T 0241/12 (Composition pour la teinture d'oxydation / L'OREAL) of 21.7.2015

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2015:T024112.20150721
Date de la décision : 21 Juillet 2015
Numéro de l'affaire : T 0241/12
Numéro de la demande : 01402086.1
Classe de la CIB : A61K 8/39
A61K 8/86
A61K 8/34
A61Q 5/10
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 382 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant un polymère amphiphile cationique, un alcool gras oxyalkyléné ou glycérolé et un solvant hydroxylé
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : HENKEL AG & CO. KGAA
Kao Germany GmbH
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 99(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
European Patent Convention R 99(2)
Mot-clé : Recevabilité du recours - (oui)
Faits produits tardivement - recevable (oui)
Renvoi à la première instance - (non)
Requête principale et requêtes subsidiaires 1 à 6
Nouveauté - (oui)
Activité inventive (non)- amélioration non crédible dans l'ensemble de la portée de la revendication
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (propriétaire du brevet) a introduit un recours contre la décision de révocation du brevet européen n° 1 179 336.

II. Des oppositions avaient été formées par les intimés I et II (opposants (1) et (2)) demandant la révocation du brevet dans sa totalité pour manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), et insuffisance de description de l'invention (Article 100(b) CBE), se fondant notamment sur les documents suivants:

(1) FR-A-2 331 325,

(2) EP-A-0 943 320,

(3) DE-A-25 21 960,

(4) DE-A-26 29 922,

(5) DE-A-37 12 005 et

(6) GB-A-2 096 180.

III. Selon la division d'opposition, l'homme du métier savait que par l'expression "poids moléculaire", il fallait entendre "masse moléculaire" exprimée en g.mol-1. L'homme du métier était par conséquent capable de reproduire l'invention qui impliquait un solvant hydroxylé de "poids moléculaire" inférieur à 250. L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale alors pendante) manquait de nouveauté par rapport aux documents (1), (2), (3) et (5). L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 était nouveau. Le problème technique à résoudre en partant du document (2) comme état de la technique le plus proche de l'invention était celui de fournir des compositions de teinture d'oxydation stables dans le temps, restant localisées sur les cheveux après application, aboutissant à une coloration uniforme et dont la couleur ne devait pas évoluer trop vite pendant le temps de pause du mélange afin de réduire l'oxydation prématurée des colorants d'oxydation pouvant perturber la teinte finale. Cependant, à la lumière des tests comparatifs exposés dans le brevet litigieux, ceux déposés par le requérant avec la lettre du 15 avril 2011 et ceux déposés par l'intimé II avec la lettre du 9 septembre 2011, le problème devait être reformulé en la mise à disposition de compositions de teinture alternatives. La solution proposée par le brevet litigieux consistait à faire passer le ratio pondéral alcool gras oxyalkyléné ou glycérolé (I)/solvant hydroxylé (II) à une valeur supérieure à 1. Le document (6) préconisait d'utiliser plus d'alcools gras polyoxylénés ou polyglycérolés que de solvant, notamment d'alcool. L'homme du métier appliquant l'enseignement du document (6) à la composition du document (2) arrivait ainsi directement à l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 alors pendante sans faire preuve d'activité inventive. Le requérant avait maintenu les requêtes subsidiaires 2 à 6 mais sans les défendre activement. L'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 2 à 6 n'impliquait pas d'activité inventive.

IV. Au cours de la procédure orale tenue le 21 juillet 2015 devant la Chambre, le requérant a défendu son brevet sur la base de la requête principale et des requêtes subsidiaires 1 à 6, toutes déposées avec une lettre datée du 17 juillet 2015

La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit:

"1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques, en particulier des fibres kératiniques humaines, telles que les cheveux, comprenant, dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un colorant d'oxydation, au moins un polymère amphiphile cationique comportant au moins une chaîne grasse, caractérisée par le fait qu'elle comprend en outre une association comprenant:

(I) au moins un alcool gras oxyalkyléné ou glycérolé et,

(II) au moins un solvant hydroxylé de poids moléculaire inférieur à 250,

dans une proportion telle que le ratio pondéral (I)/(II) est supérieur à 1,

le polymère amphiphile cationique comportant au moins une chaîne grasse est choisi parmi:

(i) les celluloses quaternisées modifiées par des groupements comportant au moins une chaîne alkyle, ou arylalkyle, ou alkylaryle comportant au moins 8 atomes de carbone, ou des mélanges de ceux-ci,

(ii) les hydroxyéthylcelluloses quaternisées modifiées par des groupements comportant au moins une chaîne alkyle, ou arylalkyle, ou alkylaryle comportant au moins 8 atomes de carbone, ou des mélanges de ceux-ci,

(iii) les polyuréthanes amphiphiles cationiques avec au moins un groupe hydrophobe comportant de 10 à 30 atomes de carbone,

(iv) les polyvinyllactames amphiphiles cationiques,

(v) le terpolymère acrylique constitué d'acrylates, d'amino(méth)acrylates et d'itaconate d'alkyle en C10-C30 polyoxyéthyléné à 20 moles d'oxyde d'éthylène."

Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 le ratio pondéral (I)/(II) est défini comme étant « entre le ou les alcools gras oxyalkélénés ou glycérolés (I) et et le ou les solvants hydroxylés de poids moléculaire inférieur à 250 (II) ».

Dans la revendication 1 de de la requête subsidiaire 2 le ratio pondéral (I)/(II) tel que défini dans la requête subsidiaire 1 est compris entre 1,5 et 20.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 en ce que la composition comprend "au moins un solvant hydroxylé comportant de 2 à 12 atomes de carbone choisi parmi l'alcool éthylique, l'alcool propylique, l'alcool n-butylique, le 2-méthyl-1,3-butanediol, le 2,2-diméthyl-1,3-propanediol, le 2-méthyl-1,3-propanediol, le 2-méthyl-2,4-pentanediol, le 1,5-pentanediol, et le 3-méthyl-1,5-pentanediol, parmi la glycérine, le propylène glycol, le dipropylèneglycol et le 1,3-propanediol, parmi les éthers de polyols comportant au moins une fonction hydroxyle libre".

La revendication 1 de de la requête subsidiaire 4 diffère de celui de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 en ce que le ratio pondéral (I)/(II) est compris entre 1,5 et 20.

La revendication 1 des requêtes subsidiaires 5 et 6 diffère respectivement de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 et 2 par la suppression dans la définition du polymère cationique amphiphile des polyvinyllactames amphiphiles cationiques (iv).

V. Selon le requérant, le recours était recevable car contrairement à ce que prétendait l'intimé II, la décision de la division d'opposition a bien été contestée dans le mémoire exposant les motifs du recours. En particulier, de nouveaux essais comparatifs ont été déposés pour montrer que le problème technique n'était pas qu'une simple mise à disposition de compositions tinctoriales alternatives comme avait conclu la division d'opposition, mais était la mise à disposition de compositions tinctoriales qui permettaient d'éviter une évolution trop rapide de la couleur. Cet effet avait toujours été soutenu par le requérant. De plus les intimés avaient eu suffisamment de temps pour répondre à ces nouveaux essais. Ces essais devaient donc être admis dans la procédure sans que l'affaire soit renvoyée à la première instance. L'interprétation des intimés selon laquel il suffirait que le ratio pondéral d'un seul alcool gras oxyalkyléné et d'un seul solvant hydroxylé de poids moléculaire inférieur à 250 soit supérieur à 1 pour que la condition du ratio pondéral (I)/(II) énoncée dans la revendication 1 soit satisfaite allait à l'encontre du libellé de la revendication d'où il ressortait clairement que c'était l'ensemble des alcools gras oxyalkylénés ou glycérolés et des solvants hydroxylés de poids moléculaire inférieur à 250 présents dans la composition qui devait être pris en compte pour le calcul du ratio pondéral (I)/(II). Ce ratio était de 0,55 pour la composition du document (2). L'objet des revendications était donc nouveau par rapport à ce document, qui représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Le problème à résoudre était la mise à disposition d'une composition qui évitait une évolution trop rapide de la couleur après mélange avec la composition oxydante. La solution proposée consistait à augmenter le ratio pondéral (I)/(II) à une valeur supérieure à 1. Les résultats des essais déposés avec le mémoire de recours du 3 avril 2012 et de ceux déposés avec une lettre datée du 5 novembre 2013 montraient qu'une augmentation du rapport pondéral (I)/(II) ralentissait l'évolution de la couleur. Le problème technique était donc bien résolu par les compositions revendiquées. Ni le document (2) ni aucun des documents cités ne traitait du problème de l'évolution trop rapide de la coloration et donc ne suggérait de solution pour résoudre ce problème. L'objet de la revendication 1 de la requête principale impliquait par conséquent une activité inventive. Les requêtes subsidiaires 1 à 6 avaient été déposées pour pallier à d'autres motifs que celui du manque d'activité inventive. L'objet des revendications des requêtes subsidiaires 1 à 6 impliquait donc une activité inventive pour les même raisons que pour la requête principale.

VI. Selon l'intimé II le recours n'était pas recevable car le propriétaire du brevet n'avait pas contesté la décision de la division d'opposition, mais avait simplement soumis de nouveaux essais comparatifs. Par ailleurs, ces essais ne devaient pas être admis dans la procédure car l'analyse de l'activité inventive devait se faire sous un nouvel angle, non abordé par la division d'opposition, créant ainsi un nouveau cas. Leur admission dans la procédure priverait les intimés d'un double degré de juridiction, justifiant s'ils étaient admis dans la procédure un renvoi en première instance et une répartition des frais en faveur des intimés. La revendication 1 du brevet litigieux requérait un ratio pondéral supérieur à 1 pour un seul alcool gras oxyalkyléné et un seul solvant hydroxylé de poids moléculaire inférieur à 250. L'objet des revendications manquait donc de nouveauté par rapport au document (2). Si la Chambre ne partageait pas cette analyse, alors ce document représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. La seule différence structurale entre les compositions de ce document et ceux du brevet concernait le ratio pondéral (I)/(II) entre les alcools gras oxyalkylénés ou glycérolés et les solvants hydroxylés. Les résultats des essais comparatifs du requérant manquaient de fiabilité. D'autre part, ils n'établissaient pas de lien de causalité entre le prétendu effet et le ratio pondéral (I)/(II) car les compositions comparées dans ces essais du requérant différaient en plusieurs points. Le problème de l'amélioration mis en avant par le requérant n'était donc pas résolu et devait être reformulé en la mise à disposition de compositions alternatives. Varier les quantités d'ingrédients dans les compositions de teinture faisait partie des activités de routine de l'homme du métier. De plus, des compositions de teinture ayant un ratio pondéral (I)/(II) supérieur à 1 étaient connues, puisque par exemple la composition de l'exemple 6 du document (6) avait un ratio (I)/(II) de 2,66. La solution proposée pour mettre à disposition une composition de teinture alternative était donc évidente à la lumière de l'état de la technique. L'objet des revendications de toutes les requêtes manquait donc d'activité inventive.

VII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet sur la base des revendications selon la requête principale ou subsidiairement sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 6, toutes les requêtes étant déposées avec une lettre datée du 17 juillet 2015.

Les intimés ont demandé que le recours soit déclaré irrecevable ou, subsidiairement, que le recours soit rejeté.

VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Recevabilité du recours

1.1 L'intimé II a objecté la recevabilité du recours en prétextant que le requérant n'avait pas contesté la décision de la division d'opposition dans son mémoire de recours, mais qu'il prolongeait simplement la procédure d'opposition en définissant un nouveau problème technique à résoudre et en déposant de nouveaux moyens de preuves.

1.2 Dans la décision contestée, la division d'opposition a rejeté la requête principale pour manque de nouveauté et les requêtes subsidiaires 1 à 6 pour manque d'activité inventive. Au point 4.a des motifs de la décision de la division d'opposition, le problème technique à résoudre avait initialement été défini en partant de l'état de la technique le plus proche de l'invention comme étant celui de fournir des compositions de teinture d'oxydation stables dans le temps, qui devaient rester localisées sur les cheveux après application et aboutissant à une coloration uniforme et dont la couleur ne devait pas évoluer trop rapidement pendant le temps de pause du mélange afin de réduire l'oxydation prématurée des colorants d'oxydation. Au point 4.d ce problème technique a été reformulé en celui de fournir des compositions de teinture alternatives après considération des tests comparatifs exposés dans le brevet litigieux, ceux déposés par le requérant avec une lettre datée du 15 avril 2011 et ceux déposés par l'intimé II avec une lettre datée du 9 septembre 2011. Les essais comparatifs dans le brevet litigieux portent sur l'évolution de la couleur du mélange, alors que les essais comparatifs du 15 avril 2011 et les contre essais du 9 septembre 2011 portent sur l'intensité de la coloration.

1.3 Avec son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant a déposé une nouvelle requête principale soutenant que l'objet des revendications de cette requête était nouveau par rapport aux documents (1) à (5) et (10) et que le problème technique résolu par le brevet litigieux était bien celui de l'amélioration de l'évolution de la coloration durant le temps de pause ainsi que des performances tinctoriales. Les essais de l'intimé II du 9 septembre 2011 ayant conduit la division d'opposition à reformuler le problème technique en la simple mise à disposition de compositions alternatives y sont également critiqués. De plus, le mémoire de recours contient de nouveaux essais comparatifs visant à montrer que le problème de la diminution de l'évolution de la couleur est bien résolu par les compositions de l'invention, contrairement aux conclusions de la division d'opposition. Par conséquent, le mémoire de recours expose bien les motifs pour lesquels il y a lieu d'annuler la décision contestée, ainsi que les faits et preuves sur lesquels le recours est fondé.

La Chambre constate de ce qui précède que le contenu du mémoire exposant les motifs du recours satisfait à l'exigence énoncée à la Règle 99(2) de la CBE. Les autres exigences de délai et de forme du recours étant également respectées, ce qui n'est pas contesté, le recours est recevable.

2. Admissions des essais comparatifs déposés avec le mémoire de recours daté du 3 avril 2012 et de ceux déposés avec la lettre datée du 5 novembre 2013

Les intimés se sont opposés à l'admission de ces essais comparatifs en prétendant que l'analyse de l'activité inventive devait se faire sous un nouvel angle, non abordée par la division d'opposition, créant ainsi un nouveau cas. Leur admission dans la procédure les priverait d'un double degré de juridiction. Ils ont demandé le renvoi en première instance avec une répartition des frais en leur faveur si ces essais étaient admis dans la procédure de recours.

Les essais comparatifs du 3 avril 2012 ont été déposés avec le mémoire de recours pour contester les conclusions de la division d'opposition qui avait considéré sur la base des essais comparatifs alors présents dans la procédure d'opposition, que le problème technique devait été reformulé en la mise à disposition de compositions de teinture alternatives.

Le dépôt des essais comparatifs a par conséquent été provoqué par les motifs indiqués dans la décision contestée et visent à montrer que les conclusions de la division d'opposition étaient erronées. Ils ne créent pas un nouveau cas puisque le requérant avait toujours soutenu que les compositions de l'invention permettaient une évolution moins rapide de la couleur. En effet, déjà dans une lettre datée du 8 juin 2010 le requérant avait argumenté qu'il n'était pas évident d'augmenter le ratio pondéral (I)/(II) afin de pallier au problème de l'évolution de la couleur pendant le temps de pause. Les essais déposés avec la lettre du 5 novembre 2013 complètent ceux déjà déposés en recours avec la lettre du 3 avril 2012 et concernent également une comparaison quant à l'évolution de la couleur observée avec les compositions du brevet litigieux et une composition de l'état de la technique le plus proche de l'invention. Ces essais ont été déposés suffisamment tôt pour permettre aux intimés de les considérer.

Dans ces circonstances, la Chambre décide d'admettre les essais déposés avec une lettre du 3 avril 2012 et ceux déposés avec une lettre du 5 novembre 2013 dans la procédure de recours (Articles 12(4) et 13(1) RPCR).

3. Renvoi devant la division d'opposition

Les intimés ont demandé un renvoi de l'affaire devant la division d'opposition si les nouveaux essais comparatifs étaient admis dans la procédure afin de bénéficier d'un double degré de juridiction.

Compte tenu des circonstances déterminantes de l'espèce, notamment si les faits ont beaucoup changé par rapport à ceux pris en considération dans la décision attaquée, la Chambre peut décider de trancher elle-même l'affaire ou le renvoi à la division d'opposition pour suite à donner (Article 111(1) deuxième phrase CBE) en exerçant son pouvoir discrétionnaire.

Dans le cas d'espèce, les essais comparatifs du 3 avril 2012 et du 5 novembre 2013 n'ont pas pour effet de modifier fondamentalement l'analyse de l'activité inventive entreprise dans la décision contestée. Ils ont pour vocation d'étayer l'argument toujours soutenu par le requérant selon lequel les compositions de l'invention permettaient d'éviter une évolution trop rapide de la couleur. En outre les essais ont été déposés suffisamment tôt dans la procédure permettant aux intimés de les prendre en considération.

Par conséquent, la Chambre décide de ne pas faire droit à la demande de renvoi et de trancher elle-même l'affaire (Article 111(1) deuxième phrase CBE). Il s'ensuit que la demande en répartition de frais devient sans objet.

Requête principale

4. Nouveauté par rapport au document (2)

Le document (2) divulgue une composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un précurseur de colorant d'oxydation, éventuellement un ou plusieurs coupleurs et au moins un polymère amphiphile cationique choisi parmi les celluloses quaternisées et les hydroxyéthylcelluloses quaternisées modifiées par des groupements comportant au moins une chaîne grasse (voir revendication 2).

Le milieu de la composition (A) approprié pour la teinture, est de préférence un milieu aqueux constitué majoritairement d'eau et contenant, éventuellement, des solvants organiques acceptables sur le plan cosmétique, parmi lesquels figurent des alcools tels que l'alcool éthylique, l'alcool isopropylique, l'alcool benzylique et l'alcool phényl-éthylique; des glycols ou éthers de glycols tels que les éthers monométhylique, monoéthylique et monobutylique d'éthylèneglycol, le propylèneglycol ou ses éthers tels que l'éther monométhylique de propylèneglycol; le butylèneglycol; le dipropylèneglycol ainsi que les alkyléthers de diéthylèneglycol comme par exemple l'éther monométhylique ou monobutylique de diéthylèneglycol, en des concentrations comprises entre environ 0,5 et 20 % en poids par rapport au poids total de la composition (page 7, ligne 1 à 8). La composition peut encore contenir une quantité efficace d'autres agents utilisés couramment dans le domaine cosmétique, par exemple des tensio-actifs non-ioniques (page 7, lignes 9 à 13).

Plus particulièrement, la composition de teinture d'oxydation de l'exemple divulgué à la page 8, lignes 1 à 26 comprend 9% en poids d'alcool décylique oxyéthyléné (3OE) et 16,5% de solvant hydroxylé constitué de 6,5% en poids d'alcool éthylique et de 10% en poids d'éther monobutylique d'éthylène glycol.

Selon les intimés, il suffirait que le ratio pondéral entre au moins un des alcools gras oxyalkyléné de la composition et au moins un des solvants hydroxylé de poids moléculaire inférieur à 250 soit supérieur à 1 pour que la condition du ratio pondéral (I)/(II) telle énoncée de la revendication 1 soit satisfaite.

Cependant, selon la seule interprétation censée du libellé de la revendication, c'est l'ensemble des alcools gras oxyalkylénés ou glycérolés et des solvants hydroxylés de poids moléculaire inférieur à 250 présents dans la composition qui doivent pris en compte pour la détermination du ratio pondéral (I)/(II), à savoir entre « le ou les alcools gras oxyalkylénés ou glycérolés » et « le ou les solvants hydroxylés». Ce ratio est de 9/16,5 = 0,55 pour la composition du document (2). Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de la requête principale qui requiert que ce ratio soit supérieur à 1 est nouveau par rapport au document (2).

Activité inventive

5. Art antérieur le plus proche

La Chambre en accord avec les parties et la division d'opposition considère que le document (2) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention. Les compositions objet de la revendication 1 diffèrent de celle divulguée dans ce document (2) uniquement par le ratio pondéral (I)/(II) entre les alcools gras oxyalkylénés ou glycérolés et les solvants hydroxylés de poids moléculaire inférieur à 250.

6. Problème technique

En partant du document (2) comme état de la technique le plus proche de l'invention, le requérant a défini le problème à résoudre comme étant celui d'éviter une évolution trop rapide de la couleur après mélange avec la composition oxydante.

7. Solution proposée

La solution proposée par le brevet litigieux est la composition selon la revendication 1 caractérisée par un ratio pondéral (I)/(II) supérieur à 1.

8. Succès

Pour démontrer que le problème technique défini au point 6 ci-dessus est résolu, le requérant fait référence aux résultats des essais déposés avec le mémoire de recours datée du 3 avril 2012 et de ceux déposés avec une lettre datée du 5 novembre 2013.

Dans les essais du 3 avril 2012, la composition B dite comparative correspond à celle de l'exemple du document (2). Elle contient 9% en poids d'alcool décylique oxyéthyléné (3OE) et 6,5% en poids de solvant hydroxylé (6,5% en poids d'alcool éthylique et 10% en poids d'éther mono-butylique d'éthylène glycol).

Elle est comparée aux compositions C et D selon l'invention qui contiennent respectivement 17% et 25% en poids d'alcool décylique oxyéthyléné et diffèrent donc de la composition B uniquement par une augmentation de la teneur en alcool décylique oxyéthyléné (3OE). Par ce biais le ratio pondéral (I)/(II) est passé de 0,5 pour composition B de l'état de la technique à 1,03 pour la composition (C) et à 1,51 pour la composition (D).

Cependant, les essais comparatifs doivent établir que le prétendu effet technique pour lequel une activité inventive doit être reconnu est dû à l'augmentation du ratio pondéral (I)/(II). Dans les essais du 3 avril 2012, l'augmentation du ratio pondéral (I)/(II) a été obtenue en augmentant la teneur en alcool décylique oxyéthyléné par rapport à celle de la composition B de l'état de la technique. Cependant, il est aussi possible d'augmenter le ratio pondéral (I)/(II) en diminuant la quantité du solvant hydroxylé. Pour les compositions selon l'invention, qui diffèrent de la composition de l'état de la technique uniquement par une teneur inférieure en solvant hydroxylé, aucune comparaison n'a été réalisée. Or, rien ne permet de conclure qu'un effet obtenu par une augmentation de la teneur en alcool décylique oxyéthyléné soit aussi obtenu par une diminution de la teneur en solvant hydroxylé dans la composition. Les essais comparatifs du 3 avril 2012 ne peuvent donc pas montrer que le ratio pondéral (I)/(II) soit la source de l'effet observé et donc que toutes les compositions revendiquées permettent de remédier au problème de l'évolution trop rapide de la couleur.

La même conclusion s'impose aux essais comparatifs du 5 novembre 2013. Dans ces essais le ratio pondéral (I)/(II) supérieur à 1 est aussi obtenu par une augmentation de la teneur en alcool décylique oxyéthyléné (3OE). En effet, les compositions G et H selon l'invention comprennent 13 et respectivement 16,5% en poids d'alcool décylique oxyéthyléné, contre 9% en poids pour la composition B de l'état de la technique. Ainsi l'effet observé ne peut pas être attribué à la seule augmentation du ratio pondéral (I)/(II), puisqu'il peut être causé par l'augmentation de la teneur en alcool gras oxyéthyléné.

En conclusion, les essais comparatifs du requérant ne démontrent pas que l'effet prétendu soit dû à la caractéristique distinguant l'invention de l'état de la technique, à savoir au ratio pondéral (I)/(II).

La revendication 1 englobe des compositions à teneur égale et même inférieure en alcool décylique oxyéthyléné que les compositions de l'état de la technique. Pour ces compositions revendiquées un ralentissement de l'évolution de la couleur n'est pas crédible, puisqu'il a été montré dans les essais du 3 avril 2012 que c'était au contraire une augmentation de la teneur en alcool décylique oxyéthyléné qui permettait le ralentissement de l'évolution de la couleur.

En conséquence, les comparaisons proposées par le requérant ne permettent pas de conclure que le problème technique du ralentissement de l'évolution de la couleur soit résolu par l'ensemble des compositions couvertes par la revendication 1.

9. Reformulation du problème technique

Dans ces circonstances il convient donc de redéfinir le problème technique à résoudre par l'invention de façon moins ambitieuse, à savoir, la mise à disposition de compositions tinctoriales alternatives.

10. Evidence de la solution

Il demeure à déterminer si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème de mise à disposition de compositions de teinture d'oxydation alternatives découle à l'évidence de l'état de la technique disponible.

Le document (2) enseigne que le milieu de teinture est de préférence un milieu aqueux, comprenant éventuellement des solvants organique tels que l'alcool éthylique, ou l'éther mono-butylique de diéthylèneglycol en des concentrations comprises entre environ 0,5 et 20 % en poids par rapport au poids total de la composition (page 7, lignes 1 à 8). Comme le document (2) considère que ces solvants sont optionnels, il est évident pour l'homme du métier de diminuer leur teneur dans la composition exemplifiée dans le document (2), par exemple à une concentration de 0,5% comme indiqué à la page 7, ligne 8 du document. En diminuant la teneur des solvants hydroxylés, l'homme du métier arrive de façon évidente à la solution revendiquée, puisque le rapport pondéral (I)/(II) devient supérieur à 1 lorsque cette teneur est inférieure à celle des alcools gras oxyalkylénés ou glycérolés présents dans la composition. Il arriverait donc à l'objet de la revendication sans faire preuve d'activité inventive.

L'objet de la revendication 1 de la requête principale manque donc d'activité inventive (Article 56 CBE).

Requêtes subsidiaires 1 à 6

11. Les modifications entreprises dans les requêtes subsidiaires 1 à 6 n'apportent aucune contribution en ce qui concerne l'appréciation de l'activité inventive.

En effet, dans la revendication de la requête subsidiaire 1 il est simplement explicitement mentionnée que dans le ratio pondéral (I)/(II), (I) est constitué du ou des alcools gras oxyalkélénés ou glycérolés et (II) du ou des solvants hydroxylés de poids moléculaire inférieur à 250. L'objet de la revendication 1 de requête subsidiaire 1 ne diffère donc pas de celui de la requête principale.

Dans la revendication 1 des requêtes subsidiaires 2, 4 et 6, le ratio pondéral (I)/(II) est compris entre 1,5 et 20. Cependant cette limitation est arbitraire, le requérant n'ayant fait valoir aucun effet en résultant.

Dans la revendication 1 des requêtes subsidiaires 3 et 4, le solvant hydroxylé comprend des alcools particuliers tels que l'alcool éthylique ou des éthers de polyols comportant au moins une fonction hydroxyle libre. Ces alcools sont aussi présents dans la composition de l'état de la technique le plus proche.

Dans les requêtes subsidiaires 5 et 6, le polymère cationique amphiphile n'inclut plus les polyvinyllactames. Cette modification n'affecte en rien l'analyse de l'activité inventive puisque les compositions du document (2) contiennent les celluloses ou les hydroxyéthylcelluloses quaternisées modifiées qui sont encore comprises dans la définition des polymères cationiques amphiphiles selon la revendication 1 de ces requêtes.

Les requêtes subsidiaires 1 à 6 doivent donc être rejetées pour absence d'activité inventive.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

Quick Navigation