European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2017:T201213.20170712 | ||||||||
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Date de la décision : | 12 Juillet 2017 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 2012/13 | ||||||||
Numéro de la demande : | 98942751.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | B01J 20/18 C07C 15/08 C07C 7/13 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Adsorbants zéolitiques agglomérés, leur procédé d'obtention et leur utilisation pour l'adsorption de paraxylène a partir de coupes de C8 aromatiques | ||||||||
Nom du demandeur : | CECA S.A. Institut Français du Pétrole |
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Nom de l'opposant : | Clariant Produkte (Deutschland) GmbH | ||||||||
Chambre : | 3.3.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Requête produite tardivement - pendant la procédure orale recevable (oui) Modifications - extension au-delà du contenu de la demande telle que deposée Modifications - requête principale (non) Possibilité d'exécuter l'invention - requête principale (oui) Renvoi à la première instance - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Les requérantes (titulaires du brevet) ont formé un recours contre la décision de la division d'opposition de révoquer le brevet européen n° 1 011 858.
II. Les revendications 1, 2 et 6 du brevet tel que délivré s'énoncent comme suit (termes ajoutés aux ou [deleted: supprimés] des revendications correspondantes de la demande telle que déposée rendues apparentes par la chambre):
"1. Adsorbants zéolitiques agglomérés avec un liant comprenant au moins 70 % et de préférence au moins 80 % de faujasite de rapport atomique Si/Al tel que 1 < Si/Al < 1,15 dont les sites échangeables sont occupés au moins à 70% par des ions baryum et éventuellement jusqu'à 30 % par du potassium (le complément éventuel étant généralement assuré par des ions alcalins ou alcalino-terreux autres que le baryum et le potassium) et [deleted: agglomérés avec un liant] au plus 30 %, de préférence au plus 20 % de liant."
"2. Adsorbants selon la revendication 1 agglomérés avec un liant zéolitisable, de préférence une argile de la famille du kaolin telle que la kaolinite ou l'halloysite."
"6 [deleted: 5]. Procédé d'obtention des adsorbants tels que définis dans l'une quelconque des revendications 1 à 5 [deleted: 4]comprenant les étapes suivantes :
a/ agglomération de poudre de zéolite avec un liant,
b/ calcination de l'aggloméré
c/ zéolitisation éventuelle du liant par immersion de t'aggloméré dans une liqueur alcaline, soude ou mélange de soude et de potasse,
d/ échange au baryum et éventuellement au potassium
e/ activation."
III. L'opposition à l'encontre de ce brevet a été formée au motif des article 100 a), b) et c) CBE.
Le document suivant a notamment été cité au cours de la procédure d'opposition afin d'illustrer les connaissances générales pertinentes:| |
D8 = "ZEOLITE MOLECULAR SIEVES - STRUCTURE, CHEMISTRY, AND USE" D.W.Breck, 1974, Table of contents et pages 344-353, 368, 369, 529-565.
IV. Dans la décision contestée, la Division d'Opposition a seulement traité les objections soulevées au titre des articles 100 b)/83 et 100 c)/123(2) CBE.
Elle a conclu :
- que le brevet tel que délivré ainsi que les revendications de la requête subsidiaire 1 alors en instance, répondaient aux exigences de l'article 123(2) CBE,
- mais que l'exposée de l'invention était insuffisant, notamment concernant la caractéristique essentielle "...comprenant.... faujasite ... dont les sites échangeables sont occupés d'au moins 70 % par des ions baryum" présente dans toutes les versions de la revendication 1 alors en instance, cela justifiant la révocation du brevet.
V. Dans leur mémoire exposant les motifs du recours les requérantes ont contesté cette dernière conclusion, demandé le renvoi de l'affaire devant la Division d'Opposition pour statuer sur les autres motifs d'opposition. Les requérantes ont également produit le document
D9c = "ESSAIS COMPARATIFS"
- comprenant notamment des spectres obtenu au moyen d'analyses par diffraction des rayons X (ci-après DRX) d'échantillons obtenus par reproduction des exemples du brevet et
- mentionnant des listes de pics de DRX de zéolites contenues dans une banque de données.
VI. Dans sa réponse du 15 mai 2014, l'intimée (opposante) a maintenu ses objections au titre des articles 100 b)/83 et 100 c)/123(2) CBE (entre autres).
VII. Dans une communication du 20 janvier 2017 en préparation d'une procédure orale prévue pour le 1er février 2017, la chambre a signalé que si une requête des requérantes était recevable et répondait aux exigences des articles 83 et 123 CBE, elle envisageait le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition.
VIII. Une première procédure orale s'est tenue devant la chambre le 1er février 2017.
i) Durant cette procédure, les requérantes ont déposé un nouveau jeu de revendications modifiées, libellé requête subsidiaire 1 (ci-après requête du 1er février 2017). Au final, seule cette dernière requête a été maintenue par les requérantes.
ii) Comparée à la revendication 1 telle que délivrée (point II ci-dessus), la revendication 1 de la requête du 1er février 2017 comprend en plus la définition suivante du "liant":
", le liant étant un liant zéolitisable de la famille du kaolin".
De même, comparée à la revendication 6 de procédé telle que délivrée (point II ci-dessus), la revendication 5 de la requête du 1er février 2017 comprend les caractéristiques suivantes, ajoutées à l'étape "a/" du procédé et précisant la nature du "liant":
"a/ agglomération de poudre de zéolite avec un liant zéolitisable de la famille du kaolin,".
iii) L'intimée a contesté la recevabilité de cette requête au regard de son caractère tardif.
iv) La chambre a néanmoins considéré la requête du 1er février 2017 recevable. Toutefois, retenant l'argument de l'intimée selon lequel en absence de son expert technique elle se trouvait privée de moyens de défense, y compris de la possibilité de présenter, le cas échéant, des essais expérimentaux, la chambre a (cf. le procès-verbal de la procédure orale du 1er février 2017):
- décidé d'interrompre la procédure orale;
- accordé à l'intimée un délai de trois mois pour faire parvenir ses écritures et des résultats d'essais le cas échéant et
- fixée au 7 juillet 2017 la date de poursuite de la procédure orale.
IX. Dans sa réponse du 8 mai 2017 l'intimée a soulevé des objections au titre des articles 123(2) et 84 CBE concernant la définition du "liant" introduite dans les revendications 1 et 5 de la requête du 1er février
2017.
A l'appui de l'objection d'insuffisance de l'exposé, l'intimée a notamment soumis un document libellé
Annexe 1 = Rapport d'essais ("Vergleichsversuch 1")
comprenant le spectre DRX d'un échantillon préparé par agglomération d'une certaine zéolite LSX avec kaolin, et zéolitisation, ainsi que des fiches (prises d'une banque de données et numérotées D12 à D14) de spectres DRX de certaines zéolites.
X. Sur demande des requérantes et en réponse à une communication de la chambre à ce sujet, l'intimée a ensuite soumis par lettre du 21 juin 2017 les
Annexes 2 à 4 = Spectres DRX de l'échantillon et de la zéolite de départ mentionnés dans ladite Annexe 1.
XI. Par une télécopie du 6 juillet 2017 l'intimée a, entre autres, soulevé une objection au titre de la règle 80 CBE à l'encontre de la définition du liant introduite dans les revendications 1 et 5 de la requête du 1er février 2017.
XII. La procédure orale a été poursuivie le 7 juillet 2017.
Le président a initialement :
- exposé la position provisoire de la chambre selon laquelle la modification des revendications 1 et 5 du 1er février 2017 ne semblait effectivement pas être conforme aux dispositions de la règle 80 CBE;
- pris note de la position des requérantes, contestée par l'intimée, selon laquelle la revendication 1 du 1er février 2017 se référait implicitement à un liant zéolitisable qui était une argile de la famille du kaolin;
- pris note de ce que les requérantes étaient prêtes à soumettre une requête modifiée afin de surmonter cette objection.
Le Président a précisé que, dans un premier temps, le débat se baserait sur le présupposé que, dans la revendication 1 du 1er février 2017, le liant zéolitisable était "une argile de la famille du kaolin".
ii) Suite au débat portant sur la suffisance de l'exposé de l'invention (adsorbants selon la revendication 1 du 1er février 2017), les requérantes ont déposé un nouveau jeu de douze revendications désigné "Requête Principale", remplaçant la requête du 1er février 2017.
iii) Les revendications 1 et 5 de la Requête Principale diffèrent des revendications 1 et 5 de la requête du 1er février 2017 (cf. point VIII ci-dessus) essentiellement en ce que l'expression "liant zéolitisable de la famille du kaolin" a été remplacé par "liant zéolitisable qui est une argile de la famille du kaolin".
iv) L'intimée a réagi en déposant une requête écrite tendant au rejet de cette Requête Principale, à défaut, au renvoi de la procédure orale du 7 juillet 2017 à une date ultérieure et à une répartition des frais. Elle a en outre soulevé une objection de vice de procédure fondée sur une violation de l'article 113 CBE (article 112bis(2)c) et règle 106 CBE) au cas où aucune des requêtes en rejet de la Requête Principale et en renvoi de la procédure orale ne serait acceptée (concernant le texte complet de la requête en Allemand cf. Annexe A au procès-verbal de la procédure orale).
Après avoir délibéré sur ce point, la chambre a considéré recevable la Requête Principale et rejeté la requête tendant au renvoi de la procédure orale.
Après une interruption d'une heure pour permettre à l'intimée de préparer ses arguments sur cette nouvelle requête, les débats ont été repris et le bien-fondé de la requête en cause a fait l'objet de discussions. Dans ce contexte, l'intimée s'est référée à de nouveaux documents supposés montrer que les minéraux tels que la kaolinite utilisés dans tous les exemples du brevet opposé, ne sont pas considérés par l'homme du métier comme des argiles.
Le Président a donc prononcé la clôture des débats et a indiqué que la décision serait prononcée oralement le 12 juillet 2017.
XIII. Requêtes finales
Les requérantes ont demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base des revendications de la Requête Principale déposée au cours de la procédure orale du 7 juillet 2017.
L'intimée a demandé le rejet du recours. Elle a aussi demandé la répartition des frais occasionnés par la procédure orale du 7 juillet 2017, le renvoi de cette procédure orale et, le cas échéant, la répartition des frais occasionnés par un tel nouveau renvoi (texte complet de la requête en Allemand cf. Annexe C au procès-verbal de la procédure orale).
XIV. Les arguments des requérantes peuvent se résumer comme suit :
Recevabilité de la requête du 1er février 2017
La requête du 1er février 2017 n'a pas été soumise avant cette procédure orale car les requérantes étaient convaincues que dans le contexte de l'invention le mot "liant" ne pouvait viser qu'une argile et que, donc, les spectres de diffraction des rayons X en D9c étaient suffisants à démontrer que le "liant" aurait produit nécessairement et exclusivement une quantité supplémentaire de la faujasite de départ (ci-dessous on appellera faujasite LSX ou F-LSX la faujasite avec le rapport atomique Si/Al indiqué dans la revendication 1). L'observation de l'intimée qu'une argile peut avoir un rapport atomique Si/Al très différent de celui de la faujasite LSX et que, donc, que les essais comparatifs en D9c n'étaient pas suffisants à rendre plausible qu'aussi dans le cas où le "liant" zéolitisé est une telle argile, la zéolitisation produisait exclusivement de la F-LSX, avait été exposée pour la première fois lors de la procédure orale du 1er février 2017. Dès lors, la requête déposée à la même date devrait être admise dans la procédure.
Recevabilité de la Requête Principale
La Requête Principale soumise lors de la procédure orale du 7 juillet 2017 était une réaction à l'objection fondée sur la Règle 80 CBE soulevée par l'intimée la veille de cette procédure orale. Pour répondre à cette objection, la définition du liant dans les revendications 1 et 5 de la Requête Principale a été reformulée de façon identique à la définition du liant présente dans la revendication 2 telle que délivrée. En outre, les autres modifications, distinguant les revendications 7 et 9 en instance de celles de la requête du 1er février 2017, ne visaient que la correction de fautes évidentes de transcription. Pour ces raisons, la Requête Principale devrait être admise dans la procédure.
Admissibilité des modifications de la Requête Principale
Le libellé de la revendication 1 de la Requête Principale se base manifestement sur celui des revendications 1 et 2 de la demande telle que déposée et sur le passage à la page 3, lignes 11 à 13 de la demande telle que déposée. L'interprétation de la revendication 1 de la demande telle que déposée proposée par l'intimée, était clairement contraire à la définition du procédé dans la revendication 5 telle que déposée. De plus, tout l'enseignement de la demande initiale (et du brevet délivré), incluant les exemples de l'invention, était limité à l'agglomération de zéolites en poudre avec le liant. Par conséquent, l'expression "adsorbants zéolitiques agglomérés" dans la description et la revendication 1 de la demande originale décrivaient exclusivement les produits qui pouvaient être obtenus selon l'enseignement de la demande elle-même.
Enfin, même si la revendication 1 n'indiquait pas explicitement que le pourcentage de liant est basé sur "la masse totale de l'adsorbant", cela était la seule signification raisonnable de ce pourcentage, ainsi que divulgué à la page 3, lignes 11 à 13, de la demande.
Ainsi, les objections soulevées par l'intimée sur le fondement de l'article 123(2) CBE à l'encontre de la revendication 1 de la Requête Principale ne sont pas fondées.
Suffisance de l'exposé de l'invention - signification des revendications 1 et 5 de la Requête Principale
Les objections d'insuffisance de l'exposé soulevées par l'intimée sont basées sur des interprétations injustifiées du libellé de des revendications 1 et 5.
Les adsorbants revendiqués sont exclusivement ceux qui peuvent être obtenus en agglomérant des faujasites du type LSX avec un seul liant, c'est-à-direavec une seule argile de la famille du kaolin.
A la lecture des exemples du brevet et de la définition au paragraphe [0012] du brevet il est évident que, dans le contexte de l'invention, la kaolinite pure (aussi bien que la halloysite pure) est une "argile de la famille du kaolin". Donc, l'homme du métier trouve dans les exemples du brevet suffisamment de détails concernant la mise en oeuvre du procédé d'obtention des adsorbants revendiqués.
Tel qu'indiqué durant la procédure orale du 1er février 2017, les "sites échangeables" des adsorbants zéolitiques sont normalement occupés par de cations des métaux alcalins ou alcalino-terreux. Par conséquent, la revendication 1 exprime implicitement que le(s) pourcentage(s) requis d'occupation des "sites échangeables" par des cations de baryum (et potassium) se réfère(nt) au(x) pourcentage(s) de (moles de) ces cations par rapport aux moles de l'ensemble des cations alcalins ou alcalino-terreux présents dans la faujasite LSX. Cela correspond aussi à la formule théorique pour la fraction équivalente des cations échangés donnée dans le document D8, qui est l'ouvrage de référence dans ce domaine, à la page 530 (cf. chiffre "(7.2)").
Puisque les argiles de la famille du kaolin ne comprennent pas de cations alcalins ou alcalino-terreux, il est évident que les cations alcalins ou alcalino-terreux présents dans les "sites échangeable" de la faujasite LSX sont les seuls cations alcalins ou alcalino-terreux présents dans les adsorbants qui n'ont pas été zéolitisés. Et même dans le cas des adsorbants qui ont été zéolitisés tous les cations alcalins ou alcalino-terreux présents dans les adsorbants sont exclusivement présents dans de la faujasite LSX. Ainsi que démontré par les spectres DRX dans D9c, la zéolitisation d'une argile de la famille du kaolin en mélange intime avec la faujasite LSX ne produit que des quantités supplémentaires de la même faujasite.
L'homme du métier est donc bien à même de déterminer le pourcentage d'occupation des "sites échangeables" par des cations de baryum (et de potassium) à partir des concentrations en cations alcalins ou alcalino-terreux dans ces adsorbants, c'est-à-dire en faisant une analyse chimique standard des adsorbants obtenus selon le procédé de l'invention.
Par ailleurs,
- les pics dans les spectres DRX de D9c pourraient aussi être assignés à la structure d'une faujasite LSX au moyen des listes de pics de référence que l'on trouve dans les banques de données (comme D12 à D14 soumises par l'intimée avec lettre du 8 mai 2017) pour des zéolités sans baryum, en tenant compte du fait que certains pics peuvent être shiftés ou créés du fait de la présence du baryum);
- que les spectres DRX dans les Annexes 1 à 4 (produits par l'intimée) n'ont aucune valeur probante car ils se référent à un échantillon préparé sans échange au baryum qui, donc, n'est pas un exemple de l'invention, et
- que, en outre, l'intensité des pics dans les spectres DRX des Annexes 1 à 4 que l'intimée prétend attribuer à une zéolite A est comparable à celle du bruit de fond de sorte que ces pics sont dépourvus de signification claire.
Même dans l'hypothèse où l'on pourrait interpréter le libellé de la revendication 1 en instance comme permettant l'addition - en quantités nécessairement minoritaires par rapport à celle de au moins 70 % de
F-LSX - de zéolites qui ne sont pas des faujasite LSX
(les zéolites qui ne sont pas des faujasites LSX seront désignées zéolites non-F), l'homme du métier arriverait sans difficulté à préparer aussi de tels adsorbants. En effet, pour chaque quantité minoritaire de zéolite
non-F que on veuille ajouter à la faujasite LSX, l'homme du métier serait en mesure de prévoir, en supposant que tous les sites échangeables présents dans la zéolite non-F soient occupés par le baryum, la teneur minimum en ions baryum à incorporer dans l'adsorbant final afin d'être certain d'avoir préparé un adsorbant tel que revendiqué.
L'exposé de l'invention revendiquée satisfait donc aux exigences de l'article 83 CBE.
XV. Les arguments de l'intimée peuvent se résumer ainsi :
Recevabilité de la requête du 1er février 2017
La requête du 1er février 2017 était tardive et n'aurait pas dû être admise dans la procédure. Lors de son admission, l'intimée, en absence de son expert technique, s'était trouvée surprise et donc privée de moyens de défense, y compris de la possibilité de présenter, le cas échéant, des essais expérimentaux. Le renvoi de la procédure orale du 1er février 2017 avait donc été nécessaire.
Les requérantes étaient dès lors seules responsables du renvoi de la procédure orale qui avait occasionné à l'intimée des frais supplémentaires pour lesquels elle demande la répartition.
Recevabilité de la Requête Principale
La Requête Principale, soumise pendant la procédure orale du 7 juillet 2017, a également été déposée tardivement et n'aurait pas dû être admise dans la procédure. Son admission a surpris l'intimée qui s'était donc vu privée de moyens de défense. Par conséquent, un renvoi de la procédure orale du
7 juillet 2017 aurait aussi été nécessaire. En absence d'un tel renvoi, une violation de l'article 113 CBE a été commise.
Admissibilité des modifications de la Requête Principale
Alors que la revendication 1 de la Requête Principale exige la présence dans les adsorbants revendiqués de faujasite LSX agglomérée avec un liant, la revendication 1 de la demande telle que déposée définit des adsorbants zéolitiques (comprenant de la faujasite LSX) qui ont déjà été agglomérés (une première fois) avant d'être agglomérés (une deuxième fois) avec le liant. Par ailleurs, la revendication 1 en instance n'exige pas que ces pourcentages maximaux de liant soient définis par rapport à "la masse totale d'adsorbant". Donc, l'objett de la revendication 1 en instance s'étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Par conséquent la Requête Principale ne satisfait pas aux exigences de l'article 123(2) CBE.
Suffisance de l'exposé de l'invention - signification des revendications 1 et 5 de la Requête Principale
L'intimée soutient à cet égard que, en l'absence dans le brevet d'une définition de "sites échangeables" présents dans la faujasite LSX qui peuvent être occupés par les cations de baryum (et de potassium), l'homme du métier n'est pas en mesure de vérifier si un adsorbant possède ou pas le pourcentage requis de sites échangeables occupés par le baryum, c'est-à-dire si un adsorbant appartient ou non à un des modes d'exécution de l'objet de la revendication 1 en cause.
Selon l'intimée, il existe plusieurs significations possibles de l'expression "sites échangeables" outre celle soutenue par les requérantes. Ces mots pourraient notamment indiquer les sites dans la faujasite LSX qui peuvent effectivement être réversiblement occupés par les cations baryum et, donc, leur nombre maximal pourrait varier en fonction des conditions utilisées pour l'échange au baryum, conditions qui ne sont pas divulguées par le brevet.
A défaut, le nombre maximal de "sites échangeables" que le baryum peut occuper peut être considéré comme équivalent à la moitié du nombre d'atomes d'aluminium présents dans la faujasite. Mais ce nombre maximal ne peut pas être déterminé de façon simple, par exemple, par analyse chimique des adsorbants, en raison de la présence dans ces derniers d'autres sortes d'atomes d'aluminium (notamment dans le liant).
La revendication 1 couvre des adsorbants zéolitiques agglomérés comprenant comme composants optionnels minoritaires (par rapport à la F-LSX), par exemple, d'autres liants (outre l'argile de la famille du kaolin) et/ou d'autres zéolites (c'est-à-dire des zéolites non-F). Ces autres composants peuvent comprendre des cations alcalins ou alcalino-terreux qui peuvent, ou non, être échangés par baryum. Donc, dans les adsorbants qui comprennent ces autres composants il n'est en aucun cas possible d'assimiler le pourcentage (par rapport à la teneur totale en cations alcalins ou alcalino-terreux) de la teneur en cations baryum (et potassium) (mesurable par analyse chimique standard) de l'adsorbant entier, avec le pourcentage d'occupation par ces cations des "sites échangeable" de la F-LSX uniquement.
De plus, dans le cas où l'adsorbant comprendrait aussi une zéolite non-F, aucune évaluation de la quantité maximale de baryum présente dans cette zéolite ne permettrait de prévoir quelle teneur en baryum garantirait avec certitude, par exemple, qu'un adsorbant comprenant 30% de zéolite non-F, ait aussi un pourcentage d'occupation au baryum de 70 % dans les "sites échangeables" de la composante F-LSX.
En outre, comme démontré pas les spectres des Annexes 1 à 4, même la zéolitisation de la kaolinite utilisée dans les exemples du brevet comme liant, produit une zéolite A, c'est-à-dire une zéolite non-F. Les spectres dans D9c (produits par les requérantes) ne sont pas indicatifs de la présence, dans les échantillons préparés, de faujasite LSX uniquement, puisque leur pics ne correspondent pas à ceux des listes de pics de référence (comme celles de D12 - D14). En tous cas, les spectres en D9c ne sont pas suffisants à rendre plausible la formation exclusive de F-LSX pendant n'importe quelle étape de la zéolitisation, d'une quelconque argile de la famille du kaolin, et possiblement aussi d'un autre liant, en présence d'une quelconque faujasite LSX, et, éventuellement, d'une autre zéolite (non-F).
Enfin, le mot "argile" décrit des produits naturels de composition mixte, dont la kaolinite n'est qu'un des composants. Ainsi, même les exemples du brevet ne représentent pas des modes de réalisation de l'invention revendiquée, puisqu'ils ne comprennent pas une "argile de la famille du kaolin", mais seulement de la kaolinite pure.
Le brevet ne donne donc pas à l'homme du métier suffisamment d'indications techniques, lui permettant de préparer un adsorbant représentant avec certitude comme un mode de réalisation de l'objet de la revendication 1 en instance. Il en va de même du procédé de la revendication 5.
Par conséquent, la Requête Principale ne remplit pas les conditions de l'article 83 CBE.
Motifs de la décision
Recevabilité de la Requête Principale et demande de renvoi de la procédure orale à une date ultérieure.
1. Le jeu de revendications modifiées 1 à 12 de la Requête Principale, seule en instance, a été déposée au cours de la procédure orale du 7 juillet 2017.
1.1 Dans son appréciation de la recevabilité de la Requête Principale et du bien-fondé de la demande de renvoi de l'intimée, la chambre a notamment considéré les éléments suivants:
- Le dépôt tardif de cette requête constitue une réaction à la nouvelle objection soulevée par l'intimée la veille de cette procédure orale, objection qui se fondait sur le fait que la définition du "liant" introduite dans les revendications 1 et 5 du 1er février 2017 était différente de celle de la revendication 2 telle que déposée et délivrée.
- Par ces modifications l'objet de la revendication 1 de la Requête Principale est substantiellement le même que celui de la revendication 2 du brevet tel que délivré.
- Ces modifications répondent en outre aux objections soulevées au titre des articles 84 et 123(2) CBE fondées sur la même argumentation.
- Les autres modifications qui distinguent la Requête Principale de la requête du 1er février 2017 précédemment en instance sont très limitées et tendent à la correction d'erreurs évidentes de transcription (par rapport aux libellés des revendications 7 et 9 tels que délivrées). Cela n'est pas contesté par l'intimée.
- Le débat sur la requête du 1er février 2017 qui a eu lieu du début de la procédure orale du 7 juillet 2017 jusqu'au dépôt de la Requête Principale, avait déjà porté sur le présupposé que le "liant zéolitisable" mentionné dans la revendication 1 de la requête du 1er février 2017 était "une argile de la famille du kaolin" (cf. point XII ci-dessus).
- Enfin, la présentation de la Requête Principale au cours de la procédure orale du 7 juillet 2017 n'a pas soulevé de questions supplémentaires complexes concernant les objections au titres des articles 83 et 123(2) CBE qui restaient à discuter, que la chambre ou l'intimée ne pouvaient raisonnablement traiter sans que la procédure orale soit renvoyée.
1.2 En conséquence, et en application des dispositions de l'article 114(2) CBE et des articles 13(1) et (3) RPCR, la Requête Principale a été jugée recevable et la demande de renvoi présentée par l'intimée a été rejetée.
Requête Principale - Admissibilité des modifications
2. Revendication 1 de produit
2.1 La revendication 1 en instance diffère de la revendication 1 telle que délivrée en ce qu'elle comprend en plus la définition du liant comme "un liant zéolitisable qui est une argile de la famille du kaolin".
2.2 La chambre estime que le libellé de la revendication 1 en cause se base manifestement sur les revendications 1 et 2 et le passage à la page 3, lignes 11 à 13 de la demande telle que déposée qui se lit comme suit: "La teneur pratique en liant de l'aggloméré ne dépasse généralement pas 3 %, et de préférence 20 %, de la masse totale de l'adsorbant".
2.3 L'intimée prétend que, alors que la revendication 1 de la Requête Principale exigeait la présence dans les adsorbants revendiqués de faujasite LSX agglomérée avec un liant, la revendication 1 de la demande telle que déposée définissait des adsorbants zéolitiques (comprenant de la faujasite LSX) qui avaient été préparés à partir de zéolites déjà préaggloméres et ensuite agglomérées davantage avec le liant (cf. au point XV ci-dessus).
2.3.1 La chambre estime que l'interprétation de la revendication 1 de la demande telle que déposée faite par l'intimée est manifestement erronée. Elle est en premier lieu clairement contraire au procédé d'obtention d'un adsorbant selon la revendication 1 défini dans la revendication 5 de la demande telle que déposée, (cf. point II, étape "a/"). De plus, la demande telle que déposée ne fait aucune mention, même indirecte, de la possibilité d'agglomérer avec le liant des zéolites déjà précédemment agglomérées. Au contraire, tout l'enseignement de la demande telle que déposée, incluant tous les exemples de l'invention, est limité à l'agglomération de zéolites en poudre avec le liant.
2.3.2 Il est donc évident que dans description et la revendication 1 de la demande telle que déposée l'expression "adsorbants zéolitiques agglomérés" décrit exclusivement les produits qui peuvent être obtenus selon l'enseignement de la demande même, et non
d'hypothétiques composants de départ qui ne sont pas décrits dans la demande.
2.4 L'intimée soutient également que le passage à la
page 3, lignes 11 à 13 de la demande telle que déposée ne donnerait pas de base à la caractéristique introduite dans la revendication 1 en instance, selon laquelle les "adsorbants zéolitiques agglomérés avec un liant" revendiqués comprennent "au plus 30 %, de préférence au plus 20 % de liant". Notamment, selon l'intimée, la revendication 1 en instance n'exigerait pas que ces pourcentages maximaux de liant soient à rapporter à "la masse totale de l'adsorbant" tel qu'indiqué dans la description.
2.4.1 Cependant, la chambre estime qu'au vu du libellé et de la syntaxe de la revendication 1 en instance, la seule interprétation techniquement raisonnable est que les teneurs maximales (en %) en liant (ainsi que les teneurs minimales de "au moins 70 % et de préférence au moins 80 %" en faujasite) se référent à la masse totale d'absorbant.
2.4.2 Donc, le fait que la revendication 1 ne comprend pas l'indication "de la masse totale de l'adsorbant" n'aboutit pas à une définition de la teneur en liant véritablement différente de celle divulguée par le passage à la page 3, lignes 11 à 13.
3. Revendication 5 de procédé
3.1 Cette revendication diffère de la revendication 6 telle que délivrée en ce que le "liant zéolitisable" mentionné dans l'étape "a/" est plus précisément défini comme étant "une argile de la famille du kaolin".
3.2 Le libellé de la revendication 5 en cause se base sur celui des revendications 1, 2 et 5 ("procédé d'obtention des adsorbant tels que définis dans l'une quelconque des revendication 1 à 4 ..."), ainsi que sur le passage à la page 3, lignes 11 à 13, de la demande telle que déposée. Ceci n'a pas été contesté.
4. De même, l'intimé n'a plus maintenu, à la procédure orale, d'objections au titre de l'article 123(2) CBE formelles contre les revendications dépendantes 2 à 4 et 6 à 12 en instance et la chambre n'en a pas non plus.
5. La chambre conclut que les revendications de la Requête Principale satisfont aux conditions énoncées à l'article 123(2) CBE.
Requête Principale - terminologie
6. Revendication 1 - La définition des adsorbants
6.1 Le brevet en cause divulgue de façon explicite et/ou implicite, mais directement et sans ambiguïté, des adsorbants zéolitiques obtenus en agglomérant des faujasites du type LSX avec un liant qui est une argile de la famille du kaolin, au moyen d'un procédé qui peut aussi comprendre la zéolitisation du liant.
Ci-après les adsorbants résultant de l'agglomération, comme seules composantes, de (une ou plusieurs) faujasites LSX avec une argile de la famille du kaolin (sans ou avec zéolitisation de ce liant) sont désigné par l'acronyme F-LSX/K.
6.2 Or, le libellé de la revendication 1 ("... comprenant au moins 70 % ...de faujasite....et au plus 30 % ....de liant ...") couvre également des adsorbants zéolitiques agglomérés pouvant comprendre, en plus, une (ou plusieurs) zéolite(s) de type non-F.
Cette possibilité est aussi laissée ouverte au paragraphe [0012] du brevet, où il est indiqué que "[p]ar agglomération, on entend l'obtention de particules solides à partir d'un mélange de zéolite(s) et de liant(s)..." (pluriel mis en exergue par la chambre).
Ci-après, des adsorbants résultant de l'agglomération avec une argile de la famille du kaolin (sans ou avec zéolitisation de ce liant) d'un mélange de faujasite LSX avec (au moins) une zéolite non-F sont désigné par F-LSX/non-F/K.
6.3 Par conséquent, la chambre n'accepte pas l'interprétation manifestement trop étroite de la revendication 1 proposée par les requérantes (cf. point XIV ci-dessus), selon laquelle les adsorbants revendiqués sont exclusivement les
F-LSX/K.
7. Revendication 1 - taux d'échange
7.1 La notion de "sites échangeables", n'est pas expressément définie dans le brevet en cause. Il y a lieu de prendre en considération les éléments suivants invoqués par les requérantes et non contestés par l'intimée:
- Dans le domaine technique pertinent, l'expression "sites échangeables" est normalement utilisée pour désigner les positions des cations assurant la neutralité électrique de la zéolite.
- Ces cations occupent des sites extra-charpente et peuvent donc être réversiblement remplacés, c'est-à-dire échangés, partiellement ou totalement, par d'autres cations.
- Tous les "sites échangeables" des adsorbants zéolitiques sont normalement occupés par des cations des métaux alcalins ou alcalino-terreux.
Le fait que le taux d'échange que l'on peut obtenir dépend des conditions d'échange n'est pas davantage contesté.
7.1.1 La chambre est cependant persuadée que l'homme du métier comprend sans difficulté que le passage dans la revendication 1 qui se lit
"... faujasite ... dont les sites échangeables sont occupés au moins à 70% par des ions baryum et éventuellement jusqu'à 30 % par du potassium (le complément éventuel étant généralement assuré par des ions alcalins ou alcalino-terreux autres que le baryum et le potassium)..." (mise en exergue par la chambre),
et qui correspond à l'exposé dans le paragraphes [0009] et [0010] de la description du brevet, donne une
définition implicite des pourcentages d'occupation
par des ions baryum (et éventuellement des ions potassium) dans le sens que ces pourcentages se rapportent à la teneur totale de cations alcalins ou alcalino-terreux dans la faujasite LSX. En d'autres termes, cette définition implique que tous les "sites échangeables" de la faujasite LSX contiennent des cations alcalins ou alcalino-terreux.
7.1.2 Cette lecture de la revendication 1 est d'ailleurs tout à fait cohérente avec la formule théorique pour la fraction équivalente des cations échangés donnée dans le document D8, qui est l'ouvrage de référence pour les zéolites, à la page 530 (au chiffre "(7.2)"), si l'on considère aussi le fait incontesté que les cations alcalins ou alcalino-terreux sont les seuls cations normalement présents dans les "sites échangeables" des zéolites.
7.1.3 Selon l'intimée, l'expression "sites échangeables ... occupés ... à .. % par des ions baryum" pourrait aussi avoir d'autres significations.
- Notamment, l'expression "sites échangeables" pourrait d'une part désigner exclusivement les sites de la faujasite LSX pouvant effectivement être réversiblement occupés par les cations baryum et, donc, leur nombre maximal pourrait varier en fonction des conditions utilisées lors de l'échange au baryum.
- D'autre part, le nombre maximal de "sites échangeables" que le baryum peut occuper peut également être considéré comme équivalent à la moitié du nombre d'atomes d'aluminium présents dans la faujasite.
7.1.4 Cet argument ne convainc pas la chambre, puisque l'homme du métier, animé par la volonté de comprendre, n'a aucune raison d'ignorer la définition implicite donnée dans la revendication 1 et, donc, aucune raison d'attribuer aux pourcentages d'occupation de sites échangeables indiquées dans la revendication 1 en instance une des autres significations (cf. 7.2.3) que l'intimée prétend pouvoir leur donner.
8. Revendications 1 et 5 - définition du "liant"
8.1 Selon l'intimée les adsorbants zéolitiques revendiqués pourraient aussi être obtenus en utilisant plus d'un liant à la fois et, donc, un liant qui, en partie, n'est pas une "argile de la famille du kaolin").
8.2 Cet argument ne convainc pas la chambre, étant donné que la revendication 1 indique clairement que les adsorbants zéolitiques revendiqués sont agglomérés "avec un liant ... le liant étant un liant zéolitisable qui est une argile de la famille du kaolin" (singulier mis en exergue par la chambre).
La même observation s'applique à l'agglomération "avec un liant zéolitisable qui est une argile de la famille du kaolin" (singulier mis en exergue par la chambre) décrite dans l'étape "a/" de la revendication 5.
9. Revendications 1 et 5 - "argile de la famille du kaolin"
9.1 L'intimée a soutenu que le terme "argile", au sens strict, couvrait exclusivement des produits naturels dont les composants minéraux tels que la kaolinite, bien que majoritaires, sont toujours assortis d'autres composants de différentes natures. Une "argile de la famille du kaolin" était donc nécessairement un de ces produits naturels de composition mixte. Par conséquent, la kaolinite (pure) utilisée dans les exemples du brevet n'appartenait pas à cette famille d'argiles, et aucun des exemples du brevet serait donc un mode de réalisation des adsorbants revendiqués).
9.2 Or, même en considérant (arguendo) que dans le domaine technique du brevet il soit tout à fait courant d'utiliser le mot "argile" pour indiquer exclusivement des produits naturels de composition mixte, l'homme du métier trouve, au paragraphe [0012] du brevet en cause, les indications suivantes, expliquant l'expression "argile de la famille du kaolin": "... en retenant comme liant d'agglomération une argile de la famille du kaolin, en pratique la kaolinite ou l'halloysite,..." (mise en exergue par la chambre), ainsi que tous les exemples faisant intervenir la kaolinite (pure).
9.3 Par conséquent, la chambre conclut que l'homme du métier, animé par la volonté de comprendre, ne peut que conclure, dans le contexte du brevet en cause, que la kaolinite (utilisée dans les exemples) et l'halloysite sont les seules "argile[s] de la famille du kaolin" ayants une importance pratique.
Requête principale - Suffisance de l'exposé de l'invention
10. Ainsi qu'exposé aux points 6.1 et 6.2 ci-dessus, la revendication 1 couvre des adsorbants F-LSX/K et des adsorbants F-LSX/non-F/K. La chambre juge approprié de traiter séparément la suffisance de l'exposé de ces deux modes de réalisation de l'invention.
11. Adsorbants F-LSX/K.
11.1 L'intimée a fait valoir les deux points suivants:
a) Aucun des exemples dans le brevet n'était une illustration des produits/méthodes revendiqués.
b) Le brevet ne divulguait pas comment vérifier si un adsorbant avait ou non les "sites échangeables" "occupés au moins à 70% par des ions baryum". Par conséquent l'homme du métier cherchant à obtenir des adsorbants tels que revendiqués, notamment au moyen du procédé selon la revendication 5, ne pouvait pas vérifier si un échantillon d'adsorbant tombait ou non sous le coup de la revendication 1, même dans le cas plus simple, à savoir dans le cas d'un adsorbant F-LSX/K préparé sans zéolitisation du liant.
11.2 L'argument "a)" est rejeté puisque il se fonde sur une interprétation inappropriée de l'expression "argile de la famille du kaolin" (cf. point 9 ff. ci-dessus). Les exemples du brevet contribuent donc à l'exposé de l'invention revendiquée. Notamment, ces exemples confirment aussi que les modes de réalisation préférés de l'invention sont les adsorbants F-LSX/K (sans ou avec zéolitisation du liant).
11.3 L'argument "b)" est également rejeté puisque déjà la revendication 1 en tant que telle (cf. point 7.2.1 ci-dessus) définit implicitement, mais sans aucune ambiguïté, les pourcentages d'occupation des sites échangeables de la F-LSX par des ions de baryum (et éventuellement de potassium) comme étant des pourcentages basés sur la totalité des cations alcalins ou alcalino-terreux présents dans une F-LSX donnée.
11.3.1 D'ailleurs, l'homme du métier, sachant que les argiles de la famille du kaolin ne comprennent pratiquement pas de cations alcalins ou alcalino-terreux, réalise immédiatement, en lisant la revendication 1, qu'en particulier dans les adsorbants F-LSX/K obtenus sans zéolitisation du liant les cations alcalins ou alcalino-terreux présents sont uniquement ceux présents aux "sites échangeables" de la faujasite LSX.
Donc, au moins dans le cas de ces adsorbants, les pourcentages d'occupation de ces sites par des ions de baryum (et éventuellement de potassium) requis selon la revendication 1 sont manifestement vérifiables en procédant à une détermination des concentrations de ces cations alcalins ou alcalino-terreux dans ces adsorbants au moyen d'une analyse chimique standard des adsorbants.
11.3.2 L'intimée a argumenté qu'une telle analyse ne pouvait en aucun cas permettre la détermination des pourcentages d'occupation lorsque le liant d'un adsorbant F-LSX/K est zéolitisé lors du procédé de préparation. En particulier le liant pouvait être transformé en une zéolite autre qu'une faujasite LSX (per exemple, en une zéolite A). Celle-ci allait donc également contenir des cations alcalins ou alcalino-terreux, notamment aux sites échangeables, qui n'étaient pourtant pas ceux de la F-LSX. Par conséquent, les concentrations (totales) des cations alcalins ou alcalino-terreux déterminables par analyse chimique (par exemple) des adsorbants F-LSX/K zéolitisés, pouvaient être très différentes de celles présentes dans la composante zéolitique de départ (faujasite LSX) uniquement.
11.3.3 Cet argument ne convainc pas non plus la chambre, étant donné que les requérantes ont montré que la zéolitisation de la kaolinite (et donc plausiblement aussi la zéolitisation des autres argiles de la famille du kaolin) en présence de faujasite LSX ne produit que davantage de faujasite LSX.
i) En effet, les essais comparatifs D9C (cf. point V ci-dessus) des requérantes montrent qu'un tel adsorbant obtenu selon le procédé de l'invention ((Essai comparatif 1; F-LSX échangée au baryum), mais sans zéolitisation du liant (kaolinite), a apparemment le même spectre DRX qu'un adsorbant (Essai comparatif 2) également obtenu selon le procédé de l'invention mais avec zéolitisation du liant.
ii) Pour la chambre, au vu de l'apparente identité des deux spectres obtenus (cf pages 3 et 5 de D9c), ceci est prouvé de façon suffisamment convaincante.
Par conséquent, la chambre n'estime pas nécessaire d'arriver à une conclusion concernant les objections de l'intimée basées sur la prétendu impossibilité d'assigner à une faujasite LSX chacun des pics de DRX présents dans les spectres de D9c.
iii) Pour la chambre, les Annexes 1 à 4 (cf. points IX et X ci-dessus) soumis par l'intimée ne sont pas aptes à démontrer de façon convaincante la prétendue formation de zéolite A pendant la zéolitisation de la kaolinite en présence d'une zeolite LSX. Ces Annexes comprennent les spectres DRX d'une zéolite LSX (vraisemblablement une Faujasite LSX) et d'un aggloméré de cette zéolite LSX avec de la kaolinite comme liant, après zéolitisation mais sans échange au baryum.
Donc, aucun de ces spectres ne se réfère à un adsorbant obtenu en suivant le procédé de l'invention.
D'ailleurs et plus important encore, les pics dans les spectres DRX compris dans les Annexes 1 à 4 que l'intimée identifie comme étant dus à la formation de zéolite A, sont manifestement d'intensités comparables à celles du bruit de fond.
Ne serait-ce que pour ces raisons, la chambre considère donc les spectres compris dans ces Annexes moins convaincants que ceux figurant dans D9c.
11.3.4 Par conséquent, la chambre conclut que même dans les adsorbants F-LSX/K où le liant (argile de la famille du kaolin) est zéolitisé durant le procédé de préparation, la seule zéolite présente au final est la faujasite LSX et que, donc, tous les cations alcalins ou alcalino-terreux présents dans ces adsorbants se trouvent dans les "sites échangeables" de cette faujasite.
11.4 Sur la base de ces considérations(points 11.3 à
11.3.4), la chambre conclut que pour tous les adsorbants F-LSX/K revendiqués (avec ou sans zéolitisation) la détermination par analyse chimique standard des concentrations des cations alcalins ou alcalino-terreux présents dans ces adsorbants permet d'établir le pourcentage d'occupation par baryum des "sites échangeables" et éventuellement potassium des sites échangeables de la faujasite LSX et, donc, de vérifier si un adsorbant obtenu par le procédé de l'invention est oui ou non un produit tel que défini par la revendication 1.
12. Adsorbants F-LSX/non-F/K.
12.1 Ainsi qu'exposé au point 6.2 ci-dessus, le libellé de la revendication 1 permet la présence, dans les adsorbants revendiqués d'une (ou plusieurs) zéolite(s) d'un type non-F.
12.1.1 Selon l'intimée, il n'était pas possible de déterminer, à partir des concentrations des cations alcalins ou alcalino-terreux présents dans ces adsorbants, les pourcentages d'occupation des sites échangeables de la faujasite LSX notamment dans les adsorbants F-LSX/non-F/K, par exemple, dans le cas d'un adsorbant comprenant 30 % de zéolite non-F et de 70 % de F-LSX (notamment, dans le cas hypothétique où le liant est présent en très petite quantité), si la zéolite non-F présente est beaucoup plus encline que la faujasite LSX à l'échange au baryum.
12.1.2 Il n'est pas contesté qu'il n'y a pas de méthode évidente pour quantifier avec précision les pourcentages d'occupation par des ions baryum (et éventuellement potassium) des "sites échangeables" de la faujasite LSX dans des adsorbants F-LSX/non-F/K.
12.1.3 Cependant, la chambre considère tout d'abord qu'un grand nombre de ces modes de réalisations couverts par la revendication 1 peut être obtenu en utilisant dans le cadre du procédé revendiqué des mélanges de quantités connues de (poudres de) faujasite LSX et de zéolites non-F, ayant tous deux des propriétés connues (y compris en termes d'échange aux baryum et potassium).
En fait, pour tous les adsorbants qui peuvent être obtenus de cette façon, la détermination par analyse chimique des teneurs en cations alcalins ou alcalino-terreux de l'adsorbant (et donc du pourcentage en baryum/potassium par rapport à la teneur totale en cations alcalins ou alcalino-terreux dans l'adsorbant) est évidemment suffisant pour assurer que les adsorbants ainsi préparés sont des modes de réalisation de l'objet de la revendication 1, sauf dans des cas très similaires à celui exemplifié par l'intimée (cf. 12.1 ci-dessus), c'est-à-dire dans les cas où:
i) la zéolite non-F utilisée est beaucoup plus encline que la faujasite LSX à l'échange au baryum,
ii) la quantité utilisée de cette zéolite non-F est importante (par exemple près du maximum concevable, à savoir proche de 30%) et
iii) le pourcentage d'occupation au baryum est très proche du minimum requis de 70%.
12.1.4 La chambre remarque premièrement que l'intimée n'a fourni aucun élément de preuve démontrant l'existence de zéolites non-F (parmi celles que l'homme du métier pourrait prendre en considération dans la réalisation d'adsorbants selon l'invention) beaucoup plus enclines que la faujasite LSX à l'échange au baryum/potassium.
Deuxièmement, même admettant (arguendo) que de telles zéolites non-F existent, l'homme du métier pourrait les utiliser pour préparer des adsorbants tels que revendiqués. En effet, connaissant la composition chimique, les propriétés et la quantité de chacune des deux zéolites de départ (et, donc, aussi la quantité de "sites échangeables" présente en chacune des zéolites non-F), il est suffisant de tenir pour constant que dans l'adsorbant final tous les sites échangeables présents dans la zéolite non-F sont occupés par des ions baryum, pour pouvoir calculer quelle est la teneur totale en baryum des adsorbants (qui doit être atteinte) au-dessus de laquelle au moins 70% des sites échangeables de la faujasite LSX seront nécessairement aussi occupés par des ions de baryum.
Donc, pour chaque mélange de départ possible de faujasite LSX et de zéolite non-F, il existera une teneur minimale de baryum dans l'adsorbant que l'homme du métier devra atteindre ou dépasser afin d'être certain d'avoir préparé un adsorbant F-LSX/non-F/K selon la revendication 1 en instance.
12.1.5 Par conséquent, le fait qu'il n'y pas de méthode évidente permettant de déterminer avec précision les pourcentages d'occupation par baryum (et potassium) des sites échangeables de la faujasite LSX dans un échantillon d'adsorbant F-LSX/non-F/K, signifie qu'il reste parfaitement possible de préparer des adsorbants ayant, avec certitude, les propriétés requisses selon la revendication 1, des adsorbants F-LSX/non-F/K
- en prenant une zéolite non-F plus au moins aussi encline à l'échange au baryum que la faujasite LSX
- et/ou une quantité relative de zéolite non-F nettement inférieur au maximum de 30 % de l'adsorbant,
- et/ou en veillant à ce que le pourcentage global d'occupation des sites échangeables des deux zeolites soit nettement plus élevé que 70 %.
12.1.6 Ainsi, les modes de réalisation de l'invention que l'homme du métier ne peut pas mettre en oeuvre avec certitude ne représentent qu'une fraction très limitée de modes de réalisation concevables dans le cadre de la revendication 1, faisant intervenir des choix extrêmes et/ou de nature théorique (cf. points i) , ii) et iii), 12.1.3 ci-dessus) de certaines conditions. Par conséquent, il n'a pas été démontré que lesdites difficultés auxquelles l'homme du métier pourrait se trouver confronté dans certains cas situés dans des zones périphériques du périmètre couvert par les revendications empêchent l'homme du métier de réaliser comme prévul'invention (cf. T 608/07 du 27 avril 2009, Motifs 2.5.2).
12.2 Par conséquent, la chambre juge que l'invention revendiquée est exposée dans le brevet en cause de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
12.3 Le brevet avec les revendications de la Requête Principale répond donc aux exigences de l'article 83 CBE.
Répartition des frais
13. Ainsi qu'exposé ci-dessus (cf. point VIII ci-dessus), au cours de la procédure orale du 1er février 2017 les requérantes ont soumis une requête comportant une modification de la revendication 1 et de la revendication 5. Selon l'intimée cette requête aurait dû être rejetée, car présentée tardivement.
13.1 Au cours de cette procédure orale, l'intimé avait pour la première fois souligné qu'une argile peut aussi avoir un rapport atomique Si/Al très différent de celui, d'environ 1:1, de la faujasite LSX et de la kaolinite utilisée comme liant dans D9c. Les essais comparatifs en D9c n'étaient pas suffisants à rendre plausible que la faujasite LSX serait à même de conduire à la zéolitisation du liant, notamment au cas où le liant est une argile avec un rapport atomique Si/Al très différent de 1:1. Les requérantes avaient réagi en soumettant les revendications modifiées précisant la nature du liant.
13.2 La chambre a admis cette requête du 1er février 2017 dans la procédure en considérant essentiellement
- que la revendication 1 de cette requête se fondait manifestement sur la combinaison des revendications 1 et 2 telles que délivrées et
- que cette requête avait été déposé en réaction à une observation présentée pour la première fois pendant la procédure orale (cf. point 13.1 ci-dessus).
13.3 L'intimée ayant fait valoir qu'elle se trouvait privée de moyens de défense (notamment de la possibilité de consulter un expert technique ou de présenter, le cas échéant, des essais expérimentaux) un renvoi de la procédure orale à l'audience du 7 juillet 2017 a été ordonné, renvoi qui constitue le motif de la demande de répartition des frais.
13.4 La chambre souligne que déjà dans la décision attaquée (cf. point 3.b, le troisième alinéa à la page 7) et aussi dans la réponse de l'intimée au mémoire exposant les motifs du recours (cf. le passage reliant les pages 12 et 13 de la réponse) l'objection d' insuffisance de l'exposé a été motivée, entre autres, par le fait que les versions de la revendication 1 qui étaient alors en instance ne donnaient aucune définition précise du liant.
Il suit de là que les requérantes auraient déjà dû considérer les implications de cette objection au début du recours et incorporer, au moins dans une requête subsidiaire, une définition plus précise du liant dans les revendications indépendantes de produit et de procédé. Si tel avait été le cas, l'intimée aurait pu considérer, bien avant la procédure orale du 1er février 2017, la nécessité de présenter d'autres essais expérimentaux (par exemple afin de contester les conclusions tirées des résultats expérimentaux présentés dans D9c) et le renvoi de la procédure orale aurait pu être évité.
13.5 Ainsi, les requérantes supportent-elles, au moins pour partie, la responsabilité du renvoi de cette procédure orale et donc des frais générés pour l'intimée à cette occasion.
13.6 En conséquence, les requérantes devront supporter la moitié des honoraires des mandataires agréés de l'intimée correspondant à leur participation à la procédure orale du 7 juillet 2017, à l'exclusion du travail de préparation.
14. La chambre ayant rejeté la requête tendant au renvoi de la procédure orale du 7 juillet 2017, la deuxième requête en répartition de frais portant sur ce point est devenue sans objet.
Objection de vice de procédure fondée sur une violation de l'article 113(1) CBE.
14.1 L'intimée a présenté cette objection pour le cas où ni sa requête en rejet de la Requête Principale des requérantes, ni sa requête en renvoi de la procédure orale du 7 juillet 2017 ne seraient acceptées. Elle a indiqué que à cause de l'admission dans la procédure de la requête très tardive des requérantes elle n'avait pas pu présenter ses observations pendant la procédure orale en cours.
14.2 La chambre rejette cette objection pour les même raisons qui ont conduit à considérer recevable la Requête Principale des requérantes et à rejeter la requête de l'intimée tendant au renvoi de la procédure orale du 7 juillet 2017 (cf. point points 1.1 ci-dessus).
14.3 La chambre souligne que l'intimée, après l'interruption d'une heure de la procédure orale du 7 juillet 2017 qui lui a été donnée pour préparer sa défense, a identifié ses objections au sens des articles 123(2) et 83 CBE et même présenté des arguments additionnels à l'encontre de la suffisance de l'exposé corroborés par de nouveaux documents.
14.4 Ainsi, la chambre conclut que l'intimée a eu la possibilité de prendre position sur les motifs de la présente décision et a de plus effectivement utilisé cette possibilité, de sorte qu'aucune violation de l'article 113(1) CBE n'a été commise.
Renvoi devant la Division d'Opposition
15. La décision contestée n'examine que les motifs d'opposition soulevés au titre des articles 100 b)/83 et 100 c)/123(2) CBE.
15.1 Dans la communication du 20 janvier 2017 la chambre avait signalé que, si la chambre parvenait à la conclusion qu'une requête recevable répondait aux exigences des articles 83, et 123 CBE, elle envisageait le renvoi de l'affaire pour poursuite de la procédure d'opposition. Aucune objection n'a été soulevée sur ce point par l'intimée, et les requérantes avaient demandé le renvoi de l'affaire pour statuer sur les autres motifs d'opposition.
15.2 La chambre estime dès lors opportun de renvoyer l'affaire à la Division d'Opposition, au titre de l'article 111(1) CBE, pour poursuite la procédure.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la Division d'Opposition pour poursuite de la procédure sur la base des revendications 1 à 12 de la seule requête déposée le 7 juillet 2017 (libellée "Requête Principale").
3. Il est mis à la charge des requérantes la moitié des honoraires des mandataires agréés de l'intimée correspondant à leur participation à la procédure orale du 7 juillet 2017, à l'exclusion du travail de préparation.