European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2014:T187409.20141022 | ||||||||
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Date de la décision : | 22 Octobre 2014 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1874/09 | ||||||||
Numéro de la demande : | 96402379.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61N 1/39 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Défibrillateur/cardioverteur implantable | ||||||||
Nom du demandeur : | ELA MEDICAL (Société anonyme) | ||||||||
Nom de l'opposant : | St. Jude Medical AB | ||||||||
Chambre : | 3.4.01 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté - (oui) Activité inventive - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le recours fait suite à la décision rendue par la division d'opposition de révoquer le brevet européen EP-B-0 773 039. La décision a été signifiée aux parties par courrier du 13 août 2009.
II. La requérante (titulaire du brevet) a déposé l'acte de recours en ligne le 14 septembre 2009. La taxe de recours prescrite a été acquittée le même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé quant à lui le 24 novembre 2009.
III. Avec le mémoire de recours, la requérante a requis l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet tel que délivré.
IV. Dans un courrier daté du 9 mars 2010, l'intimée (opposante) a requis le rejet du recours.
L'intimée a notamment contesté les arguments présentés par la requérante à l'appui de son recours. En outre, alors qu'au cours de la procédure d'opposition seule l'absence d'activité inventive de l'objet revendiqué au vu des documents E1, E2 et E3 (cf. Motifs de la décision, point 2) avait été soulevée, l'intimée a également fait valoir que celui-ci n'était pas nouveau compte tenu de l'enseignement du document E2.
V. Par citation du 11 juillet 2014, les parties ont été invitées à comparaître à une procédure orale conformément à une requête en ce sens présentée par la requérante.
VI. Dans une notification établie conformément à l'article 15(1) RPCR datée du 24 juillet 2014, la Chambre a informé les parties de son opinion provisoire quant à la requête de maintien présentée par la requérante.
En ce qui concernait l'objection nouvellement formulée d'absence de nouveauté du dispositif revendiqué, sur la base du document E2, la Chambre a constaté que cette objection se rapportait à un nouveau motif d'opposition qui ne pouvait être invoqué sans le consentement de la requérante. La Chambre rappelait cependant l'opinion de la Grande Chambre dans ce type de situation dans la décision G 7/95 (JO 1996, 626): "Lorsqu'il a été fait opposition à un brevet en vertu de l'article 100 a) CBE, au motif que les revendications sont dénuées d'activité inventive par rapport aux documents cités dans l'acte d'opposition, le motif concernant l'absence de nouveauté au regard des articles 52(1) et 54 CBE constitue un nouveau motif d'opposition, qui ne peut donc être invoqué dans la procédure de recours sans le consentement du titulaire du brevet. Toutefois, lorsqu'il s'agit de statuer sur le motif concernant l'absence d'activité inventive, il est possible d'examiner le grief selon lequel les revendications sont dépourvues de nouveauté par rapport au document représentant l'état de la technique le plus proche" (cf. Sommaire).
La requérante a donc été invitée à préciser si elle donnait son accord à ce que le motif d'opposition relatif à l'absence de nouveauté soit abordé. En cas de refus, elle a été informée que, conformément à ce que prévoit la décision G 7/95, cette question allait alors être abordée dans le cadre du débat relatif à l'activité inventive de l'objet revendiqué compte tenu de l'enseignement du document E2.
La Chambre a précisé, en outre, qu'elle n'était pas convaincue par l'analyse retenue par l'intimée.
VII. Dans un courrier du 19 septembre 2014, la requérante a donné son accord à ce que le motif d'opposition relatif à l'absence de nouveauté soit abordé. Elle a aussi présenté, en réaction aux observations formulées par la Chambre dans sa précédente notification, de nouveaux arguments en faveur du maintien du brevet tel que délivré. Une nouvelle requête auxiliaire de maintien du brevet, selon une version modifiée de la revendication indépendante a également été présentée.
VIII. La procédure orale devant la Chambre s'est tenue le 22 octobre 2014 en présence du mandataire de la requérante.
L'intimée avait préalablement informé la Chambre, dans un courrier du 4 septembre 2014, qu'elle n'avait pas l'intention de participer à la procédure orale et qu'elle n'allait pas y être représentée.
IX. Au cours de la procédure orale, la requérante n'a pas modifié ses requêtes présentées au préalable et a développé les arguments qu'elle avait présentés par écrit. Elle a notamment souligné que le document E3 (cf. infra), retenu par la division d'opposition pour conclure au manque d'activité d'inventive du dispositif revendiqué, en combinaison avec E2, ne contient aucune indication visant à modifier la configuration d'électrodes lors de l'émission de chocs de défibrillation afin d'éviter les risques de fibrillation auriculaire induite. En l'occurrence, E3 incite, au contraire, l'homme du métier à envisager d'autres voies susceptibles d'éviter ce type de complications. En effet, E3 mentionne explicitement qu'aucun patient n'avait développé de fibrillation auriculaire induite pour des chocs dont l'énergie dépassait 3 Joules: "No patient experienced AF with shock greater than 3J". Enfin, E3 rappelle en forme de conclusion le risque occasionné par les chocs électriques de longue durée: "... and the increased likelihood of induction with longer pulse widths is consistent with an upper limit of vulnerability in human atrial tissue". Ces précisions auraient très certainement conduit l'homme du métier à adapter la stimulation de manière à ce que l'énergie fournie et la durée d'impulsion soient sans risques pour le patient.
X. La requête principale présentée par la requérante vise le maintien du brevet tel que délivré. Celui-ci comprend une seule revendication dont le libellé est le suivant:
"1. Défibrillateur/cardioverteur implantable, comprenant :
- une électrode auriculaire (40) adaptée à être placée au voisinage ou à l'intérieur de l'oreillette (20),
- une électrode ventriculaire (50) adaptée à être placée à l'intérieur du ventricule (30),
- au moins une électrode adaptée à être placée externe au coeur (70, 80), et
- un boîtier générateur d'impulsions (60), comportant :
des moyens de délivrance d'une énergie de défibrillation ou de cardioversion, et
des moyens de commutation de configuration d'électrodes, qui déterminent entre quelles électrodes doit être appliquée l'énergie de défibrillation ou de cardioversion,
caractérisé en ce que les moyens de commutation comprennent en outre des moyens pour, lorsqu'une énergie de cardioversion doit être délivrée:
- déconnecter l'électrode auriculaire des moyens de délivrance de l'énergie de défibrillation ou de cardioversion si bien que l'électrode auriculaire se trouve à un potentiel flottant, et
- si la configuration d'électrodes déterminée par les moyens de commutation prévoit la commutation de l'électrode auriculaire, substituer à cette électrode l'une au moins des électrodes externes au c½ur."
Le contenu de la requête auxiliaire est sans incidence sur le contenu de la présente décision.
Motifs de la décision
1. Loi applicable
Le texte révisé de la CBE (CBE 2000) est entré en vigueur le 13 décembre 2007. Il ressort des dispositions transitoires qu'un certain nombre de dispositions sont applicables aux brevets européens déjà délivrés à la date de leur entrée en vigueur. L'article 1(1) de la décision du Conseil d'administration de l'OEB du 28 juin 2001 fournit une liste des articles effectivement concernés.
2. Recevabilité du recours
Le recours formé par la requérante est conforme aux exigences des articles 106 à 108 CBE et à celles de la règle 99 CBE. Il est donc recevable.
3. État de la technique
Il est fait référence, dans cette décision, aux documents de l'état de la technique suivants:
E1: WO-A-95/16494;
E2: US-A-5 376 103;
E3: J. florin et al. "The Induction of Atrial Fibrillation with Low Energy Defibrillator Shocks is Related to Lead and Pulse Width"; Supplément de "Circulation," Vol. 92, No.8; 15 Octobre 1995; "Abstracts from the 68th Scientific Sessions", Anaheim Convention Center California, 13-16 novembre 1995; Résumé No. 0667.
4. Absence de nouveauté - Nouveau motif d'opposition
4.1 L'intimée fonde son objection d'absence de nouveauté de l'objet de la revendication du brevet tel que délivré, vis-à-vis du dispositif décrit dans E2, sur une interprétation de la revendication que la Chambre ne partage pas.
En effet, selon l'intimée, la formulation retenue n'impliquerait pas nécessairement une action de substitution de l'électrode auriculaire en cas de cardioversion, mais seulement que la configuration qui en résulterait soit occasionnellement reproduite lors de circonstances particulières de cardioversion.
Hormis le fait que l'interprétation retenue par l'intimée aurait pour effet de priver le dispositif revendiqué de sa raison d'être, dans la mesure où il ne serait plus alors possible d'en comprendre l'objet, la Chambre s'accorde pour reconnaître que la formulation "lorsqu'une énergie de cardioversion doit être délivrée" définit bel et bien une condition, en elle-même suffisamment claire, requise afin de procéder à l'exécution des opérations ensuite évoquées. En fonction des conditions de stimulation et, en particulier, de la configuration d'électrodes préalablement déterminée par les moyens de commutation, une électrode externe sera éventuellement substituée à l'électrode auriculaire. La formulation retenue implique notamment que, contrairement à l'interprétation qui en est faite par l'intimée, l'étape de vérification de la condition de substitution sera effectuée dans toutes les situations de cardioversion, qu'une telle substitution s'avère effectivement requise ou pas.
4.2 Or, le document E2 ne prévoit pas de tels moyens de substitution. E2 fait uniquement état de moyens de commutation de configuration d'électrodes qui déterminent, de manière définitive en ce qui concerne la stimulation envisagée, entre quelles électrodes devra être appliquée l'énergie de défibrillation. E2 ne précise pas davantage quels critères président à la détermination de la configuration d'électrodes retenue.
Par conséquent, le dispositif selon la revendication du brevet tel que délivré est nouveau au sens de l'article 54(1),(2) CBE 1973.
5. Activité inventive
5.1 Le document E2 décrit un défibrillateur implantable qui reproduit les caractéristiques du préambule de la revendication 1.
L'objet revendiqué diffère donc de ce dispositif par les caractéristiques de la partie caractérisante, c'est-à-dire en ce que les moyens de commutation comprennent en outre des moyens pour, lorsqu'une énergie de cardioversion doit être délivrée:
- déconnecter l'électrode auriculaire des moyens de délivrance de l'énergie de défibrillation ou de cardioversion si bien que l'électrode auriculaire se trouve à un potentiel flottant, et
- si la configuration d'électrodes déterminée par les moyens de commutation prévoit la commutation de l'électrode auriculaire, substituer à cette électrode l'une au moins des électrodes externes au c½ur.
5.2 Ainsi il est garanti que le dispositif ne délivrera pas d'impulsion de cardioversion par le biais de l'électrode auriculaire.
5.3 Le dispositif revendiqué permet donc de remédier aux risques de fibrillation qu'une telle stimulation serait susceptible de générer.
5.4 Contrairement à ce que soutient l'intimée (cf. lettre du 9 mars 2010, page 4, troisième paragraphe), E3 ne suggère nullement de ne pas utiliser l'électrode auriculaire pour la cardioversion. En réalité, l'enseignement de E3 se limite à constater l'existence de fibrillations provoquées qui résultent de l'excitation de cette électrode à basse énergie.
Comme le souligne la requérante, d'autres possibilités seraient tout à fait envisageables sur la base de cet enseignement comme, par exemple, celle consistant à augmenter l'intensité de l'impulsion délivrée de façon à sortir du domaine à risque. Dans la mesure où selon E3 ce domaine correspond à des énergies inférieures à 3 Joules, il eut alors été évident, en supposant que l'on reproduise la logique de programmation telle que retenue dans l'invention, de procéder dans le dispositif de E2 à une vérification de l'énergie initialement prévue pour la stimulation, de la comparer ensuite à cette valeur de seuil de 3 Joules et, le cas échéant, d'augmenter cette énergie de stimulation de façon à dépasser ce seuil.
Enfin, le constat effectué dans E3, et qui tient lieu de conclusion finale selon lequel "the increased likehood of induction with longer pulse widths is consistent with an upper limit of vulnerability in human atrial tissue", aurait lui aussi plutôt incité l'homme du métier à suivre une voie différente de celle retenue par l'invention. Celui-ci aurait alors, en effet, envisagé de réduire la durée des impulsions appliquées de façon, là encore, à échapper au domaine à risque.
E1 ne contient pas davantage d'informations incitant à substituer une électrode externe à une électrode auriculaire lors de stimulations de cardioversion.
5.5 Retenir, comme l'a fait la division d'opposition, qu'il eut été évident pour l'homme du métier de procéder à la substitution de l'électrode auriculaire pour remédier au problème de fibrillation auriculaire induite, alors même que rien dans l'état de la technique ne le suggère et que, dans le même temps, celui-ci fournit des indications explicites conduisant à préférer d'autres approches, relève d'une analyse a posteriori des mérites de l'invention. À ce titre, l'analyse de la division d'opposition n'est pas convaincante. La Chambre retient, au contraire, que le fait d'avoir identifié une solution technique différente de celles plus immédiates suggérées par l'état de la technique démontre la démarche inventive de ses auteurs.
L'objet de la revendication du brevet tel que délivré procède donc d'une activité inventive au sens de l'article 56 CBE 1973.
6. La requête principale étant considérée bien fondée, la requête auxiliaire est alors dépourvue d'objet.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
la décision attaquée est annulée.
Le brevet est maintenu tel que délivré.