T 1479/12 (Article sécurisé / ARJOWIGGINS) of 5.11.2015

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2015:T147912.20151105
Date de la décision : 05 Novembre 2015
Numéro de l'affaire : T 1479/12
Numéro de la demande : 06808335.1
Classe de la CIB : D21H 21/40
B42D 15/10
G06K 19/00
G07D 7/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Article sécurisé, notamment un document de sécurité et/ou de valeur
Nom du demandeur : ARJOWIGGINS SECURITY
Nom de l'opposant : SICPA HOLDING SA
Leonhard Kurz Stiftung & Co. KG
Chambre : 3.3.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 52(1)
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(3)
Mot-clé : Recevabilité des requêtes (oui)
Nouveauté (requête principale) - (non)
Activité inventive (requêtes subsidiaires I et II) - (non) : juxtaposition d'éléments connus
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les recours de la titulaire et de l'opposante 1 font suite à la décision de la division d'opposition concernant le maintien du brevet européen no 1 941 101 dans une forme modifiée.

II. Deux oppositions avaient été formées sur le fondement de l'article 100(a) CBE, invoquant en particulier l'absence de nouveauté et d'activité inventive des objets revendiqués.

Les documents suivants ont été cités, entre autres, au cours de la procédure d'opposition:

C13: US 4 290 630 A et

C18: WO 99/17486 A1.

III. Dans la décision contestée, la division d'opposition a conclu que les revendications modifiées selon la requête subsidiaire IV alors pendante satisfaisaient aux exigences de la CBE.

IV. Avec son mémoire de recours, la titulaire (ci-après requérante I) a déposé cinq jeux de revendications modifiées comme requêtes principale et auxiliaires en faisant valoir que les objets de ces revendications étaient nouveaux et inventifs, y compris par rapport au document C18.

V. Dans son mémoire de recours, l'opposante 1 (ci-après requérante II) a contesté la nouveauté et l'activité inventive de l'objet des revendications jugées brevetables par la division d'opposition.

VI. La requérante II et l'opposante 2 (intimée) ont répondu au mémoire de recours de la requérante I en maintenant, entre autre, des objections concernant la nouveauté et l'activité inventive des jeux de revendications alors en instance. L'intimée a notamment cité le document C18 à l'encontre de la nouveauté de l'objet de la

revendication 1.

VII. Par courrier du 11 mars 2013, en réponse aux observations de la requérante II et de l'intimée, la requérante I a déposé, comme nouvelles requêtes principale et subsidiaires I à VII, huit jeux de revendications modifiées, en réfutant toutes les objections soulevées par les parties adverses.

La revendication 1 de ladite requête principale a le libellé suivant:

"1. Article sécurisé, notamment un document de sécurité et/ou de valeur (1; 10; 20; 30; 40), comportant:

- au moins un substrat en matière fibreuse,

- au moins une structure d'authentification (4; 11; 22; 32; 42; 51) visible,

- au moins une zone d'inspection (5) définie au moins partiellement par la structure d'authentification, la structure d'authentification délimitant au moins partiellement le contour de la zone d'inspection et/ou servant à repérer la zone d'inspection;

- dans la zone d'inspection (5), une pluralité d'éléments d'identification (3; 50; 61) différents de la structure d'authentification, la zone d'inspection permettant avec au moins une caractéristique, notamment spatiale et/ou physique, des éléments d'identification, de fournir une information d'identification,

- au moins une information d'identification associée à au moins une caractéristique, notamment spatiale et/ou physique, de la zone d'inspection (5), ladite information étant relative à une caractéristique spatiale et/ou physique des éléments d'identification et étant non directement appréhendable, notamment cryptée,

les éléments d'identification étant dispersés de manière aléatoire au sein de la zone d'inspection,

la structure d'authentification comportant au moins l'un des éléments suivants:

- un filigrane,

- une fibre apparaissant par exemple colorée en lumière du jour ou seulement sous illumination spécifique, la fibre pouvant avoir une forme cylindrique ou non, avec une section non circulaire par exemple,

- une planchette apparaissant à la lumière du jour ou seulement sous illumination spécifique, la planchette pouvant être par exemple métallisée ou holographique sur toute sa surface ou sur une portion seulement de sa surface, la planchette pouvant avoir une forme circulaire ou non,

- un film ou une bande imprimée, métallisé ou holographique,

- un foil imprimé, métallisé ou holographique,

- une impression à effet optique variable."

VIII. La chambre a convoqué les parties à une procédure orale. Dans une notification émise en préparation de celle-ci, la chambre a exposé son opinion préliminaire concernant, entre autre, la recevabilité des dernières requêtes de la requérante I et l'interprétation de certains termes compris dans les revendications 1 respectives.

En particulier, en ce qui concerne l'expression "structure d'authentification", la chambre a donné les indications suivantes:

"4.2 La chambre remarque que d'après la

revendication 1 la structure d'authentification doit être visible, délimiter au moins partiellement le contour de la zone d'inspection et/ou servir à la repérer, et comprendre au moins un élément choisi de la liste contenue dans la revendication, p.ex. une fibre.

La zone d'inspection doit comprendre des éléments d'identification associés à une information d'identification, laquelle confère la sécurité à l'article.

Par conséquent, les éléments conférant la sécurité à l'article ne semblent pas nécessairement être contenus dans la structure d'authentification proprement dite."

"4.2.1 Le brevet litigieux ne semble pas spécifier non plus que la structure d'authentification doive nécessairement contenir des éléments sécurisants supplémentaires, faisant par exemple partie de la signature de l'article.

Par exemple, la figure 5 du brevet litigieux concerne une structure d'authentification qui est une couche de papier comportant des fenêtres constituant la zone d'inspection portant des éléments d'identification. La couche de papier de la figure 5 ne semble contenir aucun élément d'identification qui puisse être considéré comme conférant de la sécurité."

"4.3 Par conséquent, la chambre est d'avis que des structures d'authentification, portant des éléments en encre simple et délimitant des zones d'inspection comportant des éléments d'identification nécessaires selon le libellé de la revendication, ne sont pas exclues par la revendication 1..."

IX. Avec son mémoire du 10 septembre 2015, en réponse à la notification de la Chambre, la requérante I a re-déposé les revendications selon les requêtes principale (cf. VII, supra) et auxiliaires I à VII déjà pendantes, ainsi que encore vingt jeux de revendications modifiés comme nouvelles requêtes subsidiaires VIII à XXVII.

X. Dans un autre courrier, l'intimée a contesté la recevabilité desdites requêtes VIII à XXVII au vu de leur production tardive, tout en maintenant ses objections contre les autres requêtes.

XI. La procédure orale s'est tenue le 5 novembre 2015.

Suite aux débats portant sur la nouveauté de certaines alternatives faisant l'objet de la revendication 1 de la requête principale au regard du document C18, la requérante I a déposé un nouveau jeu de revendications comme requête subsidiaire I (désigné "nouvelle requête auxiliaire I").

Cette requête a été admise dans la procédure en dépit des contestations des parties adverses. Suite aux débats au sujet de l'activité inventive concernant la revendication 1 de la nouvelle requête subsidiaire I, la requérante I a déposé un nouveau jeu de revendications comme requête subsidiaire II (désigné "nouvelle requête auxiliaire II").

Cette requête a également été admise en dépit des contestations des parties adverses, et les variantes de réalisation de l'invention selon la revendication 1 ont

été débattues en ce qui concerne l'activité inventive.

La requérante I a expressément abandonné toutes ses autres requêtes encore en instance.

XII. La revendication 1 selon la requête subsidiaire I déposée au cours de la procédure orale s'énonce comme suit (modifications effectuées par rapport à la revendication 1 de la requête principale rendues apparentes par la chambre):

"1. Article sécurisé, notamment un document de sécurité et/ou de valeur (1; 10; 20; 30; 40), comportant:

- au moins un substrat en matière fibreuse,

- au moins une structure d'authentification (4; 11; 22; 32; 42; 51) visible,

- au moins une zone d'inspection (5) définie au moins partiellement par la structure d'authentification, la structure d'authentification délimitant au moins partiellement le contour de la zone d'inspection [deleted: et/ou servant à repérer la zone d'inspection];

- dans la zone d'inspection (5), une pluralité d'éléments d'identification (3; 50; 61) différents de la structure d'authentification, la zone d'inspection permettant avec au moins une caractéristique, notamment spatiale et/ou physique, des éléments d'identification, de fournir une information d'identification,

- au moins une information d'identification associée à au moins une caractéristique, notamment spatiale et/ou physique, de la zone d'inspection (5), ladite information étant relative à une caractéristique spatiale et/ou physique des éléments d'identification et étant non directement appréhendable, étant notamment cryptée,

les éléments d'identification étant dispersés de manière aléatoire au sein de la zone d'inspection,

la structure d'authentification comportant au moins l'un des éléments suivants:

- un filigrane,

[deleted: - une fibre apparaissant par exemple colorée en lumière du jour ou seulement sous illumination spécifique, la fibre pouvant avoir une forme cylindrique ou non, avec une section non circulaire par exemple,]

- une planchette apparaissant à la lumière du jour ou seulement sous illumination spécifique, la planchette pouvant être par exemple métallisée ou holographique sur toute sa surface ou sur une portion seulement de sa surface, la planchette pouvant avoir une forme circulaire ou non,

- un film ou une bande imprimée, métallisé ou holographique,

- un foil imprimé, métallisé ou holographique,

- une impression à effet optique variable,

une signature de l'article sécurisé étant basée, soit exclusivement sur les éléments d'identification présents dans la zone d'inspection, soit sur la combinaison des éléments d'identification dans la zone d'inspection avec la portion du substrat dans la zone d'inspection".

La revendication 1 selon la requête subsidiaire II diffère de la revendication 1 selon la requête subsidiaire I seulement en ce que le nombre d'alternatives revendiquées se trouve réduit par suppression des caractéristiques suivantes, définissant deux des "éléments" pouvant être compris par la "structure d'authentification":

"- une planchette ... circulaire ou non" et

"- une impression à effet optique variable".

XIII. Requêtes finales

La requérante I (titulaire) a donc demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base des revendications de la requête principale déposée le 10 septembre 2015 ou sur la base des revendications de l'une des requêtes subsidiaires I et II déposées au cours de la procédure orale.

La requérante II (opposante 1) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen n° 1 941 101.

L'intimée (opposante 2) a demandé le rejet du recours.

XIV. Les arguments de la requérante II et de l'intimée présentés par écrit et/ou lors de la procédure orale et ayant une incidence sur la présente décision peuvent être résumés comme suit.

Requête principale - nouveauté - revendication 1

- Il ressort clairement des paragraphes [0027], [0086] et [0087] du brevet litigieux que la "structure d'authentification" selon la revendication 1 ne doit pas forcément être un élément de sécurité de l'article revendiqué et peut tout aussi bien être constitué par une impression en encre conventionnelle.

- Les figures du brevet illustrant des modes de réalisation de l'invention revendiquée, par exemple les figures 2, 5 ou 17, montrent que la structure d'authentification peut être constituée tout simplement par un film ou une bande contenant des fenêtres délimitant une zone d'inspection et ne contenant pas d'autres éléments de sécurité.

- Dans le mode de réalisation de l'article en papier sécurisé selon la figure 1 du document C18, le cadre imprimé 4 ou le code à barres 9 imprimés pouvaient donc être considérés comme des structures d'authentification ("bandes imprimée") délimitant au moins partiellement le contour de la zone d'inspection ou servant à repérer une zone d'inspection.

- La zone d'inspection de l'article représenté par la figure 1 du document C18 fournit une information d'identification associée aux caractéristiques spatiales des fibres dichroïques dispersées aléatoirement dans la zone d'inspection comme éléments d'identification, cette information d'identification cryptée étant contenue dans les codes (8, 9, 10) également présents sur l'article.

- Par conséquent, l'article selon la figure 1 du document C18 comprend toutes les caractéristiques de l'objet selon la revendication 1 de la requête principale et en détruit la nouveauté.

- L'étiquette tissée sécurisée divulguée à la page 21 de C18, contenant des fibres dichroïques comme structures d'authentification et des colorants répartis aléatoirement dans chaque fibre comme éléments d'identification, détruit également la nouveauté de la revendication 1 de la requête principale.

Requêtes subsidiaires I et II - Recevabilité

Les objections soulevées contre les objets revendiqués étaient déjà connues par la requérante I bien avant le jour de la procédure orale. Auparavant, la requérante I avait déjà déposé 27 requêtes subsidiaires. Par conséquent, le dépôt très tardif, au cours de la procédure orale, de nouvelles requêtes subsidiaires basées sur d'autres combinaisons de caractéristiques, alors que 27 avaient déjà été déposées auparavant, était inattendu et surprenant. Ces requêtes ne devraient donc pas être admises au titre des articles 13(1) et (3) RPCR.

Requêtes subsidiaires I et II - activité inventive - revendications 1

- Le problème technique est d'améliorer davantage la sécurité des articles sécurisés divulgués par le document C18, en particulier de l'article selon la figure 1, qui peut aussi représenter un billet de banque. L'homme du métier, essayant de trouver une solution à ce problème technique considérerait comme une solution évidente le remplacement au moins partiel des structures d'authentification utilisées selon C18, par exemple du cadre imprimé selon la figure 1, par

d'autres structures comprenant des éléments connus dans le domaine technique des articles sécurisés et ayant un degré de sécurité plus élevé, par exemple par des éléments appartenant aux connaissances générales de l'homme du métier dans le domaine de la sécurisation des billets de banque, tels qu'un filigrane ou un des autres "éléments" alternatifs indiqués dans les revendications 1 des requêtes subsidiaires I et II.

- Au cas où la structure d'authentification choisie serait de nature à perturber potentiellement la lecture de l'information contenue dans la zone d'inspection de l'article selon C18/figure 1 par le capteur d'image CCD utilisé dans le document C18, l'homme du métier saurait parfaitement comment régler dans chaque cas spécifique le dispositif CCD afin d'éliminer de telles perturbations.

- La solution du problème technique posé consistait donc seulement en une juxtaposition évidente d'éléments connus qui n'apporte aucun effet inattendu.

- Par conséquent, les objets revendiqués selon les revendications 1 des requêtes subsidiaires I et II n'impliquent pas d'activité inventive.

XV. Les contre-arguments de la requérante I peuvent être résumés comme suit.

Requête principale - nouveauté - revendication 1

- La "structure d'authentification" selon la revendication 1 est un élément servant à authentifier l'article et permettant de le sécuriser. Par conséquent, cet élément doit être difficile à imiter ou photocopier. Une structure comportant des éléments imprimés ou écrits avec une encre simple et ne comportant pas de traits difficiles à reproduire, par exemple du type guilloche, ne peut donc pas être considérée comme une "structure d'authentification" au sens de la revendication 1 tel que la comprendrait l'homme du métier.

- Cette interprétation est aussi en accord avec l'utilisation de l'expression "structure d'authentification" dans l'art antérieur, par exemple dans le document C13, et dans le brevet en cause, paragraphes [0032] à [0034]. De plus, une structure d'authentification du type utilisé dans l'article représenté à la figure 5 du brevet, c'est-à-dire un papier bi-jet ayant un jet supérieur contenant des fenêtres délimitant une zone d'inspection comme structure d'authentification, est également difficile à reproduire et représente donc un élément de sécurité.

- Par conséquent, l'homme du métier ne considérerait pas le cadre imprimé avec une encre simple représenté à la figure 1 du document C18 comme une "structure d'authentification" au sens de la revendication 1.

- En outre, les autres modes de réalisation des articles divulgués dans le document C18 ne détruisent pas la nouveauté de la revendication 1 selon la requête principale.

Requêtes subsidiaires I et II - Recevabilité

Les requêtes subsidiaires I et II déposées au cours de la procédure orale repondent au développement en partie inattendu des débats portant sur le contenu du document C18. De plus, elles sont basées sur la requête subsidiaire IV du 10 septembre 2015, dont la recevabilité n'avait jamais été contestée. Les revendications modifiées ne contiennent pas de caractéristiques additionnelles par rapport à ladite requête subsidiaire IV et n'en différent que par la suppression de certaines mode de réalisation alternatifs. Par conséquent, ces requêtes ne modifient pas substantiellement l'objet des débats et ne sont pas de nature à surprendre les parties adverses. Ces nouvelles requêtes subsidiaires étaient donc recevables malgré leur production tardive.

Requêtes subsidiaires I et II - activité inventive - revendications 1 respectives

- Le document C18 ne suggère pas de remplacer le cadre imprimé de l'article selon la figure 1 par d'autres structures d'authentification du type revendiqué afin d'améliorer la sécurité de l'article.

- Au contraire, l'homme du métier n'envisagerait pas d'utiliser dans l'article selon la figure 1 de C18 des éléments de sécurité, tel qu'une impression à effet optique variable ou un film ou une bande holographique, dans l'intention de délimiter la zone d'inspection, parce qu'il s'attendrait à ce que une telle mesure pourrait perturber la lecture, au moyen du dispositif CCD, de l'information associée aux fibres dichroïques.

- L'art antérieur ne contient aucune suggestion d'utiliser, dans un article sécurisé, une structure d'authentification, telle qu'un filigrane, afin de délimiter une zone d'inspection contenant des éléments d'identification.

- Par conséquent les objets revendiqués impliquent bien une activité inventive.

Motifs de la décision

Requête principale de la requérante I

1. Recevabilité de la requête

1.1 Le jeu de revendications selon la requête principale, déposé par courrier du 10 septembre 2015, est identique au jeu soumis le 11 mars 2013 en réponse au mémoire de recours de la requérante II et des écrits ultérieurs déposés par la requérante II et par l'intimée par lettres.

1.2 Par ailleurs, la requête principale en instance ne diffère de la requête principale soumise avec le mémoire du recours que par une revendication 39 légèrement modifiée. La recevabilité de cette première requête principale n'a été contestée ni par la requérante II, ni par l'intimée.

1.3 La chambre juge donc recevable la requête principale en instance, et ce malgré sa production tardive (article 13(1) RPCR).

2. Nouveauté - revendication 1

2.1 L'article sécurisé selon la revendication 1 en cause (libellé au point VII, supra) comporte les caractéristiques suivantes:

A) "au moins un substrat en matière fibreuse";

B) "au moins une structure d'authentification (...) visible" ..."comportant au moins l'un des éléments suivants:

- un filigrane,

- une fibre ...,

- une planchette ...,

- un film ou une bande imprimé, métallisé ou

holographique,

- un foil imprimé, métallisé ou holographique,

- une impression à effet optique variable";

C) "au moins une zone d'inspection (...) définie au moins partiellement par la structure d'authentification, la structure d'authentification délimitant au moins partiellement le contour de la zone d'inspection et/ou servant à repérer la zone d'inspection";

D) "une pluralité d'éléments d'identification", "dispersés de manière aléatoire au sein de la zone d'inspection" et étant "différents de la structure d'authentification", "la zone d'inspection permettant avec au moins une caractéristique, notamment spatiale et/ou physique, des éléments d'identification, de fournir une information d'identification"; et

E) "au moins une information d'identification associée à au moins une caractéristique ... de la zone d'inspection (...), ladite information étant relative à une caractéristique spatiale et/ou physique des éléments d'identification et étant non directement appréhendable, notamment cryptée".

2.2 Le document C18 divulgue entre autres (page 30, ligne 27, à page 31, ligne 5) un mode de réalisation particulier d'un article en papier (caractéristique A, supra) sécurisé selon la figure 1, portant un cadre imprimé visible 4. Pour la chambre ce cadre représente une "structure d'authentification" comprenant une "bande imprimée" (caractéristique B, supra), délimitant le contour d'une zone d'inspection et pouvant aussi servir à repérer la zone d'inspection (caractéristique C, supra). Ladite zone d'inspection fournit une information d'identification associée à la relation spatiale entre les fibres dichroïques dispersées aléatoirement dans la zone d'inspection et le cadre 4 ("référence position"). Ces fibres représentant des "éléments d'identification" au sens de la caractéristique D (supra) diffèrent de la structure d'authentification (le cadre 4). L'information d'identification cryptée ("encrypted message") associée et correspondant à la dite relation spatiale est aussi contenue dans un code (du type "MICR text 8", "bar code 9" ou "glyph pattern 10") également présent sur l'article (caractéristique E, supra).

2.3 Selon la requérante I cette divulgation ne détruit pas la nouveauté de l'objet de la revendication 1 car, selon elle, pour l'homme du métier ledit cadre imprimé 4 ne représenterait pas une "structure d'authentification visible" au sens de la revendication 1 (caractéristique B), c'est-à-dire un élément servant à authentifier l'article et devant être, par conséquent, difficile à reproduire afin de sécuriser l'article.

Cet argument n'est pas convainquant pour les raisons suivantes.

2.3.1 Tout d'abord, le libellé de la revendication 1 ne requiert pas expressément

- que la structure d'authentification visible elle-même doive impérativement comporter elle-même ou être constituée par des éléments sécurisant l'article, ou

- qu'elle doive nécessairement être difficile à reproduire.

2.3.2 Le document C13, invoqué à cet égard par la requérante I au cours de la procédure orale ne fait que confirmer qu'il est souhaitable de pourvoir l'article à sécuriser d'une structure d'authentification difficile à reproduire, contribuant ainsi à la sécurisation de l'article (colonne 1, lignes 6 à 10 et 25 à 40). Pour la chambre, ceci ne permet pas de conclure que l'homme du métier ne considérerait forcément pas, dans le contexte d'un article ayant toutes les caractéristiques de la revendication 1 en cause, un cadre imprimé tel que représenté dans la figure 1 du document C18 comme une "structure d'authentification".

2.3.3 La requérante I n'a déposé aucun document illustrant des connaissances générales pouvant justifier une interprétation plus restreinte de l'expression "structure d'authentification", notamment dans le cadre de la revendication 1 en cause.

2.3.4 La description du brevet elle-même (mises en exergue par la chambre) ne suggère que de façon assez générale (paragraphe [0027]) que la structure d'authentification "peut être un élément de sécurité de premier niveau" et (paragraphes [0032]) qu'elle "peut servir à, d'une part, authentifier l'article sécurisé et, d'autre part, délimiter au moins partiellement la zone d'inspection permettant d'identifier l'article."

"Ainsi la protection de l'article selon l'invention contre une tentative de falsification et/ou contrefaçon est rendue plus difficile, notamment par rapport à des documents existant, sur lesquels la zone d'inspection est délimitée par un motif imprimé qui peut être falsifié plus facilement. De plus, l'invention peut permettre d'améliorer et fiabiliser le processus d'identification de traceurs introduits dans le substrat en utilisant une zone d'inspection qui ne repose pas sur une délimitation par impression de contour ou de marques, une telle délimitation pouvant être sujette à une usure mécanique ou chimique, accidentelle ou non."

2.3.5 Par ailleurs, il ressort de la description (paragraphes [0086] et [0087]) qu'une structure imprimée au moyen d'une encre conventionnelle n'est pas exclue comme "structure d'authentification":

"La structure d'authentification peut, le cas échéant, être différente d'une impression, notamment d'une encre visible en lumière blanche.

La structure d'authentification peut par exemple être différente d'un code à barres imprimé avec une encre conventionnelle, sans effet optique variable."

2.3.6 Par contre, la description ne contient aucun passage corroborant l'argument de la requérante I qu'au cas où la structure d'authentification serait, par exemple, une bande imprimée avec une encre simple, elle devrait nécessairement être particulièrement difficile à reproduire, par exemple du type guilloche.

2.3.7 Les figures du brevet litigieux illustrent des exemples de "structures d'authentification" selon l'invention et montrent que celles-ci peuvent être constituées seulement par un film ou un foil ayant des fenêtres délimitant une zone d'inspection contenant les éléments d'identification (voir figures 2, 5 et 17 et texte correspondant). Ces structures d'authentification spécifiques ne constituent pas et ne comprennent pas

d'élément de sécurité de premier niveau ou de niveau supérieur (définis aux paragraphes [0003] à [0009], de tels modes de réalisation étant préférés seulement selon la description du brevet (paragraphe [0027]).

Ainsi, l'argument de la requérante I selon lequel, dans l'article de la figure 5 (papier bi-jet), la reproduction de la structure d'authentification ayant des fenêtres délimitant une zone d'inspection serait particulièrement difficile ne permet pas non plus de conclure qu'un cadre imprimé du type divulgué dans C18 ne peut pas être considéré comme constituant une "structure d'authentification" au sens de la revendication 1 en cause.

2.3.8 La chambre admet qu'une impression avec une encre simple est moins difficile à reproduire que, par exemple, une impression avec une encre seulement visible sous lumière UV (correspondant à un élément de sécurité de premier niveau indiqué comme structure d'authentification possible au paragraphe [0027] du brevet). Cependant, la difficulté de reproduction peut aussi être liée aux autres caractéristiques de l'article.

Dans le cas présent, le document C18 ne divulgue pas explicitement que le cadre imprimé 4 de l'article représenté par la figure 1 est imprimé avec une encre simple plutôt qu'avec une autre encre visible plus difficile à reproduire. De plus, l'article représenté par la figure 1 de C18 ne comprend pas simplement un cadre imprimé quelconque, mais un cadre imprimé délimitant une zone d'inspection contenant des fibres (en tant qu'éléments d'identification) dispersées aléatoirement dans cette zone, c'est-à-dire une combinaison de caractéristiques plus difficile à reproduire qu'un cadre imprimé seul.

En outre, le cadre imprimé délimite le contour de la zone d'inspection et sert de référence lors de la lecture de l'information portée par l'article (cf. C18: page 31, lignes 1 à 4). Son absence indiquerait bien que l'article n'est pas authentique.

2.4 Par conséquent, la chambre n'a aucune raison de diverger de son opinion préliminaire exprimée dans sa notification du 11 mai 2015 (voir point VIII, supra), à savoir que des "structures d'authentification" selon la revendication 1 ne doivent pas nécessairement contenir des éléments sécurisants supplémentaires et juge que même une impression en forme de bande(s) en encre simple délimitant une zone d'inspection comportant les éléments d'identification nécessaires selon le libellé de la revendication 1, ne sont pas exclues par celui-ci.

2.5 A partir des éléments qui précèdent, la chambre conclut que l'article sécurisé selon la figure 1 du document C18 comprend toutes les caractéristiques de la revendication 1 selon la requête principale. Par conséquent la chambre juge que l'objet de la revendication 1 en cause n'est pas nouveau (Articles 52(1) et 54 CBE).

2.6 Il ne peut donc pas être fait droit à la requête principale de la requérante I.

Requêtes subsidiaires I et II de la requérante I

3. Recevabilité

3.1 La requérante I a déposé les requêtes subsidiaires I et II au cours de la procédure orale en réaction au développement des débats concernant le contenu du document C18.

3.2 Ces requêtes subsidiaires I et II

- sont basées sur la requête subsidiaire IV du 11 mars 2013, re-déposée par courrier du 10 septembre 2015, dont la recevabilité n'avait jamais été contestée;

- ne contiennent pas de caractéristiques additionnelles par rapport à requête subsidiaire IV et

- n'en différent que par la suppression de certains modes de réalisation alternatifs.

Par conséquent, ces requêtes ont conduit à une concentration des débats sans que leur introduction ait pu surprendre ou désavantager procéduralement les parties adverses.

3.3 Eu égard à ces circonstance particulières, la chambre a jugé recevables ces deux requêtes en dépit de leur production tardive (article 13(1),(3) RPCR).

4. Nouveauté

4.1 Les revendications 1 respectives des requêtes subsidiaires I et II diffèrent de la revendication 1 de la requête principale comme indiqué au point XII, supra.

4.2 Bien que l'alternative "une structure d'authentification ... et/ou servant à repérer la zone d'inspection" a été supprimée dans ces revendications 1 modifiées, l'alternative retenue, c'est-à-dire la caractéristique selon laquelle "la structure d'authentification délimitant au moins partiellement le contour de la zone d'inspection", ne distingue pas les objets revendiqués de l'article montré à la figure 1 du document C18 (voir points 2.2 et 2.4, supra).

4.3 La caractéristique supplémentaire incorporée aux revendications 1 selon les requêtes subsidiaires I et II qui énonce "une signature de l'article sécurisé étant basée, soit exclusivement sur les éléments d'identification présents dans la zone d'inspection, soit sur la combinaison des éléments d'identification dans la zone d'inspection avec la portion du substrat dans la zone d'inspection" est aussi divulgué par C18 (voir l'article selon la figure 1 du document C18) sous la forme de l'information fournie par les fibres dichroïques dispersées dans la zone d'inspection (voir page 31, lignes 2 et 3). Ladite caractéristique additionnelle ne peut donc pas non plus servir à distinguer les objets revendiqués de l'article selon la figure 1 du document C18.

4.4 Cependant, les revendications 1 selon les requêtes subsidiaires I et II ne concernent plus des articles comprenant une structure d'authentification comportant au moins une "bande imprimée", cette alternative ayant été supprimée.

4.5 Par conséquent, les articles selon les revendications 1 des requêtes subsidiaires I et II en instance sont nouveaux par rapport au document C18/figure 1.

Ceci n'a pas été contesté, ni par la requérante II, ni par l'intimée.

5. Activité inventive

5.1 Revendications 1

La revendication 1 de la requête subsidiaire II (voir point XII) diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire I seulement en ce que les deux alternatives "planchette..." et "impression à effet optique variable" ont également été supprimées.

Les revendications 1 respectives des deux requêtes subsidiaires ont cependant toutes deux encore trait à un mode de réalisation alternatif selon lequel l'article comprend une structure d'authentification comportant au moins "un filigrane". L'évaluation suivante de l'activité inventive est focalisée sur cette alternative de l'objet revendiqué, commune aux revendications 1 des deux requêtes subsidiaires.

5.2 L'invention

5.2.1 Le brevet en cause a pour objet un article sécurisé,(voir paragraphe [0001]).

5.2.2 Dans la description, il est indiqué (paragraphe [0024]) qu' "au vu de l'état de la technique, il existe notamment un besoin pour améliorer et fiabiliser le procédé d'identification en lecture automatique des traceurs introduits dans un substrat et également pour renforcer encore la protection des documents de sécurité et/ou de valeur contre la falsification et la contrefaçon."

5.3 Etat de la technique le plus proche

5.3.1 La requérante II et l'intimée ont cité le document C18 et, en particulier, l'article sécurisé représenté à la figure 1 de ce document comme représentant l'état de la technique le plus proche. Ce choix n'a pas été contesté par la requérante I.

5.3.2 Au vu des similarités du brevet en cause et de C18 en ce qui concerne, d'une part, les objectifs visés (C18: page 11, ligne 20, à page 12, ligne 2) et des produits divulgués (page 30, ligne 27, à page 31, ligne 5; figure 1), la chambre estime que le document C18 et, en particulier, l'article sécurisé selon la figure 1 de ce document, représente bien l'état de la technique le plus proche.

5.4 Problème technique

Pour la chambre, en accord en cela avec la position commune de toutes les parties, le problème technique à résoudre à la lumière de l'état de la technique le plus proche (C18, article selon la figure 1), consiste en la mise à disposition d'un article avec une sécurisation améliorée.

5.5 Solution

Comme solution à ce problème technique, le brevet propose un article sécurisé qui, selon les revendications 1 des requêtes subsidiaires I et II est caractérisé en ce que la structure d'authentification visible comporte "au moins un filigrane".

5.6 Succès de la solution

Pour la chambre, il est parfaitement plausible qu'un article tel que décrit dans C18/figure 1, mais comprenant de surcroît un filigrane, se trouvera amélioré en termes de sa sécurisation.

5.7 Evidence de la solution revendiquée

5.7.1 L'article présenté à la figure 1 du document C18 diffère de l'objet revendiqué seulement en ce que la structure d'authentification délimitant la zone d'inspection est une bande imprimée. Il reste donc à évaluer si pour l'homme du métier tentant de trouver une solution au problème technique posé, un tel article découlerait à l'évidence de l'état de la technique, prenant en compte les connaissances générales dans le domaine technique pertinent.

5.7.2 Il n'est pas contesté que le document C18 concerne entre autre la sécurisation de billets de banque (voir par exemple page 13, lignes 28 à 30). Au vu cette indication, l'homme du métier comprend que le mode de réalisation illustré par la figure 1 de C18 s'applique aussi à des billets de banque.

Par conséquent, il aurait été évident pour l'homme du métier cherchant à améliorer la sécurisation d'un tel article, d'appliquer à l'article de la figure 1 des éléments de sécurisation connus ayant un degré de sécurité supérieur et faisant partie des connaissances générales dans ce domaine technique, par exemple en remplaçant un élément quelconque présent sur l'article par un élément ayant un degré de sécurité supérieur et étant plus difficile à reproduire.

5.7.3 La chambre admet que le cadre imprimé sur l'article selon C18/ figure 1 pour délimiter le contour de la zone d'inspection ne représente pas un élément de sécurité de premier niveau ou d'un niveau supérieur (tel qu'argumenté par la requérante I).

5.7.4 L'homme du métier aurait donc considéré le remplacement partiel ou total du cadre imprimé, par exemple, par un élément de sécurité de premier niveau pouvant être appliqué sous une forme apte à délimiter au moins partiellement la zone d'inspection de l'article, comme une solution évidente parmi d'autres.

5.7.5 Il n'est pas contesté que l'utilisation d'un filigrane pour améliorer la sécurité d'un document, par exemple d'un billet de banque, faisait partie des connaissances générales dans le domaine à la date de priorité du brevet litigieux. Ainsi, l'utilisation de filigranes est même expressément mentionnée dans C18 (voir page 2, lignes 11 à 13) dans le cadre des références à l'état de la technique.

Du moment qu'un filigrane est un élément de sécurité de premier niveau connu dans ce domaine technique, il peut être appliqué par exemple sous une forme remplaçant, au moins partiellement, le cadre imprimé 4 tout en délimitant la zone d'inspection.

Par conséquent, son utilisation représente une solution évidente, parmi d'autres toutes aussi évidentes, dans le but d'une meilleure sécurisation de l'article selon C18/figure 1.

5.7.6 Il n'est pas contesté que lors de l'utilisation d'un tel article amélioré, l'homme du métier saurait adapter et/ou régler le dispositif CCD utilisé selon C18 pour capter l'information dans la zone d'inspection délimitée par le cadre imprimé (C18: page 31, lignes 17 à 20; page 32, ligne 1, à page 34, ligne 4) au cas où la structure d'authentification choisie, à cause de ses propriétés physiques, perturberait la lecture de l'information contenue dans la zone d'inspection.

5.7.7 En plus, le seul fait qu'un filigrane n'est pas divulgué dans l'art antérieur comme structure d'authentification délimitant une zone d'inspection contenant des éléments d'identification ne peut pas constituer un indice d'activité inventive, du moment que le document C18 divulgue déjà l'utilisation d'un élément particulier (dans ce cas le cadre imprimé 4) pour délimiter une zone d'inspection, et que l'incorporation d'un filigrane ne présente pas d'obstacle technique particulier.

5.7.8 En remplaçant, au moins partiellement, le cadre 4 imprimé sur l'article en papier représenté à la

figure 1 de C18 par un filigrane de forme appropriée, servant de structure d'authentification et délimitant au moins partiellement la zone d'inspection, l'homme du métier arrivera de cette façon a un document mieux sécurisé, tout en conservant la fonctionnalité du cadre. Aucun effet inattendu est attribuable au dit remplacement.

5.8 Par conséquent, la chambre juge que l'objet respectif des revendications 1 des requêtes subsidiaires I et II n'implique pas d'activité inventive (Articles 52(1) et 56 CBE).

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

- La décision contestée est annulée.

- Le brevet est révoqué.

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