T 1375/10 (Purification H2S/ARKEMA) of 7.12.2012

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2012:T137510.20121207
Date de la décision : 07 Décembre 2012
Numéro de l'affaire : T 1375/10
Numéro de la demande : 03769563.2
Classe de la CIB : C01B 17/16
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de purification d'un gaz de synthèse à base de sulfure d'hydrogène
Nom du demandeur : ARKEMA FRANCE
Nom de l'opposant : BASF SE
Evonik Degussa GmbH
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54(1)
European Patent Convention Art 54(2)
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Nouveauté (requêtes principale et subsidiaire 1) : non
Activité inventive (requête subsidiaire 2) : non - reformulation du problème à résoudre - procédé alternatif évident
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Les présents recours visent à contester la décision intermédiaire datée du 26 avril 2010 par laquelle la division d'opposition a maintenu le brevet européen 1 542 924 sur la base du jeu de revendications soumis au cours de la procédure orale du 13 avril 2010, dont la revendication 1 présente le libellé suivant:

"1. Procédé de purification d'un gaz de synthèse contenant en majorité du sulfure d'hydrogène H2S et obtenu par la réaction de l'hydrogène et du soufre liquide dans un appareil industriel, caractérisé en ce que l'on fait passer ce gaz dans un filtre contenant un solide choisi parmi des grains poreux de charbon actif, d'alumine, de silice, la température opérationnelle du solide poreux étant de 0 à 100ºC."

II. Durant la phase d'opposition, les parties se sont notamment appuyées sur les documents suivants:

D4: US 5 686 056

D4A: Robert H. Perry, Chemical Engineer's Handbook, 6ème édition, page 16-9, Table 16-3 (1988)

D5: Ullmanns Encyklopädie der technischen Chemie, 4ème édition, volume 21, page 171 (1982).

III. Dans sa décision, la division d'opposition a conclu que l'invention telle qu'elle avait été délivrée était dénuée de nouveauté au regard du document D4.

La division d'opposition a toutefois jugé inventif l'objet de la revendication 1 visée au point I. ci-dessus en partant du document D4 comme représentant l'état de la technique le plus proche, car aucun des autres documents de l'état de la technique ne suggérant la plage de températures opérationnelles revendiquée, elle a estimé que l'objet ainsi revendiqué ne découlait pas de manière évidente de l'état de la technique.

IV. Avec son mémoire exposant les motifs du recours daté du 5 septembre 2012, la titulaire du brevet (ci-après "requérante 1") a contesté les conclusions de la division d'opposition et demandé le maintien du brevet tel que délivré, c'est-à-dire avec une revendication 1 présentant le libellé suivant:

"1. Procédé de purification d'un gaz de synthèse contenant en majorité du sulfure d'hydrogène H2S et obtenu par la réaction de l'hydrogène et du soufre liquide dans un appareil industriel, caractérisé en ce que l'on fait passer ce gaz dans un filtre contenant un solide choisi parmi des grains poreux de charbon actif, d'alumine, de silice."

La requérante 1 a en outre soumis une requête subsidiaire Nº1 dont la revendication 1 présente le libellé suivant:

"1. Procédé de purification d'un gaz de synthèse contenant en majorité du sulfure d'hydrogène H2S et obtenu par la réaction de l'hydrogène et du soufre liquide dans un appareil industriel, caractérisé en ce que l'on fait passer ce gaz dans un filtre contenant un solide choisi parmi des grains poreux de charbon actif, d'alumine, de silice, la température opérationnelle du solide poreux étant de 0 à 200ºC, de préférence de 0 à 100ºC."

V. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, l'opposante 1 (ci-après "requérante 2") a soumis un nouveau document:

D10: Holleman-Wiberg, Lehrbuch der anorganischen Chemie, pages 479 à 481 (1985),

et contesté le bien-fondé de la décision incriminée, faisant valoir en particulier un défaut de nouveauté de l'invention telle que maintenue par la division d'opposition au regard des documents D4 et D10.

La requérante 2 a en outre fait valoir un défaut d'activité de celle-ci au regard en particulier du document D4 pris isolément.

VI. Par courrier daté du 19 janvier 2011, la requérante 2 a en outre contesté les requêtes présentées dans le mémoire de recours de la titulaire/requérante 1, faisant en particulier valoir un défaut de nouveauté et/ou d'activité inventive par rapport au contenu des documents D4 et/ou D5.

VII. En réponse à ces objections, la requérante 1 a présenté une note d'observations datée du 28 janvier 2011.

VIII. En réponse à la citation à la procédure orale, l'opposante 2 - partie de droit à la procédure - a présenté en date du 6 novembre 2012 des observations basées en particulier sur les documents D4 et D5.

IX. Au cours de la procédure orale, qui s'est tenue le 7 décembre 2012, les discussions se sont concentrées sur les questions de nouveauté et d'activité inventive et concernaient essentiellement le contenu du document D4 et les connaissances générales de l'homme du métier.

X. Concernant les requêtes des parties:

La requérante 1/titulaire du brevet a demandé à titre principal l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré. A titre subsidiaire, elle a demandé le maintien du brevet sur la base du jeu de revendications subsidiaire Nº1 daté du 5 septembre 2012. Enfin, à titre de seconde requête subsidiaire, elle a demandé le rejet du recours de la requérante 2/ opposante 1.

La requérante 2 a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

Motifs de la décision

1. Concernant la nouveauté de l'objet de la revendication 1 telle que délivrée (requête principale)

1.1 Le document D4 (colonne 1, lignes 5 à 9) concerne la production de sulfure d'hydrogène par réaction d'hydrogène gazeux avec du soufre liquide, et plus particulièrement l'élimination des impuretés du gaz à base de sulfure d'hydrogène issu de cette réaction.

D4 (colonne 1, lignes 51 à 63; colonne 2, lignes 41 à 53; colonne 3, lignes 20 à 26) décrit en particulier un procédé de purification du gaz à base de sulfure d'hydrogène au travers d'un milieu filtrant comprenant de préférence une multitude de pores de formes irrégulières et permettant le piégeage desdites impuretés. A titre d'exemples de milieu filtrant, D4 divulgue la mise en oeuvre de tamis moléculaires, d'alumine activée, de pièges à sable ou encore de lits de carbone, avec une préférence particulière pour l'utilisation de tamis moléculaires.

1.2 La requérante 1 a fait valoir qu'aucun de ces milieux filtrants spécifiques ne correspondait à ceux revendiqués et en particulier qu'ils n'étaient pas constitués de grains poreux, tel qu'exigé par la revendication 1 du brevet tel que délivré.

1.3 La chambre ne partage pas ce point de vue, car D4 (colonne 2, lignes 49 à 52) décrit la mise en oeuvre d'un milieu filtrant comprenant préférentiellement une multitude de pores de formes irrégulières permettant le piégeage des impuretés, et l'alumine activée ("activated alumina") y est explicitement décrite comme milieu filtrant particulier.

Dans ce contexte, le terme "alumine activée" ne représente pour l'homme du métier pas n'importe quelle alumine, mais directement et sans équivoque une alumine poreuse et se présentant sous une forme lui permettant d'être utilisée comme adsorbant d'impuretés, à savoir une forme solide.

Pour la chambre, il découle de ce qui précède que l'alumine solide et poreuse décrite dans D4 est synonyme de celle définie à la revendication 1 du brevet, à savoir une alumine sous forme de "grains poreux".

1.4 Il s'ensuit des points 1.1 et 1.3 ci-dessus que le contenu du document D4 détruit l'objet de la revendication 1 telle que délivrée. Cette dernière ne satisfait par conséquent pas aux exigences de l'article 54(1)(2) CBE.

2. Concernant la nouveauté de l'objet de la revendication 1 selon la première requête subsidiaire

L'objet de la revendication 1 de cette requête diffère de la précédente en ce que la température opérationnelle du solide poreux est définie comme étant de 0 à 200ºC.

2.1 La chambre observe qu'aucune température opérationnelle n'est littéralement divulguée dans le document D4.

Dans le système de purification selon la Figure 1, tel que divulgué en colonne 3, lignes 49 et suivantes, le gaz à base de sulfure d'hydrogène est toutefois décrit comme passant dans un refroidisseur permettant de solidifier une grande partie du soufre résiduel, de sorte que le sulfure d'hydrogène quittant le refroidisseur contienne encore de l'ordre de 400 ppm d'impuretés incluant, par exemple, le soufre entraîné par le gaz et H2Sx.

2.2 Selon la chambre, l'information selon laquelle une grande partie du soufre résiduel est solidifiée dans le refroidisseur permet de conclure directement et sans équivoque que la température du sulfure d'hydrogène gazeux issu du refroidisseur est égale ou inférieure au point de solidification du soufre, qui est de 119ºC.

Le milieu filtrant poreux assurant l'élimination desdites impuretés n'étant par ailleurs pas chauffé (un chauffage est prévu après l'étape de filtration dans le réchauffeur 18 ("Heater")) et celui-ci étant disposé directement en aval du refroidisseur, il peut être affirmé que sa température opérationnelle est du même ordre ou inférieure à la température du gaz à purifier, et donc largement inférieure à la borne supérieure (200ºC) de l'intervalle de températures défini dans la revendication 1 en instance.

Attendu que le refroidissement dans ce type d'installation est de manière générale réalisé à partir d'un fluide peu onéreux, généralement de l'eau de rivière ou équivalent, dont la température est nécessairement supérieure à 0ºC, la température du refroidisseur selon D4 et donc la température opérationnelle du milieu poreux filtrant situé en aval de celui-ci, est donc manifestement située supérieure à cette valeur et par conséquent à la borne inférieure (0ºC) de l'intervalle de températures défini dans la revendication 1 en instance.

De ce qui précède, il peut être conclu directement et sans équivoque que la température opérationnelle du solide poreux selon D4 est implicitement comprise entre 0ºC et 200ºC.

2.3 La requérante 1 a contesté cette conclusion, faisant valoir que le passage décrivant la Figure 1 en colonne 3, lignes 49 et suivantes, était limité au mode spécifique mettant en oeuvre un tamis moléculaire et qu'il était par conséquent impossible de déduire de ce passage la température opérationnelle d'un milieu filtrant poreux à base d'un autre matériau, comme par exemple l'alumine activée décrite dans D4.

2.4 La chambre ne peut se joindre à cet argument, car même si le mode opératoire décrivant la Figure 1 se concentre sur la mise en oeuvre d'un tamis moléculaire, il est un fait établi que la température de solidification du soufre est invariable et donc indépendante du milieu filtrant situé en aval du refroidisseur. Les considérations de la chambre au point 2.2 ci-dessus sont par conséquent valables quel que soit le milieu filtrant mis en oeuvre dans le procédé selon D4.

2.5 Il découle des points 2.1 à 2.4 que le contenu de D4 détruit également la nouveauté de l'objet de la revendication 1 selon la première requête subsidiaire, qui de ce fait est également non-conforme aux exigences de l'article 54(1)(2) CBE.

3. Concernant la nouveauté de l'objet de la revendication 1 selon la seconde requête subsidiaire

L'objet de la revendication 1 de cette requête diffère de la précédente en ce que la température opérationnelle du solide poreux a été restreinte à l'intervalle de 0 à 100ºC.

3.1 Selon la chambre le document D4 ne décrit pas cet intervalle et l'objet ainsi revendiqué est par conséquent nouveau et conforme aux exigences de l'article 54(1)(2) CBE.

3.2 La chambre ne peut à cet égard suivre l'argumentaire de la requérante 2 selon lequel la "température d'équilibre du soufre" ("sulfur equilibrium temperature") - dont il est question en colonne 4, lignes 16 et 17 de D4 -correspondrait à la valeur "95,5º" décrite en Figure 141 du document D10. La Figure 141 divulgue en effet en supplément de la valeur "95,5º" d'autres valeurs (112,5º; 199,0º; 134º), qui elles aussi correspondent à des températures "d'équilibre du soufre". A défaut de preuve du contraire, il n'a donc pas été établi que la température de sortie du refroidisseur décrite dans le passage susmentionné de D4 comme étant "la température d'équilibre du soufre" est effectivement la température de 95,5ºC mise en exergue par la requérante 2.

4. Concernant l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 selon la seconde requête subsidiaire

S'appuyant sur l'approche problème-solution développée par les chambres de recours, la chambre est parvenue à la conclusion que l'objet de la revendication 1 de cette requête ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 56 CBE pour les raisons suivantes:

4.1 Le brevet contesté concerne dans sa revendication 1 un procédé de purification d'un gaz de synthèse contenant en majorité du sulfure d'hydrogène H2S obtenu par réaction de l'hydrogène et du soufre liquide.

4.2 Un tel procédé est également décrit dans le document D4, que les parties ont reconnu comme représentant l'état de la technique le plus proche et donc, le point de départ le plus adapté pour l'appréciation de l'activité inventive. D4 décrit - comme établi aux points 1.1 à 1.3 - toutes les caractéristiques de la revendication 1 en instance, et en particulier le passage du gaz à purifier au travers d'un filtre contenant des grains poreux d'alumine activée présentant une température opérationnelle proche ou inférieure à la température de solidification du soufre, à savoir 119ºC.

4.3 S'agissant de définir le problème à résoudre par l'objet revendiqué, le brevet contesté (paragraphes [0003], [0004] et [0012]) décrit la mise au point d'un procédé alternatif à ceux de l'art antérieur pour éviter le bouchage des canalisations par le soufre en aval du condenseur permettant la récupération du soufre par solidification. Au cours de la procédure orale, la requérante 1 a fait valoir que le problème à la base de la revendication 1 de la seconde requête subsidiaire résidait dans la détermination de la plage optimale de température permettant de piéger les quelques ppm résiduels de soufre à l'état vapeur se présentant sous la forme S8.

4.4 La solution proposée par le brevet contesté, à savoir le procédé selon la revendication 1 de la requête en instance, est caractérisée en ce que la température opérationnelle du solide poreux se situe dans la plage allant de 0 à 100ºC.

4.5 A la question de savoir si le problème défini au point 4.3 est effectivement résolu, la chambre note qu'à aucun moment le brevet contesté n'aborde le piégeage de soufre S8 à l'état vapeur. Cet effet ne peut donc, conformément à la jurisprudence en vigueur, servir de base à la formulation du problème à résoudre. Aucune amélioration n'ayant en outre été démontrée par rapport au procédé similaire de purification décrit dans le document D4, il en découle que le problème se limite à la simple mise au point d'un procédé de purification alternatif à celui décrit dans D4.

4.6 Pour la chambre il n'y a pas lieu de penser que ce problème n'ait pas été résolu. Les exemples du brevet montrent en effet qu'un gaz refroidi à 30ºC et contenant pour l'essentiel de l'hydrogène sulfuré peut efficacement être débarrassé de ses impuretés par un filtre à base de grains poreux de charbon actif.

4.7 S'agissant d'apprécier si la solution proposée par le brevet contesté découle ou non de manière évidente de l'état de la technique, la chambre observe - tel qu'établi ci-avant (voir points 2.1 et 2.2) - que le document D4 divulgue la nécessité de refroidir (à une température égale ou inférieure à la valeur de 119ºC) l'hydrogène sulfuré gazeux en amont de l'étape de purification sur un filtre à base de grains poreux constitués par exemple d'alumine activée.

D4 ne décrit pas littéralement une température de refroidissement inférieure à 100ºC, mais il fait partie intégrante des connaissances générales de l'homme du métier que la tension de vapeur d'un composé chimique quelconque - en l'espèce le soufre - baisse avec la température. Il s'ensuit que l'homme du métier est à même de conclure qu'un refroidissement plus poussé au niveau du condenseur selon D4 réduirait d'autant la concentration en soufre résiduel dans le gaz à purifier et par la même occasion les risques de colmatage en aval du condenseur. L'homme du métier est donc fortement incité par ses connaissances générales à abaisser la température en amont du filtre, et a fortiori la température opérationnelle de ce dernier.

De ce qui précède et en l'absence de préjugé technique contre l'abaissement de la température opérationnelle du filtre mis en oeuvre dans le procédé selon D4, la chambre est d'avis qu'une diminution de celle-ci de seulement 19ºC (pour passer de 119ºC à 100ºC) fait pleinement partie des compétences de l'homme du métier en charge de mettre au point un procédé alternatif à celui décrit dans D4, car en l'absence d'effet ou d'avantage particulier lié au choix de la plage spécifique de températures définie à la revendication 1, celle-ci découle de manière évidente de l'état de la technique et plus particulièrement des connaissances générales de l'homme du métier.

4.8 Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 n'est pas conforme aux exigences de l'article 56 CBE. La requête subsidiaire 2 ne peut donc être accordée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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