aurait pas déjà résolu le problème posé avec les matériaux listés, ce qui est le cas ici avec le PE.HD.

La Chambre partage l'avis de la requérante 1 que la couche barrière ("Sperrschicht") participe inévitablement aussi à la stabilité de l'ensemble co-extrudé (cf. décision attaquée, point 8.12 des motifs). Cependant, comme mis en avant par la requérante 3, l'homme du métier, dans le cas où il envisagerait une telle couche barrière, ferait en sorte qu'elle reste la plus fine possible au vu de sa fonction unique de faire barrière. Le rôle d'une couche barrière n'étant en effet pas d'augmenter la stabilité du tube, il n'envisagerait pas d'accroître son épaisseur à ces fins. Ceci est confirmé par A5, cf. tableau 2 et figure 6, où il apparaît que l'homme du métier cherchant à augmenter la stabilité d'un tube penserait à accroître la proportion de PE.HD dans la jupe, à épaisseur totale constante, et plus précisément à épaisseur constante de couche barrière ("Sperrschicht" en "EVA", cf. revendication 6).

4.5.5 Pour la Chambre l'homme du métier choisirait le PE.HD aussi pour éviter d'augmenter le poids du tube, car ce matériau lui permettrait, en vertu de sa rigidité, d'obtenir une stabilité acceptable sans l'augmentation de l'épaisseur de la jupe (et donc du poids du tube) qui serait nécessaire pour obtenir le même résultat avec les PE de plus basse densité.

5. Requête subsidiaire 2

5.1 La requête subsidiaire 2 a été déposée par la titulaire lors de la procédure orale devant la Chambre. Son admission est donc sujette à l'appréciation de la Chambre conformément aux articles 13(1) et (3) RPCR.

5.2 La requérante 1 a argué lors de la procédure orale que la caractéristique relative au PE.BD aurait déjà été discutée par les opposantes dans les mémoires d'opposition et que, pour cette raison, les opposantes, en l'occurrence la requérante 3, ne pourraient pas prétendre ne pas pouvoir traiter cette requête à la procédure orale.

Pour la titulaire, la valeur de PE.BD minimale qui doit être vue comme étant de facto incluse dans la composition de la revendication 3 correspondrait à celle permettant d'obtenir les effets mentionnés au paragraphe 30 du brevet liés à la proportion de PE.BD linéaire (PE.BDL), c'est-à-dire une amélioration de la soudabilité et de la tenue à la fissuration sous contrainte de la jupe.

Par conséquent, d'après la titulaire, il apparaîtrait clairement que le PE.BD contribuerait à l'activité inventive de l'objet revendiqué. Comme il ne se trouverait aucune incitation dans l'art antérieur disponible pour incorporer une telle teneur en PE.BD avec une telle proportion de PE.BDL dans le matériau de la jupe, l'objet de la revendication 3 de la requête subsidiaire 3 serait de prime abord inventif.

Pour ces raisons la requête subsidiaire 2 devrait être admise dans la procédure de recours.

5.3 La Chambre partage l'avis de la requérante 3 que la requête subsidiaire 2 implique de discuter pour la toute première fois à un moment tardif dans la procédure une nouvelle caractéristique, c'est-à-dire celle relative au PE.BD (cf. point VI ci-avant). La justification éventuelle de l'activité inventive de la revendication 3 sur la base de cette caractéristique serait en effet fournie pour la première fois à la procédure orale devant la Chambre.

Le fait que des caractéristiques aient été discutées avec le mémoire d'opposition n'est pas en soi une justification pour leur introduction tardive dans une revendication indépendante en procédure de recours.

Le comportement de la titulaire force la Chambre, mais aussi la requérante 3, à entendre pour la première fois à la procédure orale ses arguments relatifs à la brevetabilité sur la base de cette caractéristique. Même dans son dernier courrier en date du 11 octobre 2019, la titulaire n'a pas motivé la brevetabilité des requêtes subsidiaires d'alors sur la base de cette caractéristique.

Finalement, le fait que la description du brevet mentionne un effet voire des effets sur la base du PE.BDL ne permet en rien de définir une valeur limite basse de la teneur en PE.BD dans la composition de la revendication 3. Les effets en eux-même ne sont ni quantifiés dans la description, ni spécifiés à la revendication 3.

Pour cette raison la requête subsidiaire 2 est irrecevable en vertu des articles 13(1) et (3) RPCR.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. Le recours de la requérante 1 est rejeté.

2. La décision attaquée est annulée.

3. Le brevet contesté est révoqué.

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