European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2014:T233111.20141104 | ||||||||
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Date de la décision : | 04 Novembre 2014 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 2331/11 | ||||||||
Numéro de la demande : | 02701385.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | G02C 7/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | LENTILLE OPHTALMIQUE MULTIFOCALE PROGRESSIVE A VARIATION DE PUISSANCE RAPIDE | ||||||||
Nom du demandeur : | ESSILOR INTERNATIONAL COMPAGNIE GENERALE D'OPTIQUE | ||||||||
Nom de l'opposant : | Rodenstock GmbH | ||||||||
Chambre : | 3.4.02 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | - | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen EP 1 328 839 (n**(o) de dépôt 02701385.3) a été maintenu sous forme modifiée par une décision intermédiaire de la division d'opposition. Dans cette décision, la division d'opposition estimait notamment que le motif d'opposition selon l'article 100 c) CBE ne s'opposait pas au maintien du brevet tel que délivré mais que la revendication 1 de ce dernier ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 83 CBE.
II. La titulaire du brevet et l'opposante ont toutes deux formé un recours contre cette décision.
III. Dans son mémoire de recours la titulaire a requis que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu tel que délivré (requête principale) ou alternativement sur la base de l'une de ses requêtes auxiliaires 1 à 10 jointes à son mémoire.
Pour sa part, l'opposante dans son mémoire de recours a requis l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.
IV. Dans une notification annexée à la convocation à une procédure orale, la Chambre a indiqué aux parties que lors de la procédure orale la requête principale de la titulaire, fondée sur le brevet comme délivré, serait d'abord abordée. En particulier, en ce qui concerne l'objection de l'opposante selon l'article 100c) CBE contre la revendication 1 délivrée la décision de la division d'opposition semblait justifiée. Quant à l'objection selon l'article 100b) CBE, il semblait que la décision de la division d'opposition était plutôt basée sur des considérations relatives à la clarté des revendications selon l'article 84 CBE et leur portée selon l'article 69 CBE. La Chambre a par ailleurs observé que le motif d'opposition selon l'article 100 a) CBE n'avait pas été examiné en première instance en relation avec la requête principale de la titulaire et que, dans le cas où elle considérerait non fondés les motifs d'opposition selon les articles 100 c) et b) CBE, elle envisagerait par conséquent de renvoyer l'affaire à la première instance pour suite à donner.
V. Une procédure orale s'est tenue le 4 novembre 2014 devant la Chambre, à l'issue de laquelle cette dernière a annoncé sa décision.
Pendant la procédure orale, la titulaire a demandé l'annulation de la décision contestée et le renvoi de l'affaire à l'instance du premier degré pour examen des motifs d'opposition fondés sur l'article 100 a) CBE, ou, subsidiairement, le maintien du brevet tel que délivré, ou, subsidiairement, le maintien du brevet sur la base d'une des requêtes auxiliaires 1 à 10 soumises avec son mémoire exposant les motifs du recours.
L'opposante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet. Elle a en outre demandé de renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré au cas où la Chambre considérerait non fondés les motifs d'opposition selon les articles 100 c) et 100 b) CBE. L'opposante a également demandé de considérer non recevables les requêtes auxiliaires soumises par la titulaire avec son mémoire exposant les motifs du recours qui n'avaient pas été considérées par l'instance du premier degré.
VI. La teneur de la revendication 1 et 2, seules revendications indépendantes du brevet tel que délivré selon la requête principale de la titulaire est la suivante :
"1. Une lentille ophtalmique multifocale progressive, comportant une surface asphérique avec en tout point une sphère moyenne (S) et un cylindre (C), une zone de vision de loin, une zone de vision intermédiaire et une zone de vision de près, une méridienne principale de progression traversant ces trois zones, une addition égale à la différence de sphère moyenne entre un point de référence de la zone de vision de près et un point de référence de la zone de vision de loin, une longueur de progression inférieure à 12 mm, la longueur de progression étant égale à la distance verticale entre une croix de montage et le point de la méridienne où la sphère moyenne est supérieure de 85 % de l'addition à la sphère au point de référence pour la vision de loin,
caractérisée en ce que le rapport entre
- l'intégrale du produit du cylindre par la norme du gradient de la sphère, sur un cercle de 40 mm de diamètre centré sur le centre géométrique de la lentille, d'une part et
- le produit de l'aire de ce cercle, de l'addition et de la valeur maximale de la norme du gradient de la sphère sur la partie de la méridienne comprise dans ce cercle, d'autre part,
est inférieur à 0,14.
2. Une lentille ophtalmique multifocale progressive, comportant une surface asphérique avec en tout point une sphère moyenne (S) et un cylindre (C), une zone de vision de loin, une zone de vision intermédiaire et une zone de vision de près, une méridienne principale de progression traversant ces trois zones, une addition égale à la différence de sphère moyenne entre un point de référence de la zone de vision de près et un point de référence de la zone de vision de loin, une longueur de progression inférieure à 12 mm, la longueur de progression étant égale à la distance verticale entre une croix de montage et le point de la méridienne où la sphère moyenne est supérieure de 85 % de l'addition à la sphère au point de référence pour la vision de loin,
caractérisée en ce que le rapport entre
- l'intégrale du produit du cylindre par la norme du gradient de la sphère, sur un cercle de 40 mm de diamètre centré sur le centre géométrique de la lentille, d'une part et
- le produit de l'aire de ce cercle, de l'addition et de la valeur maximale de la norme du gradient de la sphère sur la partie de la méridienne comprise dans ce cercle, d'autre part,
est inférieur à 0,16 fois le rapport entre
- la valeur maximale de la norme du gradient de la sphère sur la partie de la méridienne comprise dans ce cercle ; et
- la valeur maximale de la norme du gradient de la sphère dans ce cercle."
VII. En ce qui concerne la requête principale de la titulaire les parties ont soumis entre autres les arguments suivants:
Objection selon l'article 100 c) CBE
L'objection de l'opposante concerne l'inclusion dans la revendication 1 délivrée de la précision selon laquelle le centre de la lentille sur lequel est centré le disque de 40 mm de diamètre mentionné dans la revendication est son centre "géométrique". L'opposante a fait valoir que dans la divulgation originale, la revendication 1 se réfère seulement à un "centre de la lentille"; une modification de cette expression est uniquement admissible si elle a une base immédiate et sans équivoque dans la divulgation originale. Pour qu'une modification soit admissible, il ne suffit pas qu'elle soit évidente à l'homme de métier. En particulier, le centre de la lentille n'est pas nécessairement le centre géométrique; cette expression peut décrire des concepts différents:
- le centre de la lentille non-détourée;
- le centre de gravité de la lentille à traiter;
- le centre entre les traits de micro-gravures.
D'après l'opposante, généralement, ces différents centres ne coïncident pas. En particulier, dans le cas d'une lentille décentrée le centre défini par le milieu des micro-gravures est distinct du centre géométrique de la lentille. En ce qui concerne l'occurrence de l'expression "centre géométrique" dans la divulgation originale, elle apparaît à la page 3, ligne 20, mais là toutefois dans la discussion de l'art antérieur. Comme l'invention doit se distinguer de l'art connu cette occurrence ne constitue pas une base appropriée au transfert de la définition au dispositif revendiqué. La deuxième occurrence de cette expression à la page 8, lignes 26 - 30 apparaît dans le cadre de la description d'un exemple d'exécution très particulier et, pour cette raison, ne peut pas davantage servir de base pour définir une lentille telle que généralement visée par la revendication 1. Il s'ensuit que l'introduction de l'expression "centre géométrique" dans cette revendication implique une généralisation intermédiaire qui n'est pas admissible en vertu de l'article 100 c) CBE.
La titulaire a pour sa part soutenu que ledit passage à la page 8, lignes 26 - 30 divulgue que le centre géométrique est défini par le centre du repère normé. La titulaire a souligné que toute la description se réfère à ce même repère, qui par ailleurs définit un système de coordonnées bien connu dans l'art de la technique pour représenter les caractéristiques surfaciques d'une lentille. Comme également illustré dans les figures 6 à 9 du brevet une telle représentation constitue un enseignement parfaitement classique et aucunement inhabituel. Pour cette raison l'expression "centre géométrique" à la page 8, lignes 26 - 28 ne désigne pas une caractéristique isolée. En conclusion, l'introduction du terme "géométrique" dans la revendication 1 n'entraîne pas une généralisation intermédiaire et ne contrevient pas à l'art. 100 c) CBE.
Objection selon l'article 100b) CBE
Selon l'opposante, la jurisprudence constante des chambres de recours souligne que la divulgation d'un seul mode de réalisation de l'invention est suffisante dès lors qu'elle permet d'exécuter l'invention dans toute l'étendue de la portée revendiquée, et non pas uniquement d'obtenir certain membres de la classe revendiquée (voir par exemple: T0172/99). En ce qui concerne la réalisation de l'invention présente la description du brevet fait référence à une optimisation numérique dans le paragraphe [0067]. Pourtant une telle optimisation ne peut pas être arbitraire et des conditions préalables doivent être imposées. Dans le cas actuel la lentille revendiquée n'est définie que par deux conditions, à savoir la longueur de progression et le rapport numérique défini dans la partie caractérisante de la revendication 1, qui cependant constitue un paramètre reformulé et préalablement inconnu dans l'état de la technique. Avec une telle définition en termes de paramètres inconnus l'homme du métier rencontre des difficultés pour vérifier si les problèmes abordés par l'invention sont effectivement résolus, tels que la provision de lentilles pour des montures de petites dimensions; l'amélioration du confort du porteur, une adaptation plus facile et une meilleure acceptation, voir paragraphe [0016] du brevet. En outre, comme rappelé dans le recueil de la Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets , voir II.C.4.5, édition 2013, dans le cas d'une définition d'une invention par paramètres inconnus le titulaire est tenu de divulguer toutes les informations avec fiabilité afin de définir le nouveau paramètre. En particulier, dans le cas fréquent d'une lentille dans laquelle le centre de la surface asphérique est décentré par rapport au centre géométrique du verre, le choix du centre géométrique est essentiel pour l' évaluation du rapport revendiqué. A la date de priorité du brevet attaqué les lentilles décentrées étaient bien connues, comme le prouvent en particulier les lentilles "Shamir Piccolo" présentées par l'opposante au cours de la procédure. Comme le brevet ne divulgue rien d'une lentille décentrée, dans un tel cas l'homme du métier risque de choisir un centre géométrique impropre et d'obtenir un rapport erroné et ainsi ne résout pas le problème technique. Par conséquent l'invention n'est pas réalisable dans toute le domaine revendiqué.
A cet égard la titulaire a argumenté qu'à la date de la priorité (en février 2001) les procédures d'optimisation des lentilles progressives par des méthodes numériques étaient parfaitement connues, chacun des fabricants ayant ses propres méthodes. C'est pourquoi généralement les documents de brevet ne livrent pas beaucoup de détails. Dans le brevet, les figures 1 à 4 montrent des cartes de puissances de la lentille selon l'invention et la figure 5 montre une carte d'altitude de cette lentille, voir également le paragraphe [0047]. Dans le paragraphe [0065] il est divulgué que la surface de la lentille est calculée par optimisation numérique. Plus en détail, la description offre deux procédures pour reproduire la lentille selon l'invention:
- reproduire la lentille en utilisant l'exemple précis des figures 1 à 4, la carte d'altitudes de la figure 5, et la condition que la surface de la lentille doit être trois fois continûment dérivable, voir le paragraphe [0065];
- utiliser un programme d'optimisation classique, par exemple comme divulgué dans le paragraphe [0067], en définissant une méridienne principale de progression et en utilisant un ou plusieurs des critères revendiqués.
Selon la titulaire, pour réaliser une lentille l'homme du métier choisit une méridienne, dont le brevet décrit trois types différents, et les quatre points de référence spécifiés dans la revendication 1. Au début il choisit un centre géométrique et garde cette convention pendant le procédé d'optimisation numérique. Par contrôle des paramètres du rapport défini dans la revendication 1 il est assuré d'obtenir un bon résultat, comme mentionné au paragraphe [0037]. Pour la question de la réalisabilité de l'invention le brevet permet au-moins de réaliser une lentille centrée, répondant ainsi à l'exigence de suffisance de la description. En ce qui concerne les lentilles décentrées et le détourage d'un verre pour l'adapter dans une monture donnée, ces aspects ne relèvent pas d'un problème de physiologie mais plutôt d'une question d'économie de matière qui n'est pas abordée dans le brevet. Pour réaliser une lentille décentrée il suffit de suivre la divulgation du paragraphe [0065] et de choisir des points de référence et une méridienne adaptée à cette situation particulière, avec la croix de montage également décalée. Pour ces raisons, la requête principale n'enfreint pas les dispositions de l'article 83 CBE.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable
2. Requête principale de la titulaire
2.1 Article 100(c) CBE - Admissibilité des modifications
2.1.1 L'objection de l'opposante concerne l'inclusion dans la revendication 1 délivrée de la précision selon laquelle le centre de la lentille sur lequel est centré le disque de 40 mm de diamètre mentionné dans la revendication est son centre "géométrique". D'après l'opposante dans la divulgation originale cette expression apparaît dans un contexte très particulier et isolé d'un seul exemple d'exécution. L'introduction de cette expression dans la revendication indépendante impliquerait une généralisation intermédiaire ce qui ne serait pas admissible.
2.1.2 Comme mentionné dans la décision attaquée, le passage à la page 8, lignes 28 et 29 de la description telle que déposée indique qu'on utilise un système de coordonnées orthonormé où l'axe des abscisses correspond à l'axe horizontal de la lentille et l'axe des ordonnées à l'axe vertical; le centre O du repère est le "centre géométrique" de la surface asphérique de la lentille. Les explications relatives à la figure 2 (page 9, lignes 17 à 19; et lignes 33 à 37) font référence au "repère (x,y) défini plus haut" et indiquent par ailleurs que le "centre de la lentille" est bien le point d'origine du système de coordonnées représenté, sur lequel est centré le disque de 40mm de diamètre. Ce centre est donc nécessairement le "centre géométrique" susmentionné.
2.1.3 La Chambre note également que le repère de la figure 2 (carte de sphère moyenne de la lentille selon l'invention) est de même type que le repère montré dans la figure 7 pour une lentille de l'état de la technique. Une telle lentille est mentionnée dans le passage de la page 3, lignes 19 et 20 de la description qui se réfère explicitement au centre géométrique.
2.1.4 Pour ces raisons la Chambre partage l'avis de la titulaire selon lequel toute la description divulgue un même repère dont le centre est le centre géométrique. Cela revient à dire que dans l'enseignement de la description originale les expressions "centre" et "centre géométrique" sont congruentes.
2.1.5 Par conséquent le motif d'opposition selon l'article 100 c) ne s'oppose pas à la teneur de la revendication 1. Il en est de même pour la revendication indépendante 2 qui comporte la même modification.
2.2 Article 100(b) CBE - Suffisance de l'exposé
2.2.1 Pour conclure que le brevet n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, la décision de la division d'opposition s'appuie en particulier sur l'argument que les valeurs des paramètres revendiqués sont liées à une définition ambiguë de la position des points de référence de la lentille. Par conséquent l'homme du métier ne pourrait pas "déterminer si une lentille donnée tombe sous l'étendue de protection de la revendication 1". Dans ce contexte la décision attaquée se réfère notamment à la décision T0464/05. Ces considérations semblent toutefois mêler à la question de la suffisance de description selon l'article 83 de la CBE des considérations de clarté selon l'article 84 CBE - qui ne correspondent pas à un motif d'opposition - et de portée des revendications selon l'article 69 CBE, qui concernent en premier lieu le juge de la contrefaçon. De l'avis de la Chambre la seule question à examiner dans le cadre du motif d'opposition selon l'article 100(b) CBE est celle de savoir si un homme du métier pourrait réaliser une lentille présentant les caractéristiques revendiquées, compte tenu des indications du brevet et en s'appuyant sur ses connaissances générales. La Chambre ne voit pas pourquoi l'homme du métier ne pourrait pas, par exemple, reproduire la lentille décrite dans le brevet en relation avec les dessins.
2.2.2 A ce propos la Chambre note que la division d'opposition n'a pas contesté que la méthode de réalisation d'une lentille selon la revendication 1 de la requête auxiliaire 3 de la titulaire, jugée acceptable, était suffisamment décrite dans le brevet. Cette méthode constitue incontestablement un moyen particulier d'obtenir la lentille revendiquée.
2.2.3 La décision T0464/05 citée dans la décision attaquée semble par ailleurs concerner une situation particulière dans laquelle la définition de l'article absorbant revendiqué se référait à un paramètre ("weighted average mass vapor transmission rate") dont les conditions de mesure n'étaient pas définies dans le brevet. Dans le cas présent, la description et les dessins du brevet semblent offrir toutes les informations nécessaires à l'homme du métier pour réaliser la lentille revendiquée, notamment en ce qui concerne la nature et la position des points de références et la signification et la mesure des paramètres numériques mentionnés dans la définition de cette lentille dans la revendication.
2.2.4 Les objections de l'opposante concernant une impossibilité d'exécuter l'invention sont pour partie basées sur l'avis que la divulgation originale se baserait sur des paramètres qui seraient soit préalablement inconnus (voir: le rapport défini dans la partie caractérisante de la revendication 1), soit ambigus ("centre géométrique"), soit seraient inexécutables du fait que l'homme du métier ne pourrait pas les identifier dans une lentille réalisée (croix de montage; points de référence pour les zones de vision de près et de vision de loin) et qu'il ne pourrait par conséquent pas vérifier si une telle lentille serait incluse dans l'étendue de la protection revendiquée. De ce fait l'homme du métier ne pourrait pas davantage s'assurer si cette lentille résoudrait le problème technique que le brevet s'attache à résoudre, dans toute l'étendue de la protection. A l'appui de son opinion l'opposante a fait notamment référence au recueil de la Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets , édition 2013, points II.C.4.4 et 4.5, et à la décision T0172/99.
2.2.5 La Chambre ne partage pas ce point de vue. De son avis, le rapport défini dans la revendication 1 représente une relation mathématique des valeurs numériques caractérisant la surface d'une lentille qui, pendant ou après une procédure d'optimisation dans un ordinateur programmé pour en calculer la forme, peuvent être parfaitement déterminées ou vérifiées par l'homme du métier. Une telle procédure de calcul, qui ne se distingue des procédures usuelles que par la choix des critères d'optimisation conduira directement à la réalisation d'une lentille telle que revendiquée.
2.2.6 L'objection selon laquelle la définition du centre géométrique serait ambiguë n'est pas partagée par la Chambre: la divulgation originale ne laisse pas de doute sur le point que le centre géométrique est le centre du repère orthonormé utilisé dans le dessin de la surface asphérique de la lentille, dont les valeurs sont calculées sur un cercle de 40mm diamètre et la qualité de la surface est vérifiée en utilisant le rapport défini dans la revendication 1. Il appartient en outre à l'homme du métier d'introduire dans la procédure d'optimisation les données des autres points de référence et le parcours de la méridienne, comme il le fait usuellement.
2.2.7 En ce qui concerne l'argument de l'opposante selon laquelle l'homme du métier, en raison d'un défaut d'informations relativement aux paramètres susmentionnés, ne pourrait s'assurer si une lentille dont la surface serait représentée par une carte d'altitude déterminée résoudrait effectivement le problème technique visé dans le brevet dans toute l'étendue de la revendication, la Chambre ne l'estime pas pertinente dans le cadre de l'examen présent de la suffisance de la description. L'invention revendiquée est en effet une lentille en tant que telle, définie par des paramètres décrivant sa surface, indépendamment de tout effet technique à obtenir ou de l'utilisation qu'il est prévu d'en faire. Pour que la description soit considérée conforme à l'exigence de l'article 83 CBE il suffit donc que l'homme du métier puisse effectivement réaliser une lentille présentant les caractéristiques revendiquées, indépendamment d'autres considérations.
De toutes manières, comme justement soutenu par la titulaire, le paragraphe [0026] du brevet enseigne que le produit de la pente de sphère par le cylindre est une quantité représentative des aberrations sur la surface de la lentille; sa minimisation, comme définie par le rapport de la revendication 1, assure une bonne vision fovéale et une bonne vision périphérique. Cette affirmation paraît à priori techniquement convaincante et dans la procédure de recours, l'opposante n'a pas soumis de preuves contraires à cet égard. C'est pourquoi il n'existe pas de doutes raisonnables sur le point que le problème technique mentionné dans le brevet ne serait pas résolu par une lentille présentant les caractéristiques revendiquées, dans toute l'étendue de la protection.
2.2.8 Dans ces conditions, le rapport défini dans la revendication 1, même s'il n'avait pas été invoqué antérieurement dans l'état de la technique, ne constitue pas un paramètre du type mis en cause dans la jurisprudence, et notamment pas un paramètre comme discuté par exemple dans la décision T0172/99, dont la définition serait telle qu'elle engloberait inévitablement des modes de réalisation incapables de résoudre le problème technique posé (cf. le point 4.5.8 des motifs) ou dans d'autres décisions similaires.
2.2.9 Pour ce qui concerne enfin l'argument de l'opposante selon lequel le brevet n'enseignerait pas comment réaliser une lentille décentrée, dont le centre de la surface asphérique ne correspondrait donc pas au centre géométrique du disque de verre avant détourage, la Chambre convient avec elle que la description n'envisage que la réalisation de lentilles centrées. Il suffit donc qu'elle mette l'homme du métier en mesure de reproduire de telles lentilles pour être considérée suffisante.
Au surplus, même si l'argument de la titulaire selon lequel pour réaliser une lentille décentrée il suffit de suivre la divulgation du paragraphe [0065] et de choisir des points de référence et une méridienne adaptée à cette situation particulière, avec la croix de montage décalée en conséquence, paraît techniquement convainquant, la Chambre ne considère pas qu'elle doive dans le présent contexte déterminer si des lentilles décentrées, non invoquées dans le brevet, sont également couvertes par les revendications ou non.
2.2.10 Pour ces raisons la Chambre considère que l'objet de la revendication 1 délivrée et pour des raisons similaires celui de la revendication indépendante 2 sont exposés dans le brevet de manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse les reproduire. Le motif d'opposition selon l'article 100 b) CBE n'est donc pas opposable au brevet selon la requête principale de la titulaire.
2.3 Article 100 a) CBE - Brevetabilité
2.3.1 Ce motif d'opposition n'a pas été examiné en première instance en relation avec la requête principale du titulaire. La division d'opposition n'a en particulier pas pris position sur la pertinence de nombreux documents de l'état de la technique et des allégations d'usage antérieur formulées par l'opposante.
2.3.2 C'est pourquoi, la Chambre considère que l'affaire doit être renvoyée à l'instance du premier degré pour suite à donner comme prévu à l'article 111 (1) CBE, et conformément aux requêtes formulées en ce sens par les deux parties.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.