T 0088/11 (Composition pour la teinture d'oxydation/L'Oréal) of 11.11.2014

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2014:T008811.20141111
Date de la décision : 11 Novembre 2014
Numéro de l'affaire : T 0088/11
Numéro de la demande : 03291531.6
Classe de la CIB : A61K 8/22
A61K 8/25
A61K 8/41
A61Q 5/10
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques humaines
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Henkel AG & Co. KGaA
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : -
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (propriétaire du brevet) a introduit un recours contre la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen n° 1 374 842 sous la forme de la requête subsidiaire 3 alors pendante.

II. Une opposition avait été formée par l'intimé en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité pour manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), en se basant entre autres sur les documents suivants:

(1) WO-A-00/76469,

(4) DE-A-198 24 685 et

(5) DE-A-195 27 121.

Selon la division d'opposition l'objet de la revendication 1 du brevet délivré (requête principale alors pendante) manquait de nouveauté par rapport à l'exemple 1 du document (1). Cependant, en ce qui concernait les requêtes subsidiaires alors pendantes, le document (5) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Par conséquent, les essais comparatifs du propriétaire du brevet déposés avec une lettre datée du 6 août 2010 et visant à montrer une amélioration de l'intensité de la coloration n'étaient pas pertinents car ils avaient été effectués par rapport à la composition de l'exemple 1 du document (1), et non par rapport au document (5). Ils ne permettaient donc pas de conclure que le problème technique de l'amélioration de l'intensité des colorations avait été résolu en partant de l'état de la technique le plus proche de l'invention. Le problème à résoudre se résumait donc en la mise à disposition de compositions de teinture d'oxydation alternatives. La solution proposée dans la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 et 2 alors pendantes consistait en la présence d'un mélange d'un métasilicate alcalin, alcalino-terreux ou d'ammonium avec une alcanolamine dans un rapport pondéral compris respectivement entre 0,2 et 100 et entre 0,2 et 10. Le document (4) divulguait des compositions pour la décoloration des fibres kératiniques contenant du métasilicate et une alcanolamine dans un rapport pondéral supérieur ou égal à 2,25. En appliquant directement l'enseignement du document (4) consistant à choisir le mélange d'alcalinisants des compositions des exemples A1 à A5 et B1 à B5 dans les mêmes rapports pondéraux, l'homme du métier arrivait à la solution proposée dans les requêtes subsidiaires 1 et 2 alors pendantes sans faire preuve d'activité inventive. L'objet de la revendication 1 de ces requêtes découlait donc de manière évidente du document (5) combiné avec le document (4) et n'impliquait donc pas d'activité inventive.

Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 3, la valeur maximale du rapport pondéral était limitée à 2, ce qui ne découlait plus de façon évidente de la combinaison du document (5) avec le document (4). L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 alors pendante impliquait par conséquent une activité inventive.

III. Pendant la procédure orale tenue devant la chambre le 11 novembre 2014, le requérant a défendu son brevet sur la base d'une requête principale déposée au cours de ladite procédure orale et une requête subsidiaire 1 déposée avec une lettre datée du 30 juillet 2014.

La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit:

"1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques humaines et plus particulièrement des cheveux, comprenant dans un milieu cosmétiquement acceptable à base d'eau, et à pH basique, au moins un colorant d'oxydation et un agent alcalinisant, caractérisée en ce que l'agent alcalinisant est une association d'au moins un métasilicate choisi dans le groupe formé par les métasilicates alcalins, alcalino-terreux ou d'ammonium, et d'au moins une alcanolamine avec un rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine compris entre 0,2 et 100."

Selon le requérant les documents (1) et (5) ne concernaient pas le problème technique que se propose de résoudre l'invention, à savoir l'amélioration de l'intensité et de l'homogénéité de la coloration. De ces deux documents, l'état de la technique le plus proche de l'invention était donc celui qui concernait la même utilisation et divulguait les composition structurellement les plus proches de celles du brevet. Les documents (1) et (5) appartenaient au domaine de la coloration capillaire. Les compositions de l'invention différaient de la composition de teinture d'oxydation de l'exemple 1 du document (1) uniquement par le rapport pondéral entre le métasilicate et l'alcanolamine. Cet exemple du document (1) nécessitait le moins de modification structurelle pour arriver à l'objet de la revendication 1 et représentait donc l'art antérieur le plus proche de l'invention. Le problème technique à résoudre était celui de l'amélioration de l'intensité et de homogénéité des colorations. Dans les essais comparatifs déposés avec la lettre datée du 15 février 2011 la composition prête à l'emploi de l'exemple 1 du document (1) a été reproduite. Le rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine de cette composition était de 0,13. Une composition selon l'invention a été produite sur la base de la composition du document (1), mais en modifiant le rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine de 0,13 à 2,5 en diminuant la quantité d'éthanolamine présente dans la composition. Les résultats établissaient que la coloration obtenue avec la composition selon l'invention était plus intense et plus homogène que celle obtenue avec la composition selon le document (1) démontrant ainsi que le problème technique avait été résolu. Il n'y avait aucun enseignement dans les documents (4) et (5) concernant une amélioration de l'intensité et de la sélectivité des colorations. Ces documents ne suggéraient donc pas que l'intensité et l'homogénéité des colorations des compositions tinctoriales puissent être améliorées en modifiant le rapport pondéral entre le métasilicate et l'alcanolamine. L'objet de la revendication 1 de la requête principale impliquait donc une activité inventive.

IV. Selon l'intimé, le document (5) était le document de l'art antérieur le plus proche de l'invention. Ce document concernait la coloration oxydative et appartenait donc au même domaine technique que le brevet litigieux. De plus le document (5) se fixait les mêmes buts que ceux du brevet litigieux, à savoir l'obtention de bonne propriétés de colorations tout en minimisant les odeurs d'ammoniac et les effets secondaires dus à la présence d'agents alcalinisants. Le document (1) quant à lui, bien qu'appartenant au même domaine technique de la coloration éclaircissante des cheveux, était très général et avait comme but de mettre à disposition une composition unique pour éclaircir et colorer les cheveux buts, ainsi que d'obtenir des variations de tons et de nuances dans la coloration. Ces objectifs étaient donc différents de ceux du brevet litigieux. Même en partant du document (1) comme état de la technique le plus proche de l'invention, l'homme du métier était incité par l'enseignement des documents (4) et (5) à utiliser un agent alcalinisant comprenant du métasilicate et une alcanolamine dans les proportions revendiquées pour améliorer l'intensité et l'homogénéité de la coloration. En effet, le document (4) divulguait des compositions de décoloration comprenant comme agent alcalinisant une association d'un métasilicate et d'une alcanolamine avec un rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine compris entre 0,4 et 12,5. De plus le document (5) enseignait que des compositions de teinture dont l'agent alcalinisant comprenait une alcanolamine permettaient d'obtenir des colorations intenses. Ainsi, l'homme du métier en combinant le document (1) avec le document (4) et/ou le document (5) serait parvenu à l'objet de la revendication 1. Par conséquent, l'objet des revendications manquait d'activité inventive.

V. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de sa requête principale déposée le 11 novembre 2014 au cours de la procédure orale devant la Chambre, ou subsidiairement, sur la base de sa requête subsidiaire 1 déposée avec une lettre datée du 30 juillet 2014.

L'intimé a demandé le rejet du recours.

VI. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

2. Modifications

L'unique modification de la revendication 1 par rapport à celle du brevet tel que délivré concerne l'introduction de la caractéristique selon laquelle le rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine est compris entre 0,2 et 100. Cette caractéristique, qui restreint la protection conférée par le brevet tel que délivré, est supportée par la page 3, lignes 35 et 36 de la demande telle que déposée.

Les revendications 23 et 24 du brevet litigieux tel que délivré ont été supprimées et la revendication 25 renumérotée.

Par conséquent, les revendications 1 à 23 sont conformes aux exigences de forme de l'Article 123 (2), (3) CBE.

Activité inventive

3. Art antérieur le plus proche

Le brevet en litige concerne des compositions pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques en ayant pour but de diminuer l'odeur désagréable et les risques d'irritation du cuir chevelu tout en obtenant le niveau d'éclaircissement souhaité et des colorations intenses dans des nuances variées. Les compositions selon le brevet litigieux comprennent dans un milieu aqueux à pH basique, au moins un colorant d'oxydation, au moins un métasilicate et au moins une alcanolamine.

Selon le requérant le document (1) représenterait l'art antérieur le plus proche de l'invention alors que l'intimé prétend que le document (5) doit être le point de départ pour évaluer l'activité inventive.

3.1 Le document (1) concerne des compositions pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques humaines permettant d'obtenir simultanément un éclaircissement et une coloration permanente de la fibre (page 2, lignes 10 à 11). La composition de teinture d'oxydation prête à l'emploi divulguée dans l'exemple 1 comprend du métasilicate de sodium, de l'éthanolamine et des colorants d'oxydation (voir page 22, ligne 35 et 36, page 20, ligne 34, page 22, lignes 8 et 15). Le rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine est égal à 0,13.

Cette composition de teinture du document (1) contient tous les composés requis par la composition de la revendication 1 et donc est structurellement très proche des compositions du brevet litigieux, s'en différentiant uniquement par le rapport pondéral entre le métasilicate et l'alcanolamine.

3.2 Le document (5) concerne également des compositions pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques (page 2, lignes 1 et 2). Cependant les compositions de teinture décrites dans ce document ne comprennent pas de métasilicate, ce qui implique qu'elles sont structurellement plus éloignées des compositions de l'invention que celle de l'exemple 1 du document (1).

3.3 Dans la décision contestée la division d'opposition avait considéré que la composition du document (1) n'était pas structurellement plus proche des compositions du brevet litigieux que celles du document (5), parce que le métasilicate n'était pas présent pour sa fonction d'agent alcalinisant, mais comme support de poudre.

La Chambre ne peut pas souscrire à cette conclusion pour la raison suivante.

Le pH est une caractéristique essentielle des compositions de teinture (voir par exemple document (1), page 22, lignes 34). De plus, il n'est pas contesté que le métasilicate de sodium est un agent alcalinisant. Donc, même si le métasilicate de sodium est utilisé comme de support de poudre des persulfates dans la composition intermédiaire du document (1), l'homme du métier ne peut pas ignorer son pouvoir alcalinisant dans la composition finale prête à l'emploi. D'ailleurs, la division d'opposition avait conclu que la composition de teinture prête à l'emploi de l'exemple 1 du document (1) anticipait l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux tel que délivré, donc forcément en considérant que le métasilicate de sodium était un agent alcalinisant.

3.4 Selon l'intimé, le document (5) serait plus proche de l'invention que le document (1) car il aurait plus de buts en commun avec l'invention que le document (1).

Il est vrai que dans sa partie introductive, le document (5), tout comme le brevet litigieux, évoque les problèmes de l'odeur des compositions tinctoriales et de l'irritation du cuir chevelu en raison de la présence d'ammoniac. Cependant, l'objectif principal du brevet litigieux, qui est également celui des documents (1) et (5), est de colorer les fibres kératiniques humaines par teinture d'oxydation.

Dans le domaine de la teinture d'oxydation des fibres kératiniques humaines de nombreux aspects doivent être pris en considération, notamment les propriétés de la coloration obtenue (intensité, résistance, homogénéité?), les effets secondaires indésirables (irritation du cuir chevelu, odeur désagréable?) et les propriétés de la composition tinctoriale (stabilité, aspect, consistance?). L'homme du métier doit trouver un équilibre entre ces différentes exigences lorsqu'il formule une composition de teinture. Il considérera donc ces différents aspects même s'ils ne sont pas explicitement mentionnés dans un document. C'est pourquoi, le document (1) ne peut pas être écarté comme état de la technique le plus proche de l'invention, alors qu'il divulgue une composition de teinture structurellement beaucoup plus proche que celle du document (5). Ainsi, des documents (1) et (5) qui divulguent tous les deux des compositions de teinture d'oxydation, le plus proche de l'invention est celui qui divulgue la composition de teinture d'oxydation ayant le plus de similarité structurelle ou fonctionnelle avec l'objet revendiqué, en l'occurrence le document (1).

3.5 Par conséquent, en accord avec le requérant, la Chambre considère que le document (1) constitue l'état de la technique le plus proche de l'invention, en particulier l'exemple 1 qui est pris comme point de départ pour l'analyse de l'activité inventive.

4. Problème technique

Le requérant a fait valoir que le problème technique à résoudre par l'invention en partant de la composition tinctoriale du document (1) était l'amélioration de l'intensité de l'homogénéité de la coloration.

5. Solution proposée

La solution proposée par le brevet en litige est la composition tinctoriale selon la revendication 1 caractérisée par un rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine compris entre 0,2 et 100.

6. Succès

Le requérant s'est appuyé sur les essais comparatifs déposés avec la lettre datée du 15 février 2011 pour démontrer que le problème technique était résolu par la solution proposée puisqu'une augmentation du rapport pondéral entre le métasilicate et l'alcanolamine de 0,13 à 0,25 permettait d'obtenir une coloration plus intense et plus homogène. L'intimé n'a pas contesté que le problème technique n'était pas résolu par la solution proposée.

7. La seule question en suspens est donc de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible, en d'autres termes, si à la lumière de l'état de la technique il était évident pour l'homme du métier d'augmenter le rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine de la composition du document (1) dans un intervalle compris entre 0,2 et 100 en vue d'améliorer l'intensité et l'homogénéité de la coloration.

L'intimé se réfère aux documents (4) et (5) pour démontrer l'évidence de la solution proposée.

Le document (4) concerne des compositions sous forme de poudre ou de pâte pour la décoloration de fibres kératiniques humaines comprenant un composé peroxydé, un support alcalin solide et une alcanolamine (revendication 1). Ce document ne concerne pas la coloration des fibres kératiniques humaines. Dans les compositions de décolorations, le métasilicate est utilisé sous forme solide comme matériau de support alcalin. Dans les compositions des exemples A1 à A5 et B1 à B5, il est associé à une amine afin de minimiser les problèmes de poussières.

Le document (5) concerne des compositions de teinture d'oxydation qui comprennent comme agents alcalinisants une association d'un aminoacide ou un oligopeptide ayant une certaine basicité et d'une alcanolamine (voir revendication 1). Ce document ne divulgue pas de compositions contenant un métasilicate. Ce document enseigne que les aminoacides ont pour effet d'éviter la décantation de compositions tinctoriales comprenant une alcanolamine (voir l'exemple 1, page 7).

Par conséquent, aucun des documents (4) ou (5) ne donne un enseignement liant l'intensité et l'homogénéité de la coloration au rapport pondéral métasilicate anhydride/alcanolamine.

Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 du brevet en litige ne découle pas de manière évidente du document (1) seul ou en combinaison avec le document (4) ou document (5). L'intimé n'a pas cité d'autres documents pour étayer son objection d'absence d'activité inventive, et la Chambre quant à elle n'a pas connaissance d'un document qui puisse suggérer à l'homme du métier la solution revendiquée.

8. En conséquence, l'objet de la revendication 1, et pour les mêmes raisons, celui des revendications dépendantes 2 à 22 et de la revendication 23 qui concerne un procédé de teinture mettant en ½uvre les compositions selon la revendication 1, implique une activité inventive (Article 56 CBE).

9. La Chambre faisant droit à la requête principale, il n'est point nécessaire de statuer sur la requête subsidiaire 1.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sur la base des revendications suivantes et une description qui y doit être adaptée.

Revendications :

no: 1-23 selon la requête principale, produites à la procédure orale du 11 novembre 2014.

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