T 2377/11 () of 6.4.2017

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2017:T237711.20170406
Date de la décision : 06 Avril 2017
Numéro de l'affaire : T 2377/11
Numéro de la demande : 03758230.1
Classe de la CIB : F16L 15/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Joint fileté tubulaire étanche vis-a-vis du milieu extérieur
Nom du demandeur : Vallourec Oil and Gas France
Nippon Steel & Sumitomo Metal Corporation
Nom de l'opposant : Tenaris Connections Aktiengesellschaft
Chambre : 3.2.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 114(1)
European Patent Convention 1973 Art 114(2)
European Patent Convention Art 111(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
European Patent Convention 1973 Art 54(1)
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
Guidelines for examination in the EPO (novembre 2016), E-V, 2 et 2(1)
Mot-clé : Document produit tardivement - recevable (oui)
Renvoi à la première instance (non)
Nouveauté - requête principale (oui)
Activité inventive - requête principale (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0007/93
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. L'opposante a formé un recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition relative au texte dans lequel le brevet européen n° 1 532 388 peut être maintenu.

II. L'opposition avait été formée contre le brevet dans son ensemble et était fondée sur l'article 100 c) et 100 a) CBE 1973, ensemble articles 54 et 56 CBE 1973.

III. La procédure orale devant la chambre s'est tenue le 6 avril 2017 en l'absence de la requérante. Celle-ci en avait informé la chambre avec la lettre du 12 janvier 2017.

IV. La requérante (opposante) a demandé par écrit l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.

V. Les intimées (titulaires du brevet) ont demandé en tant que requête principale, le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sous forme modifiée

- selon l'une des requêtes subsidiaires 1 à 4 reçues avec la lettre datée du 15 juin 2012 ou

- selon la requête subsidiaire 5 corrigée reçue avec la lettre datée du 29 janvier 2015 ou

- selon l'une des requêtes subsidiaires R19, 2bis et 4bis reçues avec la lettre datée du 27 mars 2017.

D'autre part, elles ont demandé le renvoi de l'affaire à l'instance du premier degré si le document E13 devait être admis.

VI. Les documents cités pendant la procédure de recours incluent les suivants :

E2: US 4 878 285 ;

E5: US 2 960 353 ;

E9: US 2 907 589 ;

E13: US 1 590 357 ;

E14: US 3 054 628.

VII. Les revendications 1 et 19 de la requête principale sont rédigées de la manière suivante :

"1. Procédé de réalisation d'un joint fileté tubulaire comprenant un élément tubulaire mâle (1) comportant un filetage mâle conique (3), un élément tubulaire femelle (2) comportant un filetage femelle conique (4) qui coopère par vissage avec le filetage mâle (3), et un anneau d'étanchéité déformable (35) interposé entre les éléments mâle et femelle de manière à s'opposer à la communication de fluide entre l'extérieur du joint tubulaire et la zone de coopération desdits filetages, l'anneau d'étanchéité étant en contact étanche avec le filetage mâle, et l'élément femelle présentant un logement annulaire (20) pour recevoir l'anneau d'étanchéité, disposé axialement entre son extrémité libre (14) et le filetage femelle et limité axialement par un premier épaulement (25) tourné vers ladite extrémité libre, l'anneau d'étanchéité s'appuyant axialement contre ledit premier épaulement et étant en contact étanche avec la surface périphérique (22) du logement, procédé caractérisé en ce qu'on met en place préalablement autour dudit filetage mâle un anneau d'étanchéité déformable (30), on engage ensuite l'extrémité libre (7) de l'élément mâle (1), et on visse le filetage mâle (3) dans le filetage femelle (4), ledit anneau d'étanchéité, pendant le vissage, étant poussé le long de l'élément mâle par ledit premier épaulement (25), entraîné en rotation par l'élément femelle et comprimé radialement entre le filetage mâle, dans lequel il s'imprime, et ladite surface périphérique (23) du logement (20)."

"19. Joint fileté tubulaire, comprenant un élément tubulaire mâle (1) comportant un filetage mâle conique (3), un élément tubulaire femelle (2) comportant un filetage femelle conique (4) qui coopère par vissage avec le filetage mâle (3), et un anneau d'étanchéité déformable (35) qui s'interpose après serrage entre les élément mâle et femelle de manière à s'opposer à la communication de fluide entre l'extérieur du joint tubulaire et la zone de coopération desdits filetages, l'élément femelle présentant un logement annulaire (20), disposé axialement entre son extrémité libre (14) et le filetage femelle et limité axialement par un premier épaulement (25) tourné vers ladite extrémité libre, caractérisé en ce que l'anneau d'étanchéité déformable (35) est monté sur l'élément mâle pour être en contact étanche avec le filetage mâle, en ce que le diamètre extérieur au repos de l'anneau (35) est un peu inférieur au diamètre intérieur du logement (20), tandis qu'au serrage, ledit logement (20) reçoit l'anneau d'étanchéité, lequel s'appuie axialement contre ledit premier épaulement (25) et vient en contact étanche avec la surface périphérique (22) du logement (20)."

VIII. La requérante a développé les arguments suivants :

Non-admission du document E13 par la division d'opposition et renvoi de l'affaire en première instance

En raison d'une erreur typographique, le document E11 avait été déposé avec l'acte d'opposition au lieu du document E13. Après avoir reçu l'avis préliminaire de la division d'opposition, la requérante avait reconnu cette erreur et soumis le document correct. Eu égard aux directives relatives à l'examen, chapitre E-V 2, et à la pertinence évidente du document, la division d'opposition était obligée de prendre en considération le document E13 pour l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive, ce qu'elle a néanmoins manqué de faire. Compte tenu de la non-admission erronée de la part de la division d'opposition, de la pertinence particulière du document et du fait que le dépôt tardif était de bonne foi, le document E13 devait être admis dans la procédure de recours. Pour éviter un prolongement additionnel de la procédure, la requérante préférait de ne pas renvoyer l'affaire en première instance.

Requête principale, nouveauté

L'objet de la revendication 1 n'était pas nouveau vis-à-vis du document E13. Ce document démontrait toutes les caractéristiques de la revendication 1. En particulier, selon une alternative dans le document E13, l'anneau d'étanchéité était mis en place préalablement autour du filetage mâle (voir E13, page 2, lignes 33 à 42 et page 2, lignes 57 à 68, figures 2 à 4). De plus, il était implicite dans le document E13 que l'anneau d'étanchéité était placé dans la niche 10 axialement contre un épaulement et qu'il était entraîné en rotation.

Requête principale, activité inventive

Le document E2 démontrait toutes les caractéristiques de la revendication 1 sauf les étapes de mettre en place préalablement autour dudit filetage mâle un anneau d'étanchéité déformable et d'engager ensuite l'extrémité libre de l'élément mâle. Le problème technique était d'optimiser le montage et le démontage du joint. La solution revendiquée n'était pas seulement généralement connue par l'homme du métier, mais aussi décrite dans le document E14, colonne 3, lignes 20 à 32 et 66 à 75, colonne 4, lignes 18 à 26 et 42 à 52. L'objet de la revendication 1 n'était donc pas inventif.

Le document E13 était l'état de la technique le plus proche pour l'objet de la revendication 19. La seule différence entre la revendication 19 et le document E13 était que le diamètre extérieur au repos de l'anneau était un peu inférieur au diamètre intérieur du logement. Le problème à résoudre était de faciliter le montage du joint. La solution revendiquée était connue des documents E5 (voir colonne 3, lignes 30 à 50 et les figures 1 à 12) ou E9 (voir colonne 6, lignes 17 à 25). Par conséquent, l'objet de la revendication 19 n'impliquait également pas d'activité inventive au regard d'une combinaison du document E13 avec E5 ou E9. Le même raisonnement s'appliquait au cas où le document E2 était considéré comme le document de départ.

IX. Les arguments des intimées sont les suivants :

Non-admission du document E13 par la division d'opposition et renvoi de l'affaire en première instance

La décision de ne pas admettre le document tardif E13 était correcte. Bien que les intimées avaient avisé la requérante dans la réponse à l'opposition de l'erreur concernant le document E11, le document E13 n'avait été introduit dans la procédure que le dernier jour du délai fixé dans la citation à la procédure orale devant la division d'opposition. De plus, le document E13 n'était pas pertinent et avait été cité seulement contre l'activité inventive. En effet, pendant la procédure d'opposition la requérante ne s'était jamais exprimée sur la pertinence de ce document, qui devait donc être définitivement rejeté. Au cas où la chambre néanmoins déciderait de l'introduire, les intimées demandent à ce que l'affaire soit renvoyée en première instance, afin que ce document puisse être examiné par deux niveaux de juridiction.

Requête principale, nouveauté

Le joint selon le document E13 ne possédait pas un premier épaulement dans le sens du brevet, c.à.d. avec une rupture brute. En outre, il n'était pas décrit que l'anneau d'étanchéité était mis en place préalablement au vissage et que l'anneau était entraîné en rotation par l'élément femelle. L'objet de la revendication 1 était donc nouveau.

Requête principale, activité inventive

Le document E2 était l'art antérieur le plus pertinent pour l'examen de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1, qui se distinguait de ce document par l'aspect temporel du montage de l'anneau d'étanchéité et de l'engagement des éléments mâle et femelle. Le problème technique était de simplifier l'assemblage du joint. La solution proposée dans la revendication 1 n'était pas évidente, car le document E2 suggérait que l'anneau d'étanchéité fût logé dans une gorge formée dans la bague 12, qui correspondait à l'élément femelle dans la terminologie du brevet en litige (voir E2, colonne 6, ligne 65 à colonne 7, ligne 1). Cela était contraire à l'objet de la revendication 1 qui définissait que l'anneau d'étanchéité était mis en place autour dudit filetage mâle avant le vissage du joint. L'autre document E14 décrivait un anneau d'étanchéité 30 placé à l'intérieur du joint tubulaire (voir E14, figure 1) et non à l'extérieur tel que défini dans la revendication contestée. Une telle conception ne permettait pas de s'opposer à la communication de fluide entre l'extérieur du joint tubulaire et la zone de coopération des filetages. Elle était donc également opposée à celle de l'invention. Par ailleurs, le document E14 n'expliquait pas sur lequel des éléments femelle ou mâle l'anneau d'étanchéité était positionné avant le vissage du joint. De plus, dans le document E14 l'anneau d'étanchéité était placé autour d'une surface de friction (voir E14, colonne 3, lignes 28 à 32) au bout de l'élément mâle pour empêcher tout mouvement de l'anneau. Cela était contraire à la solution proposée selon laquelle l'anneau était placé autour du filage mâle du joint tubulaire pour être entraîné en rotation et ainsi poussé le long de l'élément mâle pendant le vissage. L'objet de la revendication 1 était donc clairement inventif.

Quant à la revendication 19, les documents E2 et E13 ne démontraient pas que le diamètre extérieur au repos de l'anneau était un peu inférieur au diamètre intérieur du logement. Le problème technique à résoudre était donc de faciliter le montage du joint. La solution revendiquée n'était pas connue du document E9 où le diamètre extérieur au repos de l'anneau était égal ou légèrement supérieur au diamètre intérieur du logement (voir E9, colonne 6, ligne 17 à 25), ce qui était le contraire de l'objet de la revendication 19. Le document E5 concernait le domaine de la plomberie et n'avait pas de rapport avec celui du document E13. Selon le document E5, l'étanchéité de la liaison entre les éléments 11 et 12 était assurée depuis l'extérieur par la combinaison des éléments 16, 17 et 18. Même si l'homme du métier prenait en compte l'enseignement technique du document E5, il n'arriverait donc pas à objet de la revendication 19.

Motifs de la décision

1. Non-admission du document E13 par la division d'opposition

1.1 Résumé des faits

1.1.1 Dans son acte d'opposition, l'opposante cite, entre autres, le document US 1 590 537 comme document E11 (voir page 6). Après une analyse détaillée du contenu du document E11 (voir pages 12 à 14), elle arrive à la conclusion que l'objet de la revendication 1 manque d'activité inventive au vu d'une combinaison des documents E11 et E1.

1.1.2 Dans sa réponse datée du 4 janvier 2010, les titulaires notent sur la page 5 que le document E11 n'a manifestement rien à voir avec l'invention et semble avoir été soumis par erreur.

1.1.3 Par courrier daté du 17 novembre 2010, la division d'opposition convoque les parties à une procédure orale pour le 30 mars 2011. Dans son avis préliminaire annexé (voir page 7), elle relève un manque de pertinence du document E11.

1.1.4 Par courrier daté du 28 février 2011 (reçu le même jour), l'opposante reconnaît l'incohérence du document US 1 590 537 (E11) initialement soumis, due à une erreur typographique non intentionnelle et demande de le remplacer par le document US 1 590 357 (E13). Elle reprend les arguments déjà exposés dans l'acte d'opposition et utilise le document E13 au lieu du document E11 pour faire valoir ses objections de manque d'activité inventive des revendications 1 et 19.

1.1.5 Par courrier daté du 16 mars 2011, les titulaires s'opposent à l'introduction du document E13 dans la procédure d'opposition parce qu'elles considèrent son introduction tardive comme abusive et parce que son contenu est d'une pertinence relative - seulement utilisé pour des objections pour manque d'activité inventive comme l'avait été E11 -, ne justifiant pas son admission.

1.1.6 Dans la décision attaquée (point 2 des motifs), la division d'opposition décide que "l'introduction tardive de E13 n'est pas justifiée pour au moins deux raisons. Tout d'abord l'opposant n'a pas réagit [sic] lorsque le titulaire puis la division d'opposition se sont étonnés du manqué [sic] de pertinence de E11, l'introduction de E13 n'intervenant qu'à la date limite de dépôt.

Ensuite et surtout, les arguments relatifs au manque d'activité inventive développés avec E13 - avec la lettre du 28.02.2011 - ne vont pas au delà [sic] des objections déjà formulées dans la notice d'opposition. En ce sens l'utilisation de E13 ne laisse pas présager une issue différente de la procédure, dès lors ce document ne peut être considéré comme hautement pertinent."

1.2 Evaluation des faits

1.2.1 En raison de l'erreur typographique dans la citation du document E11, l'attaque portant sur le défaut d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 et présentée dans l'acte d'opposition n'était complète que le 28 février 2011, soit à la date de dépôt du document E13. Par conséquent, il appartenait à la division d'opposition de fonder son raisonnement sur l'introduction tardive des documents E11/E13, en d'autres termes l'admission des documents E11/E13 est laissée à la seule appréciation de la division d'opposition, article 114(2) CBE 1973. La division d'opposition, dans l'exercice souverain de son pouvoir discrétionnaire, n'a pas admis l'argument basé sur les documents E11/E13. Dans son mémoire exposant les motifs du recours l'opposante/requérante fait valoir que la décision de ne pas admettre le document E13 n'était pas correcte. Elle sollicite, de ce fait, que le document E13 soit pris en considération par la chambre de recours.

1.2.2 Selon l'article 12(4) RPCR, la non-admission de preuves qui n'ont pas été admises au cours de la procédure de première instance, est, en effet, laissée à l'appréciation de la chambre de recours. Dans ce contexte, une chambre de recours n'a pas à revoir l'ensemble des faits et des circonstances de l'espèce, comme le ferait la première instance, pour déterminer si elle avait exercé son pouvoir d'appréciation de la même manière. Comme le pouvoir d'appréciation conféré par l'article 114 CBE 1973 implique nécessairement que l'instance du premier degré de l'OEB doit disposer d'une certaine liberté pour exercer ce pouvoir, la chambre de recours ne peut donc annuler une décision prise dans un cas donné par une première instance exerçant son pouvoir d'appréciation que si elle arrive à la conclusion que la première instance a exercé son pouvoir d'appréciation sur la base de principes erronés, qu'elle n'a pas tenu compte des principes corrects, ou qu'elle a exercé son pouvoir de manière déraisonnable et a ainsi outrepassé les limites du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré (voir décision G 7/93, JO OEB 1994, 775, point 2.6 des motifs).

1.2.3 Conformément à la jurisprudence constante et aux directives relatives à l'examen, chapitre E-V, 2 et 2.1 (version de novembre 2016), l'instance du premier degré est tenue de considérer la pertinence des preuves produites tardivement, l'état d'avancement de la procédure ainsi que les motifs du retard. Si l'examen fait apparaître sans investigations supplémentaires (c.à.d. de prime abord), que lesdites preuves sont pertinentes en ce sens qu'elles modifieraient la base de la décision que la division avait envisagé de rendre, il incombe à l'instance compétente de les prendre en considération, quels que soient le stade atteint par la procédure ou les motifs du retard, auquel cas le principe selon lequel l'OEB procède à l'examen d'office des faits conformément à l'article 114(1) CBE 1973 prévaut sur la possibilité qui lui est donnée par l'article 114(2) CBE 1973 de ne pas tenir compte de faits ou de preuves.

1.2.4 En l'espèce, il ne ressort pas de la décision attaquée que, suite au dépôt du document correct (E13), la division d'opposition a examiné quant au fond la pertinence de l'attaque portée sur l'activité inventive initialement basée sur le document erroné (E11). La division n'a donc pas jugé de façon vérifiable si la pertinence de la nouvelle preuve E13, lue en combinaison avec le raisonnement présenté dans l'acte d'opposition, avait de prime abord une pertinence capable de modifier la base de la décision qu'elle avait envisagé de rendre. Par conséquent, dans sa décision discrétionnaire la première instance n'a pas tenu compte des principes corrects tels que définis dans les directives et a ainsi outrepassé les limites du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré. Par conséquent, le document E13 doit être pris en considération par la chambre de recours selon l'article 12(4) RPCR.

2. Requête pour renvoi à la première instance

2.1 Dans le cas où la chambre de recours déciderait d'introduire le document E13, les titulaires demandent à ce que l'affaire soit renvoyée en première instance, afin que le document puisse être examiné par deux niveaux de juridiction.

2.2 La chambre rappelle que, conformément à l'article 111(1) CBE, il est du pouvoir d'appréciation de la chambre de recours soit de statuer sur le fond, soit de renvoyer l'affaire à l'instance qui a pris la décision attaquée. Les chambres de recours décident au cas par cas de l'opportunité d'un tel renvoi. Selon la jurisprudence des chambres de recours (cf. La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, 8**(e) édition 2016, chapitre IV.E.7.2.1.), l'introduction, en procédure de recours sur opposition, d'un document suffisamment pertinent pour être pris en considération peut en principe entraîner, dans l'exercice du pouvoir conféré à la chambre, le renvoi de l'affaire à la première instance pour que le document puisse être examiné par deux degrés de juridiction et afin d'éviter la perte d'une instance pour le titulaire du brevet. Néanmoins, il découle également du pouvoir d'appréciation selon l'article 111(1) CBE que les parties ne possèdent pas un droit absolu à ce que chaque question en particulier soit examinée par deux instances, eu égard à l'impératif d'efficacité de la procédure ainsi qu'à l'intérêt du public à une procédure rationnelle et efficace.

2.3 En l'espèce, le document E13 n'a pas été déposé pour la première fois en recours mais un mois avant la procédure orale devant la division d'opposition. La division d'opposition avait donc l'opportunité d'examiner le contenu ce document. De plus, dans les écritures soumises au cours de la procédure de recours, les parties ont abondamment discuté les questions de nouveauté et d'activité inventive au vu du document E13 permettant ainsi à la chambre de statuer définitivement sur ces sujets. Par conséquent, eu égard à l'impératif d'efficacité de la procédure, la chambre décide de ne pas renvoyer l'affaire à la première instance.

3. Requête principale, nouveauté

3.1 Le requérante cite le document E13 à l'encontre la nouveauté de l'objet de revendication 1. Ce qui est litigieux entre les parties est de savoir si ce document E13 montre les caractéristiques suivantes :

[M1.7] [l'anneau d'étanchéité étant] disposé axialement entre son extrémité libre (14) et le filetage femelle et limité axialement par un premier épaulement (25) tourné vers ladite extrémité libre,

[M1.8] l'anneau d'étanchéité s'appuyant axialement contre ledit premier épaulement et étant en contact étanche avec la surface périphérique (22) du logement,

[M1.9] procédé caractérisé en ce qu'on met en place préalablement autour dudit filetage mâle un anneau d'étanchéité déformable (30),

[M1.12] ledit anneau d'étanchéité, pendant le vissage, étant poussé le long de l'élément mâle par ledit premier épaulement (25),

[M1.13] l'anneau d'étanchéité étant entraîné en rotation par l'élément femelle.

3.2 Concernant les caractéristiques [M1.7] et [M1.8] il doit être noté que le brevet litigieux contient deux exemples d'un épaulement, une fois formé par une surface radiale (25) à l'angle droit avec l'axe du tube (cf. figure 5), l'autre fois avec un diamètre progressivement croissant (cf. figure 6). C'est à la lumière de ces définitions données dans le brevet même que la signification du terme "épaulement" doit donc être interprétée.

L'élément femelle du joint fileté du document E13 (voir figures 2 et 3) dispose d'une "cam surface 11" avec un diamètre progressivement croissant. Comme cette surface a la fonction d'appuyer axialement contre l'anneau 13, elle est considérée un épaulement dans le sens du brevet en litige. Par conséquent, les caractéristiques [M1.7] et [M1.8] découlent directement du document E13.

3.3 Quant à la caractéristique [M1.9], le document E13 contient deux alternatives pour le montage du joint (cf. page 2, lignes 33 à 42) :

"When this ring 13 is constructed of a material which will normally retain its ring contour, it will preferably be of rectangular contour in crosssection, as shown in Fig. 3, and in assembling the joint said ring may be first placed within the recess 10 or it may be slipped over the threaded end of the section 2**(a), before the section 2**(a) is inserted into the section 1**(a)."

Selon la deuxième alternative présentée dans le document E13, on enfile l'anneau d'étanchéité sur l'extrémité filetée mâle avant d'insérer la section mâle dans la section femelle. Il est observé que le document E13 ne contient pas d'information sur le diamètre de l'anneau d'étanchéité comparé au diamètre de l'élément mâle et que la position finale de l'anneau selon ce document est sur une partie non-filetée de l'élément mâle (voir E13, figure 4). Il ne dérive donc pas clairement et directement du passage cité que selon la deuxième alternative du document E13 on met en place l'anneau autour du filetage mâle préalablement à l'engagement des éléments mâle et femelle, comme il est demandé par la caractéristique [M1.9].

3.4 Concernant la caractéristique [M1.12], référence peut être faite au passage suivant à la page 2, lignes 42 à 56 du document E13 :

"From an examination of Figs. 2 and 3, it will be clear that as the sections are screwed together the terminal tapered surface 9**(a) will engage the packing ring 7**(a) and the shoulder or abutment 12 will engage the upper surface of the packing ring 13, as shown in Fig. 2, and that as the joint is further tightened the packing ring 7**(a) will be radially compressed, as previously explained, and the packing ring 13 will bodily be driven downwardly, its lower portion being turned inwardly by the cam surface 11 and radially compressed into the thread grooves of the casing section 2**(a), as shown in Fig. 3, thus forming a fluid tight joint."

Selon cette explication ("as the sections are screwed together ... the shoulder or abutment 12 will engage the upper surface of the packing ring 13") c'est en raison du vissage que dans le procédé du document E13 l'anneau d'étanchéité, placé dans la gorge 10 de l'élément femelle, vient en contact avec l'épaulement sur l'élément mâle. Cela implique que pendant le vissage l'anneau d'étanchéité placé autour du filetage mâle est poussé (nécessairement par le premier épaulement sur l'élément femelle) contre un épaulement sur l'élément mâle. Par conséquent, la caractéristique [M1.12] découle d'une manière implicite du document E13.

3.5 Compte tenu du fait que la caractéristique [M1.9] rend nouveau l'objet de la revendication 1, il n'est pas nécessaire de trancher sur la question de divulgation de la caractéristique [M1.13] dans le document E13 que les intimées ont soulevé pour la première fois au cours de la procédure orale devant la chambre de recours.

3.6 Finalement, il est observé que la nouveauté de la revendication 19 de la requête principale n'a pas été contesté pendant la procédure de recours. Les parties et la chambre conviennent que le document E13 ne démontre pas la caractéristique

[M19.7] le diamètre extérieur au repos de l'anneau (35) est un peu inférieur au diamètre intérieur du logement (20).

3.7 Au vu de ce qui précède, la chambre conclut qu'au moins au vu des caractéristiques [M1.9] et [M19.7] l'objet des revendications 1 et 19 de la requête principale est nouveau selon l'article 54(1) et (2) CBE 1973.

4. Requête principale, activité inventive

4.1 Revendication 1

4.1.1 Les parties partagent l'avis que le document E2 est l'art antérieur le plus pertinent pour l'examen de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1. Les parties sont également d'accord que la revendication 1 se distingue de ce document par l'aspect temporel de la revendication, en particulier au vu des caractéristiques

[M1.9] qu'on met en place préalablement autour dudit filetage mâle un anneau d'étanchéité déformable (30),

[M1.10] on engage ensuite l'extrémité libre (7) de l'élément mâle (1).

4.1.2 Sur la base de ces caractéristiques distinctives, le problème technique est d'optimiser le montage du joint.

4.1.3 Quant à la solution proposée par la revendication 1, le document le plus proche E2 suggère même que l'anneau d'étanchéité soit logé dans une gorge formée dans la bague 12, qui correspond à l'élément femelle dans la terminologie du brevet en litige (voir E2, colonne 6, ligne 65 à colonne 7, ligne 1). Cela est contraire à l'objet de la revendication 1 qui définit que l'anneau d'étanchéité est mis en place autour dudit filetage mâle avant le vissage du joint.

4.1.4 Le document E14 cité par le requérante décrit un anneau d'étanchéité 30 placé à l'intérieur du joint tubulaire (voir figure 1) et non à l'extérieur tel que défini dans la revendication contestée. Une telle conception ne permet pas de s'opposer à la communication de fluide entre l'extérieur du joint tubulaire et la zone de coopération des filetages. Elle est donc également opposée à celle de l'invention. Par ailleurs, le document E14 ne décrit pas sur lequel des éléments femelle ou mâle l'anneau d'étanchéité est positionné avant le vissage du joint. Plus important encore, dans le document E14 l'anneau d'étanchéité est placé autour d'une surface de friction (voir E14, colonne 3, lignes 24 à 32) au bout de l'élément mâle pour empêcher tout mouvement de l'anneau. Cela est contraire à la solution proposée selon laquelle l'anneau est placé autour du filage mâle du joint tubulaire pour être entraîné en rotation et ainsi poussé le long de l'élément mâle pendant le vissage.

4.1.5 Pour ces raisons, l'enseignement ni du document E2 en tant que tel, ni du document E14 peut suggérer à l'homme du métier l'objet de la revendication 1.

La revendication 1 de la requête principale présente donc l'activité inventive requise par l'article 56 CBE 1973.

4.2 Revendication 19

4.2.1 La requérante met en avant une objection de défaut d'activité inventive de l'objet de la revendication 19 en partant du document E13. Comme déjà expliqué ci-dessus, les parties et la chambre sont d'accord que ce document ne démontre pas la caractéristique

[M19.7] le diamètre extérieur au repos de l'anneau (35) est un peu inférieur au diamètre intérieur du logement (20).

4.2.2 Sur la base de cette différence, le problème technique à résoudre est de faciliter le montage du joint.

4.2.3 La solution revendiquée n'est pas connue du document E9. Ce document, qui provient du même domaine technique que le document E13, propose de prévoir le même dia­mètre extérieur pour l'anneau au repos et l'intérieur du logement (voir E9, colonne 6, lignes 17 à 25, "the seal outer diameter 34 being co-extensive with the diameter of the recess interior wall 30"), ce qui est le contraire de l'objet de la revendication 19.

Le document E5 concerne plutôt le domaine de la plomberie que le forage pétrolier (voir la forme hexagonale 24 des éléments à visser dans la figure 1 du document E5). Le rapport technique avec le domaine du document E13 n'est donc pas évident. De plus, la caractéristique [M19.7] est divulguée dans un contexte spécifique dans lequel un élément d'étanchéité 16 n'est pas comprimé par les éléments mâle et femelle mais par des éléments additionnels télescopiques 17 et 18 (voir les figures 1 à 3 en relation avec la colonne 3, lignes 30 à 49), entourant l'élément mâle 12. Ainsi, c'est en effet la combinaison des éléments 16, 17 et 18 qui assure l'étanchéité de la liaison entre les éléments 11 et 12 depuis son extérieur. On peut en conclure que même si l'homme du métier, partant du document E13, prendrait en compte l'enseignement technique du document E5, il n'arriverait pas à l'objet revendiqué.

4.2.4 Par rapport aux autres attaques sur la base du document E2, combiné avec E5 ou E9, on peut ajouter que le document E2 ne démontre pas non plus la caractéristique [M19.7]. De ce fait, le raisonnement développé ci-dessus pour les combinaisons du document E13 avec E9 ou E5 s'applique de la même façon aux objections portant sur les documents E2 et E9 ou E5.

Par conséquent, la revendication 19 de la requête principale présente une activité inventive à l'égard des documents cités dans la procédure, article 56 CBE 1973.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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