T 0443/14 (COMPOSITION DE TRAITEMENT DES MATIERES KERATINIQUES/L'OREAL) of 18.10.2017

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2017:T044314.20171018
Date de la décision : 18 Octobre 2017
Numéro de l'affaire : T 0443/14
Numéro de la demande : 02700360.7
Classe de la CIB : A61Q 17/04
A61K 8/46
A61K 8/68
A61K 8/81
A61K 8/891
A61Q 5/12
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 550 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : COMPOSITION DE TRAITEMENT DES MATIERES KERATINIQUES COMPRENANT UN POLYMERE POLY(ALKYL) VINYLLACTAME CATIONIQUE ET UN AGENT CONDITIONNEUR
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Henkel AG & Co. KGaA
ISP INVESTMENTS LLC
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Nouveauté - (oui)
Activité inventive - (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (propriétaire du brevet) a introduit un recours contre la décision de révocation du brevet européen n°1 357 884.

II. Une opposition avait été formée par les intimés I et II (opposants 1 et 2 respectivement) en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité notamment pour manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100 (a) CBE) en se basant, entre autres, sur les documents

(1) WO-A-00/68282,

(2) Présentation « ACP-1234 » par la société ISP,

(3) US-A-4536390 et

(4) WO-A-95/24882.

Selon la division d'opposition, l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré était nouveau par rapport au document (2) car le tensioactif cocamidopropyl bétaïne était un tensioactif amphotère et non un tensioactif cationique comme requis par la revendication 1 du brevet litigieux. L'état de la technique le plus proche de l'invention était le document (1) qui divulguait un polymère poly(alkyl)vinyllactame cationique requis par la revendication 1 du brevet litigieux dans des compositions pour le soin des cheveux. Le problème technique à résoudre consistait en la mise à disposition de compositions capillaires se déposant mieux sur le cheveu et permettant un bon démêlage. Les surfactants cationiques et les polysiloxanes à groupement aminés étaient de meilleurs agents conditionneurs que les tensioactifs neutres ou amphotères. L'homme du métier les aurait donc ajoutés aux compositions divulguées dans le document (1) en vue d'améliorer les propriétés de conditionnement. L'objet de la revendication 1 du brevet litigieux ainsi que celui des revendications des requêtes subsidiaires alors pendantes n'impliquait donc pas d'activité inventive.

III. Avec son mémoire de recours, le requérant a déposé de nouveaux essais comparatifs, une requête principale identique à la requête principale alors pendante devant la division d'opposition et trois requêtes subsidiaires.

IV. Les revendications 1 à 20 de la requête principale sont identiques aux revendications 1 à 20 du brevet tel que délivré, la revendication 1 s'énonçant comme suit :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

V. Selon le requérant, la bétaïne de cocamidopropyle présente dans les compositions du document (2) appartenait à la classe des tensioactifs amphotères qu'elle soit utilisée en milieu acide ou neutre. L'objet de la revendication 1 de la requête principale qui requérait la présence d'un tensioactif cationique était donc nouveau par rapport au document (2).

L'état de la technique le plus proche de l'invention était représenté par le document (1) qui divulguait des compositions pour le soin des cheveux comprenant un terpolymère et un tensioactif amphotère. Le problème technique à résoudre consistait à améliorer les propriétés notamment au niveau du maintien et la nervosité des cheveux traités. Les essais comparatifs déposés avec le mémoire de recours démontraient que ce problème technique était résolu par le remplacement du tensioactif amphotère présent dans les compositions de l'état de la technique par un tensioactif cationique ou un polysiloxane à groupements aminés. Les documents (3) et (4) n'enseignaient pas que l'addition d'un tensioactif cationique ou d'un polysiloxane à groupements aminés dans les compositions du document (1) améliorerait le maintien et la nervosité des cheveux traités. L'objet de la revendication 1 n'était donc pas évident à la lumière des documents cités et impliquait ainsi une activité inventive.

VI. Selon les intimés, l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré n'était pas nouveau par rapport au document (2) car la bétaïne de cocamidopropyle était un tensioactif cationique à pH acide. Le document (1) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Les compositions objet de la revendication 1 du brevet litigieux différaient des compositions des exemples 18 et 19 du document (1) uniquement par l'apport d'un agent conditionnant supplémentaire choisi parmi les tensioactifs cationiques ou les polysiloxanes à groupements aminés. L'amélioration des propriétés des cheveux traités mises en évidence par les essais comparatifs du requérant n'étaient pas surprenante à la lumière des documents (3) et (4). L'objet de la revendication de la requête principale et des requêtes subsidiaires 1 à 3 manquait donc d'activité inventive au regard du document (1) en combinaison avec les documents (3) ou (4).

VII. Le requérant (titulaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base des revendications selon la requête principale déposée avec le mémoire de recours daté du 12 mai 2014 ou subsidiairement sur la base d'une des requêtes subsidiaires 1 à 3, les requêtes subsidiaires 1 et 2 étant également déposées avec le mémoire de recours, alors que la requête subsidiaire 3 est déposée avec une lettre datée du 14 mai 2014.

Les intimés (opposants) ont demandé le rejet du recours.

VIII. La Chambre a rendu sa décision à l'issue de la procédure orale tenue le 18 octobre 2017 en l'absence de l'intimé I qui avait annoncé son intention de ne pas y participer.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

2. Nouveauté

Selon les intimés, l'objet de la revendication 1 de la requête principale manquait de nouveauté par rapport au document (2) qui divulguait une composition comprenant un polymère requis par la revendication 1 et la bétaïne de cocamidopropyle à un pH acide de 5,5.

Cependant la revendication 1 du brevet litigieux requiert la présence d'un tensioactif cationique, alors que la bétaïne de cocamidopropyle est connu pour appartenir à la classe des tensioactifs amphotères. Sur cela, les intimés prétendent que la bétaïne de cocamidopropyle doit être considérée comme un tensioactif cationique dans la composition du document (2) puisqu'elle se trouve en milieu acide.

Il est généralement admis que les tensioactifs sont classifiés selon leur structure en tensioactifs non-ioniques, anioniques, cationiques et amphotères. Les tensioactifs amphotères se distinguent des autres surfactants en ce qu'ils possèdent des groupements permettant à la fois la formation d'un cation et/ou d'un anion en fonction du pH.

Ainsi, comme mis en avant par les intimés, le groupement carboxylate de la bétaïne de cocamidopropyle se protone en milieu acide, au moins partiellement, ce qui est a pour conséquence que la bétaïne de cocamidopropyle se trouve sous la forme d'un cation. Cependant la bétaïne de cocamidopropyle ne perd pas pour autant les caractéristiques structurales d'un tensioactif dit « amphotère », à savoir la présence simultanée d'un groupement ammonium et d'un groupement carboxyle. La bétaïne de cocamidopropyle reste donc un tensioactif de la classe des « amphotères » quel que soit le pH de la solution dans laquelle elle se trouve.

L'argument des intimés basé sur un changement de classification des surfactants amphotères en fonction du pH doit donc être écarté.

Par conséquent, les compositions divulguées dans le document (2) ne comprenant pas de tensioactif cationique n'anticipent pas l'objet de la revendication 1 de la requête principale qui est donc nouveau par rapport à document (2).

3. Activité inventive

3.1 Art antérieur le plus proche

La Chambre, en accord avec les parties considère que le document (1) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention.

Ce document divulgue des compositions pour le soin des cheveux comprenant un terpolymère tel que requis par le brevet litigieux en tant qu'agent conditionneur et de fixation. La composition de l'exemple 19 de ce document comprend en outre la bétaïne de cocamidopropyle, qui est un tensioactif amphotère.

3.2 Problème technique

Selon le requérant le problème technique à la base de l'invention réside dans l'amélioration des propriétés des cheveux traités sur le plan de la fixation (maintien) des cheveux et de la nervosité (vitalité) des cheveux.

3.3 Solution

La solution proposée est la composition selon la revendication 1 de la requête principale caractérisée par la présence d'un tensioactif cationique ou d'un polysiloxane à groupements aminés.

3.4 Succès

Le requérant se réfère aux résultats des essais comparatifs déposés avec le mémoire de recours montrant que le remplacement du tensioactif amphotère par un tensioactif cationique ou par un polysiloxane à groupements aminés améliore les performances de fixation/maintien et de la nervosité des cheveux traités. Les intimés n'ont pas contesté les résultats des essais comparatifs, mais ont chacun émis une réserve sur leur pertinence.

L'intimé I a déclaré que les essais proposés par le requérant n'étaient pas formellement basés sur des comparaisons par rapport au document (1) représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention sans donner plus d'explication. Cependant, le produit Polyquaternium-55 présent dans la composition comparative A' est un des terpolymères décrits dans le document (1). Par conséquent, les essais comparatifs proposés par le requérant sont bien basés sur des compositions selon le document (1).

Pendant la procédure orale devant la Chambre, l'intimé II a reproché l'absence des critères d'évaluation des effets obtenus dans les effets comparatifs du requérant empêchant ainsi une appréciation objective de l'amplitude de l'effet. Cependant, le premier objectif de ces essais est de montrer une amélioration des propriétés cosmétiques. Dans le cas présent, l'amplitude de cette amélioration n'est pas décisoire la seule amélioration étant dans ce contexte suffisante. Par conséquent, les arguments des intimés quant au manque de pertinence des essais comparatifs du requérant au soutien de l'amélioration sont écartés.

3.5 Evidence

Il demeure donc à déterminer si la solution proposée par le brevet litigieux pour améliorer à la fois le maintien et la vitalité des cheveux découle à l'évidence de l'état de la technique disponible.

Selon les intimés la solution proposée d'ajouter un tensioactif cationique ou d'un polysiloxane à groupements aminés aux compositions du document (1) pour améliorer le maintien et la vitalité des cheveux était évidente à la lumière des documents (3) et (4).

Le document (3) se propose de fournir des compositions pour le soin des cheveux qui apporte un effet conditionneur et de fixation aux cheveux (colonne 1, lignes 65 à 68). La composition appliquée sur des cheveux secs permet également de maintenir et de boucler les cheveux. Les compositions divulguées dans le document (3) à cet effet comprennent un polymère cationique et un composé ammonium quaternaire, qui est de par sa structure un tensioactif cationique. Le document (3) assigne au polymère cationique la fonction de fixer les cheveux (colonne 4, lignes 3 à 6) et au composé ammonium la fonction d'assouplir le cheveu (effet conditionneur), d'agir comme agent antistatique et de rendre la chevelure maniable (docile à coiffer). Enfin, le composé ammonium apporte à la composition des propriétés tensioactives suffisantes pour former une mousse compressible stable.

Les intimés citent plus particulièrement le passage de la colonne 6, lignes 40 à 45 où il est indiqué que la composition de l'exemple 1 comprenant un polymère cationique (polyquaternium-11) et le chlorure de cétyl triméthyl ammnonium rend les cheveux maniables et maintient en place les boucles de cheveux.

Cependant, les propriétés indiquées dans ce passage sont procurées par la composition finale comprenant les deux composantes, à savoir le polymère cationique et le composé ammonium. Or, le document (3) assigne clairement les propriétés de maintien des cheveux au polymère cationique présent dans la composition et non au chlorure de cétyl triméthyl ammnonium.

De ce qui précède, la Chambre conclut que le document (3) ne suggère pas la solution proposée par le brevet litigieux, à savoir d'ajouter un tensioactif cationique comme le chlorure de cétyl triméthyl ammnonium, en vue d'améliorer la fixation des cheveux dans des compositions du document (1) comprenant déjà un polymère de fixation.

Le document (4) divulgue des compositions pour le soin des cheveux comprenant, entre autres, un copolymère de polyvinylpirrolidone, un tensioactif cationique et un polysiloxane à groupements aminés. Ces compositions ne nécessitent pas de rinçage tout en ayant de bonnes propriétés de conditionnement. Les cheveux traités sont souples (faciles à coiffer) tout en retrouvant volume, éclat et vitalité (pages 2 et 12, 3**(ème) paragraphe).

Ce document n'aborde donc pas le problème de l'amélioration de la fixation des cheveux. Il n'y a donc dans ce document aucun enseignement selon lequel la fixation des cheveux puisse être améliorée par l'addition d'un tensioactif cationique ou d'un polysiloxane à groupements aminés dans les compositions du document (1).

Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 du brevet en litige ne découle pas de manière évidente du document (1) en combinaison avec le document (3) ou (4).

3.6 En conséquence, l'objet de la revendication 1 de la requête principale, et pour les mêmes raisons, celui des revendications dépendantes 2 à 18 et des revendications 19 et 20 concernant une utilisation et un procédé mettant en ½uvre une composition selon la revendication 1, implique une activité inventive (Article 56 CBE).

4. La Chambre faisant droit à la requête principale, il n'est pas nécessaire de statuer sur les requêtes subsidiaires 1 à 3.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition avec l'instruction de maintenir le brevet sur la base de la requête principale (revendications 1 à 20) soumise avec le mémoire de recours daté du 12 mai 2014 et une description à y adapter.

Quick Navigation