T 1045/10 (Circovirus porcin/MERIAL) of 7.10.2014

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2014:T104510.20141007
Date de la décision : 07 Octobre 2014
Numéro de l'affaire : T 1045/10
Numéro de la demande : 03016998.1
Classe de la CIB : A61K 39/12
A61K 39/42
C07K 16/08
C07K 14/01
G01N 33/53
C12Q 1/68
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Méthode de diagnostic in vitro de l'infection par le circovirus porcin de type II et réactifs de diagnostic
Nom du demandeur : MERIAL
The Queen's University of Belfast
The University of Saskatchewan
Nom de l'opposant : Intervet International B.V.
Chambre : 3.3.08
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Activité inventive - (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Par une décision en date du 21 avril 2010, la division d'opposition a révoqué le brevet européen numéro 1 386 617 avec le titre "Méthode de diagnostic in vitro de l'infection par le circovirus de type II et réactifs de diagnostic" délivré sur la base de la demande divisionnaire de brevet européen numéro 03016998.1.

II. La révocation a été décidée sur la base d'une requête principale, constituée par les revendications 1 à 21 du brevet tel que délivré, et de deux requêtes subsidiaires (dénotées "A" et "B") remises lors de la procédure orale tenue le 24 février 2010. Les motifs de la révocation ont été un manque d'activité inventive (article 56 CBE) en ce qui concerne la requête principale et la requête subsidiaire B et un manque de clarté (article 84 CBE) en ce qui concerne la requête subsidiaire A.

III. Les titulaires du brevet (les requérants) ont formé un recours et présenté un mémoire, daté du 27 août 2010, en exposant les motifs. Ce mémoire était accompagné de deux nouvelles requêtes subsidiaires 1 et 2 se substituant aux requêtes subsidiaires A et B. La tenue d'une procédure orale était demandée.

IV. Par une lettre en date du 1er mars 2011, l'unique opposant a annoncé qu'il retirait son opposition.

V. Avec une lettre datée du 3 mai 2013, un tiers a présenté des observations, selon l'article 115 CBE.

VI. Avec une lettre datée du 15 juillet 2013, les requérants ont répondu aux observations du tiers, en soumettant des commentaires accompagnés d'un nouveau document.

VII. Le jeu de revendications du brevet tel que délivré (requête principale) comporte 21 revendications dont les revendications 1, 13 et 18 se lisent comme suit :

"1. Méthode de diagnostic de l'infection par un circovirus porcin de type II responsable chez le porc du syndrome de dépérissement généralisé de post-sevrage (PMWS), méthode dans laquelle l'on met en présence un échantillon de fluide physiologique ou un prélèvement de tissu d'un porc et un réactif de diagnostic spécifique du circovirus de type II, et l'on révèle la présence éventuelle d'antigène, anticorps ou acide nucléique spécifique du circovirus porcin de type II, dans cet échantillon ou prélèvement."

"13. Préparation isolée d'anticorps spécifiques du circovirus porcin de type II responsable chez le porc du syndrome de dépérissement généralisé de post-sevrage (PMWS), susceptible d'être obtenue à partir d'un circovirus porcin de type II ou d'un fragment antigénique d'un circovirus porcin de type II, ou à partir d'un polypeptide codé par un fragment de la séquence SEQ ID NO : 6."

"18. Préparation antigénique isolée, comprenant un antigène spécifique du circovirus porcin de type II responsable chez le porc du syndrome de dépérissement généralisé de post-sevrage (PMWS), cet antigène étant reconnu par des anticorps spécifiques du circovirus porcin de type II et permettant de diagnostiquer l'infection par un circovirus porcin de type II."

Les revendications 2 à 12 et 14 à 17 sont sous la dépendance, les premières, de la revendication 1 et, les dernières, de la revendication 13.

La revendication 19 concerne un kit pour le diagnostic de l'infection par un circovirus porcin de type II responsable chez le porc du syndrome de dépérissement généralisé de post-sevrage (PMWS) comprenant au moins un anticorps et/ou un antigène tel(s) que défini(s) à l'une quelconque des revendications 13 à 18.

Les revendications 20 et 21 sont sous la dépendance de la revendication 19.

VIII. Les documents suivants sont cités dans la présente décision :

(D16) : G. P. S. Nayar et al., The Canadian Veterinary Journal, juin 1997, vol. 38, pages 385 à 386 ;

(D17) : B. Daft et al., Proceedings of the 39th Annual Meeting of the American Association of Veterinary Laboratory Diagnosticians, 12 au 18 octobre 1996, page 32 ;

(D19) : B. M. Meehan et al., Journal of General Virology, 1997, vol. 78, pages 221 à 227 ;

(D48) : J. C. Harding, Proceedings of the 28th Annual Meeting of the American Association of Swine Practitioners, 1-4 mars 1997, page 503 ;

(D49) : E. G. Clark, Proceedings of the 28th Annual Meeting of the American Association of Swine Practitioners, mars 1997, pages 499 et 500 ;

(D51) : A. L. Hamiel et al., Journal of Clinical Microbiology, février 1995, vol. 33, n° 2 pages 287 à 291 ;

(D53) : I. Tischer et al., Archives of Virology, 1986, vol. 91, pages 271 à 276.

IX. Les arguments présentés par les requérants, pour autant qu'ils sont utiles pour la présente décision, peuvent être résumés de la façon suivante :

Le document D16 étant considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche, le problème technique résolu par l'invention était la mise à disposition de moyens propres à permettre le diagnostic chez le porc du syndrome de dépérissement généralisé de post-sevrage (PMWS). La solution à ce problème était la méthode selon la revendication 1 utilisant des moyens de diagnostic pour la détection d'un nouveau circovirus porcin.

La description des tests rapportés dans le document D16 présentait des insuffisances qui limitaient la portée des informations qu'il contenait.

Il était étonnant alors que le caractère ubiquitaire du circovirus porcin décrit dans l'art antérieur (nommé ci-après PCV I) était reconnu, qu'il n'ait été détecté que dans 15 % des animaux testés. En fait, le test PCR utilisé pour détecter la présence d'ADN de PCV I, qu'il s'agissait des réactifs, notamment des primers, ou de son protocole, n'était pas décrit.

L'absence de contrôle négatif impliquant des animaux sains était un défaut majeur. Il mettait en cause la conclusion du document selon laquelle des souches spécifiques de PCV I pouvaient être pathogènes et être associées au syndrome PMWS.

Les signes cliniques du syndrome PMWS pouvaient être confondus avec ceux du syndrome PRRS. Il était possible que certains des animaux testés aient été affectés par cet autre syndrome, ce qui aurait expliqué la détection du virus correspondant (PRRSV) dans 3 des 15 échantillons testés positifs pour le PCV I.

Les analyses de profils de restriction enzymatique décrites dans le document D16 ne faisaient que suggérer qu'un certain degré de variabilité existait parmi les souches de PCV I rencontrées dans les populations porcines.

Il n'y avait aucun support dans le document D16 en faveur de l'existence ou de l'identification d'un nouveau type de circovirus porcin (en fait un groupe de souches fortement apparentées entre elles) se différenciant du PCV I. Les données contenues dans le document D16 ne permettaient pas de conclure qu'un nouveau circovirus porcin avait été identifié qui aurait été l'agent causal du syndrome PMWS. Le document ne permettait pas d'exclure la prise en considération à cet égard d'autres agents infectieux responsables d'autres syndromes ou maladies (syndrome PRRS, grippe porcine ou encore pneumonie).

Les cinq autres documents cités dans la décision attaquée pour l'appréciation de l'activité inventive, c'est-à-dire les documents D17, D19, D48, D49 et D53, pris isolément ou en combinaison, n'auraient pas orienté l'homme du métier vers l'identification d'un nouveau virus différant significativement des souches du circovirus porcin PCV I et la démonstration qu'il était responsable du syndrome PMWS. Ce n'était que par la connaissance a posteriori ("hindsight") de son existence que l'homme du métier aurait pu parvenir à la méthode et aux moyens de détection de l'invention.

X. Le requérant demande l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet tel que délivré ou sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 et 2 remises avec le mémoire exposant les motifs du recours.

Motifs de la décision

Requête principale

Articles 100c), 87 et 54 CBE

1. La chambre ne voit aucune raison de dévier des conclusions de la division d'opposition dans la décision attaquée constatant que le motif d'opposition visé à l'article 100c) CBE ne s'oppose pas au maintien du brevet tel que délivré, que le droit de priorité (article 87 CBE) revendiqué est valable, et que l'objet du brevet satisfait à l'exigence de nouveauté (article 54 CBE).

Article 56 CBE

2. La division d'opposition a par contre considéré que la requête principale n'implique pas une activité inventive en considération du contenu du document D16, choisi comme figurant l'art antérieur le plus proche, pris en combinaison avec celui du document D19, compte tenu des connaissances générales de l'homme du métier telles que reflétées par le document D49.

3. Le document D16 rapporte en quelques lignes les conclusions d'une expérimentation menée par les auteurs, en vue de rechercher s'il existait un lien entre le circovirus porcin (PCV) et le syndrome de dépérissement généralisé de post-sevrage ("Post-Weaning Multisystemic Wasting Syndrome" ou PMWS) du porc. Les tissus (poumon, tissus lymphoïdes, rate, ou intestins) d'"environ" 100 porcs présentant des signes cliniques et une pathologie correspondant au syndrome PMWS ont été testés.

4. Un test PCR, pour lequel il est simplement précisé qu'il a été dérivé d'un test PCR permettant la détection du virus de la diarrhée virale des bovins (un virus linéaire à ARN), comme décrit dans la référence 6 (qui correspond au document D51 dans la procédure de recours), a été utilisé en vue de mettre en évidence dans les échantillons testés la présence de séquences d'ADN de circovirus porcin.

5. Dans 15 cas, c'est-à-dire dans les échantillons de tissus prélevés sur 15 animaux différents, de telles séquences d'ADN de circovirus porcin ont été effectivement mises en évidence. Trois de ces mêmes échantillons ont été trouvés positifs pour le virus du syndrome PRRS et deux d'entre eux pour Mycoplasma hyopneumoniae.

6. A partir de chacun des 15 échantillons trouvés positifs pour le circovirus porcin, des cartes et des profils de restriction enzymatique ("RE types") ont été établis et comparés avec les profils établis pour deux souches de l'art antérieur (la souche isolée de la lignée cellulaire PK/15 et celle décrite dans la référence 7 du document D16 qui correspond au document D19 dans la procédure de recours). Les auteurs concluent que les souches qu'ils ont caractérisées différent de ces deux souches antérieures considérées comme non pathogéniques. Ils concluent de surcroît que des souches spécifiques ou des variants de PCV peuvent être pathogéniques et pourraient être associées au syndrome PMWS.

7. En considération du contenu du document D16, la division d'opposition a défini le problème technique à résoudre comme étant "l'isolement et la caractérisation de l'agent infectieux, possiblement pathogène, présent dans les (associés aux) échantillons ou prélèvements provenant de porcs présentant le syndrome PMWS (cf. le haut de la page 15 de la décision attaquée).

8. La chambre considère approprié de re-définir le problème technique comme la mise à disposition d'une méthode permettant la détection d'un virus présent dans les tissus d'un porc montrant les signes caractéristiques du syndrome de dépérissement généralisé de post-sevrage.

9. Comme solution à ce problème, le brevet propose la méthode selon la revendication 1, selon laquelle l'on met en présence un échantillon à tester et un réactif dit de diagnostic permettant la détection spécifique d'un nouveau type de virus jusqu'alors inconnu, dénommé "circovirus porcin de type II", dont les isolats analysés dans le brevet sont représentatifs. Ces isolats présentent entre eux une très forte homologie au niveau nucléotidique dépassant 96%, alors qu'une homologie beaucoup plus faible d'environ 76 % avec l'isolat PK/15 de circovirus porcin identifié dans l'art antérieur qui représente le circovirus porcin de type I (voir paragraphes [0006] et [0099 à 0100] dans le fascicule du brevet).

10. La divulgation qui est faite dans le brevet, en particulier dans sa partie expérimentale, permet de constater que le problème technique a été effectivement résolu. Référence est faite à cet égard aux exemples 6, 14 et 15. L'exemple 6 décrit l'extraction de l'ADN génomique de nouvelles souches de PCV préparées à partir de cultures de cellules infectées à l'aide d'une préparation de tissu prélevés sur des porcs présentant des lésions de dépérissement généralisé. L'exemple 14 confirme le caractère infectieux de l'une de ses souches et l'exemple 15 décrit la production à partir de cette souche d'un clone contenant un matériel génétique PCV infectieux qui permet d'obtenir des antigènes viraux utilisables comme réactifs de diagnostic.

11. La question à laquelle il convient de répondre à présent est celle de savoir si un homme du métier, partant de l'enseignement apporté par le document D16 et prenant en compte le document D19, compte tenu de ses connaissances générales telles que reflétées par le document D49, serait arrivé d'une manière évidente à la méthode de la revendication 1.

12. Les résultats expérimentaux rapportés dans le document D16 et les conclusions de ses auteurs (voir points 3 à 7 ci-dessus) auraient conduit l'homme du métier à tout au plus concevoir que des souches de circovirus porcin ou des variants de souches de circovirus porcin connues dans l'art antérieur puissent être associés aux manifestations du syndrome PMWS du porc chez certains animaux. Mais en aucun cas il n'aurait pu concevoir qu'un circovirus à ARN significativement différent puisse être impliqué.

13. Le document D19 présente une étude comparative de la séquence ADN d'un isolat de PCV et de celle d'autres circovirus, à savoir le CAV ("Chicken Anaemia Virus"), le BBTV ("Banana Bunchy Top Virus"), le SCSV ("Subterranean Clover Stunt Virus") et le CFDV ("Coconut Foliar Decay Virus"). Cité dans le document D16 uniquement pour servir de référence au regard de l'une des souches de circovirus porcin (PK/15) utilisées pour caractériser les souches identifiées dans les tissus des porcs testés, le document D19 n'aurait apporté aucune information supplémentaire utile pour l'homme du métier.

14. Le document D49, qui, n'étant ni un dictionnaire ni un ouvrage scientifique ou technique de référence, ne peut pas rendre compte des connaissances générales de l'homme du métier, décrit des observations anatomiques postmortem et histopathologiques faites sur les organes de porcs affectés par le syndrome PMWS. Dans sa conclusion, il suggère que le circovirus porcin participe aux lésions dudit syndrome (voir page 500, dernier paragraphe). Le seul mérite du document D49 aurait été d'inciter l'homme du métier à s'engager dans une recherche plus approfondie pour trouver une explication à la présence de circovirus porcin dans les lésions caractéristiques du syndrome PMWS.

15. En ce qui concerne les documents D17, D48 et D53 qui n'ont été qu'accessoirement cités dans l'analyse faite par la division d'opposition dans la décision contestée, il y a lieu d'observer ce qui suit :

15.1 Le document D17 se limite à rapporter la mise en évidence de séquences d'ADN de PCV dans les poumons et les ganglions lymphatiques d'un porc présentant les symptômes d'une pneumonie interstitielle et d'une lymphadénopathie.

15.2 Le document D48 fait une présentation des signes cliniques caractéristiques du syndrome PMWS et suggère sans plus d'explications que l'agent causal puisse être un virus qui n'est pas nommé (voir page 203, le premier paragraphe complet de la colonne de droite).

15.3 Le document D53 rapporte une étude épidémiologique réalisée en 1986 portant sur des 'miniporcs' qui, infectés artificiellement avec la souche de circovirus porcin produite par la lignée cellulaire PK/15, n'ont présenté aucun signe d'une maladie.

16. Il est clair qu'aucun de ces trois documents (D17, D48 et D53) n'aurait apporté à l'homme du métier une quelconque donnée supplémentaire qui soit significative.

17. La chambre conclut que l'homme du métier faisant face au problème technique objectif défini au point 8 et partant du document D16, instruit du contenu de ce faisceau de documents (D19 et D49, plus accessoirement D17, D48 et D53) n'aurait pas été en mesure de concevoir qu'un circovirus autre que le circovirus porcin de type I existât et que ce virus fût associé au syndrome PMWS. A défaut de la connaissance de l'existence et du rôle de ce virus, qui ne lui aurait été accessible qu'a posteriori ("with hindsight"), il n'aurait donc pas pu d'une manière évidente concevoir la méthode de diagnostic de la revendication 1.

18. L'objet de la revendication 1 implique par conséquent une activité inventive. La même conclusion vaut pour les revendications 2 à 21.

19. Les observations selon l'article 115 CBE ont été soumises à un stade très tardif de la procédure. De plus, la chambre a considéré prima facie que les arguments qui y étaient développés ne différaient pas sensiblement de ceux de la décision contestée. C'est pourquoi, usant de son pouvoir discrétionnaire, la chambre a décidé de ne pas introduire ces observations dans la procédure.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est maintenu tel que délivré.

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