T 1877/13 () of 6.9.2018

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2018:T187713.20180906
Date de la décision : 06 Septembre 2018
Numéro de l'affaire : T 1877/13
Numéro de la demande : 05818097.7
Classe de la CIB : B21B 27/10
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 318 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : PROCEDE D'ALIMENTATION EN LUBRIFIANT LORS D'UN LAMINAGE A CHAUD
Nom du demandeur : ArcelorMittal
Nom de l'opposant : SMS group GmbH
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 100(a)
European Patent Convention Art 54(1)
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 114(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
Mot-clé : Document produit tardivement - recevable (non)
Nouveauté - (oui)
Activité inventive - (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0971/11
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n° 1 827 721 (ci-après "le brevet") concerne un procédé d'alimentation en lubrifiant lors d'un laminage à chaud.

II. Une opposition a été formée contre ce brevet dans son ensemble. Elle était fondée sur les motifs d'opposition de l'insuffisance de l'exposé (article 100b) CBE), du défaut de nouveauté et du défaut d'activité inventive (article 100a) CBE).

III. La division d'opposition a décidé de rejeter l'opposition.

IV. L'opposante (ci-après "la requérante") a formé recours contre cette décision.

V. Dans le mémoire de recours, la requérante a sollicité l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

VI. Dans la réponse au mémoire du recours, la titulaire du brevet (ci-après "l'intimée") a sollicité le rejet du recours.

VII. Revendications

La revendication 1 telle que délivrée est libellée comme suit (la numérotation des caractéristiques a été introduite par la requérante et utilisée par les parties) :

1) Procédé d'alimentation en lubrifiant lors d'un

laminage à chaud,

2) dans lequel on alimente les surfaces des cylindres

de laminage avec une émulsion lubrifiante,

3) constituée d'une huile lubrifiante ayant une

viscosité comprise entre 10 cSt et 400 cSt à 40°C

mélangée avec de l'eau,

caractérisé en ce que

4) ladite émulsion lubrifiante est envoyée vers les

surfaces des cylindres de laminage à travers au

moins une buse d'alimentation en lubrifiant,

5) à une température supérieure à 0°C et inférieure à

25°C.

Les revendications dépendantes 2 à 4 définissent des modes de réalisation particuliers du procédé selon la revendication 1.

VIII. Preuves produites

Dans le mémoire exposant les motifs du recours, et dans la réponse au mémoire de recours, les parties ont fait référence, entre autres, aux documents suivants, qui ont été produits en phase d'opposition et sont mentionnés dans la décision contestée :

E1: US 3,605,473

E4: Peretic, M. J. et al., "A Discussion of the

Coordinated Application of Roll Gap Lubrication,

Work Roll Cooling, and Anti-Peeling Systems in

Hot Rolling Mills", RGL_AISE_2003_v08.doc,

12 pages

E5: DE 25 03 878 C2

E6: Kihara, N. et Ihara, H., "Development of Hot

Rolling Oil", Proceedings of the 1st

International Conference on Tribology in

Manufacturing Processes, Gifu, 1997, pages 393

à 396

E14: Calcul de la température de l'émulsion H/E

utilisée dans le procédé selon E1

IX. Les arguments des parties présentés par écrit, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit :

a) Admission du document E14 dans la procédure

L'intimée rappelle que, dans la procédure d'opposition, la division d'opposition a écarté ce document déposé tardivement car de prime abord non pertinent. En particulier, la division d'opposition a souligné qu'E14 comporte une erreur dans le calcul de la température de l'émulsion (TM) : la valeur de la capacité thermique spécifique de l'huile (c2) utilisée pour calculer TM ("1.7") n'est pas cohérente avec la valeur indiquée quelques lignes au-dessus ("1700 J/kg/K").

b) Nouveauté

La requérante soutient que, contrairement à l'opinion de la division d'opposition, l'objet de la revendication n'est pas nouveau vis-à-vis du procédé de lubrification de cylindres de laminage à chaud qui est divulgué dans E1. En particulier, E1 explique qu'on mélange ensemble une huile lubrifiante à 37.8°C (100°F) et une eau à 21.1°C (70°F). Sur la base du calcul décrit dans le document E14, la température de l'émulsion résultante est TM = 21.103°C. Cette température reste inévitablement inférieure à 25°C au niveau de la buse d'alimentation, comme l'exige la caractéristique (5) de la revendication 1.

L'intimée approuve la décision de la division d'opposition que l'objet de la revendication 1 diffère d'E1 par la caractéristique (5). Même si la température de l'émulsion (TM) était égale à 21,103°C au moment du mélange, comme indiqué dans E14, il ne s'agirait pas de la température de l'émulsion envoyée vers les cylindres de laminage, puisqu'entre le moment où l'émulsion est obtenue et celui où elle est éjectée par la buse, elle traverse une certaine longueur de tuyauterie. Ceci a une influence sur la température de l'émulsion qui est inconnue, par conséquent la température TM ne donne pas d'information sur la température au moment de l'éjection de la buse.

c) Activité inventive

La requérante soutient que, partant du procédé divulgué dans E1, la caractéristique (5) a pour effet que l'émulsion a une viscosité élevée, ce qui garantit sa bonne adhérence aux cylindres de laminoir (cf. paragraphe 9 du fascicule de brevet). L'homme du métier qui part de E1 et désire d'atteindre ces effets arrive à la caractéristique (5) par de simples essais de routine, sans aucune activité inventive. En outre, cette caractéristique est rendue évidente par E4, E5 ou E6. E4 divulgue, dans la figure 4, un procédé de lubrification de cylindres de laminage à chaud, dans lequel l'huile lubrifiante est mélangée à de l'eau d'appoint ("make up water"), c'est à dire une eau potable ou souterraine qui peut être froide selon la saison. E5 divulgue l'utilisation d'eau d'appoint froide pour obtenir d'excellentes propriétés lubrifiantes (colonne 3, lignes 7 et 40 à 43 ; colonne 7, ligne 47 à colonne 8, ligne 2). E6 divulgue un procédé de lubrification de cylindres de laminage à chaud, dans lequel on mélange une huile lubrifiante à 40°C et une eau à 25°C pour obtenir une émulsion dont la température est inévitablement proche de 25°C.

L'intimée soutient que, partant d'E1, le problème technique objectif résolu par la caractéristique (5) n'est pas d'augmenter la viscosité de l'émulsion mais, comme indiqué au paragraphe 12 du fascicule de brevet, de fournir un procédé d'alimentation en lubrifiant par lequel une huile lubrifiante de viscosité élevée est émulsionnée sans causer l'encrassement des tuyauteries. Pour l'homme du métier désireux de résoudre ce problème, la diminution de la température de l'émulsion envoyée vers la surface des cylindres n'est pas une mesure évidente. En fait, il va plutôt ajouter des additifs divers pour modifier la viscosité de l'émulsion. Les documents E4, E5 et E6 ne mentionnent pas la température à laquelle l'émulsion est envoyée aux cylindres.

X. Dans une première notification au titre de l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR) annexée à la convocation à la procédure orale, la Chambre a fait part de son appréciation provisoire de l'affaire et a exprimé un avis provisoire négatif quant aux mérites du recours.

XI. En réponse, par courrier du 27 avril 2018, la requérante a retiré sa requête en procédure orale et informé la Chambre qu'elle ne participerait pas à la procédure orale.

XII. Dans une seconde notification au titre de l'article 15(1) RPCR, la Chambre a indiqué que, en l'état de son avis provisoire, elle décidait d'annuler la procédure orale et de continuer la procédure par écrit.

Motifs de la décision

1. Dans la première notification selon l'article 15(1) RPCR la Chambre a présenté les raisons pour lesquelles elle était de l'avis provisoire que le recours devait être rejeté comme suit:

"7. Admission du document E14 dans la procédure

7.1 Pendant la procédure orale devant la division d'opposition, la requérante avait déposé le document E14 pour prouver que E1 divulgue la caractéristique (5) de la revendication 1. La division d'opposition, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation selon l'article 114(2) CBE, avait écarté ce document déposé tardivement car de prime abord non pertinent (cf. procès-verbal de la procédure orale, point 6 ; décision contestée, point 17.3 des raisons).

7.2 La décision discrétionnaire de la division d'opposition d'écarter E14 ne résulte pas de l'utilisation d'un critère d'appréciation erroné ou d'un exercice déraisonnable de son pouvoir d'appréciation. La Chambre n'a donc ni de raison, ni le pouvoir de renverser cette décision discrétionnaire.

7.3 Dans le mémoire exposant les motifs du recours, la requérante soutient à nouveau que la caractéristique (5) est divulguée dans E1 parce qu'il ressort du calcul selon E14 que l'émulsion H/E a une température de 21,103°C après mélange.

7.4 Au stade du recours, la recevabilité de E14 est maintenant gouvernée par l'article 12(4) RPCR. Celui-ci n'exclut pas la recevabilité d'un document non-admis en première instance par une décision discrétionnaire correcte (cf. par exemple T 971/11 du 4 mars 2016, point 1.2 des raisons). La Chambre considère donc que le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 12(4) RPCR doit être exercé en tant que tel.

7.5 Toutefois, la Chambre estime que le document E14 ne constitue pas une réponse appropriée aux derniers développements de la procédure de première instance. En particulier, E14 comporte une erreur dans le calcul de la température de l'émulsion H/E et ceci a déjà été souligné dans la décision contestée (point 17.3 des raisons). La Chambre n'a donc pas l'intention d'admettre ce document dans la procédure de recours.

8. Nouveauté

8.1 La division d'opposition a décidé que E1 ne divulgue pas la caractéristique (5) de la revendication 1.

8.2 Bien qu'il ressorte de l'enseignement de E1 que la température de l'émulsion H/E est d'environ 21°C après mélange de l'eau à l'huile lubrifiante par l'injecteur (cf. injecteurs 44 et 46 dans la figure 1), la Chambre n'est pas convaincue par les arguments de la requérante que la température de l'émulsion reste inévitablement comprise entre 0°C et 25°C au niveau de la buse d'alimentation (cf. buses 52 et 53 dans la figure 2).

8.3 La Chambre partage donc l'avis provisoire de la division d'opposition que l'objet revendiqué est nouveau par rapport à E1.

9. Activité inventive

9.1 Il faudra discuter si, pour l'homme du métier partant de E1, cet objet ne découle pas d'une manière évidente des connaissances générales de l'homme du métier ou de l'enseignement de E4, E5 ou E6, comme l'allègue la requérante.

9.2 Dans cette discussion, il faudra identifier l'effet technique découlant de la caractéristique (5) qui distingue le procédé revendiqué de celui divulgué dans E1 et formuler le problème technique objectif à résoudre.

9.3 Les parties ont présenté des opinions divergentes à ce propos. Il ressort du brevet que la caractéristique (5) permet de garantir une bonne adhérence de l'huile lubrifiante aux cylindres de laminage et donc une bonne lubrification des cylindres, indépendamment des variations de la température ambiante (cf. par exemple tableau 1 du brevet). Par contre, la Chambre n'est pas persuadée que la caractéristique (5) permet d'empêcher l'encrassement des tuyauteries. En fait, la revendication 1 ne comporte aucune limitation quant à la température de l'émulsion dans les tuyauteries, en amont de la buse d'alimentation. La Chambre est donc d'avis que le problème objectif à résoudre vis-à-vis de E1 peut être formulé en des termes généraux comme étant d'améliorer la lubrification des cylindres de laminage.

9.4 La Chambre n'est actuellement pas convaincue par les arguments de la requérante que la solution revendiquée est rendue évidente par l'enseignement de E4, E5 ou E6."

2. La requérante n'a pas répondu sur le fond à la notification.

3. Lors de son délibéré, la Chambre a constaté qu'en l'absence d'élément nouveau les conclusions auxquelles la Chambre était parvenue et qu'elle avait communiquées à titre provisoire, notamment à l'égard des objections de défaut de nouveauté et de défaut d'activité inventive, devaient s'appliquer de manière inchangée.

4. En particulier, quant à l'activité inventive de la revendication 1, le problème technique objectif à résoudre vis-à-vis de E1 est d'améliorer la lubrification des cylindres de laminage. La Chambre partage l'avis de l'intimée et de la division d'opposition que les documents E4, E5 et E6 ne mentionnent pas la température à laquelle l'émulsion est envoyée aux cylindres de laminage et donc que l'homme du métier désireux de résoudre ledit problème objectif ne trouve dans E4, E5 et E6 aucun enseignement invitant à contrôler la température de l'émulsion dans la buse d'alimentation comme exigé par la caractéristique (5). Sur la base de ses connaissances générales, l'homme du métier envisagerait plutôt d'ajouter un additif dans la composition d'huile lubrifiante pour améliorer les propriétés lubrifiantes de l'émulsion.

5. La Chambre décide donc que les motifs d'opposition du défaut de nouveauté et du défaut d'activité inventive ne s'opposent pas au maintien du brevet tel que délivré (points 8 et 9 de la notification) et que, par conséquent, le recours doit être rejeté.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

Quick Navigation