European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T022914.20191108 | ||||||||
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Date de la décision : | 08 Novembre 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0229/14 | ||||||||
Numéro de la demande : | 08871552.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | H04N 7/167 H04N 7/26 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | PROCÉDÉ ET SYSTÈME DE DISTRIBUTION SÉCURISÉE DE DONNÉES AUDIOVISUELLES PAR MARQUAGE TRANSACTIONEL | ||||||||
Nom du demandeur : | NAGRA FRANCE SAS | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.5.04 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Possibilité d'exécuter l'invention - (non) Vice substantiel de procédure - (non) Remboursement de la taxe de recours - (non) |
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Exergue : |
- |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours a été formé contre la décision de la division d'examen postée le 26 septembre 2013 rejetant la demande de brevet européen n° 08871552.9 publiée en tant que demande internationale de brevet sous le numéro de publication internationale WO 2009/092894 A2.
II. La division d'examen a rejeté la demande de brevet européen aux motifs que les revendications 1 et 18 de l'unique jeu de revendications ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 84 CBE et que la demande ne remplissait pas les conditions indiquées par l'article 83 CBE.
III. Avec le mémoire exposant les motifs du recours la requérante (demanderesse) a déposé un jeu de revendications selon une requête subsidiaire et a requis l'annulation de la décision et la délivrance du brevet, en requête principale, sur la base du jeu de revendications de la décision contestée ou, en requête subsidiaire, sur la base du jeu de revendications déposé avec le mémoire du recours. La requérante a également demandé le remboursement de la taxe de recours en raison d'un vice substantiel de procédure. Enfin, elle a requis, à titre de précaution, la tenue d'une procédure orale.
IV. La chambre a envoyé une notification conformément à l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR, JO OEB 2007, 536 s.) en annexe à la citation à la procédure orale. Dans cette notification, la chambre a indiqué qu'elle était de l'avis provisoire que les revendications indépendantes 1 et 18 de la requête principale et les revendications indépendantes 1 et 11 de la requête subsidiaire ne satisfaisaient pas aux exigences des articles 83, 84 et 123(2) CBE. La chambre a également introduit dans la procédure de recours sous la référence D2 la demande internationale de brevet WO 99/65241 A1 citée dans la description de la demande telle que déposée, compte tenu de la pertinence potentielle de cette demande internationale pour la suffisance de l'exposé.
V. Par courrier en date du 8 octobre 2019 la requérante a déposé deux jeux de revendications modifiées, en requêtes principale et subsidiaire, remplaçant les précédents jeux de revendications.
VI. Par courrier en date du 28 octobre 2019 la requérante a informé la chambre qu'elle n'assisterait pas à la procédure orale, a retiré sa requête en procédure orale et a requis une décision en l'état du dossier.
VII. La procédure orale s'est tenue le 8 novembre 2019. Comme annoncé, la requérante n'y était pas représentée. Le président a constaté qu'il ressortait du dossier que la requérante requérait que la décision contestée soit annulée et un brevet européen soit délivré sur la base des revendications de la requête principale ou de la requête subsidiaire, toutes deux déposées avec la lettre du 8 octobre 2019, et que la taxe de recours soit remboursée. À la fin de la procédure orale, le président a annoncé la décision de la chambre.
VIII. La revendication 1 selon la requête principale s'énonce comme suit:
"Procédé pour la génération d'une séquence audiovisuelle marquée (106) à partir d'une séquence audiovisuelle nominale (1) ladite séquence audiovisuelle nominale ayant un contenu nominal, la séquence audiovisuelle marquée (106) n'étant pas altérée pour la perception humaine,
le procédé comprenant des étapes dans lesquelles
- on génère une première marque qui est appliquée au contenu initial à des positions de marquage (112);
- on génère un flux modifié (101, 110) ayant un contenu modifié différent dudit contenu nominal, le flux modifié (101, 110) étant illisible et/ou inaudible du point de vue de la perception humaine ;
- on génère un flux complémentaire (103) comprenant des informations complémentaire calculées de sorte qu'il soit possible de reconstituer une séquence audiovisuelle altérée pour la perception humaine à partir dudit flux modifié en fonction desdites informations complémentaire,,
- on transmet, vers ledit équipement destinataire, ledit flux modifié et ledit flux complémentaire ;
le procédé étant caractérisé en ce que :
- lesdites informations complémentaires sont calculées en fonction desdites positions de marquage (112) ;
- on génère sur l'équipement destinataire une deuxième marque personnalisée différente de la première marque, ladite deuxième marque étant appliquée sur la séquence audiovisuelle marquée (106), et en ce que
- on génère ladite séquence audiovisuelle marquée (106) par la deuxième marque au niveau desdites positions de marquage à partir dudit flux modifié en fonction desdites informations complémentaires, la séquence audiovisuelle marquée (106) étant identique à la séquence audiovisuelle nominale (1) du point de vue de la perception humaine et la différence entre lesdites séquence audiovisuelle marquée (106) et séquence audiovisuelle nominale (1) étant détectable par des moyens techniques."
IX. La revendication 1 selon la requête subsidiaire s'énonce comme suit:
"Procédé pour la génération d'une séquence audiovisuelle marquée (106) à partir d'une séquence audiovisuelle nominale (1), ladite séquence audiovisuelle nominale ayant un contenu nominal, la séquence audiovisuelle marquée (106) n'étant pas altérée pour la perception humaine,
le procédé comprenant des étapes dans lesquelles :
- on génère une première marque qui est perceptible du point de vue du rendu audiovisuel et qui est être appliquée au contenu nominal pour obtenir un flux audiovisuel marqué (111);
- on détermine, à partir de la première marque, des positions de marquage (112) à partir du contenu nominal;
- on génère un flux modifié (101, 110) en apportant des modifications au contenu nominal; lesdites modifications ainsi que d'éventuelles informations originales remplacées dans ledit flux modifié (101, 110) sont stockées dans une information complémentaire complète (102);
- on génère un flux complémentaire (103) comprenant l'information complémentaire complète (102), le flux complémentaire (103) comprenant des informations complémentaires calculées de sorte qu'il soit possible de reconstituer une séquence audiovisuelle altérée pour la perception humaine à partir dudit flux modifié en fonction desdites informations complémentaires ;
- on transmet, vers ledit équipement destinataire (11), ledit flux modifié (101, 110), ledit flux complémentaire (103) et lesdites positions de marquage (112);
le procédé étant caractérisé en ce que:
- ledit flux complémentaire (103) comprend de plus des données marquées du flux audiovisuel marqué (111 ), situées au niveau desdites positions de marquage (112);
- on génère sur l'équipement destinataire (11) une deuxième marque différente de la première marque, ladite deuxième marque étant appliquée sur la séquence audiovisuelle marquée (106),;
- on identifie une information marquée au niveau desdites positions de marquage (112) par ladite deuxième marque, imperceptible du point de vue du rendu audiovisuel mais détectable par des moyens connus, à partir dudit flux modifié (101, 110), de ladite deuxième marque et desdites positions de marquage (112);
- on génère une information complémentaire marquée à partir desdites informations marquées auxdites positions de marquage (112);
- on génère ladite séquence audiovisuelle marquée (106) par la deuxième marque à partir dudit flux modifié (101, 110) et de ladite information complémentaire marquée, pour que ladite séquence audiovisuelle marquée (106) ainsi reconstituée soit visuellement et auditivement identique au contenu nominal, la différence entre lesdites séquence audiovisuelle marquée (106) et séquence audiovisuelle nominale (1) étant détectable par des moyens techniques."
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
L'invention
2. L'invention concerne un procédé pour protéger contre le piratage une séquence audiovisuelle qui est distribuée en mode "broadcast" à de nombreux équipements destinataires. La séquence audiovisuelle est marquée par une première marque avant distribution en mode "broadcast", puis par une deuxième marque personnalisée appliquée par l'équipement destinataire.
Requête principale - article 83 CBE
3. Selon l'article 83 CBE, l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
4. Objections de la division d'examen
La chambre comprend l'objection selon l'article 83 CBE soulevée par la division d'examen dans les motifs de la décision comme suit:
L'invention cherche à résoudre le problème décrit de la page 2, ligne 26 à la page 3, ligne 7 de la description, à savoir la distribution sécurisée de séquences audiovisuelles marquées avec une marque personnalisée vers une pluralité d'équipements destinataires en utilisant des moyens de distribution de type "broadcast".
La solution selon l'invention, telle que décrite dans les modes de réalisation des figures 1 à 3, permet d'obtenir en sortie de l'équipement destinataire (décodeur 11) une séquence audiovisuelle marquée (106) qui n'est pas altérée pour la perception humaine (cf. page 3, lignes 16 à 19), mais dont la marque personnalisée invisible générée et appliquée par l'équipement destinataire est détectable par des moyens bien connus de l'homme de l'art (cf. page 6, lignes 6 à 20 et page 19, lignes 29 à 32).
Or, l'application dans la séquence audiovisuelle par l'équipement destinataire (11) d'une deuxième marque différente de la première marque, cette dernière ayant été préalablement ajoutée par le serveur (14), ne suffit pas à garantir que la séquence audiovisuelle (106) ainsi obtenue ne soit "pas altérée pour la perception humaine". En effet, il semble qu'il doive exister une relation entre les première et deuxième marques et les informations complémentaires, mais cette relation n'est pas présente dans la demande et ne découle pas directement des connaissances générales de l'homme du métier.
La division d'examen n'explique pas davantage pourquoi une telle relation serait nécessaire. Toutefois, la chambre comprend cette nécessité de la manière suivante:
Le serveur (14) insère la première marque dans l'information complémentaire (103) afin d'altérer la reconstruction de la séquence audiovisuelle de manière visible, préférablement gênante pour l'utilisateur (cf. page 5, ligne 26 à page 6, ligne 4, page 15, lignes 25 à 28 et page 16, lignes 15 à 19). Or, rien n'indique dans la description de l'équipement destinataire (11) que ce dernier retire cette première marque avant d'ajouter la deuxième marque. Par conséquent, même si la deuxième marque en soi n'altère pas de manière visible la séquence audiovisuelle, rien dans la demande n'explique pourquoi et comment l'altération causée par la première marque serait supprimée.
5. Avis de la chambre
En ce qui concerne les exigences de l'article 83 CBE, la question se pose de savoir si l'homme du métier serait capable, sans effort excessif, sur la base de la divulgation de la demande et de ses connaissances techniques générales de générer sur l'équipement destinataire (11) une séquence audiovisuelle marquée (106) non-altérée pour la perception humaine, tel que cela est revendiqué à la revendication 1 de la requête principale.
Étant donné que la première marque altère la séquence audiovisuelle pour la perception humaine (cf. page 5, ligne 26 à page 6, ligne 4 et page 15, lignes 25 à 28 de la description et, dans l'étape de génération du flux complémentaire (103) de la revendication 1, l'expression "une séquence audiovisuelle altérée pour la perception humaine" qui décrit la séquence audiovisuelle originale marquée par la première marque), alors que la deuxième marque est invisible (cf. page 20, lignes 21 à 29 et les expressions "la séquence audiovisuelle marquée (106) n'étant pas altérée pour la perception humaine" et "la séquence audiovisuelle marquée (106) étant identique à la séquence audiovisuelle nominale (1) du point de vue de la perception humaine" à la revendication 1), il est nécessaire que la première marque soit supprimée par l'équipement destinataire afin que la séquence audiovisuelle marquée (106) ne soit pas altérée pour la perception humaine.
La chambre n'est pas convaincue que l'homme du métier puisse réaliser un tel équipement destinataire sans effort excessif sur la base de ses connaissances techniques générales et donc que l'invention telle que revendiquée remplisse les conditions de l'article 83 CBE. En effet, selon la description, l'équipement destinataire ne reçoit pas du serveur d'information lui permettant de supprimer les premières marques dans le flux complémentaire 103, ceci pour des raisons de sécurité (cf. page 17, lignes 2 à 13). Tout au plus, l'équipement destinataire reçoit les positions de marquage, c'est-à-dire les positions où le flux a été modifié par les premières marques, mais pas d'information sur comment le flux a été modifié par ces premières marques. L'équipement destinataire ne sait donc pas comment annuler les premières marques.
6. Les arguments de la requérante
6.1 La requérante a présenté les arguments suivants dans sa lettre datée du 8 octobre 2019:
La description de la demande mentionne que les première et deuxième marques peuvent être générées et insérées comme décrit dans le document D2 cité dans la demande (cf. page 15, ligne 28 à page 16, ligne 3 et page 18, ligne 31 à page 19, ligne 5 de la demande). Le document D2 décrit en détail comment insérer des marques dans une séquence audiovisuelle. En lisant ce document, l'homme du métier comprendrait comment insérer les marques, mais également, étant donné que les détails relatifs aux marques y sont extrêmement bien décrits, il comprendrait sans effort excessif de quelle façon il peut supprimer les marques.
6.2 La chambre n'est pas convaincue par ces arguments pour les raisons suivantes:
La première marque altère la séquence audiovisuelle de manière visible, préférablement gênante pour l'utilisateur (cf. page 5, ligne 26 à page 6, ligne 4 et page 15, lignes 25 à 28 de la description et, dans l'étape de génération du flux complémentaire (103) de la revendication 1, l'expression "une séquence audiovisuelle altérée pour la perception humaine" qui décrit la séquence audiovisuelle originale marquée par la première marque). Afin de supprimer cette marque, il est nécessaire de savoir non seulement où elle a été appliquée, mais aussi de quelle manière elle a modifié la séquence audiovisuelle. Sans cette seconde information, qui n'est pas transmise à l'équipement destinataire, ce dernier ne sait pas comment réaliser l'opération inverse du marquage afin de revenir à la version de la séquence audiovisuelle d'avant le marquage. Ceci s'applique aussi si une marque est insérée selon la méthode divulguée dans le document D2.
7. Conclusion concernant la requête principale
Puisque l'invention telle que définie à la revendication 1 ne satisfait pas aux exigences de l'article 83 CBE, la requête principale de la requérante n'est pas admissible.
Requête subsidiaire - article 83 CBE
8. Le procédé de la revendication 1 selon la requête subsidiaire comprend, comme la revendication 1 selon la requête principale, les caractéristiques selon lesquelles la première marque altère la séquence audiovisuelle pour la perception humaine et la séquence audiovisuelle marquée (106) générée par l'équipement destinataire n'est pas altérée pour la perception humaine, par exemple "une première marque qui est perceptible du point de vue du rendu audiovisuel" et "la séquence audiovisuelle marquée (106) n'étant pas altérée pour la perception humaine".
Par conséquent, le procédé de la revendication 1 selon la requête subsidiaire ne satisfait aux exigences de l'article 83 CBE, pour essentiellement les mêmes raisons que le procédé de la revendication 1 selon la requête principale.
Il s'ensuit que la requête subsidiaire de la requérante n'est pas admissible.
Vice substantiel de procédure allégué
9. La requérante considère que la division d'examen a commis un vice substantiel de procédure en refusant la demande après une seule notification parce que la demanderesse, ayant répondu de bonne foi à cette notification, s'attendait à être invitée une seconde fois à prendre position avant un possible rejet de la demande.
10. La chambre note que, conformément à la jurisprudence des chambres de recours, une division d'examen peut rejeter une demande après une seule notification si elle considère qu'il n'y a aucun résultat positif à attendre (cf. La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, 8e édition 2016, IV.B.2.5).
11. Dans son unique notification, la division d'examen a soulevé plusieurs objections selon les articles 84 et 83 CBE.
En réponse à cette notification, la demanderesse a apporté quelques modifications aux revendications pour surmonter un premier groupe d'objections de la division d'examen et a fourni des arguments pour réfuter un second groupe d'objections.
Les arguments de la demanderesse n'ont pas convaincu la division d'examen qui a donc maintenu le second groupe d'objections.
12. La chambre ne voit pas de vice de procédure dans la manière de procéder de la division d'examen. Conformément à la jurisprudence des chambres, la requérante aurait dû s'attendre à ce que la demande soit rejetée après la seule notification si ses arguments ne convainquaient pas la division d'examen. Afin de se prémunir contre une telle issue, la requérante aurait pu requérir une procédure orale selon l'article 116 CBE.
Requête en remboursement de la taxe de recours
13. La requérante a requis le remboursement de la taxe de recours selon la règle 103 CBE en raison du vice de procédure précité.
14. Selon la règle 103(1)a) CBE, la taxe de recours est remboursée intégralement lorsque la chambre de recours fait droit au recours, si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure.
15. En l'espèce, la chambre note qu'aucune des deux conditions préalables au remboursement de la taxe de recours selon la règle 103(1)a) CBE n'est remplie: il n'y a pas eu de vice substantiel de procédure et la chambre ne fait pas droit au recours. Par conséquent, la requête en remboursement de la taxe de recours doit être rejetée.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. Le recours est rejeté.
2. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.