European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2011:T194609.20110505 | ||||||||
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Date de la décision : | 05 Mai 2011 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1946/09 | ||||||||
Numéro de la demande : | 00964323.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | C21D 8/04 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de fabrication de bandes d'acier au carbone, notamment d'acier pour emballages | ||||||||
Nom du demandeur : | ARCELOR France | ||||||||
Nom de l'opposant : | Castrip LLC | ||||||||
Chambre : | 3.2.08 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Recevabilité de l'opposition (oui) Nouveauté (oui) Activité inventive (non) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Avec la décision postée le 23 juillet 2009 la division d'opposition a rejeté l'opposition contre le brevet européen No. 1 228 254.
II. La division d'opposition avait jugé que l'opposition, bien que recevable, devait être rejetée car l'invention revendiquée était nouvelle et impliquait une activité inventive.
III. La requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision le 23 septembre 2009, en acquittant la taxe de recours le même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 1 décembre 2009.
IV. Une procédure orale a eu lieu devant la Chambre de recours le 5 mai 2011. Comme annoncé par lettre en date du 11 avril 2011, l'intimée (titulaire du brevet) n'a pas participé à la procédure orale. Conformément aux dispositions de la règle 115(2) CBE et à l'article 15(3) RPCR, la procédure a été poursuivie en son absence.
V. La requérante a demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.
L'intimée a requis dans la procédure écrite le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur base de la requête subsidiaire déposée par lettre en date du 11 avril 2011.
VI. Le brevet tel que délivré (requête principale) comprend deux revendications indépendantes portant respectivement sur un procédé (revendication 1) et sur une utilisation d'un produit pouvant être obtenu par le procédé (revendication 14). La revendication 1 s'énonce comme suit :
"Procédé de fabrication de bandes d'acier au carbone, notamment d'acier pour emballages, selon lequel:
- on coule sous forme d'une bande mince de 0,7 à 10 mm d'épaisseur, directement à partir de métal liquide, un acier ayant une composition adaptée à une utilisation comme acier pour emballage;
- on effectue une opération de laminage à chaud en ligne de ladite bande, se terminant dans le domaine austénitique dudit acier pour obtenir une bande d'épaisseur inférieure à 3 mm;
- on effectue un refroidissement forcé de ladite bande à une vitesse de 80 à 400ºC/s se terminant dans le domaine ferritique dudit acier;
- on effectue un laminage à froid de ladite bande à un taux de réduction de 85% au moins en une seule étape;
- et on effectue un recuit de ladite bande."
La requête subsidiaire se distingue de la requête principale seulement en ce que la revendication 14 y est supprimée.
VII. Les documents suivants sont pertinents pour la décision :
D3: JP -A- 09 001 207 (ainsi que traduction en anglais D3A);
D21: WO -A- 95/13155; et
D27: JP-A-64-01 7824 (ainsi que traduction en anglais D27A).
VIII. La requérante a développé essentiellement et dans la mesure utile à la présente décision les arguments suivants :
D27 divulgue un procédé de fabrication de bandes d'acier au carbone. Eu égard aux propriétés visées et au fait que les bandes peuvent être revêtues avec de l'étain il est clair que lesdites bandes peuvent être utilisées pour des emballages. Les bandes pour emballages sont typiquement produites avec des épaisseurs de 0,2-0,5 mm. Pour obtenir cette épaisseur par le procédé avec laminage à chaud décrit à la page 5, lignes 16-34 de D27a les bandes laminées à chaud doivent avoir des épaisseurs inférieures à 3 mm. D27 divulgue donc des bandes laminées à chaud avec une telle épaisseur. Comme les autres caractéristiques du procédé selon la revendication 1 sont aussi divulguées dans D27, l'objet de ladite revendication manque de nouveauté.
En outre, l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive au vu de plusieurs combinaisons de documents, entre autres celle de D3 avec D21. D3 divulgue toutes les caractéristiques du procédé de la revendication 1 sauf le refroidissement forcé de la bande à une vitesse de 80 à 400ºC/s se terminant dans le domaine ferritique. Grâce à cette caractéristique on résout le problème d'obtenir une structure à grains fins. D21 divulgue un refroidissement forcé jusqu'au domaine ferritique à une vitesse de 20 à 200ºC/s, qui permet d'obtenir une structure à grains fins favorable pour le laminage à froid. Par conséquent, le procédé revendiqué n'implique pas d'activité inventive au vu de la combinaison de D3 et D21.
IX. L'intimée a développé en réponse essentiellement et dans la mesure nécessaire à la présente décision les arguments suivants :
Le mémoire d'opposition se compose d'une liste de documents ainsi que de quatre pages de commentaires et de résumés du contenu technique de ces documents. La remarque indiquant que l'invention manque de nouveauté et/ou d'activité inventive ne saurait répondre aux exigences d'indiquer les motifs sur lesquels l'opposition se fonde ainsi que les faits et les preuves invoqués à l'appui de ces motifs. Pour ce qui concerne l'attaque de manque de nouveauté au vu de D27, cette attaque n'était pas compréhensible au moment du dépôt de l'opposition. En premier lieu, on y combine deux documents, à savoir le résumé JAPIO et le texte de la demande japonaise. En outre, la rédaction de l'argumentaire est elle-même confuse car il y manque manifestement des mots et certains des éléments techniques qui sont mentionnés ne se retrouvent pas dans le résumé. Comme aucune traduction de la demande japonaise n'a été fournie dans le délai d'opposition, il était impossible pour la titulaire de comprendre cette attaque dans ledit délai. Par conséquent l'opposition n'était pas recevable.
En outre, même si la Chambre de recours devait estimer l'opposition recevable, le recours serait en tout cas à rejeter. Pour ce qui concerne l'objection de manque de nouveauté au vu de D27, ce document ne divulgue ni le fait de laminer à chaud jusqu'à atteindre une épaisseur inférieure à 3 mm, ni le fait que ce laminage se finisse dans le domaine austénitique.
Quant aux objections de manque d'activité inventive, elles n'ont été formulées qu'au delà du délai pour former une opposition. Le motif d'opposition de manque d'activité inventive ne peut dés lors pas être pris en compte sans l'accord de la titulaire, qu'elle ne donne pas.
De surcroît, la réalisation d'un refroidissement forcé en accord avec la revendication 1 n'est pas présente dans l'art antérieur. Sur cette base on doit reconnaître l'activité inventive du procédé revendiqué.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Recevabilité de l'opposition
Pour qu'une opposition soit recevable l'acte d'opposition doit entre autres préciser les motifs sur lesquels l'opposition se fonde ainsi que les faits et les preuves invoqués à l'appui de ces motifs (règle 76(2) c) CBE). Cette condition n'est remplie que si le contenu de l'acte d'opposition est suffisant, si nécessaire avec un effort d'interprétation, pour permettre de comprendre correctement la cause de l'opposant concernant au moins un motif d'opposition en l'appréciant objectivement. Par contre, la vérification à effectuer en vue d'établir si les documents cités suffisent à prouver les faits et analyses allégués relève uniquement de l'examen quant au fond des motifs de l'opposition, lequel ne peut avoir lieu que lorsque la recevabilité de l'opposition a été établie.
Dans le cas présent l'acte d'opposition comprend à la page 4 une objection de manque de nouveauté au vu de D27. Cette objection est soulevée en listant les étapes du procédé de la revendication 1 du brevet en cause en combinaison avec les passages qui selon la requérante portent atteinte à la nouveauté de l'invention revendiquée. Il était donc possible à partir de l'acte d'opposition de comprendre quels étaient selon l'opposante les éléments du procédé revendiqué et les passages qui les divulguaient, c'est-à-dire qu'il était possible de comprendre les raisons du manque de nouveauté allégué.
Il est vrai que pour certaines caractéristiques il est fait référence au résumé JAPIO. Cependant, celui-ci n'est pas, contrairement à l'opinion de l'intimée, un document indépendant par rapport au texte japonais, car il se fonde sur le contenu de ce dernier, auquel il est associé.
La traduction du texte japonais de D27, qui a été produite en dehors du délai d'opposition, n'était en l'espèce pas nécessaire pour suivre l'argumentation de l'opposante mais constituait plutôt, à la limite, un moyen de preuve pour en vérifier le bien-fondé.
Quant aux mots qui d'après l'intimée manquaient de l'argumentaire, l'intimée même n'a indiqué aucune difficulté qui aurait été causée par ce prétendu défaut.
Par conséquent la Chambre conclut à la recevabilité de l'opposition.
3. Nouveauté (revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire)
Pour pouvoir conclure à l'absence de nouveauté d'une invention donnée l'objet de ladite invention doit être compris dans, c'est-à-dire découler clairement, précisément et directement de l'état de la technique.
Dans le cas présent D27 (références dans D27a) divulgue un procédé de fabrication de bandes d'acier au carbone (revendication). Selon ce procédé, on coule d'abord l'acier sous forme d'une bande mince de 0,7 à 10 mm d'épaisseur (page 5, lignes 16-20). Ensuite on peut effectuer une opération facultative de laminage à chaud en ligne (page 5, lignes 23-24), suivie d'un refroidissement forcé (revendication 1 ainsi que tableau 1), d'un laminage à froid (page 5, lignes 27-28) et d'un recuit (page 5, lignes 28-30).
Même si la méthode divulguée par D27 pourrait éventuellement être utilisée pour obtenir des bandes pour emballages avec une épaisseur finale comprise entre 0,2 et 0,5 mm par un procédé comportant un laminage à chaud, ce document ne divulgue pas clairement, précisément et directement une telle démarche. Par conséquent, contrairement à l'avis de la requérante, il ne divulgue pas non plus l'obtention par ledit laminage à chaud d'une bande d'épaisseur inférieure à 3 mm que ladite épaisseur finale impliquerait. L'objet de la revendication 1 est donc nouveau.
4. Activité inventive (revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire)
4.1 Selon l'intimée, le manque d'activité inventive est un nouveau motif d'opposition qui ne peut pas être pris en compte pour la première fois en recours sans son accord.
Cependant, au point 2.2 de la décision attaquée (pages 7 à 11) la division d'opposition a pris en considération des objections de manque d'activité inventive soulevées par la requérante durant la procédure d'opposition et a décidé que les objets des revendications 1 et 14 impliquent une activité inventive. Il est donc hors de doute que le motif d'opposition de manque d'activité inventive a été pris en compte par la division d'opposition. Par conséquent il ne constitue pas un nouveau motif d'opposition en recours et il peut donc être pris en compte sans besoin de l'accord de la titulaire.
4.2 D3 divulgue un procédé de fabrication de bandes d'acier au carbone, notamment d'acier pour emballages (résumé, tableau 2, exemple B). Dans ce procédé on coule sous forme d'une bande mince de 0,7 à 10 mm (exemple B; 4,8 mm) d'épaisseur, directement à partir de métal liquide, un acier ayant une composition adaptée à une utilisation comme acier pour emballages et on effectue une opération de laminage à chaud en ligne de ladite bande, se terminant dans le domaine austénitique (exemple B; 920ºC, 30%) dudit acier pour obtenir une bande d'épaisseur de 3,0 mm. Comme une certaine variation existe dans l'épaisseur des bandes laminées on doit conclure que D27 divulgue aussi l'obtention d'une bande d'épaisseur inférieure à 3 mm. Par la suite on effectue un laminage à froid de ladite bande à un taux de réduction de 85% au moins en une seule étape (exemple B; premier laminage à froid jusqu'à 0.340 mm, c'est-à-dire 88% de réduction) et un recuit de ladite bande (exemple B; à 720ºC).
4.3 A partir de D3 le problème à résoudre est l'obtention d'une structure à grains fins. Ce problème est résolu selon l'invention par le choix d'un refroidissement forcé de la bande à une vitesse de 80 à 400ºC/s se terminant dans le domaine ferritique de l'acier (paragraphes [0020] à [0022]).
4.4 D21 se rapporte, comme D3, à un procédé de fabrication de bandes d'acier au carbone dans lequel on coule l'acier sous forme d'une bande mince directement à partir de métal liquide, on effectue une opération de laminage à chaud en ligne de ladite bande, se terminant dans le domaine austénitique dudit acier (résumé). En outre, après refroidissement et bobinage, la bande peut être laminée à froid (page 11, lignes 5-18). Il divulgue en outre comment obtenir une structure à grains fins, favorable pour ledit laminage à froid (page 11, lignes 5-23). D21 divulgue donc une solution au problème ci-dessus pour un procédé du même type que celui de D3. Il était donc évident pour l'homme du métier essayant de résoudre ledit problème au départ de D3 de considérer D21.
Afin d'obtenir ladite structure à grains fins, D21 enseigne un refroidissement forcé du domaine austénitique jusqu'au domaine ferritique, à une vitesse de 20 à 200ºC/s (page 11, lignes 5-23). Comme cette plage de vitesses de refroidissement recoupe largement la plage en accord avec la revendication 1 du brevet, on ne voit pas de différences entre le refroidissement selon ladite revendication et celui proposé par D21.
4.5 Par conséquent D21 non seulement, contrairement à l'avis de l'intimée, divulgue la réalisation d'un refroidissement forcé en accord avec la revendication 1 du brevet en cause, mais enseigne qu'un tel refroidissement peut résoudre le problème ci-dessus. Ce document rendait donc évident pour l'homme du métier de résoudre le problème posé au départ de D3 par un refroidissement forcé de la bande à une vitesse comprise dans la plage de 80 à 400ºC/s se terminant dans le domaine ferritique de l'acier.
L'objet de la revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire n'implique donc pas d'activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.