T 0937/10 () of 29.1.2013

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2013:T093710.20130129
Date de la décision : 29 Janvier 2013
Numéro de l'affaire : T 0937/10
Numéro de la demande : 93401980.3
Classe de la CIB : A61K 7/00
A61K 7/08
A61K 7/50
A61K 7/48
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Composition cosmétique contenant en suspension des particules non hydrosolubles
Nom du demandeur : RHODIA CHIMIE
Nom de l'opposant : Unilever PLC
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention R 80
Mot-clé : Requête principale - Activité inventive (non)
Requêtes subsidiaires 1, 2, 3, 5, 6 - Activité inventive (non)
Requête subsidiaire 4 - Modification occasionnée par un motif d'opposition (non)
Requête subsidiaire 7 - Modifications admises (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours a été formé contre la décision de la division d'opposition, prononcée lors de la procédure orale du 12 janvier 2010 et remise à la poste le 5 mars 2010, de rejeter l'opposition formée à l'encontre du brevet européen nº 0586275.

II. Le brevet a été délivré avec 17 revendications.

Le libellé de la revendication 1 indépendante s'énonce comme suit:

"1. Composition cosmétique fluide aqueuse, contenant en suspension des particules non hydro solubles

caractérisée en ce qu'elle est exempte de solvant organique et comprend en outre au moins un tensio actif anionique, un cotensio-actif de nature non ionique ou amphotère et un électrolyte,

lesdits tensio actifs étant en quantités telles que ladite composition possède un comportement pseudoplastique avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2Pa et présente une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites aptes à maintenir en suspension de manière stable et homogène lesdites particules, la teneur en base lavante étant inférieure à 30%."

Les revendications 2 à 16 sont des revendications dépendantes de la revendication 1.

La revendication 17 indépendante concerne un procédé de préparation d'une composition cosmétique selon l'une des revendications 1 à 16.

III. Une opposition a été formée à l'encontre du brevet. Dans le mémoire d'opposition, l'opposante a visé les motifs d'opposition énoncés aux articles 100 a) CBE (manque de nouveauté, manque d'activité inventive et autres raisons non spécifiées), 100 b) CBE et 100 c) CBE, cependant elle n'a soumis de faits et justifications qu'à l'appui du manque de nouveauté et d'activité inventive.

IV. Les documents suivants, cités au cours des procédures d'opposition et/ou de recours, restent pertinents pour la présente décision:

D3: EP 0 530 708 A2

D7: US 4 793 943

V. Dans la décision objet de la présente procédure de recours, la division d'opposition a estimé que l'objet revendiqué dans le brevet tel que délivré était nouveau et impliquait une activité inventive.

En ce qui concerne la nouveauté, elle a considéré que D3 ne divulguait ni explicitement ni implicitement le paramètre "seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2 Pa", et que D7 ne divulguait pas de manière directe et non ambigu? des compositions cosmétiques présentant une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites, avec une valeur de seuil d'écoulement supérieure ou égale à 0,2 Pa.

La division d'opposition a établi que la date de priorité du brevet opposé n'était pas valablement revendiquée et que la demande de brevet européen D3, publiée après la date de priorité mais avant la date de dépôt du brevet opposé, faisait partie de l'état de la technique défini à l'article 54(2) CBE.

Selon la décision contestée, les deux parties ont considéré le document D3 comme état de la technique le plus proche, puisque appartenant comme le brevet opposé au domaine technique de la cosmétique. La division d'opposition a considéré le document D3 et séparément le document D7 comme point de départ pour l'appréciation de l'activité inventive. Le problème technique à résoudre a été défini comme étant la réalisation d'une composition cosmétique fluide appropriée à la mise en suspension de particules non hydrosolubles, la solution à ce problème consistant en l'identification des compositions selon le brevet opposé ayant des propriétés rhéologiques appréciables.

La division d'opposition a estimé que D3 ne suggérait pas l'identification d'une phase présentant un seuil d'écoulement supérieur ou égal à 0,2 Pa, et n'indiquait pas à l'homme du métier pourquoi ou comment modifier les compositions de D3 pour aboutir aux compositions revendiquées. Quant à D7, elle était d'avis que ce document dissuadait le lecteur d'identifier une composition présentant une phase lamellaire.

Dans la décision contestée, il est aussi mentionné que l'opposante n'avait plus évoqué le motif d'opposition selon l'article 100 b) CBE lors de la procédure orale du 12 janvier 2010. La division d'opposition a en outre rejeté le motif d'opposition au sens de l'article 100 b) CBE comme non motivé.

VI. La requérante (opposante) a introduit un recours contre cette décision.

Dans le mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a soutenu que l'objet des revendications du brevet en cause manquait de nouveauté et d'activité inventive vis-à-vis du contenu des documents D3 et D7.

Elle était en outre d'avis que le motif d'opposition selon l'article 100 b) CBE concernant l'insuffisance de l'exposé faisait partie de la procédure. Au cas où la chambre de recours considérerait qu'il s'agissait d'un nouveau motif d'opposition, la requérante a requis que ce motif soit toutefois introduit dans la procédure.

VII. Avec sa réplique au mémoire exposant les motifs du recours, datée du 30 novembre 2010, l'intimée (titulaire du brevet) a indiqué que sa requête principale était le rejet du recours. Elle a déposé sept requêtes subsidiaires. L'intimée a en outre requis que le motif d'opposition selon l'article 100 b) CBE ne soit pas pris en considération par la chambre de recours.

(i) Le libellé de la revendication indépendante 1 de la requête subsidiaire 1 s'énonce comme suit:

"1. Composition cosmétique fluide aqueuse, contenant en suspension des particules non hydrosolubles caractérisée en ce qu’elle est exempte de solvant organique et comprend en outre au moins un tensio actif anionique choisi parmi les sels de mono- ou di-alkyl sulfates, ou mono- ou di- alkyléthersulfates, un cotensio-actif de nature non ionique ou amphotère et un électrolyte étant du chlorure de sodium ou du chlorure d’ammonium,

lesdits tensio actifs étant en quantités telles que ladite composition possède un comportement pseudoplastique avec un seuil d’écoulement égal ou supérieur à O,2Pa et présente une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites aptes à maintenir en suspension de manière stable et homogène lesdites particules, la teneur en base lavante étant inférieure à 30%."

(ii) Le libellé de la revendication 1 indépendante de la requête subsidiaire 2 s'énonce comme suit:

"1. Composition cosmétique fluide aqueuse, contenant en suspension des particules non hydrosolubles caractérisée en ce qu'elle est exempte de solvant organique et comprend en outre un tensio actif anionique choisi parmi les sels de mono- ou di-alkyl sulfates, ou mono- ou di- alkyléthersulfates, un cotensio-actif de nature amphotère choisi parmi les bétaïnes et les dérivés de l'imidazoline, et un électrolyte étant du chlorure de sodium ou du chlorure d’ammonium,

lesdits tensio actifs étant en quantités telles que ladite composition possède un comportement pseudo plastique avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2Pa et présente une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites aptes à maintenir en suspension de manière stable et homogène lesdites particules, la teneur en base lavante étant inférieure à 30%."

(iii) Le libellé de la revendication 1 indépendante de la requête subsidiaire 3 s'énonce comme suit:

"1. Composition cosmétique fluide aqueuse, contenant en suspension des particules non hydrosolubles caractérisée en ce qu'elle est exempte de solvant organique et comprend en outre un tensio actif anionique choisi parmi les sels de mono- ou di-alkyl sulfates, ou mono- ou di- alkyléthersulfates, un cotensio-actif de nature amphotère choisi parmi les bétaïnes et les dérivés de l'imidazoline et un électrolyte étant du chlorure de sodium ou du chlorure d’ammonium,

lesdits tensio actifs étant en quantités telles que ladite composition possède un comportement pseudo plastique avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2Pa et présente une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites aptes à maintenir en suspension de manière stable et homogène lesdites particules, la teneur en base lavante étant inférieure à 30%, les particules non hydrosolubles étant des gouttelettes émulsifiées d'au moins une huile végétale, huile essentielle, et/ou huile de silicone."

(iv) La requête subsidiaire 4 contient une revendication indépendante 1 modifiée définissant une composition cosmétique, et une revendication indépendante 13 définissant un procédé de préparation d'une composition cosmétique selon l'une des revendications 1 à 12.

Cette requête contient en outre la revendication dépendante 14 dont le libellé s'énonce comme suit:

"14. Procédé selon la revendication précédente, caractérisé en ce que le rapport molaire cotensioactif/tensioactif anionique est supérieur ou égal à 1."

(v) Le libellé de la revendication indépendante 1 de la requête subsidiaire 5 s'énonce comme suit:

"1. Composition cosmétique fluide aqueuse, contenant en suspension des particules non hydrosolubles caractérisée en ce qu’elle est exempte de solvant organique et comprend en outre au moins un tensio actif anionique, un cotensio-actif de nature non ionique ou amphotère et un électrolyte étant du chlorure d’ammonium,

lesdits tensio actifs étant en quantités telles que ladite composition possède un comportement pseudoplastique avec un seuil d’écoulement égal ou supérieur à 0,2Pa et présente une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites aptes à maintenir en suspension de manière stable et homogène lesdites particules, la teneur en base lavante étant inférieure à 30%."

(vi) Le libellé de la revendication indépendante 1 de la requête subsidiaire 6 s'énonce comme suit:

"1. Utilisation comme shampoing shampooing, gel douche, lotion capillaire ou gel exfolliant d'une composition cosmétique fluide aqueuse, contenant en suspension des particules non hydrosolubles caractérisée en ce qu’elle est exempte de solvant organique et comprend en outre au moins un tensio actif anionique choisi parmi les sels de mono- ou di-alkyl sulfates, ou mono- ou di-alkyléther sulfates, un cotensio-actif de nature non ionique ou amphotère et un électrolyte, lesdits tensio actifs étant en quantités telles que ladite composition possède un comportement pseudoplastique avec un seuil d’écoulement égal ou supérieur à 0,2Pa et présente une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites aptes à maintenir en suspension de manière stable et homogène lesdites particules, la teneur en base lavante étant inférieure à 30%."

(vii) Le libellé de la revendication 1 indépendante de la requête subsidiaire 7 s'énonce comme suit:

"1. Composition cosmétique fluide aqueuse, contenant en suspension des particules non hydro solubles

caractérisée en ce qu'elle est exempte de solvant organique et comprend en outre au moins un tensio actif anionique, un cotensio-actif de nature non ionique ou amphotère et un électrolyte,

lesdits tensio actifs étant en quantités telles que ladite composition possède un comportement pseudo plastique avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2Pa et présente une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites aptes à maintenir en suspension de manière stable et homogène lesdites particules, la teneur en base lavante étant inférieure à 30%, différente d'une composition présentant une teneur en tensioactif dans l'intervalle 20 à 70%."

VIII. Les arguments suivants ont été avancés par la requérante concernant la nouveauté et l'activité inventive:

La requérante a fait valoir que la composition objet de la revendication 1 de la requête principale manquait de nouveauté vis-à-vis du contenu des documents D3 et D7. Elle a notamment considéré que la caractéristique recherchée selon laquelle le seuil d'écoulement doit être supérieur ou égal à 0,2 Pa était implicite dans D3, ou qu'elle était tout au moins inhérente à certaines compositions selon D3. A l'appui de cette allégation elle a indiqué avoir déterminé le seuil d'écoulement de deux compositions selon l'exemple 9 de D3, avec des valeurs résultantes bien supérieures à 0,2 Pa.

La requérante a défini le problème technique à résoudre comme étant la réalisation de compositions aptes à suspendre des particules. Selon elle, à supposer même que la caractéristique concernant le seuil d'écoulement n'était pas inhérente aux compositions divulguées dans D3, elle n'était cependant pas non plus liée à un effet technique particulier et n'était donc pas cruciale. Le choix d'une limite inférieure de 0,2 Pa pour le seuil d'écoulement ne saurait, par conséquent, établir une activité inventive au départ de l'enseignement de D3.

Au sujet des requêtes subsidiaires la requérante était d'avis que les modifications apportées aux requêtes subsidiaires 1 à 3, 5 et 6 n'impliquaient pas d'activité inventive car elles étaient toutes suggérées par l'enseignement général de D3, et que le libellé des revendications selon les requêtes subsidiaires 4 et 7 manquait de clarté.

IX. Les arguments suivants ont été avancés par l'intimée:

L'intimée a soutenu qu'aucun des documents cités par la requérante ne contenait une divulgation directe et complète d'une composition cosmétique fluide aqueuse comprenant en suspension des particules non hydrosolubles et possédant un comportement pseudoplastique avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2 Pa. Elle a souligné que la requérante n'avait rien précisé quant à la nature exacte des tests qui reproduiraient l'exemple 9 de D3. L'intimée était d'avis que les indications étaient insuffisantes pour établir que les conditions générales définies dans l'exemple 9 de D3 conduiraient systématiquement à une composition répondant à la définition de la revendication 1 du brevet en cause.

En ce qui concerne l'activité inventive, l'intimée s'est bornée à constater qu'aucun des documents cités ne suggérait la possibilité d'obtenir la valeur du seuil d'écoulement revendiquée, ni ses avantages afférents.

X. Avec une notification de la chambre de recours établie en vue de la préparation de la procédure orale prévue pour le 29 janvier 2013, les parties ont été averties de l'opinion préliminaire de la chambre, selon laquelle D3 constituait l'état de la technique le plus pertinent, en l'absence d'effet technique surprenant, l'objet de la requête principale et de chacune des requêtes subsidiaires 1 à 3, 5 et 6 n'impliquait pas d'activité inventive, la requête subsidi aire 4 ne remplissant pas le critère de la règle 80 CBE n'était pas recevable, et la modification apportée à la revendication 1 de la requête subsidi aire 7 contrevenait au critère de l'article 123(2) CBE.

Cette notification n'a suscité aucune réponse de la part de l'intimée.

XI. La procédure orale s'est tenue à la date prévue, en l'absence des deux parties.

XII. La requérante a requis dans son mémoire de recours et ses écritures ultérieures l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen nº 0586275.

XIII. L'intimée a conclu dans ses écritures du 30 novembre 2010 et 18 décembre 2012 au rejet du recours, ou, à défaut, au maintien du brevet sur le fondement des requêtes subsidiaires 1 à 7, telles que déposées le 30 novembre 2010.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Priorité

La chambre partage les conclusions négatives de la division d'opposition quant à la validité de la priorité du brevet en cause. Ces conclusions s'étendent à toutes les requêtes subsidiaires, qui présentent la même caractéristique technique "exempte de solvant organique" que la requête principale. Les parties n'ayant pas contesté ces conclusions lors du recours, il n'y a pas lieu de détailler ce point.

3. Terminologie et analyse des revendications

3.1 Le terme "sphérulites" désigne des vésicules plurilamellaires constituées de plusieurs couches de tensioactifs disposées concentriquement en structure d'oignon (cf. le fascicule du brevet, page 3, ligne 14).

Comme il a préalablement été explicité par la division d'opposition, l'homme du métier comprendrait l'expression "structure de phase lamellaire incluant des sphérulites" caractérisant les compositions selon le brevet en cause comme désignant une structure comportant des sphérulites au sein d'une phase lamellaire ambiante qui se distingue desdits sphérulites. Cette distinction est confirmée par la description à la page 3, lignes 10 à 11 du fascicule du brevet, où il est indiqué que les formula tions cosmétiques présentent une structure de phase lamellaire comportant en suspension des sphérulites. La phase lamellaire ambiante est composée de bicouches de tensioactifs disposées en un réseau parallèle, séparées par des couches d'eau ou de solution aqueuse (cf. le fascicule du brevet, page 3, lignes 12 à 14).

Par conséquent, un système comprenant uniquement ou principalement des sphérulites sans quantité appréciable d'une autre phase lamellaire n'est pas conforme à la définition de la structure de phase requise selon le brevet en cause.

4. Activité inventive - requête principale

Objet du brevet en cause

4.1 Le brevet en cause concerne des formulations cosmétiques fluides aqueuses à base de tensioactifs, contenant en suspension de manière homogène et stabilisée, des particules non hydrosolubles, notamment des particules solides ou des gouttelettes d'huile. Le brevet vise à obtenir des compositions stables qui ne conduisent pas au cours du stockage à une sédimentation ou à une démixtion de phase (cf. page 2, lignes 1 à 11 du fascicule du brevet).

4.2 La solution à ce problème telle que proposée à la revendication 1 préconise l'associa tion d'un tensioactif anionique, un co-tensio actif non ionique ou amphotère, et un électrolyte dans une composition présentant une teneur en base lavante inférieure à 30%, lesdits tensioactifs étant en quantités telles que la composition résultante possède un comportement pseudoplastique avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2 Pa et présente une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites aptes à maintenir en suspension de manière stable et homogène lesdites particules.

Etat de la technique le plus proche

4.3 Dans la procédure d'opposition ainsi que dans la présente procédure de recours, D3 a été considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche, ce qui n'a pas été contesté entre les parties. La chambre ne voit aucune raison d'utiliser un point de départ différent.

4.3.1 Comme le brevet en cause, ce document s'occupe du problème technique de fournir des suspensions stables de particules solides ou liquides dans des compositions aqueuses basées sur des tensioactifs, et à cette fin, préconise l'emploi de compositions lamellaires structurées.

D3 propose notamment une structure de phase lamellaire ambiante incluant des sphérulites, appelée selon D3: "composition de phase G" (cf. D3: page 3, lignes 2 à 10 et page 7, lignes 1 à 5; revendications 31 et 32). Cette structure est apte à suspendre des quantités importantes de solides, fournissant des suspensions versables (cf. D3: page 6, lignes 51 à 55). L'intimée n'a pas contesté que les "compositions de phase G" selon D3 présentent la même structure de phase que les compositions du brevet en cause. Dans la décision objet du recours (page 7, point 5) la division d'opposition a par ailleurs constaté que la titulaire (l'intimée) reconnaissait ce fait.

Un autre mode de réalisation visé dans D3 présente une structure de phase dite "sphérulitique", dominée par des sphérulites sans quantité appréciable d'une phase lamellaire ambiante (cf. D3: page 3, lignes 2 à 10 et page 7, lignes 1 à 5). Ce mode de réalisation ne correspond donc pas à la structure de phase recherchée selon le brevet en cause (cf. le point 3.2 ci-dessus).

Selon l'enseignement de D3, ces phases structurées sont formées quand un composé désolubilisant, notamment un électrolyte, est ajouté à des concentrats aqueux de tensioactifs. Les compositions de phase G peuvent être transformées en compositions sphérulitiques par ajout d'une concentration plus élevée en électrolyte. Les deux types de structure de phase sont selon D3 également aptes à former des suspensions stables de particules et peuvent normalement être diluées facilement sans formation de gel.

4.3.2 En ce qui concerne les composants, l'association de tensioactifs anioniques avec des tensioactifs non ioniques et/ou amphotères et avec un électrolyte est couverte par l'enseignement de D3 et figure dans la plupart des exemples (cf. page 9, ligne 35 à page 11, ligne 7 et page 12, lignes 1 à 7; exemples). D3 propose une teneur des compositions en tensioactifs de 20% à 70% (cf. page 6, lignes 16 à 19). Il est préféré que les compositions soient exemptes de solvant (cf. page 12, lignes 38 à 43).

4.3.3 Le document D3 ne mentionne pas le comportement pseudoplastique ou le paramètre "seuil d'écoulement".

Il n'a pas été établi que la structure des compositions divulguées dans D3 implique une corrélation immédiate et obligatoire avec le seuil d'écoulement recherché, telle que postulée par la requérante.

La requérante a invoqué, à cette fin, la figure 3 du document D7 montrant le seuil d'écoulement d'un système de certains tensioactifs anioniques en fonction du taux en électrolyte (cf. D7: colonne 33, lignes 4 à 53). Cependant, la figure 3 de D7 concerne un exemple isolé d'une composition spécifique qui ne contient en outre pas de co-tensio actif non ionique ou amphotère tel que requis par le brevet en cause. Le document D7 ne fournit par ailleurs pas d'enseignement général au sujet du seuil d'écoulement de compositions présentant la structure de phase recherchée. Ainsi, les informations obtenues de D7 ne peuvent rien ajouter à l'enseignement de D3.

4.4 En tant que point de départ utile pour l'appréciation de l'activité inventive, il convient de choisir un mode de réalisation dans D3 qui présente une combinaison de caractéristiques techniques semblable à la combinaison revendiquée.

L'exemple 11 de D3 divulgue des compositions aqueuses exemptes de solvant organique, comprenant 8% en poids de tensioactif anionique (DSLES = disodium lauryl ethoxy sulphosuccinate), 12% en poids de tensioactif non ionique (KB2 = C12-14 natural alcohol 2 mole ethoxylate) et respectivement 1%, 2%, 3%, 4%, 5%, 6% et 7% en poids d'électrolyte (citrate de potassium), dans de l'eau. Les compositions comprenant de 2% à 5% en électrolyte sont des compositions de phase G, présentant donc une structure lamellaire incluant des sphérulites. Elles ne contiennent pas de particules dispersées.

L'exemple 11 de D3 divulgue aussi une suspension versable, désignée composition de protection solaire, comprenant 8% en poids de tensioactif anionique (DSLES), 12% en poids de tensioactif non ionique (KB2), 6% en poids de citrate de potassium, 10% en poids de particules solides d'oxyde de titane, et de l'eau (cf. D3: page 15, ligne 50). Cette suspension est stable. Au niveau des constituants, elle est conforme à la définition selon la présente revendication 1 et constitue donc un point de départ approprié pour l'appréciation de l'activité inventive.

Caractéristiques distinctives

4.5 Selon la terminologie de D3, la suspension selon l'exemple 11 à 10% d'oxyde de titane et à 6% en électrolyte est une composition "sphérulitique", c'est-à-dire sa structure est dominée par des sphérulites sans quantité appréciable d'une phase lamellaire ambiante. Ladite suspension ne présente donc pas de structure de phase lamellaire incluant des sphérulites, avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2 Pa.

Problème technique

4.6 Dans le cadre de l'approche "problème-solution", le problème technique doit être défini sur la base des effets techniques effectivement obtenus par l'objet revendiqué par rapport à l'état de la technique.

4.6.1 L'effet technique du choix d'une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites au lieu d'une structure purement sphérulitique est celui de fournir d'autres suspensions de particules dans des compositions structurées de tensioactifs présentant également une stabilité acceptable. Au vu des exemples décrits dans le brevet en cause la chambre est convaincue que cet effet est obtenu par les compositions telles que définies à la revendication 1.

4.6.2 Le paramètre définissant que le seuil d'écoulement est égal ou supérieur à 0,2 Pa signifie que lorsque la contrainte que l'on exerce est supérieure à 0,2 Pa, la composition s'écoule. Le brevet en cause mentionne à la page 5 dans le contexte de l'exemple 3.1 que les valeurs élevées de seuil d'écoulement témoignent des bonnes propriétés dispersantes des formulations A, B et C. Il est logique qu'un seuil d'écoulement élevé contribue à la stabilité des compositions contre la sédimentation. Cependant, il n'a pas été fourni de preuve, sous forme d'essais comparatifs, d'un effet technique particulier surprenant qui serait obtenu à partir d'un seuil d'écoulement de 0,2 Pa.

4.7 Le problème technique est donc celui de fournir une autre composition cosmétique aqueuse fluide à base de tensio actifs structurés, comprenant en suspension stable et homogène des particules non hydrosolubles.

Evidence de la solution

4.8 Ce problème a été résolu en choisissant une composition présentant une structure de phase lamellaire incluant des sphérulites avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2 Pa, telle que définie à la revendication 1 de la requête principale.

4.9 Il est rappelé que selon l'enseignement général de D3 (cf. page 6, ligne 45 à page 7, ligne 5), les compositions de phase G et les compositions sphérulitiques sont également appropriées à fournir des suspensions stables de particules. Elles sont donc équivalentes. Par conséquent, l'incorporation de particules dans des composi tions de phase G, par exemple telles que décrites à l'exemple 11 de D3 comprenant de 2% à 5% en électrolyte, reste bien dans le cadre de l'enseignement de D3.

4.10 Dans le contexte des compositions exemples, D3 ne mentionne pas le comportement pseudoplastique ou le paramètre "seuil d'écoulement". Il n'a pas été fourni de preuve que les compositions spécifiques selon l'exemple 11 de D3 comprenant de 2% à 5% en électrolyte présenteraient un seuil d'écoulement d'au moins 0,2 Pa.

Les phases lamellaires peuvent cependant, en général, présenter un comportement pseudoplastique avec un seuil d'écoulement.

Le brevet en cause ne mentionne par ailleurs aucune mesure technique particulière additionnelle comme décisive pour l'obtention d'un tel comportement rhéologique, et constate par contre que le comportement rhéologique recherché, qui est approprié à la suspension de particules, est dû justement à la structure de phase, cf. la page 2, lignes 35 à 37 du fascicule du brevet: "La Demanderesse a constaté que l'asso cia tion d'agents tensio-actifs particuliers conduit à un milieu possédant un comporte ment rhéologique inattendu car tout particulièrement approprié de par sa structure de phase à la mise en suspension des particules précitées".

La chambre n'a donc aucune raison de croire que des compositions de phase lamellaire incluant des sphérulites présentant un comportement pseudoplastique avec un seuil d'écoulement égal ou supérieur à 0,2 Pa ne seraient pas accessibles à l'homme du métier par application de l'enseignement de D3 concernant les compositions de phase G.

Dans ces circonstances, et en l'absence d'un effet technique surprenant établi, l'exclusion arbitraire de compositions ayant un seuil d'écoulement inférieur à 0,2 Pa ne saurait impliquer une activité inventive.

4.11 Par conséquent, la chambre conclut que l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive dans le sens de l'article 56 CBE.

5. Activité inventive - requête subsidiaire 1

5.1 L'étendue de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 a été limitée, en comparaison avec la revendication 1 de la requête principale, par l'introduction de modes de réalisation préférés de certaines caractéristiques.

Ainsi, la revendication 1 de cette requête préconise la présence obligatoire d'un tensioactif anionique choisi parmi les sels de mono- ou di- alkyl sulfates ou mono- ou di- alkyl éthersulfates, et d'un électrolyte étant du chlorure de sodium ou d'ammonium.

5.2 A la connaissance de la chambre, il n'existe pas d'effet technique surprenant qui serait lié à ces caractéristiques, seules ou en combinaison. Elles se trouvent en outre bien dans le cadre de l'enseignement technique de D3, qui préconise l'utilisation d'alkyléther sulfates et alkylsulfates (page 9, lignes 41 à 44; page 12, lignes 1 à 7; revendica tion 17; tableau 1 et exemples) et l'incorpora tion d'électrolytes de type chlorure (page 10, ligne 57) et sels de sodium (page 11, ligne 1).

Par conséquent, les modifications apportées ne contribuent en rien à l'activité inventive.

5.3 Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 de cette requête n'implique pas d'activité inventive dans le sens de l'article 56 CBE.

6. Activité inventive - requête subsidiaire 2

6.1 La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 ne se distingue de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 que par la caractéristique préconisant la présence obligatoire d'un co-tensioactif amphotère choisi parmi les bétaïnes et les dérivés de l'imidazoline.

6.2 Aucun effet technique particulier n'a été lié à cette caractéristique, seule ou en combinaison avec les autres modifications apportées. Donc les modifications doivent être regardées comme arbitraires. Le choix spécifique du co-tensio actif est aussi couvert par l'enseignement technique de D3, qui préconise l'utilisation facultative de tensioactifs amphotères, notamment de bétaïnes et imidazolines (page 10, lignes 28 à 30; page 12, ligne 2; tableau 1 et exemples: CAPB et BB).

6.3 Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de cette requête n'implique pas d'activité inventive dans le sens de l'article 56 CBE.

7. Activité inventive - requête subsidiaire 3

7.1 La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 correspond à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 mais spécifie, de plus, que la composition comprend en suspension des particules non hydrosolubles étant des gouttelettes émulsifiées d'au moins une huile végétale, huile essentielle et/ou huile de silicone.

7.2 Cette caractéristique est, elle aussi, couverte par l'enseignement technique de D3, qui préconise l'incorporation de gouttelettes d'huile émulsifiée (page 5: lignes 23 à 25; page 11, ligne 53: "suspended oils").

7.3 En l'absence de toute preuve d'effet technique surprenant, les modifications apportées ne contribuent en rien à l'activité inventive.

7.4 Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de cette requête n'implique pas d'activité inventive dans le sens de l'article 56 CBE.

8. Activité inventive - requête subsidiaire 5

8.1 La revendication 1 de la requête subsidiaire 5 ne se distingue de la revendication 1 de la requête principale que par la limitation du choix de l'électrolyte obligatoire au chlorure d'ammonium.

8.2 Il est rappelé qu'aucun effet technique particulier n'a été lié a cette caractéristique, qui est de plus couverte par l'enseignement technique général de D3 préconisant l'incorporation d'électrolytes de type chlorure (cf. le point 5.2 ci-dessus et le fascicule du brevet, page 10, ligne 57). La modification apportée est donc arbitraire.

8.3 Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 5 n'implique pas d'activité inventive dans le sens de l'article 56 CBE.

9. Activité inventive - requête subsidiaire 6

9.1 La requête subsidiaire 6 comporte un changement de catégorie en revendications d'utilisation. Selon la revendication 1, la composition cosmétique est utilisée comme shampooing, gel douche, lotion capillaire ou gel exfoliant. Cette modification est combinée avec une limitation du choix des tensioactifs anioniques obligatoires aux sels de mono- ou di- alkylsulfates ou mono- ou di- alkyléthersulfates.

9.2 L'enseignement technique de D3 couvre les compositions cosmétiques à base de tensioactifs dont les shampooings, savons liquides, lotions et suspensions d'exfoliants (cf. D3: page 2, lignes 1 à 2; page 11, lignes 45 à 53). L'utilisa tion correspondante est implicite.

9.3 D3 préconise aussi l'emploi de tensioactifs anioniques tels que les alkyléthersulfates et alkylsulfates (cf. le point 5.2 ci-dessus).

9.4 Les modifications proposées se trouvent donc bien dans le cadre de l'enseignement général de D3. L'utilisation des tensioactifs anioniques particuliers spécifiés ne conduit pas à un effet technique surprenant.

9.5 Pour ces raisons, la chambre est d'avis que les modifications prévues dans la requête subsidiaire 6 ne peuvent en rien contribuer à une activité inventive.

9.6 Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 n'implique pas d'activité inventive dans le sens de l'article 56 CBE.

10. Modifications - requête subsidiaire 7

10.1 En spécifiant que la composition revendiquée est "différente d'une composition présentant une teneur en tensioactif dans l'intervalle de 20% à 70%", la requête subsidiaire 7 introduit une caractéristique à la revendication 1 qui ne trouve pas de fondement littéral dans le texte de la demande telle que déposée. La demande telle que déposée ne contient pas de divulgation générale concernant la teneur des compositions en tensio actif, à l'exception de la condition que la teneur en base lavante est inférieure à 30% (cf. page 5, ligne 9 de la description d'origine). Cela ne constitue pas une divulgation directe non ambigu? d'une teneur en tensioactif en dehors de l'intervalle 20% à 70%. Par conséquent, la modification proposée ne trouve pas de fondement dans la demande telle que déposée.

Initialement, l'intimée avait introduit cette modification en tant que "disclaimer" visant à exclure les compositions décrites dans le document D3. Mais ainsi que déjà souligné dans la notification de la chambre de recours établie en vue de la préparation de la procédure orale sans que l'intimée le conteste, un "disclaimer" ne peut se fonder sur le contenu de D3 qui constitue l'état de la technique le plus proche pour l'appréciation de l'activité inventive.

10.2 Par conséquent, la chambre conclut que l'introduction de la caractéristique "différente d'une composition présentant une teneur en tensioactif dans l'intervalle de 20% à 70%" à la revendication 1 n'est pas conforme au critère de l'article 123(2) CBE.

11. Recevabilité de la requête subsidiaire 4

11.1 En vertu de la règle 80 CBE, les revendications d'un brevet européen peuvent être modifiées dans le cadre d'une procédure d'opposition dans la mesure où ces modifications sont apportées pour pouvoir répondre à un motif d'opposition visé à l'article 100 CBE.

11.2 Le brevet en cause tel que délivré ne contient qu'une seule revendication de procédé, à savoir la revendication indépendante 17. La requête subsidiaire 4 introduit, entre autres modifications, une nouvelle revendication dépendante de procédé, à savoir la revendication 14 de cette requête, qui n'a pas de pendant dans le jeu de revendications du brevet tel que délivré.

11.3 Il est de jurisprudence constante des Chambres de recours de l'OEB que l'ajout d'une revendication dépendante ne saurait en aucun cas permettre de répondre à un motif d'opposition visé à l'article 100 CBE puisqu'il ne modifie pas l'objet revendiqué dans la revendication indépendante correspondante (cf. la Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, 6ème édition 2010, VII.D.4.1.3 a)).

11.4 Par conséquent, la requête subsidiaire 4 n'est pas recevable car elle ne remplit pas les exigences de la règle 80 CBE.

12. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'analyser les autres revendications indépendantes des présentes requêtes, ni de traiter d'autres motifs d'opposition.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision objet du recours est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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