T 0402/14 () of 12.6.2018

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2018:T040214.20180612
Date de la décision : 12 Juin 2018
Numéro de l'affaire : T 0402/14
Numéro de la demande : 00420258.6
Classe de la CIB : D04H 3/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Grille textile d'épaisseur réduite
Nom du demandeur : Chavanoz Industrie
Nom de l'opposant : Kirson Industrial Reinforcements GmbH
SAINT-GOBAIN ADFORS
Chambre : 3.2.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
European Patent Convention Art 84
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention R 80
European Patent Convention Art 111(1)
Mot-clé : Requêtes produites tardivement - requêtes principale et subsidiaires 1-3 - requêtes clairement admissibles - clarté (non)
Requêtes produites tardivement - requête subsidiaire 4 - requête clairement admissible (oui)
Décision sur le recours - renvoi à la première instance (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0003/14
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante (opposante 2) a formé recours contre la décision de la division d'opposition rejetant l'opposition contre le brevet européen n**(o) 1 111 114.

II. La chambre a cité les parties à une procédure orale.

III. Dans une notification, établie en vue de la procédure orale, les parties ont été informées de l'opinion provisoire de la chambre.

IV. Avec la lettre du 24 mai 2018 l'intimée (titulaire du brevet) a soumis trois jeux de revendications modifiées correspondant à une requête principale et aux requêtes subsidiaires 1 et 2.

V. La procédure orale a eu lieu le 12 juin 2018, au cours de laquelle l'intimée a déposé des jeux de revendications modifiées constituant une requête principale et cinq requêtes auxiliaires 1 à 5.

VI. La requérante (opposante 2) a requis l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

VII. L'intimée (titulaire du brevet) a requis le maintien du brevet sur la base d'une des requêtes principale ou auxiliaires 1 à 5 déposées au cours de la procédure orale devant la Chambre ou le renvoi de l'affaire à la division d'opposition.

VIII. La revendication 1 selon la requête principale s'énonce comme suit :

"Grille textile formée par un réseau de fils croisés non tissés comprenant au moins deux nappes de fils de chaîne entre lesquelles est interposée au moins une nappe de fils de trame, les fils de chaîne et de trame étant liés entre eux à leurs croisements par un liant créant une série de points de collage, caractérisée par un taux de performance (TP) supérieur à 30 et jusqu'à 120, le taux de performance étant calculé selon la formule :

TP = S/(T x E x C) x 100

dans laquelle :

S = Surface des points de collage en mm**(2),

T = Titre des fils de trame et chaîne en gr/km,

E = Epaisseur moyenne de la grille en mm,

C = Taux de colle inférieur à 0,35

Taux de colle = 1 - (la masse des fils sur un mètre carré)/(la masse de la grille en g sur un mètre carré),

la grille étant obtenue par le procédé dans lequel

- on réalise un réseau de fils croisés non tissés comprenant au moins deux nappes de fils de chaîne entre lesquelles est interposée au moins une nappe de fils de trame,

- on imprègne le réseau de fils d'un liant liquide ou fluide pour assurer la liaison des fils de trame et de chaîne entre eux au niveau de leurs points de croisement,

- on assure le pressage du réseau de fils avant que la phase de séchage du liant ne soit terminée."

IX. Comparé au libellé de la revendication 1 de la requête principale, celui de la requête auxiliaire 1 présente une seule modification en ce que l'expression "liquide ou fluide" a été supprimée.

X. Dans la revendication 1 de la requête auxiliaire 2, qui est aussi basée sur le libellé de la revendication 1 de la requête principale, seule la borne inférieure de l'intervalle du taux de performance a été modifiée, aboutissant alors à l'expression "un taux de performance (TP) compris entre 45 et 120".

XI. Dans la revendication 1 de la requête auxiliaire 3, en plus de la modification de l'intervalle du taux de performance introduite à la requête auxiliaire 2, l'expression "liquide ou fluide" a été supprimée.

XII. Chacune des requêtes principale et auxiliaire 1 comprend aussi une revendication indépendante 9, dont le libellé s'énonce comme suit :

"Procédé de fabrication d'une grille textile conforme à l'une des revendications 1 à 8, dans lequel

- on réalise un réseau de fils croisés non tissés comprenant au moins deux nappes de fils de chaîne entre lesquelles est interposée au moins une nappe de fils de trame,

- on imprègne le réseau de fils d'un liant liquide ou fluide pour assurer la liaison des fils de trame et de chaîne entre eux au niveau de leurs points de croisement,

caractérisé en ce qu'on assure le pressage du réseau de fils avant que la phase de séchage du liant ne soit terminée."

Les requêtes auxiliaires 2 et 3 comprennent une revendication indépendante similaire dont le libellé se distingue du libellé ci-dessus uniquement par la référence modifiée aux revendications précédentes :

"Procédé de fabrication d'une grille textile conforme à l'une des revendications 1 à 7,...".

XIII. La revendication 1 selon la requête auxiliaire 4 s'énonce comme suit :

"Procédé de fabrication d'une grille textile formée par un réseau de fils croisés non tissés comprenant au moins deux nappes de fils de chaîne entre lesquelles est interposée au moins une nappe de fils de trame, les fils de chaîne et de trame étant liés entre eux à leurs croisements par un liant créant une série de points de collage, ayant un taux de performance (TP) compris entre 45 et 120, le taux de performance étant calculé selon la formule :

TP = S/(T x E x C) x 100

dans laquelle :

S = Surface des points de collage en mm**(2),

T = Titre des fils de trame et chaîne en gr / km,

E = Epaisseur moyenne de la grille en mm,

C = Taux de colle inférieur à 0,35,

Taux de colle = 1 - (la masse des fils sur un mètre carré)/(la masse de la grille en g sur un mètre carré)

procédé dans lequel :

- on réalise un réseau de fils croisés non tissés comprenant au moins deux nappes de fils de chaîne entre lesquelles est interposée au moins une nappe de fils de trame,

- on imprègne le réseau de fils d'un liant liquide pour assurer la liaison des fils de trame et de chaîne entre eux au niveau de leurs points de croisement,

- on assure le pressage du réseau de fils avant que la phase de séchage du liant ne soit terminée."

XIV. Les arguments de la requérante peuvent être résumés ainsi :

La requête principale ne devrait pas être admise dans la procédure. La revendication 1 ne satisfait pas aux exigences des articles 84 et 123(2) CBE. Son objet concerne une grille définie par un procédé de fabrication. Il n'est pas clair quelle limitation structurelle supplémentaire pourrait être impliquée par cette définition. Aussi l'expression "liquide ou fluide" manque de clarté. Cette expression est divulguée dans la description uniquement en regard de l'état du liant au cours du pressage, sans rapport à l'étape de l'imprégnation qui il servait cependant à limiter dans la revendication, résultant alors en une extension de l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

La revendication 1 de la requête auxiliaire 1 présente le même défaut de clarté, en regard de la définition du produit par son procédé de fabrication, que celle de la requête principale.

L'introduction du terme "liquide" relatif à l'étape de l'imprégnation dans la revendication 1 de la requête auxiliaire 4 contrevient aux articles 84 et 123 (2) CBE pour des raisons similaires à celles formulées à l'encontre de la requête principale. Si par contre le terme "liquide" était considéré être implicite dans l'étape d'imprégnation, il ne pourrait pas constituer une limitation supplémentaire du procédé. Dans ce cas la modification ne répond pas à un motif d'opposition, contrairement aux dispositions de la règle 80 CBE.

Considérant que la durée de protection du brevet arrive presque à sa fin et considérant aussi la durée de la procédure depuis le début de l'opposition, la chambre ne devrait pas renvoyer l'affaire à la division d'opposition. En outre, l'activité inventive du procédé de fabrication avait déjà été discutée devant la division d'opposition et les arguments restaient en plus très similaires à ceux développés antérieurement.

XV. Les arguments de l'intimée peuvent être résumés ainsi :

Les requêtes déposées pendant la procédure orale constituent une réaction à l'objection de nouveauté soulevée tardivement par la requérante dans la procédure écrite. Les modifications de la revendication 1 de la requête principale et auxiliaire 1 sont essentiellement basées sur la combinaison de revendications délivrées. Seule l'expression "liquide ou fluide" a été introduite dans la requête principale sur la base de la divulgation au premier paragraphe de la page 13 de la description originale, afin de mieux distinguer la grille revendiquée de l'état de la technique. Les modifications satisfont donc aux exigences des articles 123(2) et (3) CBE. Elles ne sont pas non plus contraires à l'exigence de clarté. En ce qui concerne l'objection soulevée contre la définition du procédé de fabrication dans la revendication 1, la décision G 3/14 interdit sa considération. En effet, l'objet résultant de cette modification était déjà contenu dans les revendications délivrées. Du reste, cette objection n'est pas convaincante car le procédé assure l'obtention d'une grille plus performante, par exemple en vue de sa tenue mécanique améliorée notamment en ce qui concerne les points de collage. Ceci se traduit par des caractéristiques structurelles inhérentes telles que l'augmentation de la surface de collage ou la diminution de l'épaisseur de la grille, sans pression excessive, contrairement aux grilles obtenues du procédé de l'état de la technique qui présentent un aplatissement limité malgré une pression élevée lors du pressage. L'expression "liquide ou fluide" est claire aussi car les termes "liquide" et "fluide", qui ne constituent que des adjectifs qualificatifs et non pas des noms communs, sont en fait synonymes dans le présent cas.

La revendication 1 des requêtes auxiliaires 2 et 3 définit également toutes les caractéristiques structurelles qui permettent de déterminer si la grille était obtenue selon le procédé définie à la revendication ou selon un procédé de l'état de la technique.

Les modifications à la revendication 1 selon la requête auxiliaire 4 sont conformes aux dispositions de l'article 123(2) CBE et de la règle 80 CBE. Le terme "liquide", sous-entendu inhérent à l'étape d'imprégnation pour l'homme du métier, est divulgué au passage de la description à la page 13, où l'adjectif "encore" indique que l'étape du pressage succède immédiatement à l'étape d'imprégnation, mentionné au paragraphe précédent, pendant lesquels le liant était liquide, excluant ainsi tout étape intermédiaire où il aurait pu se solidifier. Le terme constitue par ailleurs une limitation qui sert à mieux distinguer le procédé de l'état de la technique.

L'affaire devrait être renvoyé à la division d'opposition étant donné la modification majeure de son objet suite aux nouveaux arguments introduits par la requérante tardivement.

Motifs de la décision

1. Toutes les requêtes de l'intimée, c'est-à-dire, la requête principale et les requêtes auxiliaires 1 à 5 ont été déposées après le délai pour répliquer aux motifs de recours conformément à l'article 12(1)b) et (2) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR). Elles constituent par conséquent des modifications des moyens invoqués au sens de l'article 13 RPCR. Selon l'alinéa (1) de cette disposition, dans de telles conditions leur admission dans la procédure et leur examen sont laissés à l'appréciation de la chambre. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, la chambre dispose de divers critères (justification du dépôt tardif; stade de la procédure et complexité des nouveaux moyens; principe de l'économie de la procédure). Pour ce qui est du principe d'économie de procédure, il est généralement requis que les modifications soient recevables de prime abord, en ce sens qu'elles visent à résoudre les points critiques soulevés contre les requêtes précédentes sans en soulever de nouveaux (voir par exemple La Jurisprudence des Chambres de recours, 8**(ème) édition 2016, IV.E.4.2.1 et 4.2.2).

Requête principale

2. Bien que les modifications apportées à la revendication 1 de la requête principale visaient à résoudre une objection de nouveauté soulevée tardivement par la requérante, elles soulèvent de nouvelles objections notamment en regard des exigences de l'article 84 CBE.

S'appuyant sur la décision G 3/14 de la Grande Chambre de recours, l'intimée a contesté la considération par la chambre de ces critiques, en partie, arguant que les modifications en cause se fondaient uniquement sur les revendications délivrées.

3. Selon la décision G 3/14 de la Grande Chambre (JO OEB 2015, 102), lorsqu'il s'agit d'évaluer si, aux fins de l'article 101(3) CBE, un brevet tel que modifié satisfait aux exigences de la CBE, la conformité des revendications du brevet aux exigences de l'article 84 CBE ne peut être examinée que si - et uniquement dans la mesure où - la modification concernée aboutit à une violation de l'article 84 CBE (voir sommaire et points 81 et 85 des motifs).

4. L'objet de la revendication 1 de la requête principale repose en partie sur la combinaison de caractéristiques de la revendication indépendante 1 et de ses revendications dépendantes 2 et 6 telles que délivrées. En plus des caractéristiques dérivées de ces revendications il a été spécifié que la grille était obtenue par un procédé de fabrication spécifique. Le libellé définissant les étapes de ce procédé est essentiellement identique au libellé de la revendication 11 telle que délivrée (voir aussi point XII ci-dessus, à la différence près que la dépendance aux revendications précédentes s'étend à "9" dans la version délivrée au lieu de "8" dans la version modifiée).

Contrairement à la revendication indépendante 11 telle que délivrée, visant un procédé de fabrication d'une grille textile conforme à l'une des revendications 1 à 9, les revendications 1 à 9 telles que délivrées, concernant la grille textile, ne comportent pas de référence aux revendications de procédé et ne définissent pas non plus les étapes relatives à un tel procédé.

C'est précisément cette modification en matière de la définition de la grille textile objet de la revendication 1 par son procédé de fabrication qui aboutit à une violation de l'article 84 CBE (voir infra), inexistante dans le jeu des revendications du brevet tel que délivré, et qui, par conséquent, peut être examinée par la chambre conformément à la décision G 3/14.

5. La chambre considère qu'il n'est pas clair quelle caractéristique structurelle supplémentaire d'une grille textile pourrait être impliquée par la modification en cause et comment elle pourrait servir à distinguer une grille textile obtenue par le procédé spécifié d'une grille textile obtenue par un autre procédé. Par exemple, dans le cas d'un liant thermoplastique, également envisagé par le brevet (voir la revendication 8), la grille textile pourrait être imprégnée d'un tel liant et traitée de deux manières différentes. La grille imprégnée pourrait sécher et le liant se solidifier, puis, avant le pressage final, être chauffée et le liant re-fondu, pressée et finalement séchée (ce qui ne correspond pas au procédé défini à la revendication 1). Ou, selon le procédé défini à la revendication, immédiatement après son imprégnation avec le liant, la grille pourrait être pressée avant que la phase de séchage soit terminée. La chambre doute que ces deux grilles pourraient être clairement distinguées l'une de l'autre, permettant ainsi l'identification d'une grille textile telle que revendiquée.

Selon l'intimée, la grille objet de l'invention ne pouvait pas être définie autrement, c'est-à-dire sans référence au procédé de fabrication qui permettait effectivement d'obtenir une grille plus performante, distinguée en la matière d'un taux de performance plus élevé par rapport à celui d'une grille obtenue par un procédé selon l'état de la technique.

La chambre ne trouve pas convaincants ces arguments, car les caractéristiques structurelles qui, selon l'intimée, permettraient ainsi la distinction, notamment par un taux de performance plus élevé, sont déjà définies à la revendication en terme d'intervalle pour TP. Que l'amplitude de pression plus faible requise par le procédé revendiqué, comparée à l'état de la technique, permettrait un aplatissement des grilles objet de l'invention plus élevé, avec une amélioration de la tenue mécanique des points de collage, ne trouve pas de support dans la revendication ou dans le brevet car les conditions d'opération n'y sont pas spécifiées.

Les arguments de l'intimée ne répondent pas alors à la question de savoir quelles caractéristiques supplémentaires structurelles d'une grille étaient impliquées par la modification introduisant le procédé dans la revendication concernant la grille.

6. Il s'ensuit que la revendication 1 modifiée selon la requête principale ne satisfait pas, au moins de prime abord, les conditions de l'article 84 CBE. Par conséquent, elle n'a pas été admise dans la procédure (article 13(1) RPCR).

Requêtes auxiliaires 1 à 3

7. La revendication 1 selon la requête auxiliaire 1 comprend la même modification, excepté la suppression de l'expression "liquide ou fluide". Il n'a pas été argué que cette différence par rapport à la requête principale aurait une influence sur l'appréciation de la clarté de la revendication quant à la critique considérée ci-dessus et, en effet, elle n'en a pas. Par conséquence la requête auxiliaire 1 n'a pas non plus été admise dans la procédure pour manque de clarté de prime abord.

8. Aussi les requêtes auxiliaires 2 et 3, qui se distinguent de la requête principale et de la requête auxiliaire 1 uniquement par la modification de l'intervalle de TP (voir points X et XI ci-dessus), n'ont pas été admises dans la procédure pour les mêmes raisons.

L'intimée n'a pas non plus argué que l'augmentation de la borne inférieure de l'intervalle pour TP pouvait changer l'appréciation de la clarté de la revendication.

Requête auxiliaire 4

9. Dans la requête auxiliaire 4 toutes les revendications concernant la grille textile ont été supprimées. Cette suppression vise clairement à surmonter les critiques soulevées contre ces revendications de produit.

10. La seule revendication indépendante se base sur la revendication 11 telle que délivrée, visant un procédé de fabrication d'une grille textile. Elle reproduit littéralement aussi, conformément à la référence aux revendications visant la grille, les caractéristiques de la grille textile selon la combinaison des caractéristiques des revendications 1, 2 et 6 telles que délivrées. Ces revendications délivrées correspondent aux revendications déposées à l'origine.

La requérante n'a pas soulevé d'objection au regard des exigences de l'article 123(2) et (3) CBE en ce qui concerne cette combinaison même de caractéristiques issues des revendications mentionnées.

11. Par contre, la requérante s'est opposée à l'introduction du terme "liquide" qualifiant le liant dans l'étape d'imprégnation. Elle a considéré notamment que cette modification contrevenait aux dispositions des articles 84 et 123(2) CBE ou de la règle 80 CBE.

11.1 En ce qui concerne le manque de clarté allégué par la requérante, la chambre considère que l'expression "liant liquide" est claire pour l'homme du métier dans le domaine de la fabrication de grilles textiles. Même si le terme "liquide", exprimant la propriété de pouvoir s'écouler, pouvait être qualifié par sa viscosité comme dépendant de l'échelle temporelle, la chambre n'a pas de doute que l'homme du métier, dans le cadre du procédé revendiqué, sait quelle propriété le liant devait présenter pour être considéré comme liquide.

La chambre considère donc que la revendication 1 satisfait aux exigences de l'article 84 CBE.

11.2 La chambre ne peut pas non plus suivre l'argument de la requérante soutenant que la spécification du liant par le terme "liquide" à l'étape de l'imprégnation aboutit à une extension de l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

La requérante a raison que le terme "liquide" est littéralement divulgué dans la description uniquement par rapport à l'étape de pressage au premier paragraphe de la page 13 de la description telle que déposée. Cependant, dans ce paragraphe, qui suit directement la description des étapes précédant le pressage en bas de la page 12 il est divulgué que selon le procédé conforme à l'invention, le pressage était assuré "avant que la phase de séchage du liant ne soit terminée, la colle étant encore dans un état sensiblement ou complètement liquide ou fluide". La chambre considère que l'adverbe "encore" dans ce passage indique sans équivoque à l'homme du métier que le liant était dans un état "sensiblement ou complètement liquide" déjà avant l'étape de pressage. Comme il n'est nulle part fait allusion à une étape intermédiaire entre la phase d'imprégnation, mentionnée à la page 12, immédiatement avant le paragraphe relatif au pressage, l'homme du métier comprend sans équivoque que le liant est aussi à l'état liquide lors de son imprégnation et que les étapes d'imprégnation et pressage se succèdent immédiatement. Le fait que le procédé revendiqué par le brevet n'exclut pas d'étape intermédiaire ne s'oppose pas à la divulgation directe et sans équivoque des paragraphes cités ci-dessus de la description.

La chambre conclut donc que les exigences de l'article 123(2) CBE sont satisfaites.

11.3 Les modifications satisfont également à la règle 80 CBE. La chambre considère notamment que le terme "liquide", ajouté à la revendication, constitue une limitation de son objet, spécifiant que l'imprégnation se fait en particulier au moyen d'un liant liquide.

L'argument contraire de la requérante se fondait essentiellement sur la perception que le terme "liquide" dans le contexte de la phase d'imprégnation n'était divulgué qu'implicitement par le terme "imprégnation" même. Cependant, il ressort des considérations au point 11.2 ci-dessus que ceci n'est pas le cas. Par conséquent, un conflit entre les conclusions tirées en regard des dispositions de l'article 123(2) CBE et de la règle 80 CBE, tel qu'allégué par la requérante (voir pénultième paragraphe au point XIV ci-dessus) ne se présente pas.

11.4 En conséquence, les modifications selon la requête auxiliaire 4 sont recevables de prime abord et la chambre, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation selon l'article 13(1) RPCR, a admis cette requête dans la procédure.

12. Compte tenu des modifications apportées au cours de la procédure de recours, la chambre considère justifié de renvoyer l'affaire à la division d'opposition pour suite à donner (article 111(1) CBE) pour les raisons suivantes.

12.1 La décision attaquée repose essentiellement sur la conclusion de la division d'opposition que la revendication 1 du brevet concernant la grille textile satisfaisait aux exigences des articles 54 et 56 CBE. La revendication indépendante 11 du brevet, visant le procédé pour sa fabrication, était par conséquent également considérée satisfaisant à ces exigences. La division d'opposition n'avait donc pas besoin d'évaluer l'objet des deux revendication indépendamment l'une de l'autre.

Suite à l'argument tardif de la requérante, soulevant un doute sérieux sur la nouveauté de la revendication 1 telle que délivrée et conduisant ainsi l'intimée dans une première tentative, sans succès, de limiter son objet (requêtes principale et auxiliaires 1 à 3), les revendications concernant un produit ont été finalement abandonnées avec la requête auxiliaire 4. Il est ainsi nécessaire pour la première fois dans la procédure de recours d'examiner, entre autres, la nouveauté et l'activité inventive du procédé lui-même, ce qui pourrait rendre nécessaire la considération d'autres documents de l'état de la technique.

Le cadre de fait a subi dés lors un changement important pendant la procédure de recours, ce qui justifie dans le cas de l'espèce le renvoi de l'affaire.

12.2 En ce qui concerne les arguments invoqués par la requérante contre le renvoi, ils ne sont pas convaincants.

En particulier, la chambre n'est pas convaincue que les arguments à prendre en compte lors de l'examen de, par exemple, l'activité inventive du procédé revendiqué, sont nécessairement les mêmes ou très similaires à ceux considérés antérieurement (voir point 12.1 ci-dessus), d'autant plus que la requérante tentait de soulever une nouvelle objection au regard de l'article 83 CBE, dont il n'a jamais encore été question. Des arguments relatifs aux exigences des articles 54 et 56 CBE en regard du procédé modifié substantiellement n'ont été soumis par aucune des parties durant la procédure de recours.

Il est vrai que le brevet est proche du terme de sa durée de protection et que les procédures d'opposition et de recours sont en cours depuis assez longtemps. La chambre note cependant que l'argument décisif ayant finalement provoqué l'abandon des revendications de produit était basé sur un document déjà cité dans la demande de brevet telle que déposée et avait été fourni par la requérante moins de deux mois avant la procédure devant la chambre. Cependant, face aux raisons invoquées ci-dessus, ces considérations relatives à l'économie de procédure apparaissent à la chambre de moindre importance par rapport à la nécessité de donner aux deux parties suffisamment d'opportunité de défendre leurs cas face au changement important de l'objet de la procédure.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition pour suite à donner.

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