T 1325/11 (COMPOSITION DE DECOLORATION / L'OREAL) of 16.4.2015

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2015:T132511.20150416
Date de la décision : 16 Avril 2015
Numéro de l'affaire : T 1325/11
Numéro de la demande : 01965327.8
Classe de la CIB : A61Q 5/10
A61K 8/46
A61K 8/365
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : COMPOSITION DE DECOLORATION DES FIBRES KERATINIQUES TEINTES
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Henkel AG & Co. KGaA
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Activité inventive - amélioration inattendue
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (propriétaire du brevet) a introduit un recours contre la décision de révocation du brevet européen n° 1 313 435. La revendication 1 de la requête principale devant la division d'opposition et la Chambre de recours s'énonce comme suit:

"1. Composition de décoloration des fibres kératiniques teintes par des colorants d'oxydation et/ou des colorants directs, en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, comprenant au moins un réducteur de colorant dans un milieu aqueux approprié pour la décoloration à pH acide, et caractérisée par le fait que ledit réducteur est un système associant (i) au moins un acide sulfinique ou l'un de leurs sels cosmétiquement acceptables à (ii) au moins un acide alpha-oxocarboxylique ou l'un de leurs sels cosmétiquement acceptables, le ou les acides alpha-oxocarboxyliques étant choisis parmi l'acide glyoxalique, l'acide pyruvique et l'acide alpha-cétoglutarique."

II. Une opposition avait été formée par l'intimé en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité pour manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), en se basant entre autres sur les documents suivants:

(1) US-A-2 149 319 et

(4) DE-A-198 10 688.

III. Selon la division d'opposition l'objet de la revendication 1 de la requête principale incluant la limitation des acides alpha-oxocarboxyliques présents dans les compositions revendiquées aux acides glyoxalique, pyruvique et alpha-cétoglutarique était nouveau par rapport aux documents cités. Le document (1) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. En effet, ce document divulguait des compositions pour la décoloration de cheveux teints structurellement plus proches de celles revendiquées que celles divulguées dans le document (4), ne s'en distinguant que par la nature de l'acide alpha-oxocarboxylique.

Les essais comparatifs déposés avec une lettre datée du 31 janvier 2011 ne permettaient pas de conclure que le problème technique de l'amélioration de la décoloration avait été résolu par les compositions couvertes par la revendication 1. En effet, d'une part, les essais comparatifs avaient été effectués à un pH de 2,7 alors que les compositions exemplifiées dans le document (1) présentaient un pH entre 5 et 5,5. D'autre part, il n'était pas possible d'extrapoler les résultats obtenus avec des compositions comprenant l'acide glyoxalique aux compositions comprenant l'acide alpha-cétoglutarique. Le problème technique effectivement résolu n'était donc que celui de la mise à disposition de compositions de décoloration alternatives. La solution proposée consistant à remplacer l'acide oxalique présent dans les compositions de document (1) par l'acide glyoxalique, l'acide pyruvique ou l'acide alpha-cétoglutarique était évidente à la lumière du document (4) qui décrivait la présence d'acides alpha-oxocarboxyliques tels l'acide glyoxalique, 1'acide pyruvique et l'acide alpha-cétoglutarique en association avec un agent réducteur dans des compositions de décoloration de cheveux teints. L'homme du métier aurait donc considéré le remplacement de l'acide oxalique par l'acide glyoxalique, 1'acide pyruvique et l'acide alpha-cétoglutarique dans les compositions divulguées dans le document (1) comme une solution évidente au problème de la mise à disposition d'une composition alternative de décoloration de cheveux teints. L'objet de la revendication 1 de la requête principale n'impliquait donc pas d'activité inventive. Ces conclusions s'appliquaient également à la requête subsidiaire 1 alors pendante présentant comme seule modification la limitation à l'acide glyoxalique et l'acide pyruvique.

IV. Selon le requérant le document (4) plutôt que le document (1) représentait l'art antérieur le plus proche de l'invention. Le document (4) avait plus de buts en communs avec le brevet litigieux et divulguait des compositions de décoloration structurellement plus proches. En partant cependant du document (1) comme état de la technique le plus proche de l'invention, le problème technique à la base de l'invention était l'amélioration du pouvoir de décoloration de cheveux teints. Les essais comparatifs déposés avec la lettre datée du 13 août 2013 montraient que l'efficacité de la décoloration était améliorée en remplaçant l'acide oxalique dans les compositions de décoloration du document (1) par l'acide glyoxalique, 1'acide pyruvique ou l'acide alpha-cétoglutarique. Ces essais ont été réalisés dans les conditions de pH de l'art antérieur, à savoir à un pH de 5,5. Aucun des documents cités par l'intimé ne suggérait que l'efficacité de la décoloration des compositions du document (1) puisse être améliorée par ce biais. L'objet de la revendication 1 de la requête principale impliquait donc une activité inventive.

V. L'intimé a fait siens en tous points les conclusions exposées dans la décision contestée. En particulier, que les documents (1) et (4) étaient à considérer dans la détermination de l'art antérieur le plus proche, que les essais comparatifs manquaient de pertinence en raison du pH des compositions, qu'il n'était pas possible d'extrapoler les résultat montrés avec une composition comprenant l'acide glyoxalique aux compositions de la revendication 1 comprenant les autres acides, que le problème technique résolu était celui de la mise à disposition d'une composition de décoloration alternative et que la solution proposée était rendue évidente par la combinaison du document (1) avec le document (4).

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire 1 manquait d'activité inventive.

VI. Le requérant a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet sur la base de sa requête principale, ou subsidiairement, sur la base de sa requête subsidiaire 1, ces requêtes ayant été déposées avec une lettre datée du 11 août 2011.

L'intimé a demandé par écrit le rejet du recours.

VII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale tenue le 16 avril 2015 en l'absence de l'intimé qui avait annoncé par fax le 14 avril 2015 qu'il n'y participerait pas.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale : activité inventive

2. Art antérieur le plus proche

Le brevet en litige concerne des compositions pour la décoloration de cheveux teints par des colorants d'oxydation et/ou des colorants directs comprenant dans un milieu aqueux à pH acide au moins un acide sulfinique et au moins un acide alpha-oxocarboxylique (page 1, lignes 3 à 6 du brevet litigieux). Il vise à améliorer la décoloration, notamment sur certaines nuances (voir page 3, lignes 17 à 25).

Le document (1) se fixe comme objectifs soit d'enlever complétement la couleur de cheveux teints et de revenir à la couleur naturelle du cheveu, soit alternativement d'éclaircir la coloration (page 1, colonne de droite, lignes 35 à 42). Les compositions utilisées à cet effet comprennent le sel de sodium de l'acide hydroxyméthanesulfinique et de l'acide oxalique (voir revendications 1 et 2; exemples I et III). Le pH des compositions est typiquement entre 5,00 et 5,50 (page 3, colonne de droite, lignes 9 à 21). Les compositions de la revendication 1 de la requête principale diffèrent de celles du document (1) uniquement par la nature de l'acide alpha-oxocarboxylique qui est différent de l'acide oxalique.

Le document (4) a pour objectif l'élimination de la coloration de cheveux teints dans des conditions douces (page 2, lignes 25 à 30). Il vise notamment à éviter l'emploi d'agents agressifs comme l'acide hydroxyméthane sulfinique (page 2, ligne 19 to 22). Les compositions comprennent un acide alpha-oxocarboxylique, tel l'acide glyoxalique, l'acide pyruvique ou l'acide alpha-cétoglutarique ainsi qu'une réductone, un thiol et/ou un sulfite (revendication 1 ; page 6, lignes 61 à 63). Le pH des compositions est typiquement compris entre 3 et 11 (page 6, lignes 14 et 15).

Dans l'analyse de l'activité inventive, l'intimé est parti du document (1) ou du document (4) comme état de la technique le plus proche de l'invention. Selon le requérant, le document (4) serait plus proche de l'invention car il aurait plus de buts en commun, le document (1) s'attachant simplement à éclaircir la coloration. Cependant, il demeure que les compositions décrites dans le document (1) ont également comme objectif d'enlever toute la coloration et de revenir à la couleur naturelle du cheveu. Les compositions des exemples I et III ont justement cette finalité. De plus, le brevet litigieux prévoit aussi la possibilité de décolorer partiellement les fibres kératiniques teintes par des colorants directs (voir page 3, lignes 26 à 27). Cet argument du requérant doit donc être écarté.

Selon le requérant, le document (4) représenterait l'art antérieur le plus proche parce que les sulfites présents dans les compositions du document (4) seraient structurellement plus proches des acides sulfiniques que ne le serait l'acide oxalique des acides alpha-oxocarboxyliques prévus par la revendication 1.

Cependant, les compositions de la revendication 1 du brevet tel que délivré incluaient tous acides alpha-oxocarboxyliques, y compris l'acide oxalique. D'ailleurs les exemples I et III du document (1) anticipaient l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré.

Dans ces circonstances, en accord avec la division d'opposition, la Chambre considère que le document (1) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention. En effet, ce document a plus de buts en commun avec le brevet litigieux et les compositions divulguées dans le document (1) sont structurellement plus proches de celles de la revendication 1 que celles du document (4) s'en différenciant uniquement par le choix d'acides alpha-oxocarboxyliques particuliers.

3. Problème technique

Le requérant a fait valoir que le problème technique à résoudre par l'invention en partant du document (1) était l'amélioration de la décoloration de cheveux teints.

4. Solution proposée

La solution proposée par le brevet en litige est la composition selon la revendication 1 comprenant un acide sulfinique et un acide alpha-oxocarboxylique, caractérisée en ce que l'acide alpha-oxocarboxylique est choisi parmi l'acide glyoxalique, 1'acide pyruvique et l'acide alpha-cétoglutarique.

5. Succès

Le requérant se réfère principalement aux résultats des essais comparatifs déposés en cause d'appel avec une lettre datée du 13 août 2013 comparant les pouvoirs de décoloration obtenues à l'aide des compositions (A1), (A2) et (A3) selon l'invention par rapport à celle obtenue à l'aide d'une composition (B4), reproduisant l'exemple 1 du document (1), pour démontrer qu'une amélioration de la décoloration est bien obtenue avec les compositions revendiquées.

Ainsi, une composition (B4) reflétant l'exemple 1 du document (1) et comprenant l'hydroxyméthane sulfinate de sodium et de l'acide oxalique est comparée aux compositions ((A1), (A2) et (A3) selon l'invention se différenciant de la composition (B4) uniquement par le remplacement équimolaire de l'acide oxalique par l'acide glyoxalique, l'acide alpha-cétoglutarique et l'acide pyruvique, respectivement.

Les compositions ont été mises en ½uvre pour décolorer des mèches de cheveux préalablement colorées avec un mélange de colorants directs et d'oxydation. Les mesures de la différence de couleur des mèches, avant et après décoloration à l'aide de chacune de ces compositions établissent que les compositions (A1), (A2) et (A3) selon l'invention aboutissent à une meilleure décoloration (DELTAE= 45,54 ; 46,39 et 41,55 respectivement) que celle obtenue avec la composition (B4) de l'état de la technique (DELTAE = 26,00).

Ces essais démontrent donc que la caractéristique distinguant les compositions revendiquées de celles de l'état de la technique le plus proche de l'invention, à savoir le remplacement de l'acide oxalique par l'acide glyoxalique, l'acide pyruvique ou l'acide alpha-cétoglutarique améliore la décoloration de mèches de cheveux colorées.

L'intimé avait opposé à la pertinence des essais comparatifs soumis devant la division d'opposition le fait que le pH des compositions mises en ½uvre était de 2,7 alors que le document (1) préconisait un pH compris entre 5,00 et 5,50. Les essais comparatifs soumis avec la lettre du 13 août 2013 réalisés à pH 5,5 remédient à cette objection. De même, le problème de l'extrapolation des résultats obtenus avec un seul acide alpha-oxocarboxylique présentés devant la division d'opposition ne se pose plus puisque qu'une amélioration a été montrée par les essais comparatifs déposés en cause d'appel pour tous les acides alpha-oxocarboxyliques prévus par la revendication 1 de la requête principale.

La Chambre arrive ainsi à la conclusion que le problème de l'amélioration de la décoloration a bien été résolu par l'ensemble des compositions faisant l'objet de la revendication 1 de la requête principale.

6. La seule question en suspens est donc de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique de l'amélioration de la décoloration découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible, en d'autres termes, si à la lumière de l'état de la technique il était évident, pour l'homme du métier, de remplacer l'acide oxalique présent dans les compositions de décoloration du document (1) par l'acide glyoxalique, l'acide alpha-cétoglutarique ou l'acide pyruvique afin d'améliorer la décoloration de cheveux teints.

La division d'opposition et l'intimé ont considéré le document (4) pour démontrer l'évidence de la solution proposée. Cependant ce document ne donne aucun enseignement liant le pouvoir de décoloration à la nature de l'acide alpha-oxocarboxylique, et par conséquent ne suggère pas la solution proposée par le brevet litigieux, à savoir le remplacement de l'acide oxalique par l'acide glyoxalique, l'acide alpha-cétoglutarique et l'acide pyruvique en vue d'améliorer la décoloration des cheveux teints.

Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 du brevet en litige ne découle pas de manière évidente du document (1) en combinaison avec le document (4).

L'intimé n'a pas cité d'autres documents pour étayer son objection d'absence d'activité inventive.

7. En conséquence, l'objet de la revendication 1, et pour les mêmes raisons, celui des revendications dépendantes 2 à 23, des revendications 23 à 34 concernant des procédés de décoloration ou des dispositifs de teinture et décoloration mettant en ½uvre les compositions selon la revendication 1, implique une activité inventive (Article 56 CBE).

8. La Chambre faisant droit à la requête principale, il n'est pas nécessaire de statuer sur la requête subsidiaire 1.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base de la requête principale (revendications 1-34), soumise avec la lettre datée du 11 août 2011 et une description à y adapter.

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