T 1809/14 (Agent de coloration /L'Oréal) of 26.9.2018

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2018:T180914.20180926
Date de la décision : 26 Septembre 2018
Numéro de l'affaire : T 1809/14
Numéro de la demande : 10194754.7
Classe de la CIB : A61K 8/34
A61Q 5/08
A61Q 5/10
A61K 8/22
A61K 8/31
A61K 8/41
A61K 8/44
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Agent de coloration et/ou de décoloration des fibres kératiniques en deux parties, comprenant un corps gras et un agent séquestrant
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : The Procter & Gamble Company
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 111(1)
European Patent Convention Art 114(2)
Mot-clé : Moyens invoqués tardivement - document admis (oui)
Décision sur le recours - renvoi à la première instance (non)
Activité inventive - (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant I (propriétaire du brevet) et le requérant II (opposant) ont introduit un recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition établissant que le brevet européen n° 2 338 572 pouvait être maintenu sur la base des revendications 1 à 15 de la requête subsidiaire 2 alors pendante.

La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit:

1. Agent de coloration et/ou de décoloration des fibres kératiniques, constitué par:

- une première composition (A) comprenant un ou plusieurs agents alcalinisants, et

- une seconde composition (B) comprenant un ou plusieurs agents oxydants,

l'une au moins des deux compositions (A) et (B) comprenant un ou plusieurs corps gras ne contenant pas de fonction acide carboxylique, la quantité totale desdits corps gras dans le mélange des compositions (A) et (B) représentant au moins 20% en poids, par rapport au poids total dudit mélange, et

l'une au moins des deux compositions (A) et (B) comprenant un ou plusieurs agents séquestrants de formule (I) suivante :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

dans laquelle :

p est un nombre entier valant 0 ou 1,

n et m sont des nombres entiers valant, indépendamment l'un de l'autre, 0, 1 ou 2, la somme n + m valant au moins 1,

R1 , R2 , R3 et R4 représentent, indépendamment les uns des autres, un atome d'hydrogène, un groupe -CH2CO2M1, ou un groupe -CH(CO2M2)(CH2CO2M3),

Y représente un groupe NCH2CO2M4,

M1 à M4 désignant, indépendamment les uns des autres, un atome d'hydrogène, un cation issu d'un métal alcalin ou d'un métal alcalino-terreux, un cation issu d'une amine organique éventuellement hydroxylée, ou un cation ammonium,

à la condition que, si p vaut 0, alors R1 et R3 représentent tous deux un atome d'hydrogène, et R2 et R4 représentent tous deux un groupe -CH(CO2M2)(CH2CO2M3), et

si p vaut 1, alors n et m valent chacun au moins 1."

II. Une opposition avait été formée par le requérant II en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité en invoquant les motifs de manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), se fondant entre autres sur les documents suivants:

(3) FR-A-2 870-732 et

(11) US2007/118999.

Selon la division d'opposition, l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré et de la requête subsidiaire 1 manquait de nouveauté par rapport à l'exemple 2 du document (3). Les revendications de la requête subsidiaire 2 étaient conformes aux exigences de l'Article 123(2) CBE. De plus, en partant du document (11) comme état de la technique le plus proche de l'invention, aucun document cité n'était de nature à motiver l'homme du métier à utiliser un agent séquestrant de formule (I) selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 dans le but d'éviter un gonflement d'une masse colorante comprenant plus de 20% en poids de corps gras. L'objet des revendications de la requête subsidiaire 2 alors pendante impliquait donc une activité inventive.

Les documents,

(16) FR-A-2 925 308 et

(17) J. M. MARSH, ET AL.: "Hair coloring systems delivering color with reduced fiber damage", JOURNAL OF COSMETIC SCIENCES, vol. 58, 2007, pages 495-503,

déposés le 7 mai 2014 par l'opposant en réponse aux requêtes subsidiaires 1 à 3 déposées avec une lettre datée du 20 mars 2014, n'étaient pas pertinents de prime abord. Bien qu'étant le seul document divulguant une composition comprenant plus de 20% en poids de corps gras, le document (16) ne traitait pas de la question du gonflement de la masse colorante appliquée sur les cheveux. Le document (17) ne divulguait pas qu'un dégagement d'oxygène engendrait un gonflement de la masse colorante. Par conséquent, la division d'opposition n'a pas admis ces documents dans la procédure d'opposition.

III. Lors de la procédure orale tenue le 26 septembre 2018 devant la Chambre le requérant I a défendu son brevet sur la base du brevet tel que délivré (requête principale) et des requêtes subsidiaires 1 à 3 pendantes devant la division d'opposition et redéposées avec une lettre datée du 16 mars 2015.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de la revendication du brevet tel que délivré en ce que le ou les corps gras sont limités à ceux ne comprenant pas de motifs oxyalkylénés, ni de motifs glycérolés.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 en ce que le rapport pondéral de la quantité de composition (A) à la quantité de composition (B) varie de 0,2 à 3.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 en ce que l'agent alcalinisant est choisi parmi les alcanolamines.

IV. Selon le requérant I, la division d'opposition aurait mal interprété la caractéristique relative à la quantité totale desdits corps gras dans le mélange des compositions (A) et (B) représentant au moins 20% en poids, par rapport au poids total dudit mélange. L'objet des revendications du brevet tel que délivré était donc nouveau par rapport au document (3).

Le dépôt des documents 16 et 17 dans la procédure d'opposition et/ou de recours constituait un abus de procédure. Ils ne devaient pas être admis dans la procédure de recours d'autant plus qu'ils manquaient de pertinence. Si ces documents étaient admis dans la procédure, un renvoi en premier instance s'imposait afin de bénéficier du double degré de juridiction et pour répondre à l'objection de manque d'activité inventive en partant du document (16) comme état de la technique le plus proche de l'invention, le cas échéant par le dépôt d'essais comparatifs.

Ni le document (16), ni les autres documents cités dans la procédure d'opposition ne pouvait représenter l'état de la technique le plus proche de l'invention, car aucun de ces documents n'évoquait le problème du gonflement d'un agent de coloration, le document (16) concernant plus particulièrement le problème de mauvaises odeurs. D'autre part, le document (16) n'était pas plus proche de l'invention que ne l'était le document (11) considéré par la division d'opposition comme étant le point de départ dans l'analyse de l'activité inventive. S'il fallait partir du document (16) comme état de la technique le plus proche de l'invention, le problème technique à résoudre était d'éviter un gonflement dans le temps de l'agent de coloration prêt à l'emploi et l'amélioration de l'homogénéité de la coloration. L'essai comparatif de l'exemple du brevet montrait que ce problème était résolu par l'addition d'un séquestrant de formule (I). L'homme du métier n'aurait pas considéré le document (17) pour trouver une solution à ce problème. D'une part, ce document n'abordait pas le problème du gonflement de la composition de coloration prête à l'emploi, mais celui de la dégradation des cheveux, et, d'autre part concernait uniquement des compositions de coloration, alors que le document (16) concernait uniquement des compositions de décoloration. De plus, dans le document (17), un dégagement de gaz a été mis en évidence sur les cheveux qui avaient été contaminés par des ions de cuivre en raison de lavages à l'eau courante. Dans le cadre de l'invention, le gonflement de la composition se produisait avant même l'application sur les cheveux. Le gonflement de la composition ne pouvait donc pas provenir de la contamination par des ions de cuivre présents dans l'eau courante de lavage. Le document (17) n'apportait donc aucune solution au problème du gonflement de l'agent de coloration/et/ou décoloration prête à l'emploi.

Par conséquent, l'objet des revendications de toutes les requêtes impliquait une activité inventive.

V. Selon le requérant II, les revendications de la requête subsidiaire 2 étendait l'objet du brevet litigieux au-delà du contenu de la demande tel que déposé, contrairement aux exigences de l'Article 123(2) CBE. La division d'opposition aurait déjà dû admettre les documents (16) et (17) dans la procédure d'opposition car ils venaient en réponse aux revendications modifiées par l'addition de caractéristiques prises de la description du brevet. Les documents (16) et (17) devaient être au moins admis dans la procédure au stade du recours. Ces documents étaient pertinents puisque l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 maintenue par la division d'opposition manquait d'activité inventive en partant du document (16) comme état de la technique le plus proche et en le combinant au document (17). Le document (16) était le seul document dans la procédure décrivant des compositions ayant une teneur en corps gras telle que requise par les revendications modifiées de la requête subsidiaire 2. Ce document était clairement l'état de la technique le plus proche de l'invention puisqu'il divulguait des compositions ayant le même but que celui visé par l'invention, à savoir la décoloration des cheveux. Les compositions divulguées dans ce document étaient très proches des compositions de la requête subsidiaire 2, ne s'en différentiant que par la présence d'un agent séquestrant de formule (I). Il était connu que les colorants et les agents alcalinisants pouvaient contenir des traces de métaux d'oxydoréduction, comme le cuivre, qui catalysaient la décomposition du peroxyde d'hydrogène en produisant un dégagement d'oxygène. Le gonflement de la composition de coloration et/ou de décoloration était dû à ce phénomène. Le problème à résoudre était par conséquent la mise à disposition de compositions de coloration et/ou décoloration des cheveux à forte teneur en corps gras qui ne présentaient pas de dégagement gazeux provoquant le gonflement de la composition. Le document (17) démontrait que des agents séquestrants comme l'EDDS conforme à la formule (I) du brevet litigieux réduisaient de façon significative le dégagement d'oxygène dans des compositions de coloration contenant du peroxyde d'hydrogène. Le document (17) mettait en évidence un dégagement gazeux de l'agent de coloration au moment de l'application sur les cheveux. Cependant, cela n'excluait pas que le dégagement gazeux commence déjà lorsque la composition prête à l'emploi était préparée. D'ailleurs, la figure (5) du document (17) montrait clairement que des bulles d'oxygène se formaient aussi dans les parties de la composition colorante qui n'était pas en contact avec des cheveux. L'objet des revendications manquait donc d'activité inventive en combinant les documents (16) et (17).

VI. Le requérant I (propriétaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le rejet de l'opposition, ou subsidiairement le maintien du brevet sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 3 déposées avec la lettre datée du 16 mars 2015.

Le requérant II (opposant) a demandé l'annulation de la décision et la révocation du brevet.

VII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Les recours sont recevables.

Requête principale et requêtes subsidiaires 1 et 2

2. Les compositions objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 sont incluses dans l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) et de la requête subsidiaire 1. Par conséquent, si les compositions de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 n'impliquent pas d'activité inventive, cette conclusion s'appliquera également, au moins dans cette étendue, à l'objet de la requête principale et de la requête subsidiaire 1. Dans ces circonstances, il donc est approprié d'examiner, dans un premier temps, le recours du requérant II s'opposant au maintien du brevet sur la base des revendications de la requête subsidiaire 2 maintenues par la division d'opposition.

3. Admission des documents (16) et (17)

Ces document n'avaient pas été admis dans la procédure d'opposition, parce qu'ils étaient tardifs et considérés de prime abord comme manquant de pertinence. Ces documents ont été redéposés avec le mémoire de recours du requérant II.

Selon le requérant II, les documents (16) et (17) étaient de prime abord pertinents pour l'évaluation de l'activité inventive puisque le document (16) était le seul document divulguant des compositions colorantes à forte teneur en corps gras dans le mélange prêt à l'emploi, et donc représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention, alors que l'enseignement du document (17) en combinaison avec le document (16) rendait évident l'objet de la revendication 1. Ils devaient donc être admis dans la procédure de recours.

Selon le requérant I, le dépôt tardif de ces documents représentait un abus de procédure. D'autre part ces documents n'étaient pas plus pertinents que les documents déjà présents dans la procédure. Par conséquent ces documents ne devaient pas être admis dans la procédure de recours.

Le document (16) est le seul document cité divulguant une composition de coloration et/ou de décoloration pour les cheveux ayant une forte teneur en corps gras et obtenue par le mélange d'une composition comprenant un agent d'oxydation et d'une composition comprenant un agent alcalinisant. Il apparaît de prime abord comme étant l'état de la technique le plus proche de l'invention, puisque ce document correspondant exactement au point de départ de l'invention tel que présenté dans les paragraphes [0015] et [0016] du brevet litigieux.

Le document (17) quant à lui est de prime abord pertinent pour sa divulgation de séquestrants de formule (I) conforme à l'invention dans des compositions de coloration oxydative comprenant du peroxyde d'hydrogène. Il est vrai que tous les documents cités dans le mémoire d'opposition divulguent des compositions de coloration et/ou de décoloration comprenant un séquestrant de formule (I). Cependant, le document (17) est le seul document à divulguer le mécanisme de décomposition du peroxyde d'hydrogène et à établir une corrélation entre l'arrêt d'un dégagement gazeux dans une composition de teinture et la présence d'un agent séquestrant de formule (I) dans cette composition. C'est pourquoi, le document (17) est un art antérieur particulièrement pertinent.

D'autre part, la Chambre ne voit aucune raison pourquoi le dépôt de ces documents avec le mémoire expliquant les motifs de recours du requérant II contre le maintien du brevet sur la base de revendications modifiées selon la requête subsidiaire 2 pourrait constituer un abus de procédure.

Par conséquent, la Chambre décide d'admettre les documents (16) et (17) dans la procédure de recours.

4. Renvoi de l'affaire devant la division d'opposition

Le requérant I a demandé un renvoi de l'affaire devant la division d'opposition si les documents (16) et (17) étaient admis dans la procédure afin de bénéficier d'un double degré de juridiction et de pouvoir procéder à des essais comparatifs.

Compte tenu des circonstances déterminantes de l'espèce, notamment si les faits ont beaucoup changé par rapport à ceux pris en considération dans la décision attaquée, la Chambre peut décider de trancher elle-même l'affaire ou le renvoi à la division d'opposition pour suite à donner (Article 111(1) deuxième phrase CBE) en exerçant son pouvoir discrétionnaire à cet égard.

Dans le cas d'espèce, les documents (16) et (17) sont les seuls documents sur lesquels le requérant II a fondé son recours contre la décision de maintien du brevet sur la base de la requête subsidiaire 2. Ces documents ont été déposés avec le mémoire de recours, c'est-à-dire suffisamment tôt dans la procédure pour que le requérant I les prenne en considération déjà dans sa réponse au recours du requérant II, et soumette, le cas échéant, des essais comparatifs. La Chambre note de plus que l'invention est divulguée dans le brevet litigieux comme partant d'un état de la technique tel celui décrit dans le document (16). Les essais comparatifs présents dans le brevet litigieux ont été fait à partir de compositions reflétant le document (16). Partir de ce document comme état de la technique le plus proche ne peut donc pas surprendre le requérant I.

Par ailleurs, les documents (16) et (17) avaient déjà été déposés devant la division d'opposition qui les avait écartés pour tardivité considérant qu'ils n'étaient pas pertinents en ce qui concernait l'activité inventive. La division d'opposition a donc déjà pris position sur ces documents. Un renvoi devant la division d'opposition ne se justifie donc pas.

Par conséquent, la Chambre décide de ne pas faire droit à la demande de renvoi du requérant II et de trancher elle-même l'affaire (Article 111(1) deuxième phrase CBE).

5. Activité inventive

5.1 Art antérieur le plus proche

Le brevet litigieux a pour objet un agent de coloration et/ou de décoloration des cheveux ayant une forte teneur en corps gras, constitué d'une première composition (A) contenant un agent alcalinisant, et d'une seconde composition (B) contenant un agent oxydant, l'une au moins des deux compositions (A) et (B) comprenant un ou plusieurs corps gras et un agent séquestrant de formule I (voir paragraphe [0002] du brevet litigieux).

Le brevet litigieux vise à remédier au gonflement du mélange lié à un dégagement d'oxygène dans le mélange riche en corps gras issu de la composition comprenant l'agent alcalin et de la composition comprenant un agent oxydant (voir paragraphe [0016] du brevet litigieux).

5.1.1 Selon le requérant I, aucun des documents cités ne pouvait représenter l'état de la technique le plus proche de l'invention, car aucun d'eux n'évoquait le problème du gonflement d'un agent de coloration. En particulier, le document (16) ne pouvait pas représenter l'état de la technique le plus proche de l'invention, car il concernait le problème des odeurs et non pas le gonflement de l'agent de coloration et/ou décoloration.

Cependant, lorsqu'il formule une composition de coloration et/ou décoloration pour les cheveux, l'homme du métier prend en considération tous les problèmes usuels associés à la formulation des compositions, en particulier celui de la stabilité de la composition qui est une exigence de base, notamment pour les compositions de décoloration des cheveux contenant du peroxyde d'hydrogène connu pour son instabilité et sa facilité de se décomposer en dégageant de l'oxygène.

Ainsi, un document divulguant des agents de coloration et/ou de décoloration des cheveux comprenant un agent oxydant, et en particulier du peroxyde d'hydrogène, ne peut être écarté comme état de la technique le plus proche de l'invention du simple fait qu'il n'évoque pas explicitement le problème de la stabilité des compositions de coloration et/ou de décoloration, et donc du gonflement de la composition due à un dégagement gazeux.

5.1.2 Des documents cités, seul le document (16) a pour objet un agent de coloration et/ou de décoloration des cheveux ayant une forte teneur en corps gras, constitué d'une première composition anhydre contenant un corps gras et un agent alcalinisant, par exemple la monoéthanolamine, et d'une seconde composition aqueuse comprenant un agent oxydant (voir page 2, lignes 15 à 21, exemples 1 et 2 aux pages 17 à 19). Ce document mentionne en outre que la composition anhydre peut également renfermer divers adjuvants utilisés classiquement dans les compositions pour la coloration des cheveux, tels les agents séquestrants (page 15, ligne 18).

Les compositions de décoloration de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffèrent des compositions de décoloration divulguées dans ce document uniquement par la présence d'un agent séquestrant de formule (I).

La Chambre considère en accord avec le requérant II que ce document représente l'état de la technique le plus proche de l'invention.

5.1.3 Selon le requérant I, le document (16) ne pouvait pas représenter l'état de la technique le plus proche de l'invention car il visait à éviter les désagréments liés à l'odeur des compositions d'éclaircissement des cheveux et à minimiser l'irritation du cuir chevelu, et non pas à pallier au problème du gonflement de l'agent de décoloration. De plus, les compositions divulguées dans le document (16) n'étaient pas structurellement plus proches de l'invention que celles divulguées dans le document (11) qui a été considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention dans la décision contestée.

Les problèmes des désagréments liés à l'odeur de la composition de décoloration et de l'irritation du cuir chevelu sont réputés avoir été résolus par les compositions divulguées dans le document (16) et ne sont donc plus pertinents pour ces compositions. D'autre part, la stabilité des compositions de décoloration est un problème inhérent à leur formulation, donc pris en compte par l'homme du métier. Par conséquent, le seul fait que le document (16) ne mentionne pas de façon explicite un problème de gonflement de la composition de décoloration, donc de stabilité, ne permet pas d'écarter ce document comme état de la technique le plus proche de l'invention, alors même qu'il décrit des compositions structurellement très proches de celles de l'invention et cela dans le même but, à savoir la décoloration des cheveux.

Les compositions de coloration divulguées dans le document (11), considéré par le requérant I comme étant le document de l'état de la technique le plus proche de l'invention, se distinguent des compositions revendiquées par la teneur en corps gras. Ces compositions ne sont donc pas structurellement plus proches des compositions du brevet litigieux que les compositions du document (16), qui s'en distinguent uniquement par la présence d'un agent séquestrant particulier.

En outre, les buts visés par l'invention ont été formulés dans le brevet litigieux par rapport à des compositions comprenant une quantité substantielle de corps gras (paragraphes [0015] et [0016] du brevet litigieux). Bien que l'état de la technique en question n'ait pas été identifié dans ces paragraphes, il correspond au document (16) qui divulgue des compositions à forte teneur en corps gras. L'activité inventive doit donc s'évaluer à partir du point de départ mentionné dans le brevet litigieux, à moins qu'un autre document plus proche de l'invention se révèle être techniquement plus pertinent, ce qui n'est pas le cas du document (11).

Les arguments du requérant I étant écartés, la Chambre conclut que le document (16) constitue l'état de la technique le plus proche et donc le prend donc comme point de départ pour l'évaluation de l'activité inventive.

5.2 Problème technique

Le requérant I a défini le problème à résoudre comme étant celui d'éviter un gonflement dans le temps de l'agent de coloration prêt à l'emploi et l'amélioration de l'homogénéité de la coloration.

5.3 Solution proposée

La solution proposée par le brevet litigieux est la composition selon la revendication 1 caractérisée par la présence d'un agent séquestrant de formule I.

5.4 Succès

Pour montrer que la présence d'un agent séquestrant de formule (I) dans l'agent de coloration et/ou de décoloration de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 résout le problème du gonflement de la composition et de l'amélioration de la coloration, le requérant I s'est référé à l'essai comparatif décrit aux pages 25 à 27 du brevet litigieux.

Dans cet essai comparatif, une agent de coloration représentant l'état de la technique le plus proche est constitué par un mélange 1:1 d'une composition colorante A1 contenant, entre autres, 55% en poids de d'huile de vaseline et 10% en poids d'octyldodédanol (corps gras) et 4,5% en poids de monoéthanolamine (agent alcalinisant) à une composition B comprenant entre autre 12% en poids d'une solution aqueuse à 50% en poids de peroxyde d'hydrogène, 20% en poids d'huile de vaseline et 8% en poids d'alcool cétéarylique (corps gras).

Le mélange résultant des compositions A1 et B présente un gonflement intempestif dans le temps, qui ne se produit pas lorsque la composition alcalinisante comprend 1% en poids d'une solution aqueuse à 40% d'un sel d'acide diéthylène triamine pentacétique, qui est un composé séquestrant de formule (I) (composition A2).

Il est également exposé au paragraphe [0237] du brevet litigieux que le mélange résultant des compositions A2 et B conduit en outre à des résultats tinctoriaux très homogènes. Cependant aucun résultat de coloration n'est décrit dans le brevet litigieux. Il n'a pas été montré, ni même prétendu dans la partie expérimentale du brevet litigieux, que l'agent de coloration issue du mélange A2 et B selon l'invention et comprenant un agent séquestrant aboutit à des colorations plus homogènes en comparaison du mélange A1 et B reflétant l'état de la technique. Par conséquent, faute d'être démontrée la partie du problème technique se rapportant à l'amélioration de l'homogénéité ne peut pas être prise en compte dans la formulation du problème technique.

C'est pourquoi, le problème objectif à résoudre se réduit à celui de pallier au gonflement de l'agent de coloration.

5.5 Evidence

5.5.1 L'homme du métier observant un gonflement intempestif d'une composition issue du mélange d'une composition alcalisante et d'une composition oxydante comprenant du peroxyde d'hydrogène, comme celle divulguée dans le document (16), identifierait la cause du gonflement comme étant celle d'un dégagement d'oxygène issu d'une décomposition rapide du peroxyde d'hydrogène. En effet, il est connu que le peroxyde d'hydrogène est un composé instable qui se décompose rapidement en présence de catalyseur tels que les ions métalliques d'oxydoréduction, tels les ions de fer ou de cuivre (voir aussi document (17), page 496, 1**(er) paragraphe entier). Il est aussi connu que les compositions comprenant du peroxyde d'hydrogène peuvent être protégées d'une décomposition catalysée par les ions métalliques d'oxydoréduction du peroxyde d'hydrogène par l'addition d'agents séquestrants (voir document (17), dernier paragraphe). Les agents séquestrants sont d'ailleurs des additifs communément employés dans les compositions de décoloration et/ou coloration comprenant du peroxyde d'hydrogène (voir également document (16), page 15, ligne 18).

Ainsi, l'homme du métier face au problème du gonflement intempestif de l'agent de coloration causé par un dégagement d'oxygène issue d'une décomposition intempestif du peroxyde d'hydrogène ajouterait sans faire preuve d'activité inventive un agent de stabilisation du peroxyde d'hydrogène dans la composition. A cet effet, le document (17) divulgue des agents séquestrants en vue de prévenir une dégradation catalytique du peroxyde d'hydrogène causée par des métaux d'oxydoréduction. Le document (17) propose à cette fin notamment l'agent séquestrant EDDS, qui est un agent séquestrant de formule I conforme à l'invention (voir page 501, figure 4). Cet agent séquestrant est, par ailleurs, divulgué comme arrêtant de façon significative le dégagement de gaz d'une composition de coloration comprenant du peroxyde d'hydrogène sur des cheveux contaminés par des ions de cuivre (voir page 502, 1**(er) paragraphe et figure 5).

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 n'implique pas activité inventive.

5.5.2 Selon le requérant I, l'homme du métier n'aurait pas envisagé de combiner l'enseignement des documents (16) et (17) puisque le document (17) concernait uniquement la coloration des cheveux, alors que le document (16) concernait uniquement la décoloration des cheveux.

Cependant, le problème technique à résoudre concerne la stabilisation d'une composition de coloration et/ou de décoloration comprenant un agent oxydant, tel le peroxyde d'oxygène, qui est indépendante de l'utilisation finale de la composition. L'homme du métier considérerait donc tous les documents de l'état de la technique proposant une solution au problème de la stabilisation de compositions comprenant du peroxyde d'hydrogène. Cet argument du requérant I doit donc être écarté.

5.5.3 Selon le requérant I, le document (17) ne pouvait pas fournir une solution au problème du gonflement de l'agent de coloration car il traitait de la décomposition du peroxyde d'hydrogène sur des cheveux contaminés par des ions de cuivre causé par des lavages avec de l'eau courante, alors que dans le cas de la présente invention le gonflement de l'agent de coloration a déjà lieu avant l'application sur des cheveux contaminés.

Cependant, le document (17) enseigne qu'une contamination par des ions de cuivre est capable de décomposer le peroxyde d'hydrogène en provoquant un dégagement gazeux et que ce problème est résolu par l'addition d'un agent séquestrant comme l'EDDS. L'homme du métier constatant un gonflement intempestif de l'agent de coloration identifiera la cause comme étant celle d'une décomposition catalysée du peroxyde d'hydrogène, le catalyseur de dégradation étant mis en contact avec le peroxyde d'hydrogène lors du mélange avec la solution alcalinisante, par exemple présent dans l'éthanolamine comme avancé par le requérant II. Partant de là, l'homme du métier de façon routinière essayera les moyens déjà décrits dans l'état de la technique pour pallier à une décomposition catalysée du peroxyde d'hydrogène, qui inclut l'addition du séquestrant EDDS divulgué dans le document (17). Cet argument du requérant I doit donc aussi être rejeté.

5.5.4 En conséquences, la Chambre arrive à la conclusion que, la requête subsidiaire 2, et pour les mêmes raisons, les requêtes principale et subsidiaire 1, doivent être rejetées pour défaut d'activité inventive.

Requête subsidiaire 3

6. Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 3, l'agent alcalinisant est limité aux alcanolamines. Cependant l'agent alcalinisant des compositions divulguées dans l'état de la technique le plus proche de l'invention, à savoir le document (16), est justement l'éthanolamine. Par conséquent, la restriction de l'agent alcalinisant aux alcanolamines n'apporte aucune contribution en ce qui concerne l'activité inventive.

Dans ces circonstances, cette requête doit être également écartée pour manque d'activité inventive.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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