T 2183/12 (Composition colorante/ L'OREAL) of 29.1.2016

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2016:T218312.20160129
Date de la décision : 29 Janvier 2016
Numéro de l'affaire : T 2183/12
Numéro de la demande : 06111859.2
Classe de la CIB : A61K 8/34
A61K 8/37
A61K 8/73
A61K 8/81
A61K 8/86
A61K 8/87
A61Q 5/06
A61Q 5/10
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Composition colorante comprenant un polymère associatif non ionique, procédé de coloration de fibres kératiniques la mettant en oeuvre
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Kao Germany GmbH
HENKEL AG & CO. KGAA
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Mot-clé : Requêtes principale et subsidiaire 1: Activité inventive (non) - alternative évidente
Requête subsidiaire 2 produite tardivement - report de la procédure orale aurait été nécessaire (non)
Requête subsidiare 2: Activité inventive (oui) - amélioration inattendue
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant I (propriétaire du brevet) et le requérant II (opposant 1) ont introduit un recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition établissant que le brevet européen n° 1 707 183 pouvait être maintenu sous la base des revendications 1 à 25 de la requête subsidiaire 1 déposée au cours de la procédure orale du 24 juillet 2012 devant la division d'opposition.

La revendication 1 de la revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit:

"1. Composition colorante comprenant, dans un milieu approprié pour la teinture des fibres kératiniqués :

- au moins un précurseur de colorant d'oxydation et/ou au moins un colorant direct;

- au moins un alcool gras;

- au moins un ester d'acide gras et d'alcool en C1-C10 qui est un mono ester d'acide carboxylique, linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé, en C8-C30 et d'un d'alcool mono hydroxylé linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé, en C1-C10;

- au moins un tensioactif non ionique, anionique ou leurs mélanges;

- au moins un polymère associatif non ionique;

- la teneur en eau étant d'au moins 55% en poids par rapport au poids de la composition colorante."

II. Des oppositions avaient été formées par l'intimé (opposant (2)) et le requérant II en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité en invoquant les motifs de manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), se fondant sur les documents suivants:

(1) DE-A-30 30 119,

(2) US-A-2001/0023514,

(5) EP-A-1 153 597,

(6) US-A-2001/0023515 et

(7) US-A-2004/0172771.

Selon la division d'opposition, l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré était nouveau par rapport au document (1) en raison de la présence d'un polymère associatif non-ionique dans les compositions revendiquées. Ce document, qui divulguait de compositions de teinture directe, représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Le problème technique consistait en la mise à disposition de compositions de teinture alternatives. La solution proposée caractérisée par la présence d'un polymère associatif non-ionique était évidente à la lumière du document (5) qui divulguait des compositions de coloration directe comprenant ce polymère associatif. L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré manquait donc d'activité inventive.

La revendication de la requête subsidiaire 1 alors pendante était limitée aux compositions de coloration d'oxydation. L'état de la technique le plus proche de l'invention n'était plus le document (1), mais était soit le document (2) ou le document (6) qui traitaient de la coloration d'oxydation. Le problème technique résidait dans l'amélioration de l'homogénéité de la coloration. La solution proposée qui était caractérisée par la présence d'un monoester d'acide carboxylique en C8-C30 et d'un d'alcool mono hydroxylé de type (C1) n'était pas évidente à la lumière de l'état de la technique. L'objet des revendications selon la requête subsidiaire 1 alors pendante impliquait donc une activité inventive.

III. Au cours de la procédure orale tenue le 29 janvier 2016 devant la Chambre, le requérant I a défendu son brevet sur la base des revendications du brevet tel que délivré, sur la base d'une requête subsidiaire 1 déposée avec une lettre datée du 25 juillet 2013 et sur la base d'une requête subsidiaire 2 déposé au cours de ladite procédure orale.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de la revendication 1 du brevet délivré en ce que le polymère associatif non ionique est choisi parmi les polymères suivants, seuls ou en mélanges:

- (1) les celluloses modifiées par des groupements comportant au moins une chaîne grasse;

- (2) les hydroxypropylguars modifiés par des groupements comportant au moins une chaîne grasse;

- (3) les copolymères de vinyl pyrrolidone et de monomères hydrophobes à chaîne grasse;

- (4) les copolymères de méthacrylates ou d'acrylates d'alkyles en C1-C6 et de monomères amphiphiles comportant au moins une chaîne grasse;

- (5) les copolymères de méthacrylates ou d'acrylates hydrophiles et de monomères hydrophobes comportant au moins une chaîne grasse;

- (7) les polymères à squelette aminoplaste éther possédant au moins une chaîne grasse.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffère de la revendication 1 du brevet délivré en ce qu'elle est limitée aux compositions colorantes requérant un colorant direct.

IV. Selon le requérant I, le document (6) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention pour la requête subsidiaire 1 et la partie de la requête principale concernant la coloration d'oxydation. Lors de la procédure orale devant la Chambre et en ce qui concerne l'objet de la requête subsidiaire 1, le requérant I a défini le problème technique à résoudre comme étant celui de la mise à disposition de compositions de teinture alternatives, puisque les essais comparatifs déposés avec une lettre datée du 4 juin 2012 et redéposés en annexe 2 du mémoire de recours ne mettaient en ½uvre aucune composition selon la revendication 1 de cette requête. La revendication 1 de la requête subsidiaire II résultait simplement d'une limitation à une alternative qui était déjà présente dans la revendication 1 de la requête principale, à savoir aux compositions de teinture mettant en ½uvre un colorant direct. La requête subsidiaire 2 devait donc être admise dans la procédure. Le document (5) qui divulguait des compositions de teinture à base de colorants directs représentait l'état de la technique le plus proche de l'objet de la requête subsidiaire 2. Le problème technique à résoudre était celui de l'amélioration de la sélectivité. Les résultats des essais comparatifs déposés en annexe 3 du mémoire de recours daté du 4 janvier 2013 montraient que l'addition du myristate d'isopropyle à une composition selon l'enseignement du document (5) avait pour effet d'améliorer la sélectivité de la coloration. Le myristate d'isopropyle était un représentant typique des mono esters d'acide gras en C8-C30 et d'alcool en C1-C10 selon la revendication 1. L'amélioration montrée avec ce composé pouvait donc être extrapolée à l'ensemble des mono esters d'acide gras en C8-C30 et d'alcool en C1-C10 définis dans la revendication 1. Les documents (1) et (7) ne traitaient pas du problème de la sélectivité. Ils ne pouvaient donc pas fournir une solution au problème de l'amélioration de la sélectivité. L'objet des revendications de la requête subsidiaire 2 impliquait donc une activité inventive.

V. Selon le requérant II le document (6) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention pour l'objet des revendications de la requête principale et de la requête subsidiaire 1. Les compositions revendiquées différaient de celles du document (6) uniquement par la présence d'un ester d'acide gras comme le myristate d'isopropyle. Or le document (7) décrivait des compositions de teinture d'oxydation comprenant un alcool gras, un polymère associatif et un monoester d'un acide gras comme le myristate d'isopropanol. La composition exemplifiée comprenait également des tensioactifs non ioniques et contenait plus de 55% en poids d'eau. L'homme du métier désirant mettre à disposition une composition alternative à celle du document (6) aurait donc considéré l'addition de myristate d'isopropanol dans la composition comme une solution évidente. l'objet des revendications selon la requête principale et selon la requête subsidiaire 1 manquait donc d'activité inventive. Le dépôt tardif de la requête subsidiaire 2 pendant la procédure orale confrontait le requérant à une situation à laquelle il n'était pas préparé. La requête subsidiaire 2 ne devait donc pas être admise dans la procédure. Si elle l'était, un ajournement de la procédure orale serait nécessaire pour lui permettre d'y répondre par le dépôt d'essais comparatifs. Le document (5) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention pour cette requête, en particulier la composition de l'exemple (6) dont les compositions revendiquées différaient uniquement par la présence d'un mono ester d'acide gras. Les tests comparatifs en annexe 3 du mémoire de recours du requérant I n'étaient pas pertinents car ils ne reproduisaient pas la composition de l'art antérieur structurellement la plus proche de l'invention, à savoir la composition de l'exemple 6 du document (5). La différence de sélectivité a été montrée dans l'essai comparatif par une unique mesure faite sur un endroit ponctuel d'un cheveu. Elle n'était donc pas significative et se situait dans la marge d'erreur de la mesure au regard des différences de sélectivité observées dans l'annexe 1. De plus, le prétendu effet ne pouvait être pas être extrapolé à l'ensemble des compositions revendiquées, qui englobaient divers colorants directs et divers esters. Le problème technique à résoudre devait donc être reformulé en la mise à disposition d'une simple alternative. Même si une amélioration de la sélectivité de la coloration était démontrée, ce ne serait qu'un "effet bonus" que l'homme du métier observerait en suivant l'enseignement des documents (1) et (7) qui divulguaient des compositions de teinture comprenant un alcool gras, un monoester d'un acide gras comme le myristate d'isopropanol et des tensioactifs non ioniques. Les compositions objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 étaient donc évidentes pour l'homme du métier et n'impliquaient donc pas d'activité inventive.

VI. L'intimé a annoncé qu'il ne participera pas à la procédure orale devant la Chambre. Il n'a soumis ni arguments ni requêtes dans la procédure de recours.

VII. Le requérant I a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet tel que délivré, ou subsidiairement le maintien du brevet sur la base des revendications selon la requête subsidiaire 1 déposée avec une lettre datée du 25 juillet 2013 ou la requête subsidiaire 2 déposée au cours de la procédure orale devant la Chambre.

Le requérant II a demandé le l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet.

VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Activité inventive : Requêtes principale et requête subsidiaire

2. Les compositions selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 sont inclues dans l'objet de la revendication 1 de la requête principale. Par conséquent, si ces compositions n'impliquaient pas d'activité inventive, cette conclusion s'appliquerait également, au moins dans cette étendue, à l'objet de la requête principale. Dans ces circonstances, il donc est approprié d'examiner dans un premier temps la requête subsidiaire 1.

3. Art antérieur le plus proche

Le document (6) divulgue des compositions de teinture d'oxydation, comprenant au moins un précurseur d'oxydation, au moins un agent épaississant comprenant au moins une chaine d'acide gras et des alcools gras (voir revendication 1).

En accord avec les parties, la Chambre considère que ce document représente l'état de la technique le plus proche de l'invention en ce qui concerne les compositions de coloration d'oxydation objet de la revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire 1. La composition divulguée au paragraphe [0363] (page 19 du document (6)) comprend au moins un précurseur d'oxydation, le 1,4-diaminobenzène, au moins un alcool gras (Nafol 20-22), au moins un tensioactif non ionique le glycol stéarate. Elle comprend également le produit Aculyn 44 qui est un polymère associatif correspondant à la famille (6) du brevet litigieux tel que définie à la revendication 11 et à la page 5, ligne 46 à 48 (voir aussi paragraphe [0059] du brevet litigieux). Ce polymère associatif de la famille (6) prévu dans la revendication 1 du brevet litigieux n'est plus requis par la revendication de la requête subsidiaire 1 puisque le polymère associatif est à choisir parmi les polymères associatifs des familles (1), (2), (3), (4), (5) ou (7).

Une autre composition est divulguée au paragraphe [0365] du document (6) dans laquelle Aculyn 44 a été remplacé par Pure Thix HH qui est un polymère aminoplaste possédant au moins une chaine grasse (document (6) ; paragraphe [0083] en page 4) et qui correspond à la famille (7) des polymères associatifs selon la requête subsidiaire 1 (voir brevet litigieux, page 5, lignes 50 à 51).

4. Problème technique

Concernant l'objet de la requête subsidiaire 1, le requérant I a défini le problème à résoudre comme étant celui de la mise à disposition d'une composition de teinture d'oxydation alternative. En effet le requérant I ne pouvait plus se fonder sur les essais comparatifs soumis avec une lettre datée du 4 juin 2012 et redéposés en annexe 2 du mémoire de recours pour faire valoir un effet sur la sélectivité puisque dans ces essais la composition B' selon l'invention comparée n'est pas comprise par la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 en raison du polymère associatif utilisé qui est un polyuréthane-polyéther associatif de la famille (6) (Aculyn 44).

5. Solution proposée

La solution proposée par le brevet litigieux est la composition selon la revendication 1 caractérisée par la présence d'un mono ester d'acide carboxylique, linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé, en C8-C30 et d'un d'alcool mono hydroxylé, linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé, en C1-C10.

6. Succès

Le requérant II n'a pas contesté que le problème technique défini ci-dessus avait bien été résolu et la Chambre n'a aucune raison d'en douter.

7. Evidence de la solution

Il demeure à déterminer si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème de mise à disposition de compositions de teinture d'oxydation alternatives découle à l'évidence de l'état de la technique disponible.

Le document (7) divulgue des compostions de teinture d'oxydation comprenant au moins un précurseur d'oxydation, au moins un alcool gras, au moins un polymère associatif et un moins un ester d'acide gras ou un oxyde de métal (voir revendication 1). L'ester prévu par le document (7) est par exemple un monoester d'un acide carboxylique linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé en C8-C30 et d'un alcool tel l'éthanol, l'isopropanol ou l'isooctanol (revendications 4 et 6), plus précisément le myristate d'isopropanol (revendication 9). La composition exemplifiée comprend des tensioactifs non ioniques et plus de 55% en poids d'eau (voir page 25, paragraphe [0506]).

Il était ainsi évident pour l'homme du métier désirant produire une composition de teinture d'oxydation alternative aux compositions du document (6) d'ajouter un ester d'acide gras, par exemple le myristate d'isopropyle, comme proposé par le document (7), et d'aboutir ainsi aux compositions revendiquées.

Par conséquent, l'enseignement du document (7) conduit de façon évidente l'homme du métier désireux de produire des alternatives aux compositions de teinture du document (6) aux compositions revendiquées.

Il s'ensuit que le mode de réalisation de l'invention inclus dans la revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire 1 qui est relatif aux compositions comprenant un polymère associatif de la famille (7) découle de manière évidente de l'état de la technique et n'implique donc pas d'activité inventive.

Dans ces circonstances, puisque la revendication 1 de la requête principale comprend au moins un mode de réalisation n'impliquant pas d'activité inventive, il n'est pas nécessaire d'évaluer l'activité des autres modes de réalisation également inclus dans cette revendication.

8. Par conséquent, la requête principale et la requête subsidiaire 1 doivent être écartés pour manque d'activité inventive.

Requête subsidiaire 2

9. Recevabilité

Cette requête a été déposée lors de la procédure orale devant la Chambre. Elle est restreinte aux compositions de teinture directe et concerne donc une partie de la revendication 1 de la requête principale.

Le requérant II a contesté la recevabilité de cette requête dans la procédure à ce stade tardif qui selon lui le priverait de son droit d'être entendu. De plus, en cas d'admission de cette requête dans la procédure, un report de la procédure orale serait nécessaire afin de lui permettre d'y répondre par la production d'essais expérimentaux.

La revendication 1 du brevet tel que délivré concerne deux types de compositions de coloration, à savoir les compositions de coloration d'oxydation et les compositions de teinture directe. Dans la décision contestée, la division d'opposition a considéré de façon totalement indépendante ces deux modes de réalisation dans son analyse de l'activité inventive.

En effet, elle est partie des documents (1) ou (5) comme état de la technique le plus proche pour les compositions de teinture directe et des documents (2) ou (6) pour les compositions de coloration d'oxydation pour arriver à la conclusion que les compositions de teinture directe découlaient de façon évidente de l'état de la technique, alors que les compositions de coloration d'oxydation impliquait une activité inventive.

Le mémoire de recours du requérant I se concentrait sur la question de l'activité inventive des compositions de teinture directe, objet maintenant de la requête subsidiaire 2. De nouveaux essais expérimentaux ont été déposés au soutien de l'activité inventive (voir annexe 3 du mémoire du recours datée du 4 janvier 2003).

Le requérant II avait répondu dans ses écrits au mémoire du recours du requérant I en commentant ces essais comparatifs (voir la lettre datée du 23 juillet 2013). Il n'a jamais mentionné la nécessité de devoir recourir à des essais expérimentaux. La Chambre en conclut que l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 a déjà été discuté par des parties dans la procédure écrite et que l'affirmation du requérant II selon laquelle l'admission de cette requête sans report de la procédure orale le priverait de son droit d'être entendu n'est donc pas fondée.

Ainsi, au regard des circonstances de l'espèce, la Chambre décide d'admettre cette requête dans la procédure et de ne pas faire droit à la requête du requérant II visant à l'ajournement de la procédure orale (Article 13(1) RPCR).

10. Modifications

La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 a été modifiée rendant obligatoire la présence d'un colorant direct. Cette modification qui limite également la protection conférée par le brevet tel que délivré, satisfait ainsi aux exigences de l'article 123(2) et (3) CBE. Cette conclusion n'a pas été contestée.

11. Activité inventive

En accord avec les parties, la Chambre considère que le document (5) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention, et plus particulièrement son exemple 5 qui divulgue une composition comprenant un colorant direct (le 2-amino-6-chloro-4-nitrophénol), un alcool gras (l'alcool cétylique), un tensio actif (le diglycoléther sulfate sodique de lauryle) et un polymère associatif non ionique (le coplymère PEG-180/Laureth-50/TMMG (Pure Thix®TX-1450)), la seule différence structurale par rapport aux compositions de l'invention résidant dans l'absence d'un ester d'acide gras.

12. Problème technique

Selon le requérant I le problème technique à résoudre par l'invention était la mise à disposition de compositions pour la teinture des fibres kératiniques présentant une amélioration de la sélectivité de la coloration.

13. Solution

La solution proposée par le brevet en litige est la composition selon revendication 1 caractérisée par la présence au moins un ester d'un mono ester d'acide carboxylique, linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé, en C8-C30 et d'un d'alcool mono hydroxylé linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé, en C1-C10.

14. Succès

Pour démontrer que le problème technique défini ci-dessus est résolu par les compositions revendiquées, le requérant I s'est référé aux résultats des essais comparatifs de l'annexe 3 déposée avec le mémoire de recours daté du 4 janvier 2013. Ces essais mettent notamment en ½uvre une composition A3 selon l'enseignement du document (5) qui est comparée à une composition B selon l'invention qui diffère de la composition A3 uniquement par la présence de myristate d'isopropyle en remplacement partiel de l'alcool cétéarylique présent dans la composition A3. Les résultats font apparaître que la coloration obtenue avec la composition B selon l'invention est moins sélective (DELTAE = 3,41 comparé à 7,95 pour la composition A3 représentante du document (5)).

Le requérant II reproche à ces essais comparatifs le fait que la composition A3 illustrant l'état de la technique dans l'annexe 3 ne reproduise pas exactement l'exemple 5 du document (5) qui comprenait notamment des précurseurs de coloration d'oxydation.

La Chambre ne peut suivre cette argumentation. En effet, bien que la composition de teinture comparative utilisée dans les essais comparatifs ne reproduise pas exactement celle de l'exemple 5 du document (5), elle reflète néanmoins l'enseignement général du document en reprenant toutes les caractéristiques essentielles requises par les compositions du document (5). Les essais comparatifs de l'annexe 3 sont suffisants puisqu'ils démontrent de façon convaincante que l'amélioration de la sélectivité trouve son origine dans la caractéristique distinctive de l'invention, à savoir la présence d'un mono ester d'acide gras. Par conséquent, ils ne peuvent pas être écartés au seul motif qu'ils ne reproduisent pas exactement la composition spécifiquement divulguée dans l'exemple 5 du document (5).

Selon le requérant II, la différence de sélectivité montrée dans l'essai comparatif résultait d'une unique mesure faite à un endroit ponctuel d'un cheveu. La différence de sélectivité observée n'était pas donc pas significative puisqu'elle pouvait être comprise dans la marge d'erreur de la mesure de la sélectivité.

Cependant, la différence de sélectivité rapportée dans les résultats d'essais comparatifs a été mise en évidence en procédant à des mesures à l'aide d'un spectrophotomètre. Cette différence a donc été mesurée objectivement. En outre, une différence de 4,5 unités dans le DELTAE ne peut pas être considérée à priori comme n'étant pas significative. Par conséquent, en l'absence de preuves du contraire incombant à la partie contestant les résultats des essais, dans le cas d'espèce le requérant II, l'amélioration de la sélectivité de la coloration est considérée comme significative et par tant crédible.

En outre, les Chambres de Recours tranchent les affaires d'après les preuves apportées par les parties. Le niveau de la preuve ne demande pas de conviction absolue mais uniquement que les faits exposés soient crédibles. Ainsi, il serait excessif d'écarter les résultats des essais soumis par le requérant I uniquement en raison de l'absence d'un calcul statistique établissant une déviation standard de la mesure. Cet argument du requérant II doit donc être rejeté.

Selon le requérant II, l'effet observé ne pouvait être pas être extrapolé à l'ensemble des compositions revendiquées, notamment en raison de la variation possible de structures parmi les colorants directs.

Cependant, la solution revendiquée n'est pas caractérisée par la nature du colorant direct, mais par la présence d'au moins un ester d'acide gras et d'alcool en C1-C10.

La composition B selon l'invention comparée contient le myristate d'isopropyle. En l'absence de preuve du contraire, les résultats observés pour cet ester particulier peuvent être extrapoler à ses analogues, à savoir aux mono esters d'acide carboxylique, linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé, en C8-C30 et d'un d'alcool mono hydroxylé linéaire ou ramifié, saturé ou insaturé, en C1-C10 qui ont la même structure de base.

La Chambre est par conséquent satisfaite que l'amélioration de la sélectivité a bien été démontrée.

15. Evidence

Selon le requérant II, la solution proposée était évidente à la lumière du document (1) ou du document (7) qui divulguaient des compositions de teinture directe comprenant le myristate d'isopropyle (document (1), revendication 1 ; page 12, exemples 3 et 4; document (7), revendications 1, 4, 9 et 69 ; page 2, paragraphe [0023]). Les compositions exemplifiées dans ces documents comprenaient également un tensioactif non ionique. La présence simultanée d'un mono ester d'acide gras et d'un alcool gras dans des compositions de teinture directes était donc bien connue. L'amélioration de la sélectivité montrée dans les essais comparatifs du requérant I représentait donc un effet bonus qui ne pouvait pas fonder une activité inventive.

Cependant les documents (1) et (7) n'évoquent pas le problème de la sélectivité des colorations et ne donnent donc aucun enseignement liant la présence d'un mono ester d'acide carboxylique en C8-C30 et d'un d'alcool mono hydroxylé en C1 -C10 dans une composition de teinture et la sélectivité de la coloration obtenue.

Par conséquent, l'homme du métier désirant améliorer la sélectivité des compositions de teinture du document (5) n'est pas incité par les documents (1) et (7) à ajouter à cet effet un mono ester d'acide gras dans les compositions du document (5). Comme l'homme du métier n'est pas dans une situation qui l'amène au vu de l'état de la technique à inévitablement ajouter un mono ester d'acide gras, on ne peut qualifier l'effet obtenu sur la sélectivité d'effet bonus.

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 et, pour les mêmes raisons, celui des revendications dépendantes 2 à 18 de la requête subsidiaire 2 impliquent une activité inventive (Article 56 CBE). Les revendications 19 à 21 concernent un procédé de teinture mettant en ½uvre les compositions des revendications 1 à 18 et la revendication 22 un dispositif les renfermant. L'objet de ces revendications implique donc une activité inventive pour les mêmes raisons que l'objet de la revendication 1.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 22 soumises lors de la procédure orale du 29 janvier 2016 devant la Chambre comme requête subsidiaire 2 et une description à y adapter.

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