European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2014:T239311.20140513 | ||||||||
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Date de la décision : | 13 Mai 2014 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 2393/11 | ||||||||
Numéro de la demande : | 06290471.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | F41A 23/00 F41A 27/06 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Montage d'arme compact | ||||||||
Nom du demandeur : | NEXTER Systems | ||||||||
Nom de l'opposant : | Krauss-Maffei Wegmann GmbH & Co. KG | ||||||||
Chambre : | 3.2.03 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | - Décision non motivée - Résumé des arguments d'une partie ne constitue pas une motivation de décision - Absence de raisonnement propre à la division d'opposition - Uniquement déclaration des conclusions - Vice substantiel de procédure - Remboursement de la taxe de recours - Renvoi à l'instance du premier degré |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La titulaire a formé sous paiement de la taxe correspondante, le 17 novembre 2011, recours contre la décision du 26 septembre 2011 de la division d'opposition de révoquer le brevet N° 1715283.
Les motifs de recours ont été déposés par télécopie le 16 janvier 2012.
II. La décision contestée était fondée sur une absence d'activité inventive par rapport au document
DE-C-661422 (E8) de l'objet de la revendication 1 telle que délivrée et libellée comme suit (avec la nomenclature M1 à M8 de la revendication utilisée dans la décision attaquée):
M1 "Montage d'arme (1) comprenant
M2 un berceau (7) supportant l'arme (4) et monté pivotant sur des tourillons (13) solidaires d'un affût (3),
M3 affût pouvant lui-même pivoter par rapport à un socle (2) autour d'un axe (15) sensiblement vertical,
M4 l'affût comportant une fourche (3) comprenant deux panneaux (16a,16b) sensiblement verticaux,
M5 chaque panneau étant solidaire d'une douille (17), montage caractérisé en ce que
M6 la douille (17) est disposée en regard de chaque panneau (16a, 16b) et
M7 montée pivotante sur au moins deux roulements (19) par rapport à un cylindre (18) solidaire du socle (2),
M8 le cylindre (18) pénétrant dans la douille (17)."
La division d'opposition a par ailleurs estimé:
- que l'objet tel que revendiqué dans le brevet satisfaisait au critère de divulgation de l'invention selon les termes de l'article 83/100b) CBE;
- et que l'objet de la revendication 1 délivrée était nouveau par rapport aux documents E8, E10: US-A-1700902 et E20: Rheinmetall GmbH, Waffentechnisches Taschenbuch, 3**(ème) édition 1977, pages 340 à 351.
La division d'opposition a libellé sa décision en matière de nouveauté et d'activité inventive de la manière suivante:
"4 Nouveauté (Article 100a et 54) CBE)
4.1 Dans sa notice d'opposition, l'opposant soutient que chacun des documents E8, E10 et E20 anticipe la nouveauté de la revendication 1.
4.2 Le titulaire nie le manque de nouveauté de la revendication 1 en ce que chacun des documents E8, E10 et E20 ne possède pas la caractéristique M6.
4.3 La division d'opposition rejoint l'avis de l'opposant [sic], et est de l'opinion suivante:
La caractéristique M6 est claire, les figures des documents E8, E10 et E20 sont explicites et ne supportent pas la caractéristique M6:
- E8: dans les figures 1-4, la douille délimitée par le bas par un roulement à billes inférieur (5) est à chaque fois en dessous des panneaux qui ont pour hauteur (d),
- E10: ...,
- E20: ....
Chacun des documents E8, E10 et E20 ne décrit pas la caractéristique M6. La revendication 1 est nouvelle.
5. Activité inventive (Article 100 a) et 56 CBE)
5.1 L'opposant soutient que l'objet de la revendication 1 telle que brevetée n'implique pas d'activité inventive vis-à-vis du document E8:
5.1.1 E8 décrit les caractéristiques M1-M5, M7 et M8;
c.f. E8: page 2, lignes 70-76 et 78 et figures 2, 3 et 4.
5.1.2 Le montage d'arme de E8 se différencie du montage d'arme de la revendication 1 en ce que le montage d'arme de E8 ne possède pas la caractéristique M6.
5.1.3 Cette différence représente une alternative bien connu de l'homme du métier en considérant le dispositif de la figure 2 de E8 et en cherchant par exemple à améliorer la reprise des efforts de tir au niveau du pivot. L'homme du métier arriverait alors au montage d'arme de la revendication 1 en partant de E8.
5.2 Le titulaire ne s'est pas exprimé à propos des derniers arguments relevés par l'opposant dans sa lettre parvenue à l'Office le 08.07.2010 concernant le manque d'activité inventive de la revendication 1.
5.3 La division d'opposition rejoint l'avis de l'opposant, et est de l'opinion suivante:
La revendication 1 n'implique pas une activité inventive au vu des arguments développé aux points 5.1.1 à 5.1.3 ci-dessus (Article 56 CBE)."
III. Requêtes
La titulaire-requérante a demandé l'annulation de la décision contestée, le remboursement de la taxe de recours et le maintien du brevet tel que délivré ou, à titre subsidiaire, sous forme modifiée selon l'une des deux requêtes auxiliaires déposées avec le mémoire de recours.
L'intimée-opposante a demandé le rejet du recours.
IV. Outre ses arguments avancés quant aux questions de fond, soutenant notamment l'activité inventive de l'objet revendiqué, la requérante-titulaire a présenté, dans ses écrits et lors de la procédure orale, les principaux arguments suivants en ce qui concerne l'insuffisance de motivation de la décision attaquée:
L'insuffisance de motivation des conclusions de la division d'opposition sur l'activité inventive se manifesterait de plusieurs manières. La décision resterait d'abord muette quant aux motifs du choix de E8 comme point de départ pour le critère d'activité inventive, alors que, comme soutenu expressément par la titulaire, l'état de la technique le plus proche serait constitué au contraire par E6: US-A-2451614.
Manquerait également dans la décision attaquée une analyse détaillée des caractéristiques connues de E8, car l'objet revendiqué ne se distinguerait de E8 non point uniquement par la caractéristique M6 mais également par les caractéristiques M4 et M5 du préambule.
Et quand bien même l'on voulait partir de E8 et de l'unique différence M6, il manquerait encore dans la décision une motivation en conformité avec l'approche problème-solution. La division d'opposition n'aurait en effet en rien démontré pourquoi l'homme du métier aurait effectivement songé à modifier l'agencement de E8 selon les termes de la caractéristique M6 et aurait accompli cette transformation de manière évidente sur la seule base de ses connaissances générales.
Par ailleurs, la section de la décision se rapportant au critère de nouveauté, du fait de son absence d'analyse comparative détaillée des caractéristiques de la revendication 1 par rapport aux documents E8, E10, E20, ne prouverait pas pourquoi E8 représenterait l'état de la technique le plus proche, et donc le point de départ pour l'analyse de l'activité inventive, au détriment de E6 considéré par la titulaire comme plus pertinent.
Le remboursement de la taxe de recours serait justifié du fait que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée et ainsi ne satisferait pas aux exigences de la règle 111(2) CBE.
V. Dans sa réplique en date du 18 mai 2012, outre ses arguments avancés quant au fond (articles 54(1), 56 et 100b/83 CBE), l'intimée-opposante a argumenté pour l'essentiel comme suit quant à la question de la motivation de la décision attaquée:
L'énoncé des motifs au point 5 de la décision, quand bien même succinct, semblerait néanmoins pleinement suffisant dans le cas d'espèce. Par ailleurs, la division d'opposition ne serait pas obligée d'appliquer toujours la méthode problème-solution et que dans le cas présent l'argumentaire serait logique et compréhensif. En conséquence, la décision satisferait aux exigences de la règle 111(2) CBE. En l'absence de grave violation de procédure, il n'y aurait pas lieu de renvoyer l'affaire devant l'instance du premier degré.
VI. A l'issue de la procédure orale qui s'est tenue le
13 mai 2014, la chambre a prononcé sa décision.
Motifs de la décision
1. Le recours est admissible.
2. La requérante a objecté que la décision de révocation du brevet pour défaut d'activité inventive n'était pas suffisamment motivée en violation avec la règle 111(2) CBE. Il convient ainsi d'examiner si la décision attaquée respecte ou non l'exigence de cette disposition.
3. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, les décisions de l'OEB contre lesquelles un recours est ouvert doivent être motivées (règle 111(2) CBE). La procédure de recours vise à rendre une décision judiciaire quant au bien-fondé d'une décision distincte rendue antérieurement par une première instance (cf. notamment T 0034/90, JO 1992, 454 et
G 0009/91, JO 1993, 408). Une décision motivée rendue par la première instance conformément aux exigences de la règle 111 CBE est donc une condition préalable à l'examen du recours (T 1182/05). L'exposé des motifs doit permettre au requérant et à la chambre de comprendre si la décision est justifiée ou non. Ceci implique que tous les faits, preuves et arguments qui revêtent une importance fondamentale pour la décision ainsi que toutes les observations déterminantes concernant les aspects factuels et juridiques de l'espèce doivent être traités en détail. La décision doit énoncer expressément l'enchaînement logique des arguments sur lesquels se fondent la conclusion et donc le dispositif final, et ce pour chaque motif qui a été invoqué et développé.
4. Dans la présente affaire, la division d'opposition a décidé que l'objet revendiqué du brevet tel que délivré n'impliquait pas d'activité inventive par rapport à E8 (article 56 CBE). Par conséquent, la décision doit contenir la chaîne logique du raisonnement de la division d'opposition et comprendre des explications sur les points litigieux décisifs dans l'argumentation.
La partie de la section "Motifs de la décision" de la décision contestée relative au critère d'activité inventive se trouve au paragraphe 5 comprenant trois sous-paragraphes 5.1 à 5.3. Le troisième et dernier sous-paragraphe 5.3 est la seule partie de la décision attaquée qui pourrait révéler des considérations et des conclusions de la division d'opposition sur la question de l'activité inventive, et par voie de conséquence, l'unique partie de la décision susceptible de justifier la conclusion d'un défaut d'activité inventive.
Cependant, le sous-paragraphe 5.3 est dénué de tout raisonnement et ne fait que se limiter à une simple déclaration de la conclusion trouvée par la division d'opposition, à savoir que la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive au vu des arguments de l'opposante tels que résumés au sous-paragraphe 5.1.
Quant au sous-paragraphe 5.3 celui-ci ne contient à l'évidence pas de chaîne logique de raisonnement fondé sur l'analyse problème-solution.
Par conséquent, la décision attaquée ne contient aucun raisonnement propre à la division d'opposition expliquant comment celle-ci est arrivée à la conclusion de défaut d'activité inventive. La seule déclaration de la conclusion atteinte ne constitue pas de motivation au sens de la règle 111(2) CBE.
5. Quant aux deux premiers sous-paragraphes 5.1 et 5.2 de la décision, leur contenu se limite d'une part à un résumé succinct de l'argumentaire de l'opposante (5.1) et d'autre part à la constatation par la division d'opposition de l'absence de réaction de la titulaire à un courrier déposé par l'opposante (5.2).
Ces deux sous-paragraphes appartiendraient ainsi plutôt à la partie "Exposé des faits et requêtes" de la décision.
5.1 Le résumé de la position de l'opposante au sous-paragraphe 5.1 ne peut en tout cas pas refléter des considérations propres à la division d'opposition. Le simple résumé de l'argumentaire d'une partie ne constitue pas en soi un raisonnement propre à l'organe décideur. Par conséquent, les sous-paragraphes 5.1 et 5.2 ne peuvent pas motiver la décision prise par la division d'opposition.
5.2 La chambre a certes noté que le sous-paragraphe 5.3 stipulant que "la division d'opposition rejoint l'avis de l'opposant" et contenant une référence aux "arguments développé (sic) aux points 5.1.1 à 5.1.3" pourrait laisser entendre que la division d'opposition a adopté et fait sien le résumé de l'argumentaire de l'opposant (sous-paragraphe 5.1) comme ses propres considérations et conclusions.
Quand bien même ceci fut l'intention de la division d'opposition, la décision n'en serait pas plus motivée au sens de la règle 111(2) CBE.
Force est de constater que le résumé du point 5.1 ne comprend en terme d'analyse de l'état de la technique le plus proche que des citations de E8, à savoir "page 2, lignes 70-76 et 78 et figures 2, 3 et 4" et affirme sans analyse détaillée que les caractéristiques M1-M5, M7 et M8 sont connues de E8. En outre, la définition du problème à résoudre par la caractéristique M6 dite seule distinctive est totalement ambiguë, puisque il consisterait d'après le texte à la fois à trouver une simple alternative de construction et à solutionner un problème technique, à savoir une amélioration de la reprise des efforts de tir au niveau du pivot. La décision ne contient aucune autre indication qui puisse permettre de comprendre lequel finalement de ces deux problèmes est considéré comme résolu de manière évidente.
Globalement, il manque dans le résumé les composants essentiels de la démarche problème-solution applicable pour analyser le critère d'activité inventive dans la mesure où il reste parfaitement indéfini pourquoi et plus encore comment l'homme du métier aurait été amené de manière évidente à modifier l'arrangement de E8.
Il peut encore être noté à cet endroit que le paragraphe 5 de la décision attaquée ne contient aucune explication sur les points en litige.
Dans son courrier du 9 mars 2010 en réplique aux motifs d'opposition, la propriétaire avait en effet argumenté:
- que l'objet revendiqué se distinguait de E8 non seulement par la caractéristique M6 mais aussi par les caractéristiques M4 et M5 du préambule de la revendication 1 (voir point III.1.a), disqualifiant ainsi E8 comme état de la technique le plus proche,
- et que l'état de la technique le plus proche restait au contraire E6 (voir point III.2.1).
La décision attaquée ne contient aucune explication ou analyse permettant de comprendre les raisons pour lesquelles ces moyens invoqués par la titulaire n'ont pas été considérés comme convaincants par la division d'opposition. L'absence d'explication des raisons du choix de E8 pour définir l'état de la technique le plus proche, alors même que ce choix était clairement contesté par la titulaire, constitue en soi une insuffisance de motivation.
5.3 Il convient d'ajouter à cet endroit que la partie de la décision contestée relative au critère de nouveauté (point 4 des motifs) ne permet pas non plus de remédier, même partiellement, au défaut de motivation de la décision d'absence d'activité inventive notamment en ce qui concerne le choix de l'état de la technique le plus proche et point de départ de l'analyse. Force est de constater que le point 4 des motifs ne comprend aucune analyse comparative détaillée des caractéristiques de la revendication 1. La division d'opposition s'est contentée de conclure que la caractéristique M6 n'était pas divulguée dans les documents pris en considération, à savoir E8, E10 et E20. Ne figure pas non plus au point 4 des motifs une analyse comparative de l'objet revendiqué par rapport à E6, alors même que de l'avis constant de la titulaire l'enseignement de ce document était nettement plus pertinent que celui de E8 et que E6 constituait dès lors l'état de la technique le plus proche en lieu et place de E8.
5.4 Il s'en suit que la décision attaquée ne comprend pas les considérants factuels et juridiques nécessaires sur lesquels la décision prise par la division d'opposition pourraient se baser.
6. La chambre arrive ainsi à la conclusion que la décision de révocation du brevet pour défaut activité inventive de son objet n'est pas "motivée" au sens de la règle 111(2) CBE.
L'insuffisance de motivation constitue en soi un vice substantiel de procédure qui requiert d'annuler la décision attaquée. Il est par ailleurs fait droit au recours dans la mesure où la décision attaquée est annulée en raison d'un vice substantiel de procédure. Puisque la titulaire a été obligé de déposer un recours en l'absence de raisonnement suffisant et tenant également compte de ses arguments, il est équitable de lui rembourser la taxe de recours conformément à la règle 103(1)a) CBE.
7. Conformément à l'article 11 RPCR, lorsque la procédure de première instance est entachée d'un vice majeur, la chambre renvoie l'affaire à cette instance à moins que des raisons particulières ne s'y opposent (Jurisprudence des Chambres de recours, 7° édition 2013, IV.E.7.4.1; T 1511/12; T 1366/05; T 0152/09).
Dans le cas présent, la première instance n'a pas respecté la règle 111(2) CBE, et aucune raison particulière pouvant s'opposer au renvoi n'a été portée à l'attention de la chambre, de sorte qu'un renvoi à la première instance au sens de l'article 11 RPCR est justifié.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de poursuivre la procédure.
3. Il est fait droit à la requête en remboursement de la taxe de recours.