T 1189/13 () of 8.9.2015

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2015:T118913.20150908
Date de la décision : 08 Septembre 2015
Numéro de l'affaire : T 1189/13
Numéro de la demande : 00401300.9
Classe de la CIB : B60Q 1/068
F21V 14/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Projecteur à faisceau réglable, notamment pour véhicule automobile
Nom du demandeur : VALEO VISION
Nom de l'opposant : Automotive Lighting Reutlingen GmbH
Chambre : 3.2.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
Mot-clé : Nouvelle argumentation produite pour la première fois en
recours- pas prise en considération
Activité inventive - (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours de l'opposante est formé contre la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition contre le brevet européen n°1 055 556.

II. La division d'opposition a notamment estimé que l'objet des revendications du brevet était nouveau et ne découlait pas à l'évidence de l'état de la technique tel qu'il est divulgué, entre autres, par les documents suivants:

E1: DE-A-195 46 271,

E2: DE-U-87 13 122.

III. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante maintient que l'objet du brevet n'implique pas une activité inventive. Elle s'appuie dans son argumentation sur les documents E1 et E2 et cite pour la première fois avec le mémoire exposant les motifs du recours le document:

E6: EP-A-0 847 894.

IV. Une procédure orale s'est tenue devant la chambre le 8 septembre 2015.

La requérante (opposante) a requis l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen en cause.

L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours.

V. Le texte de la revendication 1 telle que délivrée est le suivant (subdivision des caractéristiques proposée par la requérante):

a) Projecteur, notamment pour véhicule automobile, comportant

b) un boîtier (2),

c) un réflecteur (4) monté à rotation dans le boîtier et

d) des moyens de réglage de la position du réflecteur (4) par rapport au boîtier (2),

caractérisé en ce que

e) les moyens de réglage comprennent un secteur de roue dentée (14) solidaire du réflecteur (4)

f) qui coopère avec une vis (16) montée à rotation dans le boîtier (2), et en ce que

g) le secteur de roue dentée (14) et la vis (16) sont réalisés de telle sorte qu'ils sont en contact élastique.

VI. Les arguments que la requérante a présentés au soutien de son action peuvent se résumer comme suit:

L'objet de la revendication 1 du brevet n'implique pas une activité inventive au vu de la combinaison des documents E1 et E2. L'état de la technique le plus proche est représenté par le document E1 qui décrit un projecteur comportant la plupart des caractéristiques de la revendication 1 telle que délivrée, les figure 1-2 montrant un projecteur ayant un boîtier 10 (caractéristiques a) et b)), un réflecteur 12 monté à rotation dans le boîtier (caractéristique c)) et des moyens de réglage comportant une demi-coquille filetée 40, 140 (caractéristiques d) et f)) qui coopère avec la vis 46 montée à rotation dans le boîtier et qui est en contact élastique avec cette dernière (caractéristiques g) et h)).

L'objet de la revendication 1 ne se distingue de ce projecteur connu que par le fait que les moyens de réglage comprennent un secteur de roue dentée au lieu de la demi-coquille filetée 40, 140 (caractéristique e)). Il faut noter que la cinématique impliquant le secteur de roue dentée revendiqué est en tous points équivalente à celle liée à l'utilisation de la demi-coquille 40 présente dans E1 (transformation du mouvement de rotation de la vis 48 en un mouvement de rotation du réflecteur suivant un axe perpendiculaire à l'axe de rotation de la vis avec engrènement suivant une courbe définie par un arc de cercle). Il est tout à fait évident pour l'homme du métier que le même effet technique peut être obtenu par le remplacement de la demi-coquille 40 par un secteur de roue dentée, cette solution ayant en particulier l'avantage de réduire les tensions et contraintes élastiques citées dans E1. La solution consistant en un engrènement par vis et secteur de roue dentée dans le but de générer un mouvement de rotation similaire dans un réflecteur est connue en soi du document E2 (voir page 2, troisième paragraphe en liaison avec la figure 1: vis 51 et secteur de roue dentée 43). L'application de ce principe au dispositif connu de E1 conduit de manière évidente au projecteur revendiqué.

Si la chambre devait partager l'opinion de la division d'opposition et considérer qu'il existe une différence supplémentaire entre le projecteur revendiqué et celui du document E1 dans le fait que la vis de réglage est montée à rotation dans le boîtier alors qu'elle est montée en dehors de celui-ci dans le dispositif selon E1, cette deuxième différence ne peut justifier une activité inventive. En effet, cette caractéristique a pour effet de protéger la vis des influences extérieures (projections,…). Compte-tenu du fait que la première et la seconde différences ne sont pas liées de manière à générer une interaction fonctionnelle ou effet synergétique quelconque (simple assemblage de caractéristiques), deux problèmes techniques distincts peuvent être formulés: d'une part, de réduire les contraintes mécaniques liées au choix de la transmission vis-coquille pour les moyens de réglage et d'autre part, de protéger la vis des influences extérieures, ces deux problèmes techniques étant totalement indépendants l'un de l'autre.

Pour l'homme du métier à la recherche d'une solution au premier problème technique, il est évident de se tourner vers un secteur de roue dentée comme explicité plus haut. Concernant le second problème technique, il est également évident pour l'homme du métier de monter la vis à l'intérieur du boîtier s'il désirait la protéger des influences extérieures. Un exemple d'une telle réalisation est d'ailleurs divulguée dans le document E6 qui montre à la figure 1 un moyen de réglage situé dans le boîtier du projecteur.

VII. L'intimée a réfuté les arguments de la requérante en faisant valoir pour l'essentiel ce qui suit:

C'est à juste titre que la division d'opposition a rejeté l'opposition et maintenu le brevet tel délivré. Les arguments de la requérante ne permettent pas de remettre en cause cette décision.

Il est demandé que l'argumentaire de la requérante se rapportant au document E6 ne soit pas pris en considération par la chambre, la présentation tardive de cet argumentaire n'étant pas justifiée par le cours de la procédure.

Les caractéristiques c), e), f) et h) ne sont pas connues du document E1. L'homme du métier n'aurait pas combiné les enseignements des documents E1 et E2. D'un côté E1 vise un système de réglage en hauteur du faisceau, adapté à une course très limitée et de grande précision, et de l'autre E2 vise un système de balayage horizontal de la route, avec une course de grande amplitude, et adapté à des variations rapides aptes au suivi des virages. Les problématiques et les structures de ces deux documents étant très différentes, leur combinaison n'est pas envisageable sans faire preuve d'activité inventive.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Activité inventive

2.1 Dans son argumentaire mettant en cause l'activité inventive, la requérante part du document E1 comme état de la technique le plus proche et combine ce document avec le document E2.

2.2 Concernant les caractéristiques distinctives de l'objet de la revendication 1 par rapport au contenu de E1, la requérante s'accorde avec la division d'opposition sur le fait que la caractéristique e) - les moyens de réglage solidaire du réflecteur comprennent un secteur de roue dentée - n'est pas connue de E1. Par contre, les vues des parties divergent sur la question de savoir si la vis 46 (voir figure 2 de E1) est montée à rotation dans le boîtier (caractéristique f) et s'il existe dans E1 un contact élastique au sens de la revendication (caractéristique h)).

2.3 La question se pose tout d'abord de savoir ce que l'homme du métier doit comprendre par le terme "boîtier" dans le contexte du brevet mis en cause. Le paragraphe [0002] de la partie introductive du fascicule de brevet éclaire le lecteur sur ce point: "De façon classique, un projecteur comporte un boîtier fermé à l'avant par une glace transparente". Contrairement à l'opinion de la requérante, la chambre estime que le terme "boîtier" n'implique pas seulement une simple fonction de maintien (voir l'expression "Halterung 10" dans E1) mais aussi d'enfermement et de protection des éléments qu'il reçoit (étanchéité). Cet aspect joue, dans le contexte d'un projecteur monté dans un véhicule automobile et comportant un réflecteur ayant une surface réfléchissante devant conserver ses qualités optiques dans le temps, un rôle important (voir par exemple revendication dépendante 7 et paragraphe [0025] du brevet). C'est pour les mêmes raisons que la chambre estime que, dans le document E1, l'anneau d'étanchéité 24 entre la fixation 10 et le réflecteur 12 joue un rôle important: il permet de construire un boîtier de projecteur étanche par insertion du réflecteur dans une ouverture de la section de maintien ("Halterung 10": voir colonne 2 lignes 20-33), le réflecteur formant une paroi du boîtier ainsi obtenu (colonne 2, lignes 33-42). Force est alors de constater que, dans E1, la vis 46 n'est pas monté à rotation dans le boîtier mais sur des parois 55, 57 de la fixation 10 s'étendant vers l'extérieur du boîtier. La caractéristique f) n'est donc pas connue de E1.

2.4 La chambre ne partage pas non plus le point de vue de la requérante selon lequel la cinématique impliquant le secteur de roue dentée, tel que revendiqué, est en tous points équivalente à celle présente dans E1. Bien qu'il s'agisse dans E1 d'une transformation du mouvement de rotation de la vis 48 en un mouvement de rotation du réflecteur 12 suivant un axe perpendiculaire 30 à l'axe de rotation de la vis, l'engrènement de la demi-coquille 40 avec la vis 48 est celui d'un filetage ouvert 40 s'étendant suivant un axe longitudinal (voir E1, colonne 3, ligne 16: "die Längsachse der Gewindeschale 40") avec le filetage d'une vis 46 s'étendant également selon un axe longitudinal 48. Un tel engrènement ne s'effectue pas suivant une courbe définie par un arc de cercle lors du mouvement de pivotement du réflecteur. C'est la raison pour laquelle la vis 46 est montée sur la fixation 10 de manière à exercer une force élastique radiale chargée de contraindre les deux éléments 40, 46 à rester en contact d'engrènement lors du réglage de la position du réflecteur (voir la revendication 1 de E1). La chambre constate donc que la nécessité d'un contact élastique entre la vis 46 et la demi-coquille 40 dans le projecteur selon E1, est intimement lié à l'utilisation d'une liaison vis-écrou 40,46 pour effectuer le réglage du réflecteur 12 et que, selon l'enseignement de ce document, ces éléments ne sont pas dissociables (voir revendication 1 de E1). La chambre en conclut que non seulement la caractéristique e) mais aussi la caractéristique h) n'est pas connue du document E1.

2.5 La requérante a estimé que la relocalisation de la vis 46 à l'intérieur du boîtier de E1 serait une mesure évidente.

Cette affirmation est démentie par le contenu du document E1 lui-même. En effet, dans le projecteur selon E1, les moyens de réglage (vis 46, filetage 40) du réflecteur 12 portant la source de lumière 14 sont situés sur la face arrière de ce dernier pour ne pas interférer avec sa fonction de réflecteur. Comme cela a été noté plus haut, le réflecteur 12 de E1 forme une paroi du "boîtier" au sens de la revendication. Partant de ce point de vue, l'implantation de la vis 46 "dans le boîtier" impliquerait de revoir entièrement la conception du projecteur selon E1.

2.6 La requérante a invoqué le document E2 pour prétendre que ce document inciterait l'homme du métier à utiliser un engrènement par vis et secteur de roue dentée comme moyens de réglage de la position d'un réflecteur.

La chambre ne partage pas ce point de vue. Dans le document E2, il n'existe pas de moyens de réglage de la position du réflecteur par rapport au boîtier du projecteur mais uniquement des moyens de pivotement (crémaillère 43, vis 51 et moteur 50) de l'ensemble du boîtier 41 du projecteur ("Scheinwerfergehäuse 41": boîtier avec le réflecteur fixe) suivant un axe sensiblement vertical 42 afin de pouvoir balayer horizontalement la route par un faisceau lumineux en cas de virage (E2: page 2, paragraphes 2 et 3). L'ensemble du projecteur 41 est monté dans un support 60 lié à la carrosserie avec deux degrés de liberté suivant un axe horizontal ("Neigunslager 440") et suivant un axe sensiblement vertical ("Schwenklager 42"). La rotation du boîtier 41 par rapport à l'axe horizontal 440 permet le réglage de la hauteur du faisceau lumineux au moyen d'un système de câbles Bowden 46 avec des ressorts 441, 461 de reprise du jeu (page 2, dernier paragraphe à page 3, premier paragraphe). Si l'homme du métier avait appliqué l'enseignement de E2 au document E1, il aurait utilisé la liaison vis 51/crémaillère 43 de la figure 1 de E2 pour faire pivoter l'ensemble du boîtier afin que son faisceau lumineux puisse balayer horizontalement la route au suivi des virages.

De plus, il n'est pas question dans E2 d'une quelconque liaison élastique au sens de la revendication 1 entre le secteur de roue dentée 43 et la vis motorisée 51 (caractéristique h)).

3. Admissibilité dans la procédure de recours de l'argumentation reposant sur le document E6

3.1 Avec le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, la requérante argumente pour la première fois que le document E6 montrerait un moyen de réglage de la position du réflecteur situé dans le boîtier (caractéristique f)).

3.2 L'article 12(4) RPCR confère aux chambres de recours le pouvoir de considérer comme irrecevable les moyens qui auraient pu être produits au cours de la procédure de première instance. Le brevet a été maintenu tel que délivré; la caractéristique f) n'est donc pas une nouvelle caractéristique ajoutée à la revendication 1 telle que délivrée, par exemple à un stade avancé de la procédure d'opposition. L'admission de cette nouvelle argumentation dans la procédure relève donc du pouvoir d'appréciation de la chambre.

3.3 La requérante a affirmé que ce serait à la lumière de la décision attaquée que le document E6 a pris de l'importance, car la décision mettrait en avant la caractéristique de l'agencement de la vis dans le boîtier (caractéristique f)) et le fait qu'elle n'était pas connue du document E1.

L'importance de la caractéristique f) et le fait qu'elle n'était pas divulguée dans le document E1 a cependant été extensivement traité par la titulaire dans sa réponse datée du 31 juillet 2008 à la notification d'opposition (voir page 2, point 1 et page 4, avant-dernier paragraphe). La chambre constate, de plus, que le document E6 est cité dans le fascicule de brevet comme état de la technique le plus proche et a servi à délimiter la revendication 1 du brevet dans la forme en deux parties. L'opposant avait donc pleinement connaissance de la pertinence du document E6 et il lui aurait été loisible de citer une argumentation basée sur ce document au cours de la procédure d'opposition. La question relative à cette caractéristique f) n'est donc pas un aspect nouveau dans la décision de la division d'opposition et a fait partie intégrante des débats en procédure d'opposition (voir aussi page 1 du procès verbal de la procédure orale: "montage de la vis de réglage").

3.4 Par conséquent, la chambre exerce le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 12(4) RPCR de ne pas introduire dans la procédure cette nouvelle ligne d'attaque basée sur le document E6, alors que rien dans le cours de la procédure ne le justifie.

4. Pour la chambre, les caractéristiques e) à h) de la revendication 1 sont liées synergiquement: elles résolvent les problèmes techniques de concevoir un projecteur dont le nombre de pièces est réduit et dont le montage est simplifié, tout en protégeant ces pièces des projections (eau, gravier, poussière, condensation…) et en évitant leur détérioration lorsque le système de transmission du mouvement arrive en butée (paragraphes [0005] à [0008] du fascicule de brevet). Un tel projecteur ne découle pas à l'évidence de l'état de la technique cité par la requérante.

5. Dans ces circonstances, la chambre ne peut que confirmer la décision de la division d'opposition que l'objet de la revendication 1 telle que délivrée est nouveau et implique une activité inventive.

6. Les objets des revendications dépendantes 2 à 12 contiennent toutes les caractéristiques de l'objet selon la revendication 1. Ils remplissent donc également le critère de nouveauté et impliquent également une activité inventive.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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