European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T171314.20190726 | ||||||||
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Date de la décision : | 26 Juillet 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1713/14 | ||||||||
Numéro de la demande : | 05707282.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | A21D 10/00 A21D 2/26 A23L 1/30 A23L 1/16 A21D 13/00 A21D 8/04 A23L 1/237 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | AGENT EXHAUSTEUR DE GOÛT, PÂTES BOULANGÈRES, PRODUITS DE PANIFICATION ET CÉRÉALIERS LE COMPRENANT, SON UTILISATION COMME SUBSTITUT DE NACL | ||||||||
Nom du demandeur : | Lesaffre et Compagnie | ||||||||
Nom de l'opposant : | Der Backzutatenverband e.V. PURATOS N.V. CSM Nederland B.V. |
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Chambre : | 3.3.01 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté - (oui) Suffisance de l'exposé - (oui) Activité inventive - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen no. 1 713 341 a été délivré avec 25 revendications.
Les revendications indépendantes s'énoncent comme suit:
1. Agent sec exhausteur de goût pour produit céréalier, de préférence pour produit cuit de boulangerie comprenant de la farine fermentée acide, caractérisé en ce qu'il comprend également de l'extrait de levure.
8. Améliorant sec pour produit cuit de boulangerie comprenant un agent sec suivant l'une quelconque des revendications 1 à 7.
10. Procédé de préparation d'une pâte boulangère avec des ingrédients comprenant au moins de la farine non-fermentée, de l'eau, de la levure de panification et un agent sec selon l'une quelconque des revendications 1 à 7.
13. Procédé de panification, caractérisé par l'ajout dans la composition de la pâte d'un agent sec selon l'une des revendications 1 à 7 ou d'un améliorant sec selon l'une des revendications 8 à 9 et caractérisé en ce que les ingrédients de la pâte présentent un rapport en poids entre, d'une part, la somme des matières sèches de la farine fermentée acide et de l'extrait de levure et, d'autre part, la farine non-fermentée, de 0,8 à 2,5%, de préférence de 1,0 à 1,5%, et encore de préférence de 1,15 à 1,35% (pourcentages du boulanger).
14. Procédé de préparation de produits cuits comprenant:
- la préparation d'une pâte contenant de la farine non-fermentée, de l'eau, un agent sec selon l'une quelconque des revendications 1 à 7 et un agent levant choisi parmi la levure de panification, la poudre à lever et leur combinaison,
- la levée de la pâte au moyen de l'agent levant et,
- la cuisson de la pâte levée,
ledit procédé comprenant éventuellement un laminage de la pâte entre les étapes de préparation et de levée.
15. Pâte pour produit cuit de boulangerie comprenant:
- de la farine de céréale(s) non-fermentée,
- de la levure de panification,
- une teneur en NaCl ajouté inférieure ou égale 1,8%, de préférence inférieure ou égale 1,6%, et encore de préférence inférieure ou égale 1,5% en masse par rapport à la farine non-fermentée,
- une quantité de farine fermentée acide de manière à obtenir, après fermentation et cuisson de la pâte, un produit cuit ayant une teneur en acide lactique sur mie d'au moins 500 ppm, de préférence de 500 à 3000 ppm, encore de préférence de 750 à 2500 ppm,
- de l'extrait de levure.
16. Pâte pour produit cuit de boulangerie comprenant:
- de la farine de céréale(s) non-fermentée,
- de la levure de panification,
- de la farine fermentée acide, et
- de l'extrait de levure,
ladite pâte ayant une teneur en Na**(+) inférieure ou égale 0,50%, de préférence inférieure ou égale 0,45%, et encore de préférence inférieure ou égale 0,43% en masse par rapport à la pâte.
19. Pâton précuit surgelé susceptible d'être obtenu par la fermentation, la pré-cuisson et la surgélation d'une pâte selon l'une quelconque des revendications 15 à 18.
20. Produit cuit de boulangerie susceptible d'être obtenu par la fermentation et la cuisson d'une pâte selon l'une quelconque des revendications 15 à 18.
23. Produit céréalier autre que les pâtes pour produits cuits de boulangerie et les produits cuits de boulangerie, comme par exemple les produits de la biscuiterie ou les pâtes alimentaires, caractérisé en ce qu'il comprend un agent sec selon l'une des revendications 1 à 7.
24. Utilisation de l'agent selon l'une quelconque des revendications 1 à 7 comme substitut du sel (NaCl).
25. Utilisation de l'agent selon l'une quelconque des revendications 1 à 7 comme exhausteur de goût pour produit céréalier.
II. Trois oppositions ont été formées à l'encontre de ce brevet, demandant sa révocation en application de l'article 100 a) et b) CBE pour manque de nouveauté et d'activité inventive et pour insuffisance de l'exposé.
III. Les documents suivants, cités au cours des procédures d'opposition et de recours, restent pertinents pour la présente décision:
Dl: WO 2004/043153 A1 (publié le 27 mai 2004)
D4: DE 33 38 977 A1
D5: US 5,108,766 A
D13: DE 33 35 351 A1
D17: Gist-brocades: Gistex**(®) & Maxarome (1998)
D20.1 R. Guinet: Technologie du Pain Français, ISBN 2-85 708-106-5, pages 33 à 39 (1992)
D28: WO 85/05252 A1
D34: Int. J. Food Science Technol. 27, 201-211 (1992)
D45: Données expérimentales présentées par l'opposante 3 (lettre datée du 10 février 2012: "Short test report sensory analysis of bread")
D45a: Lettre de l'opposante 3 datée du 18 juin 2012, pages 3 et 4: commentaire regardant D45
D49: Ann. Inst. Pasteur, 31, 601-630 (1917)
D51: Publication "Lallemand Baking Update" 2(6), deux pages (copyrighted 1997)
D53: US 5,286,630 A
IV. La requête principale de la titulaire du brevet opposé était le rejet des oppositions. La titulaire a aussi déposé des requêtes subsidiaires, dont les requêtes subsidiaires 1A, 2A et 3A.
V. La décision contestée objet de la procédure de recours est la décision intermédiaire de la division d'opposition, prononcée à la clôture de la procédure orale du 13 mars 2014 et postée le 4 juin 2014,
- d'une part rejetant la requête principale et les requêtes subsidiaires 1A et 2A de la titulaire,
- d'autre part énonçant que, compte tenu des modifications apportées suivant la requête subsidiaire 3A, le brevet européen no. 1 713 341 satisfaisait aux conditions énoncées dans la CBE.
Sur le fond, la division d'opposition a estimé que l'invention revendiquée était exposée de manière suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
L'objet de la revendication 1 telle que délivrée (requête principale) manquait de nouveauté vis-à-vis du contenu des documents D1, D5 et D13, l'objet des revendications 16 et 20 était antériorisé par D4 et D13, et l'objet de la revendication 25 était antériorisé par D1.
L'objet des requêtes subsidiaires 1A et 2A n'impliquait pas d'activité inventive en partant de l'enseignement technique du document D5.
Le document D28 constituait l'état de la technique le plus proche par rapport à l'objet revendiqué dans la requête subsidiaire 3A, limité à l'utilisation de l'agent sec comme substitut de sel. En partant de l'enseignement technique de D28, cet objet impliquait une activité inventive.
VI. La titulaire, l'opposante 2 et la société CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. venant prétendument aux droits de l'opposante 3 (CSM Nederland B.V.) ont chacune formé un recours contre cette décision.
VII. La requête principale de la requérante (titulaire) était le rejet des oppositions. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, la titulaire a aussi déposé douze jeux de revendications en tant que requêtes subsidiaires.
VIII. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante (opposante 2) a, à son tour, déposé pour la première fois les documents D51 et D53.
IX. L'opposante 1, partie de droit aux termes de l'article 107 CBE, n'a présenté aucune observation ou requête au cours de la procédure de recours.
X. Par la suite, la requérante (titulaire) a contesté la recevabilité du recours de la société CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V., faisant valoir que la qualité d'opposante n'avait pas été valablement transférée.
XI. La Chambre a convoqué la titulaire, les opposantes 1 et 2 et les sociétés CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. et CSM Nederland B.V. à une procédure orale.
XII. Dans une notification établie conformément à l'article 15(1) RPCR, annexée à la citation à la procédure orale, la Chambre a fait savoir à titre préliminaire qu'il existait en effet des doutes sur le caractère suffisant des preuves apportées par la société CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. pour établir le transfert de l'opposition.
En tant que partie initialement à la procédure d'opposition, la société CSM Nederland B.V. conservait sa qualité d'opposante et continuait d'avoir les droits et obligations d'une partie à la procédure aussi longtemps que la preuve du transfert n'était pas apportée et qu'elle n'avait pas cessé d'exister. Dès lors, elle était de droit partie à la procédure de recours initiée par le recours recevable de l'opposante 2 (article 107 CBE).
Si la Chambre devait conclure que la preuve du transfert n'avait pas été apportée, le recours de la société CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. serait rejeté comme irrecevable.
Pour ces raisons, les deux sociétés CSM Nederland B.V. et CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. étaient convoquées à la procédure orale. La procédure de recours continuerait avec l'une des deux sociétés suivant ce que la Chambre déciderait sur la question du transfert de l'opposition.
XIII. Par la suite, dans une lettre datée du 12 juin 2019 le représentant des deux sociétés "CSM" concernées a déclaré que "l'opposante CSM Bakery Solutions Europe B.V. / CSM Nederland B.V." [sic] retirait son recours contre la décision de la division d'opposition ainsi que sa requête en révocation du brevet en cause.
XIV. Une procédure orale devant la Chambre s'est tenue le 26 juillet 2019.
L'opposante 1, la société CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. et la société CSM Nederland B.V., dûment convoquées, n'ont pas comparus. Conformément à l'article 15(3) RPCR et à la règle 115(2) CBE, la procédure orale s'est déroulée en leur absence.
La Chambre a jugé que, comme les preuves fournies à l'appui du transfert de l'opposition étaient insuffisantes, la société CSM Nederland B.V. conservait sa qualité d'opposante 3 et de ce fait était partie de droit dans la procédure de recours.
Dans ses observations présentées au cours de la procédure orale, la requérante (opposante 2) s'est également appuyée sur le contenu des écritures de la société CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V..
XV. Concernant les revendications de la requête principale, les arguments suivants ont été avancés par la requérante (opposante 2):
Nouveauté
L'objet des revendications indépendantes 1, 10, 14, 16, 20 et 25 manquait de nouveauté vis-à-vis du contenu des documents D1, D4, D5 et/ou D13.
L'argument selon lequel les conditions de préparation des compositions de l'art antérieur induisent la formation d'extrait de levure, du fait en particulier de l'opération de séchage, était soutenu par l'enseignement technique du document D49 à la page 602.
Suffisance de l'exposé
L'homme du métier ne pouvait pas déduire des informations contenues dans le brevet en cause comment l'objet de la revendication 24 devrait être réalisé. Comme démontré par les résultats d'évaluation sensorielle rapportés dans D45, un agent conforme à la définition selon la revendication 1 n'agirait pas nécessairement comme exhausteur du goût salé. Dès lors, il était contesté que l'effet de substitution de sel défini dans la revendication 24 soit obtenu sur toute la portée de l'agent précisé dans la revendication 1. Le brevet n'indiquait aucun critère essentiel relatif à la fabrication ou sélection des composantes, ou bien à leurs teneurs et rapport(s) quantitatif(s), qui établirait l'utilité désirée de l'agent comme substitut de sel.
Activité inventive
L'objet de la revendication 1 n'impliquait pas d'activité inventive en partant de l'enseignement technique du document D5, à combiner avec celui, entre autres, des documents supplémentaires D49 ou D51. Le document D13 pouvait servir comme point de départ alternatif similaire à D5. Le problème technique à résoudre était l'amélioration du goût des produits dans lesquels l'agent revendiqué était utilisé, ou bien l'amélioration de l'effet aromatisant d'une farine fermentée acide dans les produits de boulangerie.
La même approche générale et la même conclusion de défaut d'activité inventive étaient valides pour l'objet des revendications 8, 10, 13, 14, 15, 16, 19, 20, 23 et 25.
L'objet de la revendication indépendante 24 n'impliquait pas d'activité inventive en partant de l'enseignement technique des documents D51, D28, D34 ou D53, le problème technique à résoudre étant la fourniture d'un substitut de sel alternatif. En fait, il était contesté que ce problème soit résolu sur toute la portée revendiquée. De plus, l'objet revendiqué était rendu évident à l'homme du métier par la combinaison des documents D28 et D34 (ou vice-versa), D51 et D34, ou bien D53 et D34.
XVI. Les arguments suivants ont été avancés, au soutien de la requête principale, par la requérante (titulaire):
Nouveauté
Selon les connaissances générales de l'homme du métier, les exhausteurs de goût étaient des substances qui avaient elles-mêmes peu ou pas de goût ni d'odeur, mais qui avaient la propriété de renforcer le goût et l'odeur de composants normaux des aliments, surtout salés.
Selon le brevet en cause (paragraphe [0006]), la "farine fermentée acide" était obtenue par séchage d'une pâte fermentée au moyen de bactéries lactiques des levains panaires et facultativement, en plus, au moyen de levures. Cette définition était par ailleurs en accord avec la pratique dans le domaine. Utiliser un produit de départ autre qu'une pâte aboutirait à fabriquer un produit différent de la farine fermentée acide. Le séchage, pour sa part, modifiait la composition et l'arôme de la pâte fermentée en enlevant certains composés volatils tels que l'acide acétique.
Par "extrait de levure", on comprenait la fraction soluble obtenue après hydrolyse enzymatique de cellules de levure (voir paragraphe [0011] du brevet en cause et les connaissances générales de l'homme du métier). Comme étayé par D49 aux pages 606, 608 et 610, des conditions spécifiques étaient requises pour qu'une autolyse enzymatique ait lieu. L'analyse détaillée des documents cités à l'encontre de la nouveauté révélait que ce critère n'y était pas rempli.
Ainsi, l'objet des revendications contestées se distinguait du contenu des documents D1, D4, D5 et D13 par au moins l'une des caractéristiques techniques suivantes:
- utilité comme agent exhausteur de goût (différence par rapport aux documents D1, D5 et D13),
- présence d'extrait de levure (différence par rapport aux documents D1, D4, D5 et D13),
- présence de farine fermentée acide (différence par rapport aux documents D4 et D5),
- teneur maximale en Na**(+) de 0,50% en masse par rapport à la pâte (revendication 16, différence par rapport aux documents D4, D5 et D13).
Suffisance de l'exposé
Le brevet précisait comment obtenir les deux composantes obligatoires de l'agent sec, qui étaient au surplus des produits bien connus et disponibles dans le commerce. Selon la revendication 24 il n'était question que de l'utilisation d'un produit défini de façon précise, à savoir comme substitut de sel.
L'effet technique d'exhaustion du goût salé était rendu crédible par les résultats expérimentaux présentés dans le brevet en cause dans le cadre de l'exemple 2.
Les résultats expérimentaux fournis dans D45 n'étaient pas crédibles du fait qu'une méthodologie inhabituelle et inappropriée avait été utilisée. En outre, la présentation des résultats dans le document D45 ne correspondait pas à celle utilisée dans les courriers de l'opposante 3 (D45a), ne permettant pas au lecteur d'arriver à une interprétation concluante. Par conséquent, le contenu de D45 ne fournissait pas de raison suffisante pour remettre en question les résultats présentés dans le brevet en cause.
Aucun fait vérifiable n'avait été fourni par la requérante (opposante 2) au soutien de son affirmation que l'homme du métier aurait des difficultés à identifier des teneurs et rapports des composantes aptes à fournir l'effet désiré d'exhaustion du goût salé.
Activité inventive
Le document D28 représentait l'état de la technique le plus pertinent par rapport à toutes les revendications du brevet. En partant de D28, le problème technique à résoudre était la mise à disposition d'un exhausteur de goût alternatif permettant notamment d'améliorer la saveur salée des produits de boulangerie, et ce en se dispensant de doses élevées de chlorure de potassium. Les documents de l'état de la technique ne suggéraient pas que la combinaison de farine fermentée acide et d'extrait de levure fournisse une exhaustion du goût salé même en l'absence de chlorure de potassium.
Le document D5, qui ne traitait pas de l'effet exhausteur de goût, n'était pas un point de départ approprié pour l'évaluation de l'activité inventive. Si D5 devait toutefois être choisi comme point de départ dans l'appréciation de l'activité inventive de la revendication 1, le problème technique objectif serait celui de trouver un exhausteur de goût pour produits céréaliers qui augmentait le goût salé sans apport d'autres notes aromatiques perturbatrices. L'homme du métier ne pouvait pas prévoir que cet effet désiré serait obtenu, dans un substrat complexe tel que le pain, par la combinaison de la farine fermentée acide et l'extrait de levure - ingrédients connus pour des flaveurs caractéristiques, et classiquement utilisés dans des catégories de produits différentes (à savoir, les farines fermentées acides - ou levains secs - dans des produits de boulangerie et les extraits de levure dans des produits du genre sauces et soupes).
Bien que le document D51 (cité en tant que référence secondaire) mentionne des versions commerciales de farine fermentée acide pour boulangerie, l'homme du métier n'en tirerait aucune incitation à associer ces produits avec un extrait de levure, d'autant moins qu'à l'époque, les extraits de levure n'étaient pas commercialisés dans le but d'influencer le goût du pain (voir D17 divulguant des extraits de levure commercialisés pour l'amélioration d'une saveur "bouillon").
Le document D34 examinait les propriétés de mélanges artificiels d'acides qui n'étaient pas représentatifs des farines fermentées acides, et de ce fait manquait de pertinence.
Les mêmes approches et conclusions s'appliquaient aux autres revendications indépendantes.
XVII. La requérante (titulaire) a requis l'annulation de la décision attaquée et
- à titre principal, le rejet des oppositions;
- à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous une forme modifiée selon l'une de ses requêtes subsidiaires 1 à 12 fournies avec le mémoire de recours.
En outre, la requérante (titulaire) a demandé que les documents déposés par les opposantes au stade du recours soient déclarés irrecevables et par conséquent écartés des débats en application de l'article 12(4) RPCR.
XVIII. La requérante (opposante 2) a requis l'annulation de la décision attaquée, le rejet du recours de la titulaire et la révocation du brevet en cause.
XIX. Les parties de droit (opposantes 1 et 3) n'ont pas présenté de requête.
Motifs de la décision
1. Transfert de l'opposition
1.1 La société CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. ayant retiré son recours, la chambre n'a plus à se prononcer sur la recevabilité de ce recours. Il fallait cependant déterminer si la société CSM Nederland B.V. ou la société CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. était partie à la procédure de recours.
1.2 Selon la jurisprudence des chambres de recours, la qualité d'opposant peut être transmise si l'opposant transfère une partie déterminante de ses activités à un tiers, pour autant que la qualité d'opposant soit transmise conjointement avec l'activité économique ou la partie du patrimoine de l'entreprise dans l'intérêt de laquelle l'opposition a été formée. La transmission de la qualité d'opposant prend effet à la date à laquelle elle a été requise et où des preuves adéquates ont été produites.
1.3 Selon la titulaire du brevet, il n'existe pas de preuve que la totalité de l'élément patrimonial de CSM Nederland B.V. dans l'intérêt duquel l'opposition a été formée a été transférée à Bakery Supplies Europe B.V. suite à la mise en ½uvre de la scission partielle du 30 décembre 2012.
1.4 En effet, le traité de scission du 30 décembre 2012 (annexe A) et ses annexes (annexes B, C et D) soumis par CSM Bakery Solutions Europe Holding B.V. à l'appui du transfert de la qualité d'opposante n'apportent pas la preuve suffisante pour conclure que les activités et la partie du patrimoine de la société CSM Nederland B.V. transférées à Bakery Supplies Europe B.V. suite à la mise en ½uvre de la scission partielle englobait l'activité et la partie du patrimoine à laquelle se rapporte l'opposition.
Comme la titulaire du brevet a relevé à juste titre, l'annexe C au courrier du 13 août 2014 qui est censé fournir la liste des actifs transférés à Bakery Supplies Europe B.V. ne permet pas d'établir si la totalité des actifs de l'élément patrimonial pertinent a été transférée comme requis par la jurisprudence. L'appendice 2 de l'annexe C ne mentionne que l'opposition au brevet en cause, mais aucun brevet ou demande de brevet de CSM Nederland B.V.
Un nombre de brevets et de demandes de brevets relevant de l'élément patrimonial pertinent de CSM Nederland B.V. ont été cédés ultérieurement à la scission à la société Bakery Supplies Europe Holding B.V. par laquelle la société bénéficiaire de la scission du 30 décembre 2012, Bakery Supplies Europe B.V., a été absorbée le 31 décembre 2012 à la suite d'une opération de fusion-absorption (cf. annexe E). La société Bakery Supplies Europe Holding B.V. a donc succédé à la société Bakery Supplies Europe B.V. qui a cessé d'exister comme entité juridique à partir de la date de la fusion-absorption.
Toutefois, il n'a pas été démontré que la cession en date du 16 octobre 2013 d'un nombre de brevets et de demandes de brevets relevant de l'élément patrimonial pertinent de CSM Nederland B.V. à la société Bakery Supplies Europe Holding B.V. donnait suite au traité de scission du 30 décembre 2012 (annexe A) et ne constituait pas une transaction séparée.
1.5 Pour ces raisons, la Chambre a conclu que la preuve du transfert n'avait pas été apportée, et que, par conséquent, la société CSM Nederland B.V. ayant conservée sa qualité d'opposante, était de droit partie à la procédure de recours (article 107 CBE).
2. Définition des termes utilisés
2.1 Exhausteur de goût
Dans le domaine de la chimie alimentaire, le terme "exhausteur de goût" désigne une catégorie d'additif alimentaire qui, sans avoir une saveur propre prononcée, augmente la perception du goût et/ou de l'odeur d'autres composants d'une denrée alimentaire. Les connaissances générales de l'homme du métier à cet égard sont représentées par le document D20.1 qui contient un glossaire des catégories d'additifs classiques (D20.1, pages 34 et 35).
2.2 Extrait de levure
Selon la définition donnée dans le brevet en cause (paragraphe [0011]), on comprend par extrait de levure la fraction soluble obtenue après hydrolyse enzymatique de cellules de levure. Cette définition correspond par ailleurs à la définition habituelle de ce terme. Les enzymes impliquées sont notamment des protéases et nucléases.
Selon le brevet en cause (paragraphes [0023] à [0024]), l'extrait de levure de l'invention est de préférence la fraction soluble obtenue après autolyse des cellules de levure, c'est-à-dire après hydrolyse enzymatique effectuée uniquement par les enzymes endogènes de la levure (autolysat de levure). Cependant, l'hydrolyse peut également être réalisée en ajoutant des enzymes exogènes supplémentaires, comme notamment des protéases.
Il s'en déduit que l'extrait de levure contient en tout cas les produits de ladite hydrolyse enzymatique.
3. Requête principale - nouveauté
3.1 Document D5
3.1.1 Le document D5 vise à proposer des compositions aromatiques concentrées pour produits de boulangerie, ces compositions étant obtenues par fermentation d'un produit laitier. Une quantité de farine peut être ajoutée au début de la fermentation. Le mélange est inoculé par des bactéries lactiques et éventuellement des levures. Une fois la fermentation terminée, le mélange peut être séché (D5: colonne 1, lignes 8 à 11; colonne 2, lignes 18 à 47; colonne 3, lignes 23 à 26, 46 à 48; colonne 6, ligne 21 à colonne 7, ligne 2). D5 ne mentionne ni la présence d'extrait de levure ni l'hydrolyse enzymatique de la levure.
3.1.2 Selon l'exemple 1 de D5 (colonne 7), une composition comprenant de la poudre de lait écrémé, de la poudre de lactosérum, de la farine et de la levure, dispersées dans de l'eau, est fermentée après ajout de bactéries lactiques. Il est indiqué qu'à la fin de la fermentation, la composition peut être séchée ou lyophilisée.
3.1.3 L'argument de la requérante (opposante 2) selon lequel le séchage préconisé dans D5 induirait forcément la mort par rupture des cellules de la levure, suivie par une autolyse rendant un extrait de levure, ne peut pas convaincre, et ce pour les raisons suivantes:
a) Selon le document D49, "après la mort de la cellule, les enzymes continuent leur action de transformation sur les constituants du proptoplasme et opèrent l'autolyse de la levure" (D49: page 602, lignes 5 à 7). Or, ce passage décrit le mécanisme de l'autolyse, sans toutefois impliquer qu'il s'agirait là d'un résultat inévitable de la mort des cellules.
b) Tout en conformité avec ce passage, D49 enseigne encore que la condition essentielle de l'autolyse consiste en ce que la cellule soit amenée à l'état "nécrobiotique", état tel que la cellule ait perdu son pouvoir de reproduction tout en ayant conservé son activité enzymatique (D49: page 602, lignes 20 à 23).
c) Donc toute cause inactivant le pouvoir enzymatique du protoplasme, telle qu'une haute température, est une cause perturbatrice de l'autolyse (D49: page 608, en bas de page).
d) L'auteur de D49 précise que "plus la température est élevée, plus vite se produit la mort de la cellule et avec elle l'autolyse; la température doit cependant être telle qu'elle conserve une activité énergique de l'endotryptase. Ces deux desiderata se réalisent le mieux à 48-49°" (D49: page 606, note (1) de bas de page).
e) C'est la raison pour laquelle l'auteur de D49 met au point une "méthode de l'autolyse" qui repose en particulier sur l'utilisation d'une température bien spécifque (48 à 49°C) et qui suppose une durée de 23 heures (D49: page 610, lignes 16 ff).
f) Il est donc évident à la lecture de ces passages que les conditions requises sont telles que la cellule de la levure est morte alors que l'activité enzymatique nécessaire pour l'autolyse est conservée. L'application d'une température trop élevée ne conduit pas à l'autolyse et ne génère pas d'extrait de levure.
g) En conclusion, l'autolyse de la levure n'est pas systématique, et il n'est pas possible d'affirmer qu'une simple étape de séchage d'une composition contenant des levures conduirait nécessairement à une autolyse des levures et à la production d'extrait de levure.
h) Le document D5 mentionne, à l'exemple 1, une étape facultative de séchage ou lyophilisation, sans préciser les conditions d'opération employées.
Il est bien connu que la lyophilisation est un procédé ménageant qui, en règle générale, préserve la viabilité des microorganismes et ne conduit donc pas à une autolyse.
Quant aux autres méthodes de séchage, il convient de noter que certaines conditions de séchage permettent de conserver les levures vivantes (par exemple, dans le cas de la "levure instantanée") ou bien entraînent la mort cellulaire mais sans autolyse, du fait qu'un processus impliquant une température trop élevée et/ou une durée courte (conditions qui empêcheraient l'activité enzymatique) n'aboutirait pas à une autolyse.
i) Il n'est donc pas implicite à la lecture de ce que D5 divulgue que les conditions nécessaires pour l'autolyse soient remplies. Le document D5 ne divulgue pas l'utilisation de conditions conduisant à la production d'extrait de levure in situ dans les compositions dont il est question.
3.1.4 En conclusion, l'objet de la revendication 1 du brevet en cause diffère de celui de D5 au moins par la présence d'un extrait de levure.
3.1.5 La même distinction est valide dans le cas des autres revendications indépendantes (et notamment des revendications attaquées 10, 14, 16, 20 et 25); elle s'applique notamment aussi aux produits ultérieurs (pâtes et produits cuits) en comparaison avec les pâtes et pains préparés selon D5 (voir les exemples 4 à 7 de D5). Si les composantes de l'extrait de levure étaient modifiées par la cuisson, la présence de ces composantes modifiées deviendrait la caractéristique distinctive du produit revendiqué. Par ailleurs, les considérations présentées au point 3.1.3 ci-dessus conduisent également à la conclusion que la cuisson d'une pâte comprenant une levure (divulguée dans les exemples 4 à 7 de D5) n'aboutit pas à la formation in situ d'un extrait de levure.
3.1.6 En outre, D5 ne divulgue pas de teneur en Na**(+) inférieure ou égale à 0,50% en masse par rapport à la pâte (caractéristique requise à la revendication 16).
3.1.7 En conclusion, l'objet des revendications attaquées 1, 10, 14, 16, 20 et 25 est nouveau vis-à-vis du contenu de D5 (articles 52(1) et 54(1)-(2) CBE).
3.2 Document D13
3.2.1 Ce document concerne la préparation d'un produit de levain sec concentré revitalisable contenant des bactéries lactiques, utile pour réaliser des procédés de panification.
3.2.2 Afin d'obtenir ce produit selon l'enseignement de D13, un levain est formé avec une culture de lactobacilles pré-sélectionnées. Après des étapes de fermentation d'une durée de 20 à 30 heures, ledit levain est séché dans des conditions modérées. Un autolysat de levure peut être ajouté au début d'une étape de fermentation pour optimiser la croissance et la résistance des lactobacilles (voir D13: revendications 1 et 4; page 9, lignes 4 à 8, 14 à 19). L'exemple de réalisation (D13: pages 11 à 13) concerne la production d'un tel levain sec impliquant l'ajout d'un autolysat de levure.
3.2.3 Le document D13 ne révèle pas la présence d'extrait de levure dans le produit final séché. Selon la requérante (opposante 2) il paraîtrait douteux que l'autolysat de levure soit complètement consommé par les bactéries lors de l'étape de fermentation du levain. Toutefois, selon l'enseignement de D13 l'autolysat de levure n'est ajouté qu'avant des étapes de fermentation et en tant que nutriment pour les microorganismes. Comme les informations divulguées dans D13 ne permettent pas au lecteur de déduire que le levain sec revitalisable contiendrait inévitablement de l'autolysat (ou extrait) de levure, l'argument de la requérante (opposante 2) reste spéculatif et, de ce fait, ne peut aboutir.
3.2.4 D13 ne divulgue pas non plus une teneur en Na**(+) inférieure ou égale à 0,50% dans une pâte telle que définie à la revendication 16.
La pâte levain divulguée à la page 12 de D13 comme produit intermédiaire contient 0,25% d'autolysat de levure nouvellement ajouté et 50% de levain pré-fermenté. Même en supposant que le levain pré-fermenté apporte les composants d'une farine fermentée acide, il n'est toutefois pas révélé que la teneur en Na**(+) soit d'au plus 0,5% en masse par rapport à la pâte.
3.2.5 L'objet des revendications 1, 10, 14, 16, 20 et 25 est donc nouveau vis-à-vis du contenu du document D13 (articles 52(1) et 54(1)-(2) CBE).
3.3 Document D1
3.3.1 Ce document, qui appartient au domaine de la boulangerie, a pour objet d'augmenter le "métabolisme aromatique" des microorganismes dans des systèmes de fermentation, en ajoutant au milieu nutritif un mélange particulier d'acides aminés (D1: revendication 1).
3.3.2 Une seule mention d'extrait de levure figure dans D1 (paragraphe [0011]) dans une liste d'additifs potentiels envisagés pour la formulation du mélange d'acides aminés. Ces additifs sont cependant destinés à être consommés par les microorganismes (levures et/ou bactéries). En outre, l'utilisation d'un extrait de levure n'est pas présentée comme obligatoire. L'extrait de levure n'est pas non plus divulgué en association avec une farine fermentée acide.
3.3.3 Selon l'exemple 12 de D1, une combinaison "stabilisée" de levure et du mélange de stimulation de la production d'arômes est préparée, comprenant de la levure, un mélange d'acides aminés et du levain. Le mélange est ensuite extrudé et séché de la manière habituelle pour produire de la levure instantanée (D1: paragraphes [0075] et [0078]).
Selon la terminologie du domaine technique, la levure instantanée est une forme de levure sèche mais active (voir aussi D1: paragraphe [0081] où il est question du maintien de l'activité de la levure). Si la levure conserve son activité elle n'a pas été autolysée.
3.3.4 Par conséquent, l'objet des revendications 1, 10, 14, 16, 20 et 25 n'est pas antériorisé par D1 (articles 52(1), 54(1) et (3) CBE).
3.4 Document D4
3.4.1 Le document D4 concerne un procédé pour améliorer la qualité du pain fabriqué avec un levain biologique à maturation courte. Cette amélioration est obtenue par un apport de nutriments et principes actifs au levain, effectué par ajout direct à la pâte au début de la fermentation, éventuellement en utilisant un véhicule pulvérulent (D4: page 2, lignes 2 à 4, 29 à 32; page 3, lignes 1 à 4). Le nutriment en question peut être un extrait de levure (D4: page 2, lignes 32 à 35; exemples 1 et 3; tableau 1).
3.4.2 D4 ne divulgue pas un agent sec comprenant à la fois un extrait de levure et de la farine fermentée acide. Quant à la composition de la pâte, on ne peut déduire des informations disponibles dans D4 que le produit contient encore de l'extrait de levure après la fermentation, celui-ci étant destiné à être consommé au cours de la fermentation. Par ailleurs, la teneur en Na**(+) n'est pas divulguée. Alors que le tableau 1 indique la teneur en sel ajouté, d'autres ingrédients peuvent contribuer au taux de Na**(+) total. Il n'est donc pas possible d'en déduire la teneur totale maximale d'ions de sodium dans la pâte.
3.4.3 Par conséquent, l'objet des revendications 1, 10, 14, 16, 20 et 25 n'est pas antériorisé par D4 (articles 52(1) et 54(1)-(2) CBE).
3.5 En conclusion, les objections avancées tirées d'un manque de nouveauté de l'objet revendiqué ne peuvent pas aboutir, pour au moins les raisons détaillées aux points 3.1 à 3.4.3 ci-dessus.
3.6 Par ailleurs, aucun argument convaincant n'a été avancé quant au manque de nouveauté de l'objet des revendications 8, 15 et 23 (toutes se rapportant à l'agent sec visé à la revendication 1 ou à la combinaison de ses composantes obligatoires), qui avaient également été contestées dans la phase écrite de la procédure de recours.
4. Requête principale - suffisance de l'exposé
4.1 La suffisance de l'exposé n'a été contestée qu'au regard de la revendication 24, ayant trait à l'utilisation de l'agent sec des revendications 1 à 7 comme substitut du sel (NaCl).
4.2 À l'appui de cette objection il a été avancé, avec référence aux résultats d'évaluation sensorielle rapportés dans D45, que si un agent répondait à la définition de la revendication 1, cela ne signifierait pas nécessairement qu'il agirait comme exhausteur du goût salé. Les caractéristiques de l'extrait de levure et de la farine fermentée acide ainsi que leurs proportions quantitatives n'étaient pas précisées de manière assez spécifique pour garantir l'utilité de l'agent sec comme substitut de sel.
4.3 À l'exemple 2 (paragraphes [0089] à [0096]) du brevet en cause, identique à l'exemple 2 de la demande telle que déposée (page 16, ligne 19 à page 18, ligne 12), il est démontré que l'emploi d'un agent sec selon la revendication 1 (60% de farine de seigle fermentée acide et 40% d'extrait de levure) permettait de compenser une réduction de la quantité de sel ajouté de 2,1% à 1,8% (pourcentage du sel indiqué par rapport à la quantité de farine) dans des baguettes, tout en conservant un goût salé identique.
4.4 Il n'y a aucune raison menant à juger que ce serait un effort déraisonnable de trouver d'autres préparations appropriées ayant un effet exhausteur de goût salé dans le cadre de la définition des revendications 1 et 24. La méthodologie utilisée selon l'exemple 2 est d'usage dans ce domaine technique et repose sur la dégustation par un panel de testeurs experts, qui a classé les échantillons de baguettes selon l'intensité de leur saveur salé. L'homme du métier est donc à même de déterminer des quantités et proportions appropriées d'extrait de levure et de farine fermentée acide, ingrédients par ailleurs bien connus et disponibles dans le commerce. Si un agent sec contient des quantités insuffisantes ou inappropriées de ces composantes, son utilisation n'est, en tout cas, pas englobée par la revendication 24.
4.5 Le contenu du rapport D45 n'est pas de nature à remettre en cause la suffisance de l'exposé. La présentation des résultats dans D45 ne correspond pas à celle utilisée dans les explications supplémentaires de l'opposante 3 (D45a), qui avait produit D45 au cours de la procédure de première instance. En raison des divergences dans la numérotation des échantillons de pain testés et des résultats de l'évaluation du goût salé, il n'est pas possible de savoir avec certitude quels produits correspondent à quelle ligne de résultats (voir D45: page 2; D45a: tableaux aux pages 3/10 et 4/10). Cette raison suffit au constat qu'aucune conclusion fiable ne peut être tirée des informations disponibles dans D45/D45a.
4.6 Donc, D45 ne fournit pas de faits vérifiables pouvant fonder des réserves sérieuses à l'encontre de l'obtention de l'effet exhausteur du goût salé.
4.7 Par conséquent, le motif d'opposition tiré de l'article 100 b) CBE ne s'oppose pas au maintien du brevet tel que délivré.
5. Irrecevabilité de moyens de preuve
5.1 Les documents D51 et D53 ont été déposés, pour la première fois, avec le mémoire exposant les motifs du recours de la requérante (opposante 2) (voir le point VIII ci-dessus). En vertu de l'article 12(1), 12(2) et 12(4), deuxième moitié de phrase, RPCR, ils doivent donc, en principe, être pris en considération dans la procédure de recours.
5.2 L'article 12(4), première moitié de phrase, RPCR, confère toutefois à la Chambre le pouvoir de considérer comme irrecevables les preuves qui auraient pu être produites au cours de la procédure de première instance.
5.3 La chambre n'a finalement pas jugé les documents D51 et D53 irrecevables (article 12(4) RPCR) mais a décidé d'en tenir compte dans la procédure de recours (article 114 CBE et article 12(1) et (2) RPCR). Comme la Chambre est arrivée à la conclusion que l'objet des revendications telles que délivrées implique une activité inventive au sens de l'article 56 CBE (voir la section 6 ci-dessous), il n'est pas nécessaire de développer les raisons pour lesquelles les documents D51 et D53 ont été admis.
6. Requête principale - activité inventive
Brevet en cause
6.1 Le brevet en cause (paragraphes [0001] à [0004]) concerne les produits alimentaires céréaliers, notamment les produits cuits de boulangerie, dont le pain, à teneur réduite en sel. Pour que ces produits soient mieux appréciés par les consommateurs il s'avère nécessaire d'augmenter l'intensité de la saveur salée.
6.2 La solution proposée dans le brevet en cause est l'emploi d'un agent sec exhausteur de goût ayant en particulier la propriété d'augmenter la saveur salée des produits céréaliers (paragraphe [0016]).
6.3 Les exhausteurs de goût sont une catégorie d'additifs bien connue en chimie alimentaire et diffèrent des simples arômes en tant qu'ils augmentent la perception du goût ou de l'odeur d'une denrée alimentaire sans avoir une saveur propre prononcée (voir le point 2.1 ci-dessus).
6.4 Les composantes obligatoires de l'agent exhausteur de goût défini dans les revendications du brevet en cause sont
a) une farine fermentée acide,
b) un extrait de levure.
6.5 Le brevet en cause contient douze revendications indépendantes. Afin de suivre une progression logique, il s'est avéré opportun de considérer tout d'abord la revendication 24 d'utilisation.
Revendication 24
Point de départ dans l'état de la technique
6.6 Il est rappelé que la revendication 24 a trait à l'utilisation de l'agent sec selon la revendication 1 comme substitut de sel, ledit agent sec étant un agent exhausteur de goût pour produit céréalier comprenant de la farine fermentée acide et de l'extrait de levure.
6.7 L'état de la technique le plus proche pris en considération pour apprécier l'activité inventive est normalement un document qui divulgue un objet conçu dans le même but ou visant à atteindre le même objectif que l'objet revendiqué et présentant pour l'essentiel des caractéristiques techniques semblables, à savoir qui appellent peu de modifications structurelles.
6.8 Il n'a pas été contesté que le document D28 est un point de départ approprié pour l'appréciation de l'activité inventive au regard de la revendication 24.
- D28, qui traite des substituts du sel de cuisine en teneur faible de sodium, y compris pour les produits de boulangerie, concerne de ce fait le même problème technique général d'augmentation de la saveur salée que le brevet en cause (voir le point 6.1 ci-dessus et D28: revendications 1 et 9; page 1, lignes 1 à 20; page 3, lignes 15 à 19 et 24 à 28).
- Le substitut de sel selon D28 est basé sur une mixture de sels, à savoir le chlorure de potassium et le dihydrogènophosphate de potassium, et peut contenir des ingrédients additionnels, dont jusqu'à 5% en poids d'extrait de levure (D28: revendications 1 et 3).
6.9 Les documents D34, D51 ou D53 ont été proposés par la requérante (opposante 2) comme points de départ alternatifs. Cependant, le contenu de ces documents, étant plus éloigné de l'objet revendiqué et du problème technique ciblé par le brevet en cause que le contenu de D28, ne constitue pas un point de départ plus prometteur.
6.9.1 D34 présente une étude de la perception de la saveur acide et/ou salée de solutions aqueuses et d'échantillons de pain en fonction de diverses concentrations de sel, d'acide acétique et d'acide lactique. D34 n'enseigne pas un agent particulier à utiliser comme substitut de sel et ne mentionne pas l'intérêt d'un extrait de levure, ni d'une farine fermentée acide.
6.9.2 D51 mentionne, comme exhausteur du goût salé apte à être utilisé dans des pains à faible teneur en sel, un produit commercialisé désigné "LBI 2163" (D51: page 2, bas de la colonne 1). La composition de cet additif n'est pas indiquée, à l'exception seule de la mention de la présence d'une levure Torula - ce qui n'équivaut toutefois pas à la présence d'un extrait de levure. Le produit de D51 n'est donc pas pertinent par rapport à l'objet revendiqué.
6.9.3 D53 a trait à l'utilisation d'extraits de levure dans des produits tels que des sauces et bouillons, pour apporter ou intensifier un goût de bouillon (D53: colonne 1, lignes 16 à 21). Le document parle d'un effet de certains extraits de levure sur la perception du goût salé, dans le contexte d'une modification plus générale des arômes des aliments. L'application aux produits céréaliers et de boulangerie n'est pas mentionnée.
Problème technique et solution
6.10 L'objet de la revendication 24 diffère du contenu de D28 par la présence obligatoire d'une farine fermentée acide et d'un extrait de levure dans la composition à utiliser comme substitut de sel, cette composition étant, de plus, définie comme un agent exhausteur de goût (par référence à l'agent de la revendication 1).
6.11 Le problème technique à résoudre est donc celui de fournir un agent alternatif renforçant le goût salé dans les produits céréaliers.
6.12 Au vu des résultats présentés à l'exemple 2 du brevet en cause, il est crédible que ce problème technique est résolu par l'utilisation revendiquée (voir les points 4.3 à 4.7 ci-dessus).
Évidence de la solution
6.13 Il s'agit donc d'établir s'il était connu de l'état de la technique qu'au moins l'une des composantes obligatoires de l'agent sec (à savoir, l'extrait de levure et la farine fermentée acide), ou leur association, améliore la saveur salée.
6.14 Le document D28 enseigne que le goût salé est apporté par une mixture de sels, et notamment par le chlorure de potassium, l'extrait de levure n'étant utilisé que dans le but de masquer le goût amer du chlorure de potassium (D28: page 4, lignes 1 à 3). Il n'est pas fait mention dans D28 d'une farine fermentée acide. Ainsi, ni l'extrait de levure ni la farine fermentée acide, encore moins leur association, n'est identifié dans D28 comme contribuant à l'intensité de la saveur salée.
6.15 Il ne peut donc pas être déduit de cet enseignement qu'un agent selon la revendication 1 du brevet en cause agisse comme substitut de sel par exhaustion du goût salé dans des produits céréaliers.
6.16 Le document D34 invoqué par la requérante (opposante 2) en tant que document supplémentaire ne peut pas combler cette lacune.
Selon D34, l'intensité perçue de la salinité, de l'acidité et du goût général de solutions aqueuses et d'échantillons de pain de seigle contenant du NaCl, de l'acide acétique et/ou de l'acide lactique a été évaluée. Des échantillons ont été préparés en combinant quatre niveaux de NaCl et quatre niveaux d'acide acétique ou lactique dans de l'eau, et trois niveaux de NaCl et trois niveaux d'acide (mixtures d'acides lactique et acétique) dans le pain de seigle. Les auteurs suggèrent qu'il pourrait être possible de réduire la teneur en sel du pain de seigle sans diminuer la salinité perçue en augmentant le niveau d'acidité par l'ajout d'acides ou par fermentation naturelle (D34: résumé et page 209, lignes 1 à 4).
Toutefois, il s'agit là d'une affirmation spéculative. En fait, une exhaustion du goût salé était obtenue dans certaines conditions et pas dans d'autres (D34: résumé, lignes 9 à 11; page 205, lignes 12 à 14, 22 à 28). De plus, l'ajout d'acide acétique et/ou lactique en tant que tels ne correspond pas à l'addition d'une farine fermentée acide, qui est un produit beaucoup plus complexe. L'effet d'une fermentation naturelle de la pâte n'est pas en fait examiné dans l'étude de D34. La fermentation d'une pâte ne correspond par ailleurs pas à l'addition d'une farine fermentée acide qui constitue un produit modifié par une étape de séchage. Tout au plus, on pourrait apprendre de D34 que l'acide lactique et l'acide acétique pourraient influencer la perception du goût salé dans certaines circonstances.
Ainsi, le document D34 n'enseigne pas l'effet de l'ajout d'un produit complexe tel que la farine fermentée acide sur la perception de la saveur salée dans un substrat de produit céréalier, et encore moins en combinaison avec un extrait de levure.
6.17 En conclusion, l'objet de la revendication 24 n'est pas évident au vu de l'enseignement de l'état de la technique le plus proche D28, seul ou en combinaison avec l'enseignement du document D34.
Revendications 1 et 25
6.18 Les revendications 1 et 25 on trait à l'agent exhausteur de goût et son utilisation comme exhausteur de goût pour produit céréalier.
6.19 Il a déjà été etabli que l'effet technique prétendu d'exhaustion du goût salé a été rendu crédible dans le brevet en cause et la demande d'origine (voir les points 4.3 à 4.7 et 6.12 ci-dessus).
6.20 En partant de l'enseignement du document D28, le problème technique à résoudre serait celui de fournir un agent alternatif améliorant le goût, notamment le goût salé, dans les produits céréaliers.
6.20.1 Avec cette approche, l'homme du métier n'arriverait pas à l'objet revendiqué, pour les mêmes raisons que celles expliquées par rapport à l'objet de la revendication 24 (voir les points 6.1 à 6.17 ci-dessus).
6.20.2 S'il fallait néanmoins tenir compte du fait que, selon le libellé des revendications 1 et 25, l'exhaustion de goût n'est pas spécifiquement liée au goût salé, la requérante (titulaire) a fait valoir que, bien que des extraits de levure aient été utilisés dans des produits du genre soupes et sauces pour renforcer une saveur de type "bouillon" (voir D53: colonne 1, lignes 14 à 21), leur utilisation comme exhausteurs de goût pour produits céréaliers n'était pas courante à l'époque. Tout au plus ils étaient utilisés en boulangerie pour atteindre une note aromatique particulière de "crackers fromage" (voir le brevet en cause, paragraphe [0012]).
Le document D51 mentionne bien (page 1, en bas de la colonne 2) que l'extrait de levure présente un profil aromatique propre et peut être utilisé pour améliorer la saveur de produits alimentaires tels que le pain. Cela n'équivaut toutefois pas à une divulgation claire d'un effet exhausteur de goût.
En effet, il n'y a aucune raison de croire que le comportement de l'extrait de levure dans les produits céréaliers aurait été prévisible sur la base de l'utilisation connue. Rien n'indique dans l'état de la technique que l'extrait de levure soit utile comme exhausteur de goût dans les produits céréaliers ou qu'il doive être associé, à cette fin, à la farine fermentée acide.
En ce qui concerne la farine fermentée acide, cet ingrédient était connu et utilisé pour son arôme propre de levain (voir D51: page 2, colonne 2: LB 4060, LB 4080). Cependant, aucun effet en tant qu'exhausteur de goût n'était connu. Un tel effet gustatif ne découle pas non plus de l'enseignement du document D34.
6.21 D'autres documents ont été proposés par la requérante (opposante 2) comme point de départ dans l'état de la technique - à savoir, les documents D5 ou D13.
6.22 Comme déjà expliqué (voir le point 3.2 ci-dessus), D13 vise à fournir un concentré de levain sec prêt à l'emploi utile pour des procédés de panification. Par contre, D13 ne mentionne à aucun moment le souci d'améliorer le goût des produits céréaliers ni de réduire leur teneur en sel. Ce document ne constitue donc pas un point de départ plausible pour une invention reposant sur un effet d'exhaustion de goût. Si l'on considère que D13 ne préconise par ailleurs pas que le concentré de levain sec contienne un extrait de levure, le document ne semble guère pertinent pour l'appréciation de l'activité inventive.
6.23 D5 concerne des concentrés aromatiques (obtenus par fermentation d'un produit laitier) pour les produits de boulangerie, destinés à améliorer le goût et la valeur nutritionnelle de ces produits (D5: colonne 1, lignes 8 à 12). Ces compositions sont particulièrement destinées aux pains de type levain (D5: colonne 2, lignes 26 à 28). Les arômes apportées sont qualifiés d'arômes acides, fromagers, de yaourt et de levain (D5: revendication 12; colonne 7, lignes 65 à 68; colonne 8, lignes 27 à 28, 46 à 47, 55 à 57). D5 n'a pas trait aux produits de teneur réduite en sel et ne divulgue ni un extrait de levure (comme établi à la section 3.1 ci-dessus) ni un effet d'exhaustion de goût. Par conséquent, ce document ne constitue pas un point de départ plus prometteur que D28.
Revendications 8, 10, 13, 14, 15, 16, 19, 20 et 23
6.24 En ce qui concerne les autres revendications indépendantes, la requérante (opposante 2) n'a pas fait valoir d'autres arguments que dans le cas de la revendication 1, et la Chambre juge qu'il n'y a pas lieu de développer d'autres lignes d'objection.
6.25 Les mêmes considérations que celles concernant l'objet de la revendication 1 (l'agent exhausteur de goût) s'appliquent aux revendications 8, 10, 13, 14 et 23 concernant un "améliorant sec" comprenant l'agent selon la revendication 1, des procédés de préparation de produits céréaliers dans lesquels figure ledit agent exhausteur de goût, et un produit céréalier comprenant l'agent selon la revendication 1 (ou du moins, ses composantes obligatoires).
6.26 Les revendications 15, 16, 19 et 20 concernent des pâtes de teneur faible en sodium ou sel ajouté, et des pâtons précuits surgélés ou produits cuits céréaliers susceptibles d'être obtenus sur la base de ces pâtes, qui contiennent obligatoirement de l'extrait de levure et de la farine fermentée acide. L'activité inventive repose donc toujours sur l'effet exhausteur de goût démontré à l'exemple 2 du brevet en cause.
6.27 Pour les raisons détaillées aux points 6.1 à 6.26 ci-dessus, l'objet des revendications telles que délivrées implique une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. Les oppositions sont rejetées.
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE