European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2018:T058114.20181130 | ||||||||
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Date de la décision : | 30 Novembre 2018 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0581/14 | ||||||||
Numéro de la demande : | 02718258.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | G06F 17/30 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de navigation par calcul de groupes, récepteur mettant en ½uvre le procédé, et interface graphique pour la présentation du procédé | ||||||||
Nom du demandeur : | Thomson Licensing | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.5.07 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Activité inventive - (non) Invention brevetable - caractéristiques techniques et non techniques Invention brevetable - présentation d'informations |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le demandeur (Thomson Licensing) fit recours de la décision de la division d'examen, en date du 13 septembre 2013, de refuser la demande de brevet européen no. 02718258.3. Cette décision en l'état du dossier faisait référence à une notification motivée en date du 5 septembre 2013, qui se référait aux documents suivants cités dans la procédure d'examen :
D1 : EP 1 024 437 A, publié le 2 août 2000;
D2 : Korfhage R. et al. : "Information Display:
Control of Visual Representations", Proceedings
of IEEE Workshop on Visual Languages, 1991, pages
56-61.
La notification soulevait les objections suivantes :
- La revendication 1 de la requête principale et de la première requête auxiliaire, ainsi que les revendications 1 et 4 de la seconde requête auxiliaire, n'étaient pas claires (article 84 CBE).
- Les revendications indépendantes 1 et 6 de la requête principale et des deux requêtes auxiliaires n'impliquaient pas d'activité inventive (article 56 CBE).
II. Avec son mémoire de recours, le demandeur (requérant) a déposé une requête principale et deux requêtes auxiliaires, semblables à celles sur lesquelles la décision de la division d'examen était basée, et a demandé la délivrance d'un brevet sur la base d'une de ces requêtes.
III. Dans une notification conformément à l'article 15(1) du Règlement de Procédure des Chambres de Recours (RPCR) accompagnant une convocation à procédure orale, la Chambre exprima son opinion provisoire que les revendications 1 et 6 de la requête principale et de la première requête auxiliaire, ainsi que les revendications 1 et 5 de la seconde requête auxiliaire ne semblaient pas inventives (article 56 CBE). Quelques objections de clarté furent aussi soulevées (article 84 CBE).
IV. En réponse, le requérant déposa une nouvelle requête principale et une nouvelle requête auxiliaire, destinées à remplacer les trois requêtes pendantes "en cas d'acceptation par la Chambre". Il fut expliqué par la suite par le requérant lors de la procédure orale que cette dernière formulation était à interpréter comme "en cas d'admission par la Chambre des deux nouvelles requêtes".
V. Par lettre du 28 novembre 2018, le mandataire du requérant requit l'enregistrement par l'Office européen des brevets de la société InterDigital CE Patent Holdings comme nouveau demandeur. Par fax en date du 29 novembre 2018, l'Office signala des irrégularités dans cette requête selon la règle 22 CBE et invita le requérant à y remédier.
VI. Une procédure orale a eu lieu le 30 novembre 2018 en présence du mandataire du requérant.
La Chambre exprima l'opinion que les documents produits avec la lettre du 28 novembre 2018 ne semblaient pas être suffisants pour prouver le transfert de la demande à la société InterDigital CE Patent Holdings. Le mandataire confirma qu'il représentait aussi le requérant initial (Thomson Licensing).
Les deux nouvelles requêtes (supra, point IV.) furent admises par la Chambre et remplacèrent donc les trois précédentes requêtes.
A la fin de la procédure orale, le président annonça la décision de la Chambre.
VII. La revendication 1 de la requête principale définit un "Procédé de navigation au sein d'un ensemble de documents Audio-Vidéo dans un récepteur muni d'un dispositif d'affichage, les documents Audio-Vidéo sont associés à des données descriptives comprenant des éléments de classification pour le classement des documents,
caractérisé en ce qu'il comporte les étapes :
a) détermination automatique d'un ensemble de travail au sein de l'ensemble des documents Audio-Vidéo, les documents de cet ensemble de travail possédant au moins un élément de classification commun avec un document courant initial, le nombre d'éléments de classification en commun étant calculé de façon à obtenir un nombre prédéterminé de documents dans l'ensemble de travail ;
b) détermination d'une pluralité de groupes au sein de l'ensemble de travail, contenant des documents, les éléments de classification des documents d'un même groupe présentent [sic] des similitudes (3.2, 3.3) ;
c) calcul, pour chaque groupe, d'une valeur exprimant la similitude entre le groupe contenant un document courant choisi par l'utilisateur et le groupe considéré (3.4) ;
d) affichage de tous les éléments du groupe courant contenant le document courant et de l'identificateur d'un autre groupe possédant la valeur de similitude la plus forte calculée à l'étape c), ainsi que des identificateurs d'autres groupes, la distance entre la position de l'identificateur de chaque autre groupe et de l'identificateur du document courant étant proportionnelle à la valeur de similitude calculée à l'étape c).[sic]
e) réception d'une commande de navigation pour changer de document courant (3.9) déclenchant une nouvelle exécution des étapes a), b) c) et d)."
VIII. La revendication 1 de la requête auxiliaire se fonde sur la revendication 1 de la nouvelle requête principale en précisant que "les groupes de documents apparaissent dans des formes rondes formant une ellipse ouverte, le groupe central étant affiché au premier plan".
IX. Les arguments du requérant, dans la mesure où ils sont pertinents pour la décision, sont discutés en détail ci-dessous.
Motifs de la décision
Transfert prétendu de la demande
1. Selon la règle 22(1) CBE le transfert d'une demande de brevet européen est inscrit au Registre européen des brevets à la requête de toute partie intéressée, sur production de documents prouvant ce transfert. Un transfert n'a d'effet à l'égard de l'Office que dans la mesure où ces documents lui ont été fournis et à partir de la date à laquelle ils ont été produits (règle 22(3) CBE).
À la date de la procédure orale dans le cas présent, l'Office n'avait pas enregistré la société InterDigital CE Patent Holdings comme nouveau demandeur. Dans une telle situation, la Chambre aurait pu accepter le transfert de la demande - et donc la transmission de la qualité de requérant - à cette société seulement s'il apparaissait clairement, à la lumière de documents produits, que ce transfert avait eu lieu (J 26/95, JO OEB 1999, 668, point 2 des motifs). Toutefois, cette condition n'est pas remplie parce que les documents produits avant la date de la procédure, considérés en tant que tels, ne sont pas suffisants à cet égard.
L'Exhibit A de la lettre du 28 novembre 2018 ("Recordable Confirmatory Patent Assignment") contient deux pages de signature ("Signature Pages"), chaque page authentifiée par un notaire. La première a été signée au nom du demandeur initial par une personne (Adrien Cadieux) sans aucune indication de sa fonction. Bien que les mots "Duly authorized" accompagnent le nom de cette personne dans le document, il n'y a aucune indication que le notaire concerné ait vérifié la capacité de ladite personne à signer le transfert. Tout au contraire, la capacité semble simplement avoir été confirmée par la personne elle-même ("[...], who proved to me on the basis of satisfactory evidence to be the person whose name is subscribed to the instrument and acknowledged to me that he/she executed the same in his/her authorized capacity [...]"). C'est donc à juste titre que, par fax le 29 novembre 2018, l'Office a signalé des irrégularités dans la requête selon la règle 22 CBE (v. supra, point V.) et a invité le demandeur initial à envoyer la preuve que M. Cadieux était habilité à signer des documents contraignants au nom du demandeur initial.
En outre, la deuxième page qui contient la signature du président (Timothy J. Berghuis) du prétendu nouveau demandeur n'indique pas la date de la signature et laisse complètement ouverte quand cette personne a comparu devant le notaire. On ne peut cependant pas exclure que la date de la signature ait une portée juridique concernant la validité du contrat.
Il en résulte que le prétendu transfert n'avait pas d'effet à la date de la procédure orale (voir règle 22(3) CBE). Étant donné que le mandataire a confirmé qu'il représentait aussi le requérant initial (Thomson Licensing), la Chambre a donc poursuivi la procédure avec celui-ci.
Recevabilité du recours
2. Le recours est conforme aux provisions énoncées dans la règle 101 CBE et est donc recevable.
L'invention
3. La demande concerne un procédé de navigation parmi des documents multimédias, en particulier des documents comprenant de l'audio et/ou de la vidéo. Des données descriptives, qui sont associées à ces documents multimédias, sont utilisées pour élaborer des menus susceptibles d'être affichés sur un écran de télévision, permettant ainsi de choisir les documents multimédias.
4. Les données descriptives peuvent être contenues dans les informations de service spécifiées dans la norme DVB-SI. Ces données sont stockées dans la base de données de la mémoire d'un récepteur et sont continuellement mises à jour. Par exemple, le navigateur (contenu dans une mémoire morte du récepteur) peut prendre en compte cinq types d'attributs contenus dans les données descriptives: la langue, le thème, le sous-thème, la source et le producteur. Le récepteur peut également prendre en compte le titre et le résumé qui sont contenus dans des champs identifiés de données descriptives.
5. A partir d'un ensemble de documents et de leurs attributs, il est possible de tracer un graphe où chaque document est représenté par un "document/point" dont les coordonnées sont {X1, X2, .., Xi} où "i" est le nombre d'attributs identifiables.
6. L'invention propose ainsi un procédé de navigation au sein d'un ensemble de documents multimédias dans un récepteur muni d'un dispositif d'affichage.
7. Une première étape de ce procédé utilise comme point de départ un document courant et détermine un ensemble de travail comprenant tous les documents possédant au moins un attribut en commun avec le document courant. Un perfectionnement consiste à faire varier le nombre d'attributs en commun de façon à se rapprocher d'un nombre prédéterminé de documents inclus dans cet ensemble de travail.
8. Il s'ensuit une étape de groupage ("clustering"). Cette étape ne tient plus compte du document courant (description telle que publiée à la page 11, lignes 12-14). A partir de l'ensemble de document/points correspondant aux documents de l'ensemble de travail, les zones de plus grande densité et les centres respectifs de ces zones sont déterminés par calcul. Le nombre d'éléments est limité à N par groupe (N=10 pour l'exemple de la Figure 2). Les distances entre le centre d'une zone et chaque document/point sont calculées, chaque groupe est alors formé en prenant les N document/points les plus proches du centre de chaque zone. La figure 2 montre trois groupes de documents/points circonscrits par des cercles de différentes tailles, contenant chacun N=10 éléments (description telle que publiée, à la page 10, lignes 10 à 18, et Figure 2, ainsi qu'à la page 11, lignes 11 à 18).
9. Dans l'étape suivante, un degré de similitude entre chaque groupe ainsi formé et le groupe contenant le document courant (= "groupe courant"), est calculé par le navigateur. Ceci peut être fait de deux façons (description, page 11, lignes 19 à 28).
10. Dans l'étape d'affichage, le navigateur affiche sur un écran le groupe courant et les groupes sélectionnés. Le fait que certains des groupes sélectionnés soient plus proches que d'autres (du groupe courant) est pris en compte. Ceci est illustré dans la Figure 4a reproduite ci-après.FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
10.1 Ici, les groupes de documents apparaissent dans des formes rondes, les cinq groupes formant une ellipse ouverte. Le navigateur affiche le groupe courant au premier plan au centre, deux groupes sélectionnés au second plan, et deux autres groupes sélectionnés en arrière plan. De cette manière, l'utilisateur réalisera que les deux groupes en arrière plan sont moins proches du groupe courant (selon le calcul effectué à l'étape précédente) que les deux groupes en second plan.
11. Le navigateur permet le changement du document courant par l'utilisateur. Dans ce cas, le navigateur reboucle à l'étape de la détermination de l'ensemble de travail (voir point 7 ci-dessus).
12. Ces principales étapes exécutées par le navigateur sont schématisées dans l'organigramme de la figure 3 reproduite ci-dessous.
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
Requête principale
Interprétation de la revendication 1
13. La revendication 1 de la requête principale (supra, point VII) essaie de définir un procédé de navigation ayant les étapes principales sus-mentionnées. Quelques observations préalables concernant son interprétation apparaissent utiles. En particulier, il s'ensuivra que plusieurs de ces caractéristiques doivent être comprises dans un sens plutôt large si on les interprète - pour le bénéfice du requérant - à la lumière de la description d'une façon qui est compatible avec les exigences des articles 84 (les revendications doivent se fonder sur la description) et 123(2) CBE (interdiction d'extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée).
14. La revendication 1 présuppose - sans qu'elle la définisse - une première étape de sélection d'un document courant (voir l'étape 3.1 de la figure 3 reproduite ci-dessus). La caractéristique a) de cette revendication mentionne (comme point de départ pour la détermination d'un ensemble de travail) un "document courant initial", et la caractéristique c) mentionne, elle, "un document courant choisi par l'utilisateur". Enfin la caractéristique e) définit qu'une commande de navigation permet de "changer de document courant" et de réitérer les étapes a) à d).
A la lecture de la revendication 1, l'homme de métier comprendra qu'au "lancement" du procédé, donc lors de la première exécution de l'étape a), un document peut être déjà initialisé comme document courant "initial" via une procédure non définie dans la revendication.
Par exemple, la demande telle que publiée, à la page 10, lignes 22 à 27, décrit qu"[A]u lancement (étape 3.1), le navigateur détermine le document courant. Ce document est par exemple, le dernier document sélectionné lors de la dernière mise hors fonction du navigateur. Si le navigateur était utilisé précédemment comme guide électronique de programme diffusé, le document courant au lancement est l'événement en cours de diffusion sur le dernier service sélectionné.".
L'homme de métier comprendra aussi qu'à l'étape e), lors du changement de document courant via la commande de navigation, le nouveau document courant obtenu, ou "sélectionné", devient le document courant "initial" de l'étape a).
Il s'ensuit que l'expression "un document courant choisi par l'utilisateur" de l'étape c) doit être entendue au sens large et englobe aussi la sélection faite par un utilisateur lors de la dernière mise hors fonction du navigateur, cet utilisateur n'étant pas nécessairement le même utilisateur qui - dans l'étape e) - effectue une commande de navigation pour changer de document courant.
Cela correspond à l'interprétation de l'expression "document courant initial" adoptée par la Chambre.
14.1 Il est utile de clarifier si la distance de l'étape d) doit être comprise comme une distance "mathématique" ou comme une distance telle que "plus proche que", "moins proche que", représentée approximativement à l'écran.
14.1.1 L'étape c) (correspondant à l'étape 3.4 de la Figure 3) précédant l'étape d) calcule, pour chaque groupe, une "valeur exprimant la similitude" entre le groupe contenant le document courant et le groupe considéré.
14.1.2 Dans la description telle que publiée, à la page 9, lignes 24 à 29, il est décrit que: "Les distances entre les documents/points sont d'autant plus faibles que la similarité entre leurs attributs est grande. [...] La valeur de distance est de toute façon inversement proportionnelle au degré de similarité des attributs.". De même la description, à la page 11, lignes 19 à 28 décrit: "A l'étape 3.4, le navigateur calcule le degré de similitude entre chaque groupe et le groupe contenant le document courant, ce dernier étant le « groupe courant ». Ce calcul permet de déterminer les groupes proches. La détermination peut s'effectuer de différentes manières. [...] Les groupes proches sont ceux pour lesquels les distances calculées sont les plus proches.".
14.1.3 Les figures 4a (reproduite ci-dessus, voir point 10), 4b et 4c montrent des exemples d'affichage selon l'invention. L'écran affiche toujours le groupe courant et quatre groupes proches. Dans ces trois exemples, une symétrie apparaît en ce que les quatre groupes (et leurs identificateurs) sont arrangés par paires : deux groupes semblent être toujours à la même distance du groupe courant (et de son identificateur). Cette impression est confirmée par le passage de la description à la page 12, lignes 11 à 14 : "Les deux groupes en arrière plan sont considérés moins proches (selon le calcul effectué à l'étape 3.4) que les deux groupes en second plan, c'est-à-dire que les documents qu'ils contiennent ont des attributs moins similaires que les deux premiers groupes." De plus, dans le paragraphe précédant (page 11, lignes 30 à 31), la description mentionne - après avoir indiqué que les quatre groupes les plus proches du document courant sont sélectionnés - que "[l]e fait que certains de ces groupes soient plus proches que d'autres sera pris en compte au niveau de l'affichage".
14.1.4 Il en résulte que selon la description et les figures telles que publiées la distance entre les groupes (et leurs identificateurs) dans l'étape d'affichage ne doit pas être entendue dans un sens "mathématique", mais telle que "plus proche" ou "moins proche". Donc, conformément à l'opinion du requérant telle qu'exprimée pendant la procédure orale, la Chambre interprète cette caractéristique de la revendication 1 à la lumière de la description et des Figures 4a, 4b et 4c.
Concernant l'activité inventive de la requête principale
15. La décision de la division d'examen a été rendue sur des requêtes comprenant chacune, inter alia, une revendication 1 pour un procédé de navigation. La revendication 1 de la seconde requête auxiliaire (qui était la plus limitée) comprenait toutes les caractéristiques de la revendication 1 de la requête principale actuelle (et une caractéristique additionnelle qui a été supprimée par le requérant pendant la procédure de recours). Parmi les deux documents cités au cours de la procédure d'examen, D1 a été considéré comme étant l'état de la technique le plus proche pour l'évaluation de l'activité inventive. La plupart des caractéristiques de la revendication 1 étaient considérées comme non-techniques. Néanmoins, la division a fait une comparaison de toutes les caractéristiques de la revendication 1 avec D1, dans un style quelque peu sténographique (c'est-à-dire sans explications détaillées). Parmi les différences identifiées, une seule a été reconnue comme ayant un effet technique. Le document D2 a été utilisé pour démontrer que la caractéristique concernant la représentation, lors de l'affichage, d'une similarité entre groupes par une proportionnalité de la distance entre les identificateurs de ces groupes avait déjà été décrite dans l'art antérieur.
16. La Chambre considère, comme la division d'examen l'a fait dans sa décision de rejet, le procédé décrit dans le document D1 comme étant l'état de la technique le plus proche de la revendication 1 (même s'il est plus détaillé que le procédé défini par celle-ci).
16.1 Concernant le préambule de la revendication 1, la Chambre note que D1 divulgue un procédé de navigation et de recherche parmi un ensemble de documents multimédias dans lequel les documents multimédias sont associés à des données descriptives ("multi-modal features", c'est-à-dire à une pluralité d'attributs dont la modalité représente le type de l'attribut) permettant de classer ces documents (paragraphes [0001], [0026] à [0028], [0036]). Par exemple, à la Table 1 de la page 4 de D1, les modalités "text", "hyperlink", "genre", "user info", et "image" (données à titre d'exemple) permettent de classer les documents comme comportant du texte, un hyperlink, une information sur leur genre, une ou des informations pour l'utilisateur, ainsi qu'une image. Ces données descriptives sont sous la forme d'un ensemble de vecteurs associé à chaque document, un vecteur représentant un attribut du document tel que du texte ou une indication d'URL par exemple (paragraphes [0026] et [0037]; Figure 1).
Le document D1 ne mentionne pas, contrairement au préambule de la revendication 1, que le procédé est effectué dans un récepteur, mais la Figure 1 représente une collection de documents 120 dont les vecteurs d'attribut 112 sont calculés par un processeur 122 qui a accès à la fois à la collection de documents 120 et un réseau de communication 124 tel que l'Internet par exemple. Les vecteurs d'attributs de chaque document sont enregistrés dans une base de données 126, où ils sont corrélés avec les documents auxquels ils correspondent (paragraphes [0037] et [0038]).
Concernant le dispositif d'affichage du préambule de la revendication 1 (et en rapport avec les caractéristiques d) et e) de la revendication 1), dans D1, un affichage avec des possibilités de navigation est présenté aux Figures 12 à 22.
16.1.1 Donc le document D1 décrit le préambule de la revendication 1, à l'exception du récepteur.
16.2 Dans D1, dans une étape de pré-traitement, les documents sont regroupés en groupes (ou "clusters") sur la base de chacun des attributs, potentiellement de différentes modalités, c'est-à-dire sont regroupés en groupes de documents eu égard à un attribut (par exemple "subject") d'une certaine modalité (dans ce cas "text")(paragraphe [0101]).
Pour rechercher des images par exemple, l'utilisateur commence par entrer une requête sous forme de texte (paragraphes [0102] à [0104]). Les groupes existants sont classés suivant leur similarité avec la requête, et les groupes les plus similaires (à la requête) sont retenus et peuvent être affichés. L'utilisateur sélectionne ensuite les groupes les plus similaires à son intérêt (parmi ces groupes affichés) (paragraphe [0102]).
L'ensemble de travail au sens de l'étape a) de la revendication 1 peut être considéré comme l'ensemble des documents contenus dans les groupes ainsi rendus les plus similaires à la requête de l'utilisateur. En effet, comme les groupes sont les plus similaires à cette requête, les documents de ces groupes possèdent au moins un élément de classification en commun avec la requête initiale.
La caractéristique a) de la revendication 1 est donc partiellement implicite à la vue de l'enseignement de D1, si ce n'est qu'une requête est entrée à la place d'un document (voir les différences 3 et 4 ci-dessous).
16.3 Dans D1, la méthode de "regroupement en grappes" ou "clustering" illustrée à la Figure 10 de D1 est appliquée. La distance considérée ici est la valeur de similarité (voir paragraphe [0080]). Dans D1 également, les images des clusters rendus (voir point 16.2) sont à nouveau soumis à un regroupement suivant une caractéristique sélectionnée (paragraphe [0102]).
Ceci correspond bien à l'étape b) de groupage de la demande décrite au point 8 ci-dessus, selon la similitude, ou similarité, calculée.
16.4 Donc le document D1 divulgue l'étape b) et une partie de l'étape c) de la revendication 1 comme suit :
c1) calcul, pour chaque groupe, d'une valeur exprimant la similitude entre le groupe contenant [deleted: un document courant] un attribut similaire à la requête choisie par l'utilisateur et le groupe considéré.
16.5 A chaque instant, l'utilisateur est libre de commencer une nouvelle recherche ou d'opérer sur l'ensemble des résultats en entrant une nouvelle requête (D1, paragraphe [0103]). Les nouveaux groupes sont affichés comme textes ou images représentatifs, selon la modalité (paragraphe [0104]). Ceci est aussi illustré aux paragraphes [0116] à [0118] en conjonction avec les Figures 12 et 13.
Ceci correspond, en partie, à l'étape e) de la revendication 1.
16.6 Il en résulte que la revendication 1 de la requête principale se distingue du contenu de D1 par les éléments suivants :
différence 1 : le procédé est effectué dans un récepteur ;
différence 2 : les documents multimédia sont spécifiquement des documents "Audio-Vidéo";
différence 3 : ce n'est pas un document courant qui est choisi par l'utilisateur pour le calcul des similitudes mais une requête initiale (ou un ensemble de résultats obtenus par une requête initiale);
différence 4 : le nombre d'éléments de classification en commun est calculé de façon à obtenir un nombre prédéterminé de documents dans l'ensemble de travail ;
différence 5 : d) affichage de tous les éléments du groupe courant contenant le document courant et de l'identificateur d'un autre groupe possédant la valeur de similitude la plus forte calculée à l'étape c), ainsi que des identificateurs d'autres groupes, la distance entre la position de l'identificateur de chaque autre groupe et de l'identificateur du document courant étant proportionnelle à la valeur de similitude calculée à l'étape c) ;
différence 6 : e) réception d'une commande de navigation pour changer de document courant déclenchant une nouvelle exécution des étapes a), b), c), et d) (la partie soulignée constitue une différence du procédé de D1 par rapport à la revendication 1).
16.7 La différence 1 n'interagit pas avec les autres différences. Comme les caractéristiques du récepteur, excepté son dispositif d'affichage, ne jouent apparemment pas de rôle direct dans le procédé de D1, l'homme de métier n'userait pas d'activité inventive en implémentant, selon ses besoins, ce procédé dans un récepteur. Ceci est d'autant plus apparent que le procédé de D1 utilise un processeur, une base de données, et un réseau de communication via lequel une pluralité de terminaux utilisateurs accède au système. La différence 1 est donc une alternative évidente pour l'homme de métier.
16.8 La différence 2 (si on considère que le terme "document Audio-Vidéo" est plus restreint que le terme "document multimédia") est évidente à la lecture du paragraphe [0020] de D1 qui mentionne que les ensembles de données considérés incluent les pages d'un site internet "World Wide Web". En effet, les sites internet contenaient à la date de priorité de D1 (1999) des documents Audio-Vidéos (voir D1, paragraphe [0013]).
16.9 En ce qui concerne la différence 3, le paragraphe [0113] et la Figure 14 de D1 proposent d'afficher trois images représentatives de trois sous-régions d'un cluster. Le paragraphe [0119] propose aussi de sélectionner, en cliquant sur des flèches, une "vue de centroïde" d'un cluster d'images ou les vues représentatives d'un sous-cluster. Il est bien connu, dans le domaine de la recherche automatique d'informations, que l'on peut utiliser une image comme requête initiale en lieu et place d'une recherche avec des mots clés.
L'homme de métier fera l'analogie entre une requête et un document courant sans faire preuve d'activité inventive et arrivera donc à la différence 3 qui est une alternative évidente.
16.10 Dans son mémoire de recours et lors de la procédure orale, le requérant a argumenté que l'effet technique associé à la différence 4 est la limitation du nombre de documents pour lesquels des calculs complexes vont par la suite être appliqués. En effet, les puissances de calcul des processeurs n'étaient pas les mêmes à la date de l'invention qu'aujourd'hui.
16.10.1 La Chambre est de l'avis que la réduction de la complexité calculatoire peut être un but technique, dans un récepteur en particulier, mais réduire le nombre de documents considérés avant le calcul des similitudes est une option évidente pour l'homme de métier. De plus, cette dernière solution ne peut être considérée comme technique. Aussi, ajuster le nombre d'attributs que les documents de l'ensemble de travail doivent avoir en commun avec le document courant, ceci afin de réduire le nombre de documents de l'ensemble de travail, est une alternative évidente pour l'homme de métier. Le requérant a argumenté qu'une autre alternative serait de limiter tout simplement le nombre de documents en sélectionnant de façon aléatoire un nombre prédéterminé de documents ayant au moins un élément de classification commun avec le document courant. Ceci n'est pas contesté par la Chambre, mais néanmoins cette autre alternative d'ajuster le nombre d'attributs en commun des documents de l'ensemble de travail avec le document courant est évidente pour l'homme de métier.
16.11 Concernant la différence 6, la Chambre note d'abord que les paragraphes mentionnés au point 16.9 montrent que dans D1 une commande de navigation parmi les différentes vues représentatives d'un sous-cluster est offerte. De plus, paragraphe [0103] divulgue explicitement que l'utilisateur peut commencer une nouvelle recherche ou formuler une nouvelle requête sur la base des résultats des requêtes antérieures.
16.12 Concernant la différence 5, correspondant à la caractéristique d'affichage d) de la revendication 1, la Chambre note que les caractéristiques de certaines interfaces utilisateur graphiques qui constituent une "présentation d'informations en tant que telle" sont non-techniques (article 52(2)(d) CBE) (voir T 1143/06 du 1**(er) avril 2009, T 1741/08 du 2 août 2012 et T 1214/09 du 18 juillet 2014).
16.12.1 Les caractéristiques concernant le design graphique d'interfaces utilisateur n'ont pas d'effet technique parce que leur design n'est pas basé sur des considérations techniques, mais sur des considérations générales intellectuelles concernant quel design est particulièrement parlant pour l'utilisateur. Par exemple, la couleur, la forme, la taille, le layout, l'arrangement d'éléments sur l'écran ou le contenu d'informations d'un message affiché n'est normalement pas un aspect technique d'une interface graphique utilisateur. Une exception serait que ces caractéristiques contribuent à atteindre un effet technique particulier (T 1143/06, T 1741/08).
16.12.2 Dans sa réponse à la notification, le requérant a argumenté que les caractéristiques de la différence 5 autorisaient "une navigation rapide et efficace dans un ensemble volumineux de documents Audio-Vidéo pour offrir une sélection pertinente d'un document par l'utilisateur".
16.12.3 La Chambre souligne tout d'abord que le nombre de documents est réduit, dès le début du procédé de la revendication 1, lors de l'étape a) de détermination d'un ensemble de travail. De plus, cette détermination de l'ensemble de travail nécessite de parcourir toute la base de données afin de déterminer les documents possédant au moins un élément de classification en commun avec le document courant initial.
16.12.4 Le requérant a argumenté que c'est le temps d'interaction de l'utilisateur avec l'interface utilisateur ou avec le navigateur qui était réduit.
16.12.5 Il poursuivit qu'en aucun cas la perception propre à un utilisateur n'intervenait dans la sélection d'un document selon la méthode de la revendication 1. Il demeurait techniquement incontestable que naviguer et sélectionner un document identifié parmi un ensemble de documents affichés sur un écran s'avérait impossible dès lors que le nombre de documents affichés était très élevé. Une telle constatation n'était en rien liée à une perception personnelle d'un utilisateur, mais bien à l'impossibilité technique d'afficher et/ou de distinguer tous les identificateurs d'un ensemble vaste de documents affichés sur un écran donné (ceci étant d'autant plus vrai que la taille de l'écran est petite). Lorsque le nombre d'identificateurs est important, les identificateurs apparaissent comme des amas compacts qui empêchent la sélection d'un document particulier à l'aide d'une souris, d'une télécommande ou d'un doigt. Il argumenta aussi que "dans l'hypothèse (discutable) où ces caractéristiques rentreraient dans le domaine d'une présentation d'informations, elles participent néanmoins à la production d'un effet technique (à savoir permettre la navigation en vue d'une sélection d'un document parmi un ensemble dense de documents identifiés sur un écran) aidant de façon réelle l'utilisateur à effectuer une tâche technique (conformément aux exigences des Directives G-II, 3.7). Aucune préférence ou intérêt subjectif n'est ici considéré ou introduit par les caractéristiques de la présente revendication 1. La navigation et la sélection d'un document pertinent permise par la revendication 1 ne dépend nullement de facteurs psychologiques ou d'autres facteurs subjectifs."
16.12.6 Ainsi, selon le requérant, le problème technique découlant des caractéristiques de la différence 5 reviendrait à déterminer comment permettre la navigation dans une base de données et la sélection pertinente, efficace et rapide par un utilisateur, d'un document appartenant à un ensemble volumineux de documents identifiés, par exemple des films, comme rappelé dans la description à la page 1, lignes 24 à 30, de la demande telle que publiée.
16.12.7 Par ailleurs, le requérant a argumenté qu'il était à noter que, en ce qui concerne la différence 5, "la distance entre la position de l'identificateur de chaque groupe et de l'identificateur du document courant permet de retranscrire visuellement la valeur du paramètre calculé de similarité, de manière à permettre une navigation performante dans des groupes de documents considérés comme pertinents appartenant à un ensemble dense de documents pour aboutir à la sélection d'un document pertinent". Cette retranscription visuelle du paramètre de similarité entre groupes serait une information technique qui permettrait de façon crédible à l'utilisateur d'utiliser correctement le système de navigation pour sélectionner un document pertinent d'un ensemble vaste de documents. La navigation serait accélérée car l'utilisateur serait informé des documents pertinents lui épargnant une navigation aléatoire au sein de l'ensemble dense de documents. La sélection d'un document Audio-Vidéo serait ainsi plus efficace et plus rapide. L'affichage de la distance pour traduire une similarité guiderait l'utilisateur afin qu'il effectue une sélection à la fois plus rapidement et plus efficacement, en évitant des "allers/retours" dans le menu et en diminuant donc le temps d'interaction de l'utilisateur avec le navigateur, tout en améliorant la lisibilité des informations affichées à l'écran.
16.12.8 Or la Chambre ne le juge pas crédible qu'un procédé selon la revendication 1 ait en général un tel effet de réduction du temps d'interaction de l'utilisateur avec le navigateur. En effet, le nombre d'identificateurs d'autres groupes affichés à l'étape d) n'est nullement limité. L'affichage d'amas d'identificateurs n'est donc pas exclu par la revendication 1. Quand bien même le nombre d'identificateurs d'autres groupes était limité à un certain nombre de groupes les plus proches du groupe courant, l'affichage de l'étape d) constituerait en fait une information "non-technique" qui serait exclusivement dédiée aux activités mentales de l'utilisateur du procédé de navigation dans un récepteur muni d'un dispositif d'affichage comme destinataire final de cette information.
16.12.9 Lors du "lancement" du procédé, le document courant peut être déterminé comme le dernier document sélectionné lors de la dernière mise hors fonction du navigateur ou l'évènement en cours de diffusion sur le dernier service sélectionné (page 10, lignes 20 à 27 de la demande telle que publiée). La détermination de l'ensemble de travail consiste à choisir un ensemble de travail correspondant aux documents ayant par exemple au moins deux attributs en commun avec le dernier document sélectionné lors de la dernière mise hors fonction du navigateur. Un affichage comme illustré aux Figures 4a à 4c (ou 5a à 5c) est présenté à l'utilisateur actuel du récepteur, utilisateur qui peut être différent du précédent utilisateur.
16.12.10 Par exemple, si le dernier utilisateur a regardé auparavant le film "Les dents de la mer", il est alors affiché à l'écran des films similaires ("Il était une fois dans l'Ouest", "Terreur", et "E.T.") dans un premier groupe (le groupe "courant") ainsi qu'un second groupe portant le nom du réalisateur de ce film (Steven Spielberg), un troisième groupe portant le nom d'un sujet abordé dans le film ("Requins"), un quatrième groupe portant le nom du genre de ce film ("Horreur") et un cinquième groupe portant l'identificateur "Anglais", probablement faisant référence à la langue originale de ce film. Ainsi, l'utilisateur peut directement naviguer dans des groupes de films similaires, du même réalisateur, sur le même sujet, du même genre, et dans la même langue originale que le film précédent. Mais ceci ne correspond pas forcément aux préférences de l'utilisateur actuel, ni d'ailleurs aux préférences de l'utilisateur précédent à ce moment précis. A partir d'un document courant sélectionné via une commande de navigation, les groupes de documents présentés vont être rafraîchis. Il n'est pas apparent du procédé de la revendication 1 que l'utilisateur actuel puisse facilement sortir de ces groupes et choisir un document courant hors de ces groupes, avec peu d'interactions avec l'interface utilisateur (voir description telle que publiée, de la page 12, ligne 26, à la page 13, ligne 9).
16.13 En outre, dans son mémoire de recours, le requérant a argumenté que la distance prise en compte à l'étape d) présente une signification physique puisqu'elle retranscrit visuellement la valeur d'un paramètre technique calculée, c'est-à-dire "la proximité en termes de contenu des groupes par rapport au groupe contenant le document courant choisi par l'utilisateur". La Chambre n'est pas convaincue que "la proximité en termes de contenu des groupes par rapport au groupe contenant le document courant choisi par l'utilisateur" soit un paramètre technique.
16.14 De plus, la représentation visuelle d'une valeur de paramètre technique pourrait être considérée comme technique dans la mesure où elle inférerait une information sur l'opération (correcte ou non) d'un système technique sous-jacent, comme un réacteur nucléaire par exemple, information permettant à l'opérateur d'influer sur cette opération. L'information présentée lors de l'affichage selon la différence 5 ne constitue pas une "information technique" qui permette à l'utilisateur d'opérer, correctement de préférence, un système technique sous-jacent. Ici, la représentation visuelle permet à l'utilisateur une évaluation de la similarité des documents Audio-Vidéo, évaluation qui est subjective, et donc non-technique.
16.15 Lors de la procédure orale, la Chambre a expliqué qu'elle considérait le but de la navigation selon le procédé revendiqué dans un ensemble (vaste) de documents comme non-technique. Si l'utilisateur changeait entre la mise hors-fonction du navigateur et sa remise en route, les groupes affichés ne correspondraient pas nécessairement aux intérêts (par exemple à la langue préférée) du nouvel utilisateur (voir point 16.12.10 ci-dessus).
16.16 Certes, le design d'une interface graphique utilisateur pourrait être technique s'il était considéré comme jouant un rôle dans le procédé technique de la recherche rapide et efficace de documents dans un système multimédia. Ceci n'est pas apparent de la présente demande. Dans son mémoire de recours, le requérant a par ailleurs argumenté que l'effet technique associé à l'étape de détermination d'un ensemble de travail est l'accélération du traitement des documents effectués par le navigateur. Il n'est pas apparent pour la Chambre quel traitement des documents est considéré ici par le requérant, en l'occurrence s'il s'agit du regroupement de documents en différents groupes ou d'un autre traitement. La Chambre n'est pas convaincue que l'accélération d'un regroupement de documents en différents groupes soit un effet technique. La classification de documents en groupes basée sur des critères linguistiques, sémantiques ou cognitifs n'est pas considérée comme technique par la Chambre.
16.16.1 Lors de la procédure orale, le requérant a argumenté que la tâche technique, ou le traitement considéré, était la sélection d'un document. La sélection d'un document n'est cependant pas considérée comme un but technique par la Chambre.
16.16.2 De plus, selon le requérant, ce n'est pas le contenu cognitif qui est utilisé mais une information claire et lisible présentée à l'écran.
Or, il n'est pas exclu de la revendication 1 que les "données descriptives" ou les "éléments de classifications" ne soient simplement chacun des données sémantiques ou cognitives qui n'ont en soi pas de caractère technique. Ceci est aussi confirmé par la description de la page 7, ligne 7, à la page 8, ligne 16 ("contenu sémantique précis").
16.17 Donc, l'affichage de l'étape d) constitue pour la Chambre la présentation sur un écran d'une information "non-technique" qui est exclusivement dédiée aux activités mentales de l'utilisateur du système comme destinataire final de cette information. En effet, cela permet à l'utilisateur de visualiser des groupes de documents, autres que le groupe contenant un document sélectionné par l'utilisateur, ou par un utilisateur précédent, mais similaires à ce document sélectionné par l'utilisateur, avec en sus une indication visuelle de leur similarité.
16.18 Concernant les arguments du requérant exposés dans son mémoire de recours, il est reconnu par la Chambre que des documents multimédias peuvent être considérés comme étant des "éléments techniques" s'ils permettent ou produisent par exemple l'exécution d'étapes techniques.
Un document multimédia comportant des données d'audio et de vidéo peut être reproduit par un appareil de reproduction adapté, et en ce sens comporte une technicité tout comme un support d'enregistrement. Mais la classification de documents Audio-Vidéo en différents groupes ne contribue pas à la solution d'un problème technique.
16.19 Le requérant s'est référé à la décision T 643/00 du 16 octobre 2003. En effet, dans la décision T 643/00, au point 6 des raisons, la Chambre a conclu que l'invention était le résultat de l'idée de rendre le processus de recherche plus facile à l'utilisateur, qui avait, de façon conventionnelle, à passer "au peigne fin" les images une à une à l'écran, à une haute résolution, de façon à sélectionner une image particulière de sortie. Ce but était atteint en arrangeant la pluralité d'images côte-à-côte, à une basse résolution, et en fournissant un affichage hiérarchique à une résolution plus haute, si bien qu'une évaluation complète ainsi qu'un contrôle rapide de détails étaient possible. Cette invention contribuait à la solution technique d'un problème technique de la recherche efficace, de l'extraction, et de l'évaluation d'images stockées dans un appareil de traitement d'images (voir point 17 des raisons).
Or la situation ici est différente car le contenu affiché n'est pas une image à plus basse résolution mais un contenu sémantique: les titres des éléments du groupe courant et les identificateurs, cognitifs ou sémantiques, d'autres groupes (voir Figures 4a à 4c, 5a à 5c).
16.20 Le but du procédé selon la revendication 1 est de recommander des documents semblables à un document courant. Alors, le procédé utilise un nombre prédéterminé de documents ayant au moins un élément de classification en commun avec un document courant et affiche des groupes de documents proches du groupe courant. La Chambre a expliqué, pendant la procédure orale, que ceci conviendrait à un utilisateur ayant un esprit "inductif". Par contre, un utilisateur ayant un esprit "déductif" préférera sans doute voir un affichage avec les grandes catégories, par exemple tous les genres (ou "sous-thèmes" dans la demande) de films (comme aventure, drame, érotique, policier, fiction, etc...) puis des branches (comme les auteurs) et sous-branches. Ce choix relève donc bien de la subjectivité de l'utilisateur.
16.21 La revendication 1 de la requête principale n'est donc pas considérée par la Chambre comme inventive (article 56 CBE).
Généralisation intermédiaire et manque d'activité inventive de la requête auxiliaire
17. La requête auxiliaire se fonde sur la nouvelle requête principale en précisant que "les groupes de documents apparaissent dans des formes rondes formant une ellipse ouverte, le groupe central étant affiché au premier plan".
17.1 La modification de la requête auxiliaire par rapport à la requête principale est basée, selon le requérant, sur la description de la présente demande telle que déposée, à la page 11, lignes 1 à 5 (correspondant à la description, à la page 12, lignes 5 à 9 telle que publiée). Or le passage correspondant décrit que "Les groupes de documents apparaissent dans des formes rondes, les cinq groupes formant une ellipse ouverte. L'écran affiche toujours le même nombre prédéterminé de groupe[s], cinq selon le présent exemple. Le groupe central est au premier plan au centre, les quatre groupes proches sont de chaque côté du groupe central. Tous les documents du groupe central sont indiqués [...]" (soulignements par la Chambre).
Par exemple, à la Figure 4a reproduite ci-dessus au point 10, il semble que les deux groupes de documents représentés par "Spielberg" et "Requins" soient plus proches que les deux groupes de documents représentés par "Horreur" et "Anglais" du groupe central affichant "Il était une fois dans l'Ouest", "Les dents de la Mer", "Terreur" et "E.T.".
17.2 Ainsi la caractéristique que les groupes proches sont de chaque côté du groupe central, lui-même étant au centre, a été omise, constituant ainsi une généralisation intermédiaire contraire aux exigences de l'article 123(2) CBE.
18. L'effet de la caractéristique extraite et ajoutée à la revendication 1 de la (nouvelle) requête auxiliaire est l'affichage des groupes de documents "pour faciliter la navigation de l'utilisateur au sein des groupes", ainsi qu'argumenté par le requérant. Mais cet effet n'est pas considéré comme technique par la Chambre.
18.1 Le requérant a argumenté que cela permettait d'apporter "un effet visuel tridimensionnel aux formes représentant des groupes de documents" (voir aussi la description telle que publiée à la page 13, lignes 12 à 14). Cet effet permettrait à l'utilisateur une "immersion" dans l'ensemble des groupes présentés.
Selon la Chambre, l'utilisateur n'a ici la possibilité que de changer de document courant via une "commande de navigation", et si un effet d'"immersion" était présent, cela ne serait que pour faciliter la navigation de l'utilisateur.
18.2 Les caractéristiques ajoutées à la nouvelle requête auxiliaire ne sont pas considérées par la Chambre comme techniques étant la présentation d'informations en tant que telle (article 52(2)d) et (3) CBE) et ne contribuent à aucun effet technique.
18.3 La revendication 1 de la requête auxiliaire n'est donc pas considérée par la Chambre comme inventive (article 56 CBE).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.