T 0548/14 () of 6.10.2017

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2017:T054814.20171006
Date de la décision : 06 Octobre 2017
Numéro de l'affaire : T 0548/14
Numéro de la demande : 07108771.2
Classe de la CIB : G04B 17/28
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Mouvement horloger comprenant un carrousel
Nom du demandeur : Blancpain S. A.
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.5.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Activité inventive - après modification
Activité inventive - modification non évidente
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante a formé un recours, reçu le 16 octobre 2013, contre la décision de la division d'examen de rejeter la demande de brevet européen n° 07108771.2. Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 3 février 2014.

II. Avec son mémoire de recours, la requérante déposa une requête principale, dont les revendications étaient identiques à celles qui furent l'objet de la décision contestée, ainsi qu'une requête subsidiaire.

III. La division d'examen avait estimé que l'objet de la revendication 1 n'impliquait pas d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE eu égard à la combinaison des documents

D1 : CH 7 965 A ou

D4 : P.Augereau & al. "Etude comparative entre le tourbillon Breguet et le carrousel du danois Bonniksen" Jahrbuch der deutschen Gesellschaft für Chronometrie, Deutsche Gesellschaft für Chronometrie, Vol.47 1er janvier 1996, pages 179 à 182 ISSN 0373-7616 (XP000641599), avec

D2 : WO 2006/056229 A1, ou vis-versa.

IV. Au moyen d'une annexe à la citation à comparaître en procédure orale émise le 15 mai 2017, la chambre indiqua qu'elle tendait à suivre le raisonnement de la division d'examen.

V. Par une lettre datée du 27 juillet 2017, la requérante retira les requêtes principale et subsidiaire déposées avec les motifs de recours et requit la délivrance d'un brevet à la base d'une nouvelle et unique requête soumise avec cette lettre.

VI. La procédure orale prévue pour le 8 septembre 2017 fut annulée le 6 septembre 2017, et la requérante informée par téléphone le 8 septembre du besoin d'adapter la description au nouveau jeu de revendications.

VII. Avec une lettre datée du 8 septembre 2017, la requérante déposa une nouvelle description comprenant de nouvelles pages 1 à 8.

VIII. La revendication 1 s'énonce comme suit:

"Mouvement horloger comportant un barillet, un échappement comprenant une roue et un pignon d'échappement (27, 25), un balancier (19) et un rouage prévu pour transmettre de l'énergie emmagasinée dans le barillet à la roue d'échappement, ledit rouage comportant une roue intermédiaire (23) reliée cinématiquement au barillet par une première partie du rouage et engrenant directement avec le pignon d'échappement (25), l'échappement (25, 27) et le balancier (19) étant montés dans une cage rotative (16) de carrousel reliée cinématiquement au mouvement et prévue pour tourner coaxialement autour de ladite roue intermédiaire (23), la première partie du rouage comprenant un pignon de moyenne (7) relié par une chaîne cinématique à la cage (16), caractérisé en ce que la chaîne cinématique est formée, dans cet ordre, d'une roue de moyenne (9) solidaire en rotation du pignon de moyenne (7), d'un mobile de seconde inter (11,13), d'un renvoi (15), et d'une roue de carrousel (17) solidaire en rotation de la cage (16), le mobile (11,13) et le renvoi étant tous deux excentrés par rapport à la cage (16), et en ce que le mouvement est prévu pour imposer une vitesse d'un tour par minute à la cage (16) et pour imposer une vitesse différente d'un tour par minute à la roue intermédiaire."

Les revendications 2 à 7 sont dépendantes de la revendication 1.

IX. La requérante fait valoir que les caractéristiques ajoutées à la revendication 1 de sa dernière requête sont supportées notamment par les figures 2 et 4 de la demande telle que déposée. À la figure 2, on voit que la première partie de rouage est formée par, dans cet ordre, la roue de centre 3, le pignon de moyenne 7 et la roue de moyenne 9. À la figure 4, on voit que la chaîne cinématique est formée par, dans cet ordre, la roue de moyenne 9, le pignon de seconde 11, la roue de seconde 13, le mobile intermédiaire 15 et la roue de carrousel 17.

Selon la requérante, les documents D1 et D4, qui décrivent tous deux un carrousel, peuvent chacun être considérés comme l'art antérieur le plus proche. L'objet de la revendication 1 se distingue de chacun de ces documents, en particulier, par le fait que le mouvement est prévu pour imposer une vitesse d'un tour par minute à la cage du carrousel. Il devient alors possible d'utiliser la cage pour porter les moyens indicateurs des secondes. Partant de D1, le problème technique à résoudre peut donc être considéré comme celui de rendre possible l'indication de la seconde au moyen de la cage rotative de carrousel.

Dans D1, il existe une chaîne cinématique entre le pignon de moyenne G et la cage F, cette chaîne étant formée par la roue D et le pivot B, tous deux coaxiaux avec la cage F. Inspiré de D2, l'homme du métier aurait pu chercher à résoudre le problème technique: comment utiliser la cage du carrousel comme moyen d'affichage de la seconde et imposer une vitesse d'un tour par minute à la cage F de Dl? La solution ne va pas de soi, car la roue de seconde des carrousels de l'art antérieur accomplit également un tour par minute. Or, si la roue de seconde et la cage tournaient à la même vitesse, la roue d'échappement ne serait pas entraînée, et la montre ne fonctionnerait pas.

De plus, au vu de D1 ou D4, l'homme du métier n'aurait pas été incité à réutiliser la roue de moyenne H, solidaire du pignon de moyenne G et déjà utilisée pour faire tourner la roue intermédiaire C, pour créer une nouvelle chaîne cinématique d'entraînement de la cage F telle que revendiquée. L'homme du métier n'aurait pas non plus été incité à insérer dans ladite chaîne un mobile de seconde inter et un renvoi excentrés par rapport à la cage F. Il ne serait donc pas arrivé à la solution proposée dans la revendication 1. La nouvelle revendication 1 implique donc une activité inventive eu égard à la combinaison des documents D1 ou D4 avec D2.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Article 123(2) CBE

La revendication 1 reprend les caractéristiques de la revendication 1 telle que déposée dans lesquelles la seconde partie du rouage reliant cinématiquement la roue intermédiaire (23) et la roue d'échappement est définie et remplacée par l'expression "roue intermédiaire...engrenant directement avec le pignon d'échappement". Cette définition est dévoilée originalement à la page 5, lignes 22 à 24 de la demande en combinaison avec la figure 2.

Les caractéristiques supplémentaires

- la première partie du rouage comprenant un pignon de moyenne (7) relié par une chaîne cinématique à la cage (16), et

- la chaîne cinématique est formée, dans cet ordre, d'une roue de moyenne (9) solidaire en rotation du pignon de moyenne (7), d'un mobile de seconde inter (11,13), d'un renvoi (15), et d'une roue de carrousel (17) solidaire en rotation de la cage (16), le mobile (11,13) et le renvoi étant tous deux excentrés par rapport à la cage (16)

sont supportées par le troisième paragraphe de la page 5, respectivement le dernier paragraphe de la page 4 de la demande en combinaison, respectivement, avec les figures 2 et 4.

La nouvelle revendication satisfait donc aux conditions de l'article 123(2) CBE.

3. Articles 54 et 56 CBE

3.1 La division d'examen en accord avec la requérante considéra le document D1 comme représentant l'état de la technique le plus proche. D1 est une publication d'un brevet helvétique délivré à M. B.Bonniksen. Le document D1 mentionne que la roue intermédiaire C entraîne l'échappement (non représenté) de manière connue (voir aussi le résumé de D1 à la page 1, lignes 16 à 18 de la demande originale). Il est donc implicite que la roue de seconde (ou roue intermédiaire) C entraîne de manière connue le pignon d'échappement, puisque la roue d'échappement n'est pas destinée à être entraînée par une autre roue. Il s'en suit également que l'échappement et le balancier sont nécessairement montés dans la cage rotative F, laquelle est reliée cinématiquement au mouvement et tourne coaxialement autour de la roue intermédiaire C, tels que représentés à la figure 2 de la page 180 du document D4, qui décrit le carrousel de Bonniksen plus avant.

La roue de seconde C ainsi que la cage rotative F, visibles sur la figure 1 du document D1 (lequel est cité et discuté aux pages 2 et 3 de la demande), peuvent donc être vues respectivement comme la roue intermédiaire 23 et la cage 16 rotative mentionnées dans la revendication 1. La roue intermédiaire C est implicitement reliée cinématiquement au barillet par une première partie du rouage comprenant le pignon G de moyenne.

3.2 L'objet de la revendication 1 diffère donc du carrousel de Bonniksen décrit dans D1 ou D4, en ce que

- le pignon de moyenne (7) est relié par une chaîne cinématique à la cage (16),

- laquelle chaîne cinématique est formée, dans cet ordre, d'une roue de moyenne (9) solidaire en rotation du pignon de moyenne (7), d'un mobile de seconde inter (11,13), d'un renvoi (15), et d'une roue de carrousel (17) solidaire en rotation de la cage (16), le mobile (11,13) et le renvoi étant tous deux excentrés par rapport à la cage (16), et en ce que

- "le mouvement est prévu pour imposer une vitesse d'un tour par minute à la cage (16) et pour imposer une vitesse différente d'un tour par minute à la roue intermédiaire" (voir partie caractérisante de la revendication 1).

L'objet de la revendication 1 n'est donc pas connu de D1 ni de D4.

Puisque, comme l'a reconnu la division d'examen dans sa décision, le pignon d'échappement de D2 est fixe, D2 décrit un tourbillon et non un carrousel. L'objet de la revendication 1 n'est donc pas non plus connu de D2.

L'objet des revendications est donc nouveau au sens de l'article 54 CBE.

3.3 Partant de D1, l'homme du métier, voulant appliquer l'idée connue de D2 d'utiliser la cage rotative comme indicateur de seconde, pourrait être tenté de recalculer les rouages d'entraînement du dispositif connu de D1 de façon à ce que la cage rotative F de D1 effectuât un tour par minute et la roue intermédiaire C tournât à une vitesse différente de 1 tr/min. En effet, selon le paragraphe de la dernière page de la demande, un homme du métier n'exercerait pas d'activité inventive en redéfinissant la vitesse de la roue intermédiaire. Ce paragraphe récite entre autres que "l'homme du métier ne rencontrera pas de problèmes pour réaliser ces variantes de carrousels" et qu' "il sait fabriquer des balanciers et ou des échappements permettant de réguler la rotation d'une roue à des vitesses quelconques".

3.4 Cependant dans D1 ou D4 comme dans l'invention, c'est le pignon de moyenne appartenant à la première partie du rouage entraîné par la roue de centre portant l'indication des minutes (voir roue A sur la figure 2 de D4) et tournant à la vitesse d'un tour/heure, qui transmet l'énergie emmagasinée dans le barillet, d'une part à la roue intermédiaire (roue D de D1 ou roue 23 de l'invention) par l'intermédiaire du pignon associé à celle-ci, et d'autre part à la cage de carrousel rotative.

La roue de centre portant les moyens indicateurs des minutes, la vitesse de la cage de carrousel destinée à porter les moyens indicateurs des secondes devrait être multipliée par 60 par rapport à la vitesse de la roue de centre au moyen du seul pignon de moyenne. Le diamètre du pignon de moyenne rejoindrait alors vraisemblablement celui de la roue de moyenne et la cage devrait être munie d'une roue semblable au pignon de la roue intermédiaire. Il s'en suivrait, ainsi que le fait valoir la requérante, et tel qu'indiqué aux lignes 5 et 6 de la page 3 de la description, que les vitesses de rotation de la roue intermédiaire et de la cage de carrousel deviendraient identiques ou très proches, et que le mécanisme ne fonctionnerait alors pas. Il est aussi improbable que des tailles légèrement différentes eussent conduit à un fonctionnement satisfaisant.

3.5 Le simple recalcul des rouages d'entraînement du dispositif connu de D1 de façon à ce que la cage rotative F de D1 effectuât un tour par minute (tr/min) et la roue intermédiaire C tournât à une vitesse différente de 1 tr/min n'apparaît donc pas comme la seule mesure permettant de résoudre le problème posé, à savoir, utiliser la cage rotative d'un mouvement d'horlogerie de type carrousel pour indiquer les secondes.

3.6 Partant de D1 ou D4 et en connaissance de D2, l'homme du métier serait donc amené à modifier l'une ou l'autre partie, ou les deux parties, du rouage d'entraînement. Rien dans la combinaison des documents D1 ou D4 avec D2 ne suggère à l'homme du métier de développer, entre le pignon G de moyenne correspondant au pignon 7 de l'invention et la roue D de la cage de carrousel F de D1, une chaîne cinématique telle que définie dans la revendication 1 et dont les caractéristiques sont répétées au point 3.2 ci-dessus.

3.7 L'introduction de cette chaîne cinématique permet de fournir un mouvement horloger équipé d'un carrousel qui présente les mêmes qualités esthétiques qu'un tourbillon, le tourbillon étant, pour les horlogers et collectionneurs, plus agréable à regarder (voir dernier paragraphe de la page 2 de la description telle que déposée). Dans un tourbillon, tel que décrit par exemple à la figure 1 de D4, la cage C tourne d'un tour par minute par rapport à la roue de seconde qui est un planétaire fixe.

3.8 Grâce à l'introduction selon l'invention de la chaîne cinématique excentrée entre le pignon de moyenne et la cage rotative, le différentiel entre les vitesses de rotation de la cage de carrousel et de la roue de fausse seconde entraînant l'échappement peut être choisi égal à 1 tour/minute. Il devient alors également possible d'utiliser un balancier et un échappement standard fonctionnant à la même fréquence que dans un mouvement horloger classique (voir dernier paragraphe de la page 6 de la description telle que déposée).

3.9 Au vu des avantages susmentionnés, la chambre conclut que le choix de cette chaîne cinématique, et par conséquent l'invention qui fait l'objet de la revendication 1, ne découlent pas à l'évidence de l'état de la technique tel que décrit dans D1 ou D4. L'invention telle que revendiquée implique donc une activité inventive au sens de l'article 56 CBE, et il peut être fait droit au recours de la demanderesse.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de délivrer un brevet dans la version suivante:

- description, pages 1 à 8 produites avec la lettre du 8 septembre 2017;

- revendications 1 à 7 produites avec la lettre du 27 juillet 2017;

- figures 1 à 7 telles que déposées originalement.

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