T 1744/13 (Composition réductrice/ L'OREAL) of 12.1.2017

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2017:T174413.20170112
Date de la décision : 12 Janvier 2017
Numéro de l'affaire : T 1744/13
Numéro de la demande : 02292745.3
Classe de la CIB : A61K 8/23
A61K 8/898
A61Q 5/08
A61Q 5/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Composition réductrice pour le traitement des fibres kératiniques comprenant une silicone aminée particulière
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Henkel AG & Co. KGaA
Kao Germany GmbH
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Activité inventive - (non)
amélioration non crédible dans l'ensemble de la portée de la revendication
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (propriétaire du brevet) a introduit un recours contre la décision de révocation du brevet européen n° 1 312 351, dont la revendication 1 s'énonce comme suit:

"1. Composition cosmétique destinée au traitement des fibres kératiniques humaines,

,caractérisée par le fait qu'elle comprend dans un milieu cosmétiquement acceptable :

(i) au moins un agent réducteur et,

(ii) au moins une silicone aminée de formules (I) ou (II) suivantes :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

formule (I) dans laquelle :

m et n sont des nombres tels que la somme (n + m) varie de 1 à 1 000,

n désignant un nombre de 0 à 999 et m désignant un nombre de 1 à 1 000;

R1, R2, R3, identiques ou différents, représentent un radical hydroxy ou alcoxy en C1-C4 ; l'un au moins des radicaux R1 à R3 désignant un radical alcoxy ;

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

formule (II) dans laquelle :

p et q sont des nombres tels que la somme (p + q) varie de 1 à 1 000, [p] désignant un nombre de 0 à 999

et q désignant un nombre de 1 à 1 000;

R1, R2, différents, représentent un radical hydroxy ou alcoxy en C1-C4, l'un au moins des radicaux R1 à R2 désignant un radical alcoxy."

II. Des oppositions avaient été formées par les intimés I et II (opposants (1) et (2)) en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité en invoquant les motifs de manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), se fondant sur les documents suivants:

(2) Fiche technique "Wacker-Belsil® ADM 652, ADM 656, ADM 1100, ADM 1600, ADM 1650", janvier 2000,

(6) DE-A-195 34 722, et

(7) EP-A-0 890 355.

III. Selon la division d'opposition, les composés de formule (5) divulgués à la page 4 du document (7) n'avaient pas de groupements diméthylsilyl en bout de chaine. En outre, plusieurs choix étaient à faire dans les composés de formule (5) du document (7) pour arriver aux silicones aminées de formules (I) ou (II) selon la revendication 1 du brevet litigieux. L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré était donc nouveau par rapport au document (7).

Le document (6) étant le seul document cité divulguant une composition cosmétique comprenant un agent réducteur et une amodiméthicone en posant le problème des dégâts occasionnés dans le cadre de la déformation permanente des cheveux représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Les silicones aminées de formule (I) ou (II) selon le brevet litigieux se différenciaient de l'amodiméthicone divulguée dans le document (6) par la présence d'un groupe alcoxy. Les résultats des essais comparatifs déposés avec une lettre datée du 25 février 2013 dont une version corrigée a été soumise lors de la procédure orale du 24 avril 2013 (document (10)) étaient tardifs et ne pouvaient donc pas être pris en considération car la division d'opposition n'était pas à même de juger avec certitude quelle composition avait été utilisée dans ces essais comparatifs. Les seuls essais comparatifs pouvant être pris en considération étaient ceux déposés pendant la procédure d'examen le 9 octobre 2009 et le 28 janvier 2010 (documents (8) et (9) respectivement). Cependant ces essais n'établissaient pas de comparaison avec une composition du document (6) et n'étaient donc pas pertinents pour démontrer une amélioration. Il était évident pour l'homme du métier d'employer une amodiméthicone connue, comme par exemple une de celles divulguées dans le document (2), pour obtenir une composition alternative à celle de l'état de la technique le plus proche de l'invention. L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré, et des requêtes subsidiaires 1 et 2 limité respectivement aux compositions comprenant une silicone aminée de formule I, ou de formule II, n'impliquait donc pas d'activité inventive.

L'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 3 et 4 limité à un procédé de déformation permanente des fibres kératiniques consistant à appliquer une composition comprenant un agent réducteur et au moins une silicone aminées de formule (I) et/ou (II) manquait également d'activité inventive en partant des compositions de déformation permanente du document (6).

IV. Le requérant a contesté les conclusions de la division d'opposition quant au manque d'activité inventive et a requis à titre principal le maintien du brevet tel que délivré et subsidiairement sous la forme des requêtes subsidiaires 1 à 4 déposées avec le mémoire de recours.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 correspond à la revendication 1 du brevet tel que délivré, limitée aux silicones aminées de formule (I).

La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 correspond à la revendication 1 du brevet tel que délivré, limitée aux silicones aminées de formule (II).

La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 porte sur un procédé de déformation permanente de fibres kératiniques humaines mettant en ½uvre une composition prête à l'emploi comprenant un agent réducteur et une silicone aminée de formules (I) ou (II).

La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 correspond au procédé de la requête subsidiaire 3 dans lequel la silicone aminée est limitée à la formule (II).

Selon le requérant, le document (6) décrivait des compositions capillaires comprenant un agent réducteur thiol, une huile végétale et un polymère cationique, pour obtenir une déformation permanente des cheveux, une bonne peignabilité, sans les endommager ni irriter la peau au cours d'applications répétées. La composition de l'exemple 1 de ce document comprenait l'acide thioglycolique comme agent réducteur et une silicone aminée DC 929. La silicone présente dans les compositions de l'invention se différenciait de celle présente dans la composition du document (6) par la présence d'un groupe alcoxy.

Le problème technique résolu par le brevet litigieux était celui de l'amélioration des propriétés cosmétiques des cheveux. En effet, les essais comparatifs déposés avec le mémoire de recours démontraient que le traitement des cheveux par une composition réductrice comprenant comme silicone le produit commercial Wacker-Belsil ADM Log 1 répondant à la formule II du brevet litigieux, permettait d'obtenir une amélioration des propriétés cosmétiques au niveau de la facilité de coiffage et de la mise en place des cheveux traités par rapport à un traitement par une composition réductrice de l'état de la technique comprenant la silicone DC 939. Ces essais avaient déjà été soumis devant la division d'opposition qui ne les avait pas admis dans la procédure puisque déposés tardivement (document (10)). Rien dans le document (6), seul ou en combinaison avec un autre document cité, n'incitait l'homme du métier à utiliser une silicone aminée de formule (I) ou (II) dans une composition réductrice des fibres kératiniques afin d'améliorer les propriétés cosmétiques des cheveux traités. La revendication 1 de la requête principale ainsi que les revendications 19 et 20 visant un procédé et un dispositif de décoloration et déformation permanente des fibres kératiniques humaines impliquait donc une activité inventive.

Selon les intimés, l'état de la technique le plus proche de l'invention était représenté par le document (6) divulguant des compositions réductrices de déformation permanente comprenant des amodiméthicones se différentiant des amodiméthicones des compositions du brevet litigieux uniquement par la présence d'un groupe alcoxy à la place d'un groupe hydroxy. Les essais comparatifs sur lesquels le requérant s'appuyait pour montrer une amélioration n'étaient pas pertinents car ils mettaient en ½uvre des amodiméthicones dont la structure n'était pas divulguée. Les résultats ne pouvaient donc pas être extrapolés aux amodiméthicones de formules (I) et (II) tels que définis dans le brevet. Le problème technique résolu était donc simplement celui de la mise à disposition de compositions de teinture alternatives. Les amodiméthicones étaient connues en tant qu'agents conditionnant dans les compositions pour le soin des cheveux. Les amodiméthicones de formules (I) et (II) étaient des produits commerciaux à la date de dépôt du brevet. De plus, le document (2) préconisait l'emploi du produit Wacker-Belsil® ADM 652, qui selon le brevet litigieux est une silicone de formule I, pour améliorer la facilité de coiffage des cheveux. L'utilisation des amodiméthicones de formules (I) et (II) dans des compositions pour la déformation permanente des cheveux était donc évident. L'objet des revendications de la requête principale et des requêtes subsidiaires 1 à 4 n'impliquait donc pas d'activité inventive.

VI. Le requérant a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet tel que délivré, ou subsidiairement le maintien du brevet sur la base des revendications selon les requêtes subsidiaires 1 à 4 déposée avec le mémoire de recours daté 16 octobre 2013.

Les intimés ont demandé le rejet du recours.

VII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale tenue le 12 janvier 2017 en l'absence du requérant qui avait annoncé qu'il n'y participera pas.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale: activité inventive

2. Art antérieur le plus proche

En accord avec les parties, la Chambre considère que l'état de la technique le plus proche de l'invention est constitué par le document (6) qui divulgue une composition pour la déformation permanente des cheveux comprenant un agent réducteur et un dérivé de silicone aminée (voir exemple 1 à la colonne 4).

3. Problème technique

Le requérant a défini le problème à résoudre comme étant celui de l'amélioration des propriétés cosmétiques des cheveux traités, en particulier au niveau de la facilité de coiffage et du volume des cheveux.

4. Solution proposée

La solution proposée par le brevet litigieux est la composition selon la revendication 1 caractérisée en ce le dérivé de silicone aminée est alcoxylé (au moins un des radicaux R1, R2 ou R3 représente un groupe alcoxy).

5. Succès

Pour montrer que les compositions de la revendication 1 du brevet tel que délivré sont solutions au problème de l'amélioration des propriétés des cheveux permanentés, le requérant s'est référé aux essais comparatifs soumis avec le mémoire de recours comparant d'une part une composition reflétant l'état de la technique et comprenant l'amodiméthicone présente dans le produit commercial DC939 de Dow Corning et, d'autre part, une composition selon l'invention comprenant l'amodiméthicone présente dans le produit commercial Wacker-Belsil ADM LOG1.

Il est admis par les parties que la silicone présente dans le produit commercial DC939 de Dow Corning correspond à celle présente dans le produit commercial DC 929 présente dans la composition de l'exemple 1 du document (6) et comprend une amodiméthicone de formule I dans laquelle les radicaux R1 à R3 représentent tous un groupement hydroxy. Une déclaration du fournisseur Wacker atteste que l'amodiméthicone présente dans le produit commercial Wacker-Belsil ADM LOG1 tombe sous la formule II du brevet litigieux.

Cependant, lorsqu'on procède à des essais comparatifs pour fonder une activité inventive sur un effet se produisant dans le domaine revendiqué, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche doit être de nature à montrer de manière convaincante que cet effet trouve bien sa cause dans la caractéristique distinctive de l'invention. Dans le cas d'espèce, les essais devrait démontrer que la présence d'un groupement alcoxy dans l'amodiméthicone soit à l'origine de l'amélioration des propriétés cosmétiques des cheveux traités.

Or, les amodiméthicones disponibles commercialement se distinguent généralement entre elles par plusieurs facteurs, à savoir leur structure (branchée ou linéaire), leur viscosité (masse moléculaire) et leur quantité de groupement amine (rapport m/n) (voir document (2), premier paragraphe de la page 1, et la table de la page 2 répertoriant les caractéristiques de certaines amodiméthicones présentes dans les produits Wacker-Besil®).

En outre, les caractéristiques des amodiméthicones choisies par le requérant dans les essais comparatifs, à savoir celles du produit DC 939 vendu par Dow Corning, ainsi que celles du produit Wacker-Belsil ADM LOG1 ne sont pas divulguées. Dans ces circonstances, il n'est donc pas possible de lier l'amélioration alléguée à la seule caractéristique différenciant les amodiméthicones présentes dans les compositions revendiquées de celles de l'état de la technique, à savoir la présence d'au moins un groupe alcoxy.

En conséquence, les essais comparatifs proposés par le requérant ne permettent pas de conclure que l'introduction de groupe(s) alcoxy dans l'amodiméthicone présente dans la composition utilisée pour la déformation des cheveux dans l'exemple 1 du document (6) permet d'améliorer les propriétés cosmétiques des cheveux permanentés.

Par conséquent, le problème technique doit être reformulé en la mise à disposition de compositions alternatives pour la déformation permanente des cheveux.

6. Evidence

Il reste donc à déterminer si la solution proposée au problème de la mise à disposition de compositions alternatives pour la déformation permanente des cheveux découle de manière évidente de l'état de la technique.

Les amodiméthicones sont connues de l'homme du métier pour être utilisées en tant qu'agents conditionnant dans les compositions pour le soin des cheveux. De plus, les amodiméthicones de formules (I) et (II) sont des produits commerciaux à la date de dépôt du brevet litigieux, comme cela y est indiqué (voir paragraphes [0038] et [0039]). En outre, le document (2) qui est la fiche technique de plusieurs amodiméthicones commerciales vendues sous la dénomination Wacker-Belsil®, préconise l'utilisation de l'amodiméthicone ADM 652, qui selon le brevet litigieux est une silicone de formule I, pour améliorer la facilité de coiffage des cheveux. Par conséquent, l'homme du métier cherchant à mettre à disposition une composition pour la déformation permanente des cheveux alternative à celle divulguée dans l'exemple 1 du document (6) remplacerait donc l'amodiméthicone commerciale DC 929 de Dow Corning qui y est présente, par une autre amodiméthicone commerciale, par exemple par celle du produit Wacker-Belsil® ADM 652 et arriverait ainsi à l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré sans faire preuve d'activité inventive.

En conséquence, la requête principale doit être rejetée pour défaut d'activité inventive (Article 56 CBE).

7. Requêtes subsidiaires 1 et 2

La revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 et 2 a été limitée respectivement aux silicones de formule (I) et (II).

Ces requêtes subsidiaires 1 et 2 étaient déjà présentes en première instance et avaient été rejetées par la division d'opposition pour manque d'activité inventive en se basant sur le même raisonnement que la requête principale.

Le requérant a redéposé ces requêtes subsidiaires dans la procédure de recours sans argument sur l'implication de ces limitations sur d'activité inventive. Par conséquent, la Chambre n'a aucune raison de s'écarter du raisonnement et des conclusions quant au manque d'activité inventive de l'objet de la requête principale étant donné que les silicones de formule (I) et de formule (II) définies dans la revendication de ces requêtes étaient connes à la date de dépôt du brevet litigieux dans le domaine du traitement des cheveux (voir point 6 ci-dessus).

Dans ces circonstances, les requêtes subsidiaires 1 et 2 doivent être également écartées pour manque d'activité inventive.

8. Requêtes subsidiaires 3 et 4

La revendication 1 des requêtes subsidiaires 3 et 4 a été limitée à un procédé de déformation permanente de fibres kératiniques humaines mettant en ½uvre une composition prête à l'emploi comprenant un agent réducteur et, respectivement une silicone aminée de formules (I) ou (II), et uniquement de formule (II).

Ces requêtes subsidiaires 3 et 4 étaient déjà présentes en première instance et avaient été rejetées par la division d'opposition pour manque d'activité inventive en se basant sur le même raisonnement que la requête principale.

Le requérant a redéposé ces requêtes subsidiaires dans la procédure de recours sans expliquer pourquoi le procédé revendiqué qui met en ½uvre des compositions déjà jugées comme manquant d'activité inventive devrait être inventif.

Dans ces circonstances, les requêtes subsidiaires 3 et 4 sont écartées pour manque d'activité inventive, car la composition de l'exemple 1 du document (6) est utilisée dans un procédé de déformation permanente des cheveux (voir colonne 4, lignes 51 à 55).

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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