T 0257/11 () of 26.1.2016

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2016:T025711.20160126
Date de la décision : 26 Janvier 2016
Numéro de l'affaire : T 0257/11
Numéro de la demande : 01870169.8
Classe de la CIB : G06K 19/14
B42D 15/10
G07D 7/12
B41M 3/14
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Dispositif antifraude pour document
Nom du demandeur : BANQUE NATIONALE DE BELGIQUE S.A.
Nom de l'opposant : Bundesdruckerei GmbH
Chambre : 3.4.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive - (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours fait suite à la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition formée à l'encontre du brevet européen EP-B-1 179 808 et donc de maintenir celui-ci tel qu'il avait été délivré. La décision a été signifiée aux parties par courrier du 19 novembre 2010.

II. L'opposition avait été formée à l'encontre du brevet dans son ensemble et était fondée sur les motifs d'insuffisance de l'exposé de l'invention (articles 100(b), 83 CBE 1973) et de défaut de nouveauté et d'activité inventive (articles 100(a), 54(1),(2), 56 CBE 1973).

III. La requérante (opposante) a déposé l'acte de recours le 28 janvier 2011. Le règlement de la taxe requise a été effectué le même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé, quant à lui, le 30 mars 2011.

IV. Le requérante a requis l'annulation de la décision de rejet de l'opposition et la révocation du brevet dans son ensemble.

V. L'intimée (titulaire du brevet) a réagi aux arguments présentés par la requérante dans un courrier daté du 31 août 2011. L'intimée n'a alors formulé aucune requête explicite. Il ressort néanmoins de ce courrier que l'intimée requiert le rejet du recours et donc le maintien du brevet tel que délivré.

VI. Par courrier du 14 septembre 2015, les parties ont été citées à comparaître à une procédure orale.

VII. Dans une notification selon l'article 15(1) RPCR du 4 décembre 2015, la Chambre a informé les parties de son analyse préliminaire des arguments présentés.

Concernant l'objection d'insuffisance de l'exposé de l'invention, la Chambre rappelait que les principes généraux relatifs à la synthèse des couleurs, tels que ceux-ci étaient rappelés en relation avec les figures 4a, 4b, 5a et 5b du brevet, étaient bien connus de l'homme du métier et que celui-ci n'aurait eu qu'a s'y rapporter pour reproduire l'objet de l'invention.

En ce qui concernait l'objection de nouveauté soulevée sur la base du document AU-B1-518 156 (E1), la Chambre indiquait qu'elle n'était pas convaincue de l'approche développée par la requérante selon laquelle la présence d'une inscription se détachant d'un fond coloré impliquait l'existence de "deux" motifs : en l'occurrence, un premier motif constitué de l'inscription elle-même et un second motif constitué du fond coloré. En effet, pour la Chambre l'existence d'un motif était révélée par le contraste existant entre celui-ci et l'arrière plan, dès lors que cet arrière plan ne réagit pas de façon identique au spectre du stimulus d'émission. Même s'il semble possible d'inverser les qualificatifs de motif et d'arrière plan, il semble, au contraire, difficile de reconnaître dans cette conception la présence de deux motifs. En effet, la notion même de "motif" implique, selon la Chambre, la présence d'un milieu environnant réagissant différemment au spectre d'illumination, ce dernier ne pouvant dès lors être lui aussi qualifié de motif.

De l'avis de la Chambre, le document GB-A-1 407 065 (E2) paraissait le plus à même d'illustrer l'état de la technique le plus proche de l'objet de l'invention. La Chambre observait, notamment, que le dispositif antifraude revendiqué ne différait du dispositif décrit en page 3, lignes 63-93 de E2 que par la gamme des spectres d'illumination auxquels les motifs devaient réagir pour présenter le même aspect (couleur) ou, au contraire, se distinguer l'un de l'autre.

VIII. La procédure orale devant la Chambre de recours s'est tenue le 26 janvier 2016 en présence de la requérante et de l'intimée.

Les parties ont débattu des questions de suffisance de l'exposé de l'invention, de nouveauté et d'activité inventive.

En ce qui concerne, plus particulièrement, le critère d'activité inventive, les débats se sont focalisés sur l'objection soulevée par la requérante sur la base du document E2.

Les parties ont alors confirmé leurs requêtes respectives, soit l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet dans son ensemble, en ce qui concerne la requérante, et le rejet du recours, en ce qui concerne l'intimée.

IX. La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit:

"1. Dispositif antifraude pour document comprenant un support (3) et au moins deux motifs (A, B) imprimés apposés sur ledit support (3), un de ces motifs (A, B) comprenant une première encre réagissant à un rayonnement ultraviolet d'une longueur d'onde donnée en émettant une couleur déterminée, un autre de ces motifs (B,A) comprend une deuxième encre caractérisé en ce que les compositions de la première et de la deuxième encre, en particulier les pourcentages des substances mises en jeu sont choisies de façon à ce que les deux encres réagissent à un rayonnement ultraviolet de la même longueur d'onde en émettant des couleurs identiques[,] les deux encres, lorsqu'elles sont soumises à un rayonnement ultraviolet d'une deuxième longueur d'onde, émettant des couleurs différentes entre elles."

Les revendications 2 à 8 du brevet tel que délivré dépendent de la revendication 1.

La revendication indépendante 9 du brevet tel que délivré se rapporte à un document en tant que tel muni d'un dispositif du type de celui défini dans la revendication 1.

La revendication indépendante 10 du brevet tel que délivré concerne un procédé d'authentification de document.

Motifs de la décision

1. Texte de la CBE applicable

Il est fait référence aux dispositions de l'acte de révision de la CBE du 29 novembre 2000 et à la décision du Conseil d'administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires de l'article 7 dudit acte de révision.

Dans cette décision, l'indication "1973", suivant l'évocation d'un article ou d'une règle, fera référence à la version antérieure de la CBE. L'absence d'indication signifiera, au contraire, qu'il est fait référence au texte tel que révisé (cf. CBE, "Mode de citation").

2. Recevabilité du recours de la requérante

Le recours formé par la requérante est conforme aux exigences des articles 106 à 108 CBE et à celles de la règle 99 CBE. Il est donc recevable.

3. Activité inventive

3.1 Le document E2 est considéré illustrer l'état de la technique le plus proche de l'objet de l'invention dans la mesure où il partage un but commun avec celle-ci, en l'occurrence, celui de réaliser des dispositifs antifraude pour documents de sécurité (cf. page 1, lignes 10-15). En outre, E2 reproduit le concept essentiel de l'invention qui consiste à réaliser un dispositif de sécurité pour document réagissant différemment à différents stimuli et ceci d'une manière perceptible à l'oeil humain (cf. page 3, lignes 82-107; page 4, lignes 84-89).

Les modes de réalisation évoqués dans E2 font état de stimuli constitués d'un premier spectre d'illumination correspondant à la lumière du jour et un second spectre d'illumination pour lequel les parties extrêmes du spectre visible, dans le domaine des bleus ou des rouges, sont renforcées au moyen de sources de lumière artificielle choisies à cet effet. Ces stimuli sont destinés à interagir avec des encres sélectionnées afin de distinguer, par le biais des couleurs perçues par un observateur, entre deux motifs lorsque le second spectre d'illumination est utilisé. Ceux-ci présentent cependant la même apparence lorsqu'ils seront exposés au premier spectre d'illumination (cf. page 3, lignes 24-34; page 4, lignes 36-74).

3.2 L'objet de la revendication 1 se distingue du dispositif décrit dans E2 en ce que les encres sélectionnées pour la réalisation des deux motifs émettent des couleurs identiques lorsqu'elles sont soumises à un rayonnement ultraviolet, d'une première longueur d'onde, et que c'est également lorsque elles sont soumises à un rayonnement ultraviolet, d'une seconde longueur d'onde, qu'elles émettent des couleurs différentes. En d'autres termes, l'objet revendiqué ne diffère du dispositif connu que par la gamme des spectres d'illumination.

L'invention telle que revendiquée permet de renforcer la fiabilité du dispositif antifraude connu en rendant la réalisation de contrefaçons plus difficile (cf. fascicule de brevet, paragraphe [0013]).

3.3 Contrairement à ce qu'avait estimé la division d'opposition dans sa décision (cf. point 4.3 des motifs), la Chambre considère qu'il eut été évident pour l'homme du métier de modifier le procédé décrit dans E2 et de recourir à des illuminations du dispositif antifraude au moyen de rayonnements dans le domaine des ultraviolets. La division d'opposition avait écarté cette adaptation du dispositif de E2 au motif qu'une telle adaptation aurait eu pour effet de détruire l'effet technique recherché par E2 qui était de permettre une observation à la lumière du jour.

Bien que les modes de réalisation préférés décrits dans E2 fassent effectivement état d'une observation à la lumière du jour, la Chambre observe que ces modes de réalisation ne sont pas exclusifs d'autres conditions d'observation comme cela résulte du passage en page 3, lignes 63 à 73 de E2. Ce passage établit, en effet, que le choix des encres doit être effectué de manière à ce que la condition d'identité des couleurs perçues se fasse pour les conditions d'illumination usuellement employées lors de l'examen des documents en question. Cette indication constitue donc une incitation pour l'homme du métier à ne pas se limiter aux seules sources d'illumination dans le domaine de la lumière visible, mais, au contraire, à envisager une adaptation des modes particuliers de E2 à toute technique d'observation usuelle.

Le constat selon lequel E2 ne contient aucune référence à la possibilité de procéder à l'identification des motifs au moyen de spectres d'illumination dans le domaine des ultraviolets n'est pas pertinent. En effet, E2 a été publié en 1975. Or, en matière d'activité inventive, c'est à la date du dépôt de la demande de brevet en instance, soit en août 2000, qu'il convient de se situer pour déterminer ce que la notion de "techniques usuelles d'observation" aurait alors impliqué pour l'homme du métier.

Comme le démontre le document E1 (cf. page 1, lignes 1-7; page 3, lignes 13-19) et le confirme le paragraphe [0005] de la demande initiale telle que publiée, l'utilisation d'encres réagissant aux rayons ultraviolets pour l'impression du papier-monnaie était alors bien connue. Il eut donc été évident pour l'homme du métier d'adapter l'enseignement de E2 afin de recourir à des encres réagissant aux ultraviolets comme le suggère le paragraphe sus-mentionné de E2.

3.4 L'intimée a souligné au cours de la procédure orale devant la Chambre que les phénomènes inhérents aux procédés de reconnaissance des dispositifs antifraudes selon E2 et selon l'invention étaient fondamentalement différents. Alors que selon E2, la perception des couleurs repose sur le principe d'absorption d'une partie des ondes électromagnétiques du spectre d'illumination, c'est une émission active dans un domaine de fréquence différent de celui du spectre d'illumination qui est à la base des couleurs perçues par l'observateur selon le dispositif de l'invention.

La Chambre ne conteste pas le constat effectué par l'intimée, mais estime qu'il ne fait nullement obstacle à la réalisation de l'invention comme cela a été démontré au paragraphe précédent. En effet, le passage en page 3, lignes 63-73, de E2 aurait incité l'homme du métier à choisir des encres adaptées aux conditions d'illumination qui auront été retenues, c'est-à-dire, en l'espèce, aptes à réagir à une illumination dans le domaine des ultraviolets et à générer des couleurs directement perceptibles par l'oeil humain. À ce titre, le phénomène sous-jacent conduisant à la perception effective de ces couleurs est indifférent pour l'homme du métier dans la mesure où celui-ci obtient le résultat recherché.

Or, comme l'a établi le débat concernant la suffisance de l'exposé de l'invention, des encres réagissant aux ultraviolets sont en elles-mêmes connues, de même que les lois générales dans le domaine de la colorimétrie, auxquelles il est généralement fait recours pour la synthèse des couleurs. Pour ces raisons, l'homme du métier n'aurait pas eu de difficulté, sur la base de ses connaissances générales de colorimétrie, à mettre au point des compositions réactives à des illuminations dans le domaine des UV et susceptibles de produire les mêmes effets que ceux obtenus dans E2 a partir de lumière visible.

3.5 Par conséquent, l'objet de la revendication 1 découle de façon évidente de l'état de la technique.

L'invention revendiquée n'implique donc pas d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE 1973.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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