T 0369/10 (Purification de sucre déshydraté/ROQUETTE FRERES) of 1.10.2012

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2012:T036910.20121001
Date de la décision : 01 Octobre 2012
Numéro de l'affaire : T 0369/10
Numéro de la demande : 01940638.8
Classe de la CIB : C07D 493/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé de purification d'une composition contenant au moins un produit de déshydratation interne d'un sucre hydrogéné
Nom du demandeur : Roquette Frères
Nom de l'opposant : Cargill, Inc.
Merck Patent GmbH
Chambre : 3.3.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 123(3)
European Patent Convention Art 123(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Mot-clé : Requête principale - ajout de matière - (oui) - extension de la protection (oui)
Requêtes subsidiaires - Admission - (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0001/99
T 1018/02
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. L'opposante 1 a formé un recours contre la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen nº 1 287 000 sous forme modifiée.

II. La division d'opposition a considéré que l'objet des revendications de la requête principale n'était pas nouveau. La première requête subsidiaire a été rejetée car elle était non conforme aux exigences de la règle 80 CBE. Le brevet en cause a été maintenu sur la base de la seconde requête subsidiaire.

III. La requérante a présenté les arguments suivants dans son mémoire exposant les motifs du recours:

- La requête considérée comme brevetable par la division d'opposition contrevenait aux exigences de l'article 123(3) CBE.

- Elle contrevenait également aux exigences de l'article 123(2) CBE.

- Cette requête ne se fondait pas sur la description car les exemples mentionnent une distillation sous vide contrairement au libellé de la revendication 1.

IV. L'opposante 2 n'a pas déposé de recours contre la décision de la division d'opposition.

V. Les arguments de l'intimée (titulaire du brevet) peuvent être résumés de la manière suivante:

- La définition du terme "produit de déshydratation interne" est une définition structurelle et n'est pas limitée par un procédé de préparation quelconque. Le libellé de la revendication 1 est conforme à l'article 123(3) CBE.

- Un brevet étant son propre dictionnaire, l'homme du métier se rendrait compte que le dianhydrohexitol est issu d'une réaction de déshydratation interne d'un sucre hydrogéné.

- L'introduction dans la revendication 1 d'une étape de distillation obligatoire est basée sur la divulgation de la page 9, ligne 18 ainsi que sur les exemples de la description.

- Selon la page 9, ligne 18, le type de distillation n'est pas limité à la distillation sous vide.

- Eu égard à la décision G 1/99 (JO OEB 2001, 381), les requêtes subsidiaires devraient être admises.

- Dans l'hypothèse où la Chambre n'admettrait pas les requêtes subsidiaires 2 et 3, ceci représenterait un vice fondamental de procédure et une objection selon la règle 106 CBE serait soulevée.

VI. Dans une seconde lettre, la requérante a principalement répété l'argumentation présentée dans son mémoire exposant les motifs du recours.

VII. Par lettre datée du 24 septembre 2012, l'intimée a fourni une requête principale, identique à la requête considérée comme brevetable par la division d'opposition ainsi que trois nouvelles requêtes subsidiaires. Elle a indiqué dans sa lettre que ces requêtes étaient conformes aux exigences de la règle 80 CBE ainsi qu'à celles de l'article 123(2) et (3) CBE.

VIII. Le libellé de la revendication 1 de la requête principale est le suivant:

"1. Procédé de purification d'une composition contenant au moins un dianhydrohexitol, caractérisé en ce qu'il comprend

(A) la distillation d'une composition contenant au moins un dianhydrohexitol,

(B) une étape subséquente éventuelle au cours de laquelle le distillat brut obtenu est traité, après remise en solution ou non, avec du charbon actif,

(C) une étape subséquente au cours de laquelle le distillat brut obtenu, éventuellement traité avec du charbon actif, est traité avec au moins un moyen d'échange ionique, et

(D) une étape subséquente au cours de laquelle la composition résultante est traitée avec du charbon actif."

Le libellé de la revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire est le suivant:

"1. Procédé de purification d'une composition contenant au moins un produit de déshydratation interne d'un sucre hydrogéné qui est un dianhydrohexitol, obtenue par déshydratation puis distillation, caractérisé en ce qu'il comprend

(A) une étape au cours de laquelle ladite composition est traitée, après remise en solution ou non, avec du charbon actif,

(B) une étape subséquente au cours de laquelle la composition, traitée avec du charbon actif, est traitée avec au moins un moyen d'échange ionique, et

(D) une étape subséquente au cours de laquelle la composition résultante est traitée avec du charbon actif."

Le libellé de la revendication 1 de la troisième requête subsidiaire est le suivant:

"1. Procédé de purification d'une composition contenant au moins un produit de déshydratation interne d'un sucre hydrogéné qui est un dianhydrohexitol, obtenue par déshydratation puis distillation selon l'un quelconque des documents suivants: GB 613,444; EP 52 295;

WO 00/14081; US 3,160,641; US 4,408,061; EP 323,994;

US 4,408,061; EP 323,994; US 4,564,692; EP 380,402;

EP 915,091, caractérisé en ce qu'il comprend

(A) une étape au cours de laquelle ladite composition est traitée, après remise en solution ou non, avec du charbon actif,

(B) une étape subséquente au cours de laquelle la composition, traitée avec du charbon actif, est traitée avec au moins un moyen d'échange ionique, et

(D) une étape subséquente au cours de laquelle la composition résultante est traitée avec du charbon actif."

IX. Au cours de la procédure orale devant la Chambre, l'intimée a retiré sa première requête subsidiaire soumise avec sa lettre du 24 septembre 2012.

X. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen

nº 1 287 000.

XI. L'intimée a demandé que le recours soit rejeté (requête principale) ou que le brevet soit maintenu sur la base de la deuxième ou troisième requête auxiliaire soumises avec la lettre du 24 septembre 2012.

XII. A la fin de la procédure orale, la Chambre a rendu sa décision.

Motifs de la décision

1. Le recours est formé et admissible.

Requête principale

2. Modifications

2.1 Extension de la protection

2.1.1 Le libellé de l'article 123(3) CBE prohibe toute extension de la protection conférée par le brevet européen suite à une modification de ce dernier. Il convient donc d'examiner si les modifications apportées au libellé de la revendication 1 de la requête principale satisfont à cette exigence.

Alors que la revendication 1 du brevet tel que délivré concernait un procédé de purification d'une composition contenant un produit de déshydratation interne d'un sucre hydrogéné, la revendication 1 de la requête principale concerne la purification d'une composition contenant un dianhydrohexitol. Bien qu'un dianhydrohexitol puisse être obtenu par déshydration interne d'un sucre hydrogéné, le procédé de la revendication 1 n'est, dans cette nouvelle version, plus limité à une purification d'une composition contenant un produit issu de la déshydration interne d'un sucre hydrogéné mais englobe également la purification d'un dianhydrohexitol obtenu par tout autre procédé et, par conséquent, contenant des impuretés différentes. Il s'ensuit que la suppression de cette restriction étend la protection conférée par le brevet en cause.

2.1.2 L'intimée a mis en avant que le brevet était son propre dictionnaire et que l'homme du métier verrait dans la description que le dianhydrohexitol était un produit de déshydratation interne d'un sucre hydrogéné.

Cet argumentaire ne saurait convaincre la Chambre. Il est fait appel au contenu de la description, pour évaluer si le contenu d'une revendication étend la protection conférée par le brevet tel que délivré, uniquement lorsque le libellé de la revendication manque de clarté (voir T 1018/02 du 9 décembre 2003, point 3.8 des motifs). Ce n'est pas le cas en l'espèce. En effet, le préambule de la revendication 1 précise sans ambiguïté que la composition à purifier contient au moins un dianhydrohexitol. Une telle formulation ne présente aucune ambiguïté et, par conséquent est claire en elle-même.

2.1.3 L'intimée a ajouté que l'expression "produit de déshydratation interne" était une définition structurelle et n'était pas limitée par le procédé de préparation.

S'il n'est pas contesté que la réaction de déshydratation d'un sucre hydrogéné conduise à un dianhydrohexitol, il est tout aussi indiscutable que la manière dont ledit dianhydrohexitol est préparé a une influence sur le type et la quantité des différents sous-produits de réaction contenus dans le brut de réaction et nécessitant une purification selon le procédé revendiqué par le brevet en cause. En supprimant la restriction portant sur la nature du procédé de préparation du dianhydrohexitol, différents types de sous-produits réactionnels peuvent être présents dans le brut de réaction soumis au procédé de l'invention sans qu'ils soient nécessairement présents lors d'une préparation dudit dianhydrohexitol par réaction de déshydratation interne d'un sucre hydrogéné. La constitution du mélange à purifier est de ce fait différente selon la méthode utilisée pour préparer le dianhydrohexitol.

2.2 Par conséquent, l'objet de la requête principale contrevient aux exigences de l'article 123(3) CBE.

2.3 Base dans la description

2.3.1 L'étape supplémentaire (A) du procédé a été rajoutée au libellé de la revendication 1. Il s'agit de savoir si cette étape se fonde sur la demande telle que déposée à l'origine selon l'article 123(2) CBE.

2.3.2 Il est indubitable que la composition à purifier peut être soumise à une distillation préalable au procédé revendiqué, comme le reflète le contenu de la description telle que déposée initialement (voir page 9, lignes 16 à 19). Ce passage mentionne toutefois que ladite distillation éventuelle est décrite dans l'un quelconque des brevets précités de la description. Une telle limitation du type de distillation n'est pas reprise dans le libellé de la revendication 1. Ceci enfreint l'article 123(2) CBE. De plus, la formulation de la revendication 1 indique que c'est la composition contenant un dianhydrohexitol qui est distillée et récupérée (voir étape (B) du procédé: "distillat brut obtenu"). Encore une fois, le passage cité dans la description par l'intimée pour justifier cet amendement ne permet pas de conclure à une telle assertion de manière claire et non ambiguë, ce dernier mentionnant uniquement qu'après une étape de déshydratation (donc contenant de l'eau), la composition peut éventuellement être distillée. En conséquence, l'objet de la revendication 1 s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.

2.3.3 L'intimée a fait valoir que l'homme du métier comprendrait qu'il s'agit d'une distillation classique au vu de la page 4, lignes 25 à 30 ainsi que de la page 5, ligne 4 de la description telle que déposée initialement. Elle a aussi mis en exergue les exemples de la description dans lesquels l'eau est éliminée sous vide durant la réaction de déshydratation puis le brut réactionnel distillé sous vide. L'homme du métier devant interpréter de manière constructive le libellé d'une revendication serait parvenu sans ambiguïté à une telle interprétation.

Les passages cités ci-dessus ne concernent qu'un résumé du contenu de quelques brevets compris dans l'art antérieur tandis que les lignes 16 à 19 de la page 9 de la description se réfèrent aux brevets précités en tant que tels, c'est-à-dire aux conditions de distillation spécifiques mentionnées dans lesdits brevets. Ceci ne permet donc pas à l'homme du métier de comprendre le type de distillation envisagé dans l'invention. En outre, les exemples ne permettent pas non plus de justifier sans ambiguïté le changement effectué dans la formulation de la revendication 1. Ils mentionnent certes que l'eau issue de la réaction de déshydratation est dans un premier temps éliminée par chauffage sous vide et que le brut réactionnel est à son tour soumis à une distillation sous vide. Mais ce processus (élimination sous vide d'eau suivi d'une distillation sous vide du brut réactionnel) n'est pas reflété par l'étape (A) de la revendication 1 qui ainsi généralise ce processus réactionnel sans contrepartie dans la description telle que déposée à l'origine. Il ne peut donc pas être déduit sans aucune ambiguïté du contenu de la description que la distillation de l'étape (A) concerne la distillation de la composition contenant un dianhydrohexitol et non l'élimination de l'eau formée lors de la réaction de déshydratation.

2.4 La requête principale contrevient également aux exigences de l'article 123(2) CBE.

Deuxième et troisième requête subsidiaire

3. Admission

3.1 Une semaine avant la tenue de la procédure devant la Chambre, l'intimée a déposé trois requêtes subsidiaires dont la première a été retirée durant la procédure orale devant la Chambre. Ces requêtes constituent une modification des moyens survenue après la fixation de la date de la procédure orale et leur admission est subordonnée à la discrétion de la Chambre en vertu de l'article 13 du règlement de procédure des chambres de recours de l'OEB (RPCR).

3.1.1 Dans son mémoire exposant les motifs de recours ainsi que dans sa lettre du 21 août 2012 qui de nouveau contestait les attendus de la décision de la première instance, la requérante a mis en question la conformité du brevet en cause avec les exigences de l'article 123 (3) et (2) CBE. Cette argumentation s'avère être constante et cohérente dans les deux lettres de la requérante et ce n'est qu'une semaine avant la tenue de la procédure orale devant la Chambre que l'intimée a présenté les requêtes subsidiaires 2 et 3 sans donner de raison valable pour justifier ce dépôt tardif, comme elle l'a d'ailleurs reconnu durant l'audition devant la Chambre. Dans la lettre du 24 septembre 2012 accompagnant ces requêtes, l'intimée n'a pas expliqué pour quelles raisons leur dépôt n'aurait pas pu être fait plus tôt durant la procédure écrite. En effet, la présentation à ce stade avancé de la procédure de nouvelles requêtes n'a pas été faite en réaction à un changement de circonstances. L'admission de telles requêtes aurait nécessité - afin d'assurer une procédure impartiale - de donner à la partie adversaire suffisamment de temps pour étudier ces modifications et pour présenter d'éventuels nouveaux moyens de preuve avec pour conséquence un retard dans la procédure. Ainsi, admettre à ce stade de la procédure de telles requêtes irait à l'encontre de l'économie de procédure stipulée dans l'article 13(1) RPCR.

3.1.2 L'intimée a fait valoir que les requêtes subsidiaires étaient simples, claires, ne contenaient aucun nouveau fait et que leur admission ne requérait aucun ajournement de la procédure orale. De plus, elles répondaient aux objections formulées par la requérante dans sa lettre du 21 août 2012.

Or, la lettre de la requérante en date du 21 août 2012 n'introduisait aucune nouvelle objection mais répétait sommairement les objections déjà présentées avec le mémoire exposant les motifs du recours. La présentation des nouvelles requêtes n'est donc pas intervenue en réaction à de nouveaux moyens/arguments de la partie adverse. En outre, l'intimée a apporté des modifications à toutes les étapes du procédé revendiqué, ce qui exige un examen approfondi. Ceci aurait requis l'octroi d'un laps de temps adéquat permettant aux parties adverses de présenter leurs observations sur lesdites modifications.

En conséquence, l'argumentation de l'intimée ci-dessus ne saurait convaincre la Chambre d'admettre ces requêtes.

3.1.3 L'intimée a par ailleurs soutenu que le cas présent était identique au cas traité dans la décision G 1/99 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 2001, 381). Elle a en particulier mis l'accent sur le paragraphe 13.3.

Ceci appelle deux remarques. Tout d'abord, le cas présent diffère de celui de la décision de la Grande Chambre de recours en ce que, dans ce dernier, le titulaire du brevet n'a pu faire appel de la décision de la première instance car le brevet avait été maintenu sur la base de la requête principale alors que, dans le cas présent, le brevet a été maintenu sur la base de la seconde requête subsidiaire, permettant ainsi à la présente intimée de faire appel de la décision de la première instance. En second lieu, cette décision de la Grande Chambre de recours ne concerne en aucun cas l'admission de requêtes tardives dans la procédure, ladite admission étant uniquement soumise à la discrétion de la Chambre en vertu de l'Article 13(1) RPCR. Cet argument ne peut emporter l'adhésion de la Chambre.

3.2 Au vu de ce qui précède, la Chambre n'admet pas les deuxième et troisième requêtes subsidiaires dans la procédure.

4. L'intimée avait annoncé une objection selon la règle 106 CBE, mais n'a pas soulevé une telle objection après que le Président eut informé les parties que les deuxième et troisième requêtes subsidiaires n'étaient pas admises. En conséquence, la Chambre n'a pas eu à décider sur ce point.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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