European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2018:T077514.20181016 | ||||||||
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Date de la décision : | 16 Octobre 2018 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0775/14 | ||||||||
Numéro de la demande : | 08805046.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | C07C 209/84 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | PROCEDE DE PURIFICATION D'HEXAMETHYLENE DIAMINE | ||||||||
Nom du demandeur : | Rhodia Opérations | ||||||||
Nom de l'opposant : | Invista Technologies S.à r.l. BASF SE |
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Chambre : | 3.3.10 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté - divulgation erronée (non) Requête produite tardivement - requête aurait pu être produite en première instance (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant (propriétaire du brevet) a introduit un recours contre la décision de révocation du brevet européen n° 2 195 283 dont la revendication 1 s'énonce comme suit:
"1. Procédé de purification d'hexaméthylène diamine (HMD) par séparation de la tétrahydroazépine (THA) consistant à distiller, dans une colonne à distiller, le mélange contenant l'hexaméthylène diamine et la tétrahydroazépine caractérisé en ce que le temps de séjour du mélange dans la colonne à distiller est compris entre une minute et vingt minutes."
II. Une opposition avait été formée par les intimés I et II (opposants 1 et 2, respectivement) en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité pour manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100 (a) CBE) et insuffisance de description de l'invention (Article 100(b) CBE), se basant, entre autres, sur le document
(1) US-A-6 139 693.
Selon la division d'opposition, l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré manquait de nouveauté par rapport au document (1) qui divulguait un procédé de distillation d'un mélange (VIII) d'hexaméthylène diamine (I) et de tétrahydroazépine (V) dans lequel le temps de séjour moyen dans l'appareil de distillation est d'au moins 5 minutes. La revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 et 2 alors pendantes manquait de clarté et de nouveauté par rapport au document (1) alors que les revendications de la requête subsidiaire 3 alors pendante n'étaient pas conformes aux exigences de l'Article 123(2) CBE.
III. Pendant la procédure orale tenue devant la Chambre le 16 octobre 2018, le requérant a défendu son brevet sur la base de la requête principale (revendications du brevet tel que délivré) et des requêtes subsidiaires 1 et 2 déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours datée du 28 mai 2014.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de la revendication 1 du brevet tel que délivré en ce que le temps de séjour est compris entre une et quinze minutes.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 en ce que le nombre de plateaux théoriques de la colonne à distiller est compris entre 10 et 50.
IV. Selon le requérant, la revendication 3 du document (1) était erronée, car elle allait à l'encontre du contexte de l'enseignement du document. Cela était confirmé par le document
(10) US-B-6 169 199,
qui permettait de comprendre ce que les inventeurs du document (1) avaient eu l'intention de divulguer, à savoir que le temps de séjour devait se comprendre par niveau de la colonne et non pour toute la colonne de distillation comme divulgué dans le document (1). De plus, il fallait faire un choix multiple dans la divulgation du document (1) pour arriver à l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré. Enfin, la revendication 1 du brevet requérait un temps de séjour du mélange dans la colonne de distillation au-dessus du point d'introduction du mélange alors que dans pour le procédé du document (1) le temps de séjour d'au moins 5 minutes se rapportait à la durée globale du mélange dans l'appareil de distillation. L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré et de la requête subsidiaire 1 était donc nouveau par rapport au document (1).
Il ressortait clairement du contexte du recours portant uniquement sur la question de la nouveauté, que les modifications entreprises dans la requête subsidiaire 2 étaient destinées à établir la nouveauté de l'objet revendiqué. Cette requête constituait, d'autre part, l'ultime tentative pour établir la nouveauté. La requête subsidiaire 2 devait donc être admise dans la procédure de recours.
V. L'intimé I a contesté la recevabilité des requêtes subsidiaires 1 et 2 et du document (10) dans la procédure de recours. La requête subsidiaire 1 n'avait pas été maintenue en première instance, alors que la requête subsidiaire 2 et le document (10) ne devaient pas être admis dans la procédure, puisqu'ils auraient déjà dû être déposés devant la division d'opposition.
Selon les intimés, il n'y avait pas d'incohérence entre la description et la revendication 3 du document (1). Il n'y avait aucun choix à faire dans la divulgation du document (1) pour arriver à l'objet de la revendication 1 en partant de la revendication 3 du document. De plus, le procédé de la revendication 1 du brevet litigieux comprenait la possibilité d'introduire le mélange à distiller en bas de la colonne de distillation. L'interprétation de la revendication 1 à la lumière de la description du brevet litigieux ne permettait pas non plus d'établir la nouveauté. L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré et de la requête subsidiaire 1 manquait donc de nouveauté par rapport au document (1).
VI. Le requérant a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet sur la base du brevet tel que délivré, ou subsidiairement, le maintien du brevet sur la base des revendications selon l'une des requêtes subsidiaires 1 et 2 soumises avec le mémoire de recours datée du 28 mai 2014.
Les intimés ont demandé le rejet du recours.
VII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Admissibilité du document (10)
L'intimé I a demandé que le document (10) ne soit pas admis dans la procédure de recours parce qu'il aurait dû être cité plus tôt dans la procédure et parce qu'il n'était pas pertinent.
Le document (10) a été déposé avec le mémoire de recours pour étayer l'argumentation du requérant déjà soumise devant la division d'opposition, à savoir la revendication 3 du document (1) était erronée. Dans la décision contestée, la division d'opposition avait écarté cet argument. Ce document constitue donc une réponse du requérant à la décision de la division d'opposition de rejeter son argument pour manque de fondement. Par conséquent, la Chambre décide d'admettre ce document dans la procédure de recours (Article 12 (4) RPCR).
Requête principale (revendications du brevet tel que délivré)
3. Nouveauté
3.1 La revendication 3 du document (1) divulgue un procédé de distillation d'un mélange (VIII) comprenant l'hexaméthylène diamine (I) et une imine (V) ou un mélange d'imines, telle la tétrahydroazépine (voir colonne 2, lignes 41-42), dans lequel le temps de séjour moyen dans l'appareil de distillation est d'au moins 5 minutes.
Cette divulgation anticipe donc l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré.
3.2 Selon le requérant, l'objet des revendications serait nouveau par rapport au document (1) pour les trois raisons suivantes.
3.2.1 En premier lieu, le requérant affirme que le temps de séjour moyen du mélange de distillation dans la revendication 3 est manifestement erronée, puisque ce temps est en contradiction avec l'enseignement global du document (1).
Il convient donc de déterminer si la divulgation dans le document (1) d'un temps de séjour moyen d'au moins cinq minutes dans l'appareil de distillation serait perçue par l'homme du métier comme une erreur manifeste.
Le requérant prétend que dans le contexte du document (1), le temps moyen de séjour est divulgué pour au moins un plateau présent dans la colonne de distillation, et non pas pour l'ensemble de l'appareil de distillation. Le requérant cite le passage de la colonne 5, lignes 52 à 57 du document (1) pour corroborer son affirmation. La revendication 3 se rapportant au temps de séjour dans l'appareil de distillation est donc manifestement erronée.
Tout d'abord, la Chambre note que l'énoncé de la revendication 3 du document (1) a un sens technique et que l'homme du métier ne peut détecter aucune erreur manifeste à la seule lecture de la revendication 3.
En outre, le passage du document (1) cité par le requérant concerne des mises en ½uvre préférées du procédé dans lesquelles le temps de résidence moyen du mélange de distillation est d'au moins 5 minutes sur au moins un niveau, préférentiellement de 1 à 15, plus préférentiellement de 1 à 7, particulièrement 1, 2 ou 3 niveaux de la colonne de distillation. Cependant, ce passage concerne simplement des aspects optionnels et non obligatoires du procédé selon le document (1). D'autre part, cette divulgation n'est pas en contradiction avec un temps de séjour moyen de 5 minutes dans la colonne à distillation comme requis par la revendication 3 du document (1).
Le requérant a aussi cité le document (10) divulguant un procédé de distillation d'un mélange de 6-aminocapronitrile et d'une imine, telle la tétrahydroazépine dans lequel le temps de séjour moyen dans la colonne à distiller est d'au moins 5 minutes sur au moins un niveau de la colonne à distiller. Cependant, ce document concerne un autre procédé de distillation et ne peut donc démontrer que la revendication 3 du document (1) est manifestement erronée. En outre, l'absence dans le document (10) de l'équivalent de la revendication 3 du document (1) ne peut montrer que cette revendication 3 est erronée.
Par conséquent, la Chambre arrive à la conclusion que la revendication 3 du document (1) ne peut être perçue comme une erreur manifeste par l'homme du métier et fait bien partie de l'état de la technique. Ce premier argument du requérant doit donc être écarté.
3.2.2 Au cours de la procédure orale devant la Chambre, le requérant a aussi prétendu qu'il fallait faire une sélection multiple dans l'enseignement du document (1) pour arriver au procédé revendiqué, car les fractions (a2) ou (a3) contenaient le produit (V). Il fallait donc faire le choix si la THA se trouve dans la fraction (a3), ou dans la fraction (a2).
Cependant, le document (1) divulgue que les fractions (a2) et (a3) contiennent toutes deux le produit (V) qui comprend la THA. Par conséquent, en partant de la revendication 3 qui se réfère directement à l'étape (c) du procédé de la revendication 1, aucun choix n'est à faire pour arriver au procédé revendiqué, puisque que le produit (V) est clairement identifié comme étant une imine ou un mélange d'imine, telle la THA (voir colonne 2, lignes 41 à 42). Cet argument doit donc aussi être écarté.
3.2.3 Enfin, le requérant à de plus soutenu que l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré requérait que seule la partie de la colonne à distiller située au-dessus du point d'alimentation du mélange était à prendre en considération pour le calcul du temps de séjour. Étant donné que le document (1) indiquait un temps de séjour global dans l'appareil de distillation, ce document ne pouvait être destructeur de nouveauté pour l'objet du brevet en cause.
Toutefois, les revendications définissent l'objet de la protection demandée (Article 84 CBE). La description ne peut être utilisée pour donner un sens différent à une caractéristique d'une revendication qui en soi est claire pour l'homme du métier. Ainsi, une objection d'absence de nouveauté ne peut être évitée en lisant dans la revendication 1 des limitations dérivées de la description.
De façon superfétatoire, la chambre note que même en interprétant restrictivement la revendication selon le paragraphe [0013] du brevet litigieux, la revendication 1 comprend encore la possibilité que le mélange à distiller soit introduit en bas de l'appareil de distillation. L'objet de la revendication 1, même interprété à la lumière du paragraphe [0013] du brevet litigieux, ne serait donc pas nouveau par rapport au document (1). Cet argument du requérant doit aussi être écarté.
3.3 La Chambre parvient donc à la conclusion que l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré n'est pas nouveau par rapport au document (1). La requête principale doit par conséquent être rejetée.
Requête subsidiaire 1
4. L'intimé I a demandé que cette requête ne soit pas admise dans la procédure de recours. Cependant, comme le requérant reconnaît que la modification de la revendication 1 de cette requête par rapport à la requête principale ne permet pas de rétablir la nouveauté, il n'est pas nécessaire de statuer sur l'amissibilité de la requête dans la procédure de recours, puisque cette requête est de toute évidence à rejeter pour manque de nouveauté.
Requête subsidiaire 2
5. Recevabilité
La requête subsidiaire 2 a été déposée par le requérant avec le mémoire de recours; celle-ci comporte une revendication indépendante 1 modifiée qui inclut la caractéristique de la revendication dépendante 3 du brevet tel que délivré limitant le nombre de plateaux théoriques de la colonne à distiller. Devant la division d'opposition, le requérant avait cependant choisi de limiter le procédé à certains degrés de pureté de l'HMD à purifier et/ou purifié, en incorporant notamment les caractéristiques de la revendication dépendante 5, pour établir la nouveauté de la revendication 1. La limitation de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 va donc dans une direction différente de celle proposée en première instance. La requête subsidiaire 2 ne faisait donc pas l'objet de la décision attaquée. De ce fait, son admission dans la procédure est soumise à l'appréciation de la Chambre en vertu de l'article 12(4) RPCR de "considérer comme irrecevables les faits, preuves et requêtes qui auraient pu être produits ou n'ont pas été admis au cours de la procédure de première instance".
Ledit pouvoir d'appréciation de la Chambre doit être exercé en tenant compte de tous les facteurs pertinents qui se présentent dans les circonstances particulières du cas d'espèce.
La question de savoir si une requête déposée avec le mémoire de recours peut être admise dans la procédure de recours revient à déterminer si le requérant était en mesure de déposer cette requête devant la division d'opposition et si on pouvait attendre du requérant qu'il le fasse dans les circonstances de l'espèce.
Le requérant a plaidé que la requête subsidiaire 2 devait être admise dans la procédure car elle constituait sa dernière tentative pour rétablir la nouveauté, les tentatives précédentes devant la division d'opposition ayant toutes échouées.
Dans le cas d'espèce, il ressort que le requérant a eu maintes occasions de déposer de nouvelles requêtes, puisque même au stade de la procédure orale devant la division d'opposition, celle-ci annonçait ses conclusions donnant ainsi au requérant la possibilité d'ajuster ses requêtes. A l'annonce que la requête subsidiaire 3 alors pendante devait être écartée pour non-conformité aux exigences de l'article 123(2) CBE, le requérant a déclaré n'avoir pas d'autres requêtes à faire valoir.
En outre, l'objectif principal de la procédure de recours est de donner à la partie perdante la possibilité de contester sur le fond la décision de la division d'opposition (G 9/91, JO 1993, 408, point 18 des motifs), ce qui n'est pas équivalent à une poursuite de la procédure d'opposition. Sauf circonstances exceptionnelles, la portée factuelle et juridique de la procédure d'opposition détermine celle de la procédure de recours.
D'autre part, le requérant a déposé la requête subsidiaire 2 avec son mémoire de recours sans indiquer dans quelle mesure cette requête permettait de pallier aux objections des intimés et à la division d'opposition. En effet, bien qu'il puisse paraître évident qu'elle ait été déposée en vue de rétablir la nouveauté, aucune explication n'a été donnée indiquant la raison selon laquelle les modifications pouvaient conférer la nouveauté. D'autre part, l'intimé II dans sa réponse au mémoire de recours avait indiqué que la caractéristique objet de la revendication 3 du brevet tel que délivré était divulguée dans le document (1), qui était ainsi destructeur de nouveauté pour la revendication dépendante 3 du brevet tel que délivré (voir point II.2, Unteransprüche). Dans la notification datée du 27 juillet 2018, la Chambre a signalé que les raisons pour lesquelles la requête subsidiaire 2 a été déposée dans la procédure de recours n'avaient pas été expliquées.
Il n'est pas compatible avec la finalité de la procédure de recours de déposer une nouvelle requête et de choisir de la défendre uniquement lors de la procédure orale devant la chambre de recours, obligeant ainsi la chambre à statuer sur la requête sur la base d'arguments exprimés pour la première fois au cours de la procédure orale, ou à renvoyer l'affaire pour poursuite de la procédure. En outre, un tel comportement n'est pas équitable à l'égard des parties adverses.
Pour ces raisons, la requête subsidiaire 2 déposée avec le mémoire de recours n'est pas admise dans la procédure.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.