T 1871/09 () of 24.11.2015

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2015:T187109.20151124
Date de la décision : 24 Novembre 2015
Numéro de l'affaire : T 1871/09
Numéro de la demande : 01925627.0
Classe de la CIB : G10L 21/02
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : METHODE ET DISPOSITIF D'ENRICHISSEMENT SPECTRAL
Nom du demandeur : Orange
TELEDIFFUSION DE FRANCE
Nom de l'opposant : Stefanie KREMER
Vestel Germany GmbH
Chambre : 3.4.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54(3)
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention Art 69
European Patent Convention 1973 Art 56
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
European Patent Convention 1973 Art 111(1)
European Patent Convention Art 105
Mot-clé : Intervention du contrefacteur présumé
Nouveauté - revendication de vaste portée
Documents produits tardivement - recevabilité
Exergue :

La Chambre fait application d'un principe général d'interprétation, dont l'article 69 CBE n'est qu'une illustration, en vertu duquel une partie d'un document ne saurait être interprétée indépendamment de son contexte, mais qu'il convient au contraire de considérer l'intégralité du document, dès lors que l'on recherche le sens de telle ou telle affirmation dont il est fait état (cf point 3.1). [...] Il n'est donc pas justifié, à ce titre, de retenir un passage de la description au détriment d'un autre, afin de donner une coloration particulière à certains termes utilisés (cf. point 3.3).

Dans le même temps, il ne saurait être fait abstraction de la particularité du fascicule de brevet pour lequel les revendications ont vocation à généraliser les modes de réalisation particuliers effectivement divulgués dans le fascicule de brevet. Dans quelle mesure, cette particularité intervient dans l'exercice d'interprétation relève du cas d'espèce. [...] Il n'en demeure pas moins que les termes choisis dans les revendications sont supposés avoir été choisis pour servir cet objectif de généralisation des modes de réalisation particuliers. En conséquence, dès lors que le titulaire du brevet aura omis, sciemment ou non, de définir certains concepts, ou aura accepté de laisser subsister certaines ambiguïtés dans la description du brevet inhérente à la requête considérée, celui-ci sera alors mal fondé à se retrancher derrière une interprétation limitative des termes de la revendication, tout au moins dans la mesure ou l'interprétation générale retenue est techniquement sensée et conforme à l'enseignement général du brevet (cf. point 3.4).

Décisions citées :
T 0556/02
T 0667/08
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1698/13
T 0736/16
T 1283/16
T 3097/19
T 0439/22

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen EP-B-1 275 109 a fait l'objet d'une opposition formée par l'opposante I contre le brevet dans son ensemble et fondée sur les motifs selon l'article 100 a) CBE pour défaut de nouveauté et d'activité inventive et l'article 100 c) CBE en combinaison avec l'article 123(2) CBE.

La décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen sous forme modifiée a été signifiée aux parties par courrier du 9 juin 2009.

Les documents de l'état de la technique ayant été pris en compte au cours de la procédure d'opposition sont les suivants :

D1: WO-A-00/45379 ;

D2: WO-A-98/57436 ;

D3: US-A-5 127 054 ;

D4: J. Makhoul et al., "Predictive and residual encoding of speech"; The Journal of the Acoustical Society of America, Vol.66(6), Decembre 1979, pages 1633-1641 ;

D5: US-A-5 915 235 ;

D6: US-A-4 776 014 ;

D7: US-A-5 455 888 ;

D9: US-A-5 068 899 ;

D10: R. Viswanathan et al., "Voice-excited LPC coders for 9,6 kbps speech transmission", IEEE, 1979; pages 558-561 ;

D11: WO-A-01/26095 ;

D14: US-A-5 842 160 ;

D15: L. R. Rabiner, "Digital processing of speech signals", Laboratoires Bell, Prentice Hall International Inc., 1978, chapitre 2, pages 10-23.

La division d'opposition avait, cependant, décidé de ne pas admettre D10 dans la procédure. Les documents D8, D12 et D13 avaient été évoqués pour illustrer certains aspects de l'argumentation développée par l'opposante et ne constituent pas des documents de l'état de la technique en tant que tels.

II. Par télécopie du 18 août 2009, les requérantes I (titulaires du brevet) ont formé recours contre la décision de la division d'opposition. Le règlement de la taxe requise a été effectué le 14 août 2009. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé, quant à lui, le 15 octobre 2009.

Les requérantes I ont demandé, à titre principal, l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet tel que délivré. Les requérantes I ont aussi demandé, à titre subsidiaire, le maintien du brevet selon une requête subsidiaire 1 telle que soumise avec le mémoire de recours.

III. Par courrier du 18 août 2009, la requérante II (opposante I) a formé recours contre la décision de la division d'opposition. La taxe de recours a été acquittée le même jour. La requérante II a produit son mémoire de recours le 16 octobre 2009.

La requérante II a requis l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet dans son intégralité (cf. courrier du 18 août 2009).

La requérante II a fait référence, à l'appui de son argumentation, aux trois documents suivants, joints a son mémoire de recours :

D16a: JP-8-123495 ;

D16b: traduction de D16a en anglais (la référence unique D16 sera occasionnellement utilisée dans la suite de cette décision pour identifier les documents D16a et D16b) ;

D17: MIT OpenCourseWare, Août 2008, section 2.161

"Signal processing: Continuous and Discrete".

IV. En réaction au dépôt du recours par la requérante II, les requérantes I ont requis dans un courrier du 1er juin 2010, à titre subsidiaire, que le brevet soit maintenu selon l'une des requêtes subsidiaires 1, 2, 3, 3bis, 4, 4bis, 5, 5bis, 6, 7 et 7bis.

En outre, les requérantes I ont demandé que le refus de la division d'opposition d'admettre le document D10 dans la procédure d'opposition soit confirmé et que les documents D16a et D16b ne soient pas admis dans la procédure de recours.

En ce qui concerne le document D17, les requérantes I ne se sont pas opposées à sa prise en compte dans la procédure de recours.

V. La requérante II a produit, dans un courrier du 7 juin 2010, deux documents supplémentaires :

D18: Page internet intitulée "Spectral Whitening in practise - version 1.0 released 29/1/99" www.xsgeo.com/course/spec.htm du 3 juin 2010, (page unique) ;

D19: A. Klapuri; "A Method for Visualizing the Pitch Content of Polyphonic Music Signals", 10ème Conférence internationale ISMIR 2009, contribution du département de traitement du signal de l'université de Tampere (Finlande), pages 615-620.

VI. Les requérantes I et II ont développé, dans leurs courriers respectifs du 1er juin 2010 et 7 juin 2010, leur argumentation et débattu de la pertinence des analyses et observations faites par chacune d'elle ainsi que par la division d'opposition. Au-delà de la seule analyse des documents de l'état de la technique pris en considération au cours de la phase d'opposition ou introduits par la requérante II, les parties se sont opposées sur le sens qu'il convient d'attribuer à la notion de blanchiment, cet aspect étant non seulement essentiel compte tenu des conclusions rendues par la division d'opposition pour justifier du rejet de la requête de maintien du brevet tel que délivré, mais aussi compte tenu de l'enseignement de plusieurs documents de l'état de la technique cités par la requérante II.

De l'avis des requérantes I, la notion de blanchiment est claire en soi et recouvre une uniformisation des pics de l'enveloppe spectrale, c'est-à-dire une mise à niveau des maximums significatifs d'amplitude du signal. Une telle opération se distingue donc d'une opération d'égalisation d'énergie par sous bandes qui vise à une uniformisation du niveau moyen d'énergie le long du spectre du signal considéré.

VII. Par notification du 2 juin 2015, les parties ont été citées à comparaître à une procédure orale conformément à la règle 115(1) CBE 1973.

VIII. Par courrier du 17 août 2015, la société "Vestel Germany GmbH" est intervenue dans la procédure de recours conformément aux dispositions de l'article 105 CBE. L'intervenante (opposante II) a produit, à l'appui de sa requête en intervention, une copie d'une notification datée du 13 mai 2015, émanant du "Landgericht Mannheim", l'informant qu'une action en contrefaçon fondée sur la partie allemande du brevet EP-B-1 275 109 avait été engagée par la société "Fraunhofer-Gesellschaft zur Förderung der angewandten Forschung e.V." ainsi que la société "Orange", l'une des titulaires du brevet, à son encontre.

L'intervention, assimilée à une opposition selon l'article 105(2) CBE, est fondée sur le motif selon l'article 100 a) CBE pour défaut de nouveauté et d'activité inventive.

L'intervenante a requis la révocation du brevet dans son intégralité et fondé son argumentation sur les documents suivants :

D20: US-A-5 978 759 ;

D21: US-A-4 610 022.

IX. Dans une notification datée du 3 septembre 2015, établie en vertu de l'article 15(1) RPCR, la Chambre a estimé que l'intervention d'un tiers, en l'occurrence la société "Vestel Germany GmbH", dans la procédure de recours était recevable.

Elle a également fait part de son avis provisoire concernant les requêtes présentées.

Concernant le document D10 que la division d'opposition avait refusé d'admettre, la Chambre a rappelé qu'il lui revenait avant tout, au stade du recours, de s'assurer que la division d'opposition avait fait une juste application de son pouvoir discrétionnaire compte tenu des circonstances et de s'assurer, notamment, que celle-ci avait pris sa décision sur la base des principes applicables en l'espèce. À ce titre, la Chambre précisait qu'elle doutait que D10 fut prima facie plus pertinent que ne l'était le document D9 déjà présent dans la procédure.

Concernant le document D16, déposé par la requérante II avec le mémoire de recours, la Chambre doutait, là encore, que ce document fut plus pertinent que ne l'était D9. La Chambre indiquait, cependant, qu'elle avait l'intention d'admettre le document D17 dans la procédure de recours au titre des connaissances générales de l'homme du métier et ceci en raison de la pertinence de ce document.

X. Chacune des parties a pris position suite à l'avis provisoire émis par la Chambre.

les requérantes I se sont notamment opposées, dans un courrier du 23 octobre 2015, à ce que les documents D10, D16, D18 et D19 soient admis dans la procédure de recours. Elles ont également contesté les analyses développées par les deux autres parties et notamment celle présentée dans le cadre de l'intervention sur la base des documents D20 et D21.

Dans un courrier du 2 novembre 2015, l'intervenante a fait valoir que certains des arguments qu'elle avait préalablement présentés contre la version du brevet tel que maintenu par la division d'opposition s'appliquaient a fortiori à la requête principale des requérantes I en raison de la plus large portée des revendications de cette requête.

Le 2 novembre 2015, la requérante II a présenté de nouveaux arguments en faveur de l'admission des documents D10 et D16 et a déposé les documents suivants :

D22: R. W. Stewart et al., "Subband Adaptive Equalization of Time-Varying Channels", IEEE 1999, pages 534-538 ;

D23: A. H. Gray et al. "A Spectral-Flatness Measure for Studying the Autocorrelation Method of Linear Prediction of Speech Analysis", IEEE Transactions on Acoustics, Speech, and Signal Processing, Vol 22, n°3, Juin 1974, pages 207-217 ;

D24: L. R. Rabiner et al. "Digital Processing of Speech Signals", Prentice-Hall Inc., 1978, pages vi-xiii, 420-439.

La requérante II a aussi insisté sur la signification qu'il convenait d'accorder aux termes utilisés dans le brevet en instance et dans certains documents de l'état de la technique. Elle a notamment réitéré son point de vue quant à la signification des notions de blanchiment et d'égalisation d'énergie par sous bandes.

Le 16 novembre 2015, les requérantes I ont, une nouvelle fois, pris position sur cet aspect du débat et tenté de démontrer à l'aide de trois diagrammes élaborés à partir de l'exemple du spectre du signal vocal correspondant à la lettre "e" en quoi des traitements de blanchiment et d'égalisation d'énergie par sous bandes conduisaient à des résultats distincts, c'est-à-dire, à des signaux de spectre sensiblement différents.

XI. La procédure orale devant la Chambre de recours s'est tenue le 24 novembre 2015 en présence des requérantes I et II et de l'opposante II (intervenante).

XII. Au cours de la procédure orale, la Chambre a, en premier lieu, conclu à la recevabilité de l'intervention.

Les parties ont ensuite débattu de la signification qu'il convenait d'attribuer à divers termes utilisés dans le brevet tel que délivré, en particulier les notions de transposition, translation, translation simple, blanchiment et égalisation d'énergie.

Après avoir abordé la question de la pertinence prima facie de D10, la Chambre n'a pas admis ce document dans la procédure de recours.

La requête principale des requérantes I a été rejetée, l'objet de la revendication 1 n'étant pas nouveau au regard de D1.

Ensuite, la Chambre a conclu à la conformité des revendications de la requête subsidiaire 1 des requérantes I avec les exigences des Articles 123(2) CBE, 84 CBE 1973, 54(1),(2) CBE 1973 et 54(3) CBE, les documents D1, D9 et D14 ayant été pris en considération pour l'examen de la nouveauté.

En ce qui concerne les documents produits tardivement pendant la procédure de recours, seuls les documents D16 et D17 ont été admis dans la procédure.

Les parties ont confirmé leurs requêtes finales, à savoir :

Les requérantes I ont demandé l'annulation de la décision contestée et, à titre principale, le maintien du brevet tel que délivré ou, à titre subsidiaire, sous forme modifiée sur le fondement de l'une des requêtes subsidiaires 1, 2, 3, 3bis, 4, 4bis, 5, 5bis, 6, 7 et 7bis telles que soumises par courrier du 1er juin 2010.

La requérante II a demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.

L'intervenante a, elle aussi, demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.

XIII. Ci-dessous, ne sont évoquées que les requêtes effectivement pertinentes pour la présente décision.

La revendication 1 selon la requête principale des requérantes I s'énonce comme suit:

"1. Procédé d'enrichissement du contenu spectral d'un signal ayant un spectre incomplet incluant une première bande spectrale, le procédé comprenant les étapes suivantes :

- au moins une transposition du contenu spectral de ladite première bande dans une seconde bande spectrale non inclue dans ledit spectre pour générer un signal à spectre transposé, de spectre limité à ladite seconde bande spectrale ;

- mise en forme du spectre du signal à spectre transposé pour obtenir un signal d'enrichissement ;

- combinaison du signal à spectre incomplet et du signal d'enrichissement pour produire un signal à spectre enrichi ;

caractérisé en ce que la génération du signal à spectre transposé comprend une étape de blanchiment dudit contenu spectral de sorte que le spectre du signal à spectre transposé est une version blanchie dudit contenu spectral."

Les revendications 2 à 15 selon la requête principale des requérantes I dépendent de la revendication 1.

Les revendications dépendantes 16 à 18 selon la requête principale des requérantes I concernent des "procédés d'amélioration de décodage de signal à spectre incomplet".

Les revendications 19 à 22 selon la requête principale des requérantes I concernent des dispositifs variés adaptés à mettre en ½uvre, soit directement, soit au moyen de certains modules prévus à cet effet, les étapes de certains procédés revendiqués.

Plus concrètement, la revendication indépendante 19 concerne un dispositif d'enrichissement de spectre adapté à mettre en oeuvre les étapes du procédé selon l'une des revendications 1 à 15.

La revendication indépendante 20 concerne un dispositif additionnel à un décodeur de signal adapté à mettre en oeuvre les étapes du procédé selon la revendication 16.

La revendication indépendante 21 concerne un dispositif de réception comprenant un décodeur de signal codé par un codeur à limitation de bande et un dispositif additionnel adapté à mettre en oeuvre les étapes du procédé selon la revendication 16 ou 17.

La revendication indépendante 22 concerne un dispositif de codage/décodage comprenant, entre autre, un dispositif additionnel adapté à mettre en oeuvre les étapes du procédé selon la revendication 18.

XIV. La revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I s'énonce comme suit:

"1. Procédé d'enrichissement du contenu spectral d'un signal décodé ayant un spectre incomplet incluant une première bande spectrale, le procédé comprenant les étapes suivantes :

au moins une transposition, constituée d'une simple translation, du contenu spectral de ladite première bande dans une seconde bande spectrale dont aucune fréquence n'est inclue dans ledit spectre pour générer un signal à spectre translaté, de spectre limité à ladite seconde bande spectrale ;

mise en forme du spectre du signal à spectre translaté pour obtenir un signal d'enrichissement ;

ajout du signal d'enrichissement au signal à spectre incomplet pour produire un signal à spectre enrichi ;

la génération du signal à spectre translaté comprenant une étape de blanchiment dudit contenu spectral de sorte que le spectre du signal à spectre translaté est une version blanchie dudit contenu spectral."

Les revendications 2 à 12 selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I dépendent de la revendication 1.

Les revendications dépendantes 13 à 15 selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I concernent un "procédé d'amélioration de décodage de signal à spectre incomplet".

Les revendications 16 à 19 selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I concernent des dispositifs variés adaptés à mettre en ½uvre, soit directement, soit au moyen de certains modules prévus à cet effet, les étapes de certains procédés revendiqués.

Notamment, la revendication indépendante 16 se rapporte à un dispositif d'enrichissement du contenu spectral d'un signal ayant un spectre incomplet adapté à mettre en oeuvre les étapes du procédé selon l'une des revendications 1 à 12.

La revendication indépendante 17 concerne un dispositif additionnel à un décodeur de signal adapté à mettre en oeuvre les étapes du procédé selon la revendication 13.

La revendication indépendante 18 concerne un dispositif de réception comprenant un décodeur de signal codé par un codeur à limitation de bande, et un dispositif additionnel adapté à mettre en oeuvre les étapes du procédé selon la revendication 13 ou 14.

La revendication indépendante 19 concerne un dispositif de codage/décodage comprenant, entre autre, un dispositif additionnel adapté à mettre en oeuvre les étapes du procédé selon la revendication 15.

Motifs de la décision

1. Texte de la CBE applicable

Il est fait référence aux dispositions de l'acte de révision de la CBE du 29 novembre 2000 et à la décision du Conseil d'administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires de l'article 7 dudit acte de révision.

Dans cette décision, l'indication "1973", suivant l'évocation d'un article ou d'une règle, fera référence à la version antérieure de la CBE. L'absence d'indication signifiera, au contraire, qu'il est fait référence au texte tel que révisé (cf. CBE, "Mode de citation").

2. Recevabilité des recours formés et de l'intervention d'un contrefacteur présumé

2.1 Les recours formés par les requérantes I et II sont conformes aux exigences des articles 106 à 108 CBE et à celles de la règle 99 CBE. Les recours sont donc recevables.

2.2 L'intervention d'un tiers, la société "Vestel Germany GmbH", au titre de contrefacteur présumé dans la procédure de recours est conforme aux exigences de l'article 105 CBE et à celles de la règle 89 CBE. L'intervention est dès lors recevable.

Le statut de l'intervenante est assimilé à celui d'une opposante (Article 105(2) CBE 1973). Dans la suite de cette décision, la société "Vestel Germany GmbH" sera identifiée par sa désignation en tant qu'opposante II.

3. Observations préliminaires à caractère général concernant l'interprétation des revendications

3.1 Confrontée aux argumentations divergentes des parties quant à la signification qu'il convient de donner aux revendications et, notamment, à certains concepts auxquels celles-ci font référence, la Chambre s'est attachée à rechercher dans le fascicule du brevet, considéré dans son intégralité, le sens que l'homme du métier leur aurait attribué. Ce faisant, la Chambre a fait application d'un principe général d'interprétation, dont l'article 69 CBE n'est qu'une illustration, en vertu duquel une partie d'un document ne saurait être interprétée indépendamment de son contexte, mais qu'il convient au contraire de considérer l'intégralité du document, dès lors que l'on recherche le sens de telle ou telle affirmation dont il est fait état (cf. décision T 556/02, section 5.3, non publiée). Par conséquent, même si les dispositions de l'article 69 CBE concernant l'étendue de la protection n'ont, hormis le cas particulier de contestations dans le cadre de l'article 123(3) CBE, pas vocation à s'appliquer aux instances ayant à statuer sur des cas d'oppositions, le principe énoncé dans cet article n'en demeure-t-il pas moins applicable.

3.2 Aussi, n'est-il pas justifié de donner aux termes d'une revendication un sens particulier, et notamment un sens mathématique, dès lors que rien dans la description ne le justifie. En effet, l'application du principe d'interprétation précédemment évoqué conduit à rechercher dans le document entier, le sens que l'homme du métier aurait attribué aux termes utilisés. C'est également au document dans son entier que l'organe chargé de l'interprétation des caractéristiques techniques de la revendication devra se référer, et ceci dans la perspective de l'homme du métier du domaine considéré. En l'absence de définition explicite des termes employés, c'est le sens général conféré par le brevet aux termes considérés qu'il conviendra de retenir.

3.3 Le principe d'interprétation rappelé ici s'impose à tous, c'est-à-dire aussi bien aux opposants qu'au titulaire, ainsi qu'aux tiers. Le titulaire du brevet ne saurait donc conférer, aux termes utilisés ou aux caractéristiques reproduites dans une revendication, un sens que le contexte général du brevet ne permet pas véritablement d'établir. Il n'est donc pas justifié, à ce titre, de retenir un passage de la description au détriment d'un autre, afin de donner une coloration particulière à certains termes utilisés.

3.4 Dans le même temps, il ne saurait être fait abstraction de la particularité du fascicule de brevet pour lequel les revendications ont vocation à généraliser les modes de réalisation particuliers effectivement divulgués dans le fascicule de brevet. Dans quelle mesure, cette particularité intervient dans l'exercice d'interprétation relève du cas d'espèce. À cet égard, certains aspects tels que le but recherché par l'invention et le nombre d'exemples de réalisation sont tout particulièrement pertinents. Il n'en demeure pas moins que les termes choisis dans les revendications sont supposés avoir été choisis pour servir cet objectif de généralisation des modes de réalisation particuliers. En conséquence, dès lors que le titulaire du brevet aura omis, sciemment ou non, de définir certains concepts, ou aura accepté de laisser subsister certaines ambiguïtés dans la description du brevet inhérente à la requête considérée, celui-ci sera alors mal fondé à se retrancher derrière une interprétation limitative des termes de la revendication, tout au moins dans la mesure ou l'interprétation générale retenue est techniquement sensée et conforme à l'enseignement général du brevet.

4. Recevabilité du document D10

Après avoir débattu de la pertinence prima facie du document D10, la division d'opposition n'avait pas admis ce document dans la procédure d'opposition. Cette approche est conforme à la pratique en vigueur lorsqu'il s'agit de décider de la recevabilité de documents produits tardivement. D10 avait été invoqué par l'opposante I à l'encontre des requêtes faisant explicitement référence à une translation du spectre. La division d'opposition avait alors constaté que le passage de D10, cité par l'opposante I, ne suffisait pas a conclure à l'existence d'une telle translation du contenu du spectre.

La Chambre constate que la méthode de "Spectral Folding", évoquée dans D10 et explicitement invoquée par la requérante II, dans la mesure où elle comprend l'introduction de zéros entre les valeurs d'échantillonnage, combine repliement de spectre et translation de spectre, dès lors que le nombre de zéros introduits dépasse un. D'autre part, la revendication 1 selon la requête principale des requérantes I faisant état de transposition de spectre sans en préciser la nature, le "spectral folding" dont il est question dans D10 constitue incontestablement une telle transposition et ceci indépendamment du nombre de zéros introduits.

La Chambre retient cependant que la mise en forme réalisée dans D10 est réalisée, non pas sur un signal à spectre transposé, mais sur un signal pleine bande dont le spectre combine le spectre incomplet initial au spectre translaté (cf. D10, Figures 1, 2). De plus, dans le cas du décodeur de type Relp, la mise en forme ne sert pas a produire un signal d'enrichissement destiné à venir se combiner au signal a spectre incomplet, mais produit directement le signal à spectre enrichi. Dans la cas de la variante de type Velp, la mise en forme ne produit pas davantage un signal d'enrichissement au sens de la revendication puisque le signal ainsi obtenu devra d'abord être amputé de sa partie basse fréquence afin d'obtenir le signal d'enrichissement qui fera alors l'objet de la recomposition finale.

La Chambre rejette l'argument de la requérante II selon lequel la revendication 1 telle que délivrée n'exclurait pas que la portion de spectre correspondant à la première bande puisse faire également l'objet d'une mise en forme. En effet, la formulation de la revendication stipule que la mise en forme s'applique au spectre du signal à spectre transposé, et que c'est celui-ci qui sera combiné au signal à spectre incomplet.

Pour ces raisons, la Chambre n'a pas admis pas D10 dans la procédure de recours.

5. Requête principale des requérantes I

5.1 Le document D1 a été publié le 3 août 2000, soit postérieurement à la date de priorité du brevet en instance. D1 revendique deux priorités, respectivement du 27 janvier 1999 et 1 octobre 1999, antérieures à la date de priorité du brevet en instance. La demande PCT correspondant au document D1 a donné lieu à une demande européenne et fait donc partie, en vertu des dispositions de l'article 89 CBE 1973, de l'état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE. Le contenu de D1 est donc pertinent pour l'examen de la nouveauté.

5.2 D1 décrit un dispositif et un procédé d'amélioration perceptuelle d'un signal décodé utilisable dans la cadre du codage de la parole et des signaux audios (cf. page 1, lignes 7-12). L'amélioration perceptuelle recherchée est obtenue au niveau du décodeur au moyen de transpositions harmoniques multiples du signal audio sur-échantillonné (cf. page 5, lignes 5-15). Les transpositions harmoniques se font par multiplication des fréquences par les facteurs 2, 3 et 4 au sein d'un module (905) prévu à cet effet (cf. figure 9). Le signal large bande résultant des opérations de transpositions harmoniques fait ensuite l'objet d'une normalisation en énergie et d'une amplification simultanée par sous bandes (911) (cf. page 5, ligne 28 - page 6, ligne 7). Conjointement, un signal de bruit (cf. page 7, lignes 34, 35) est ajouté à ce signal qui est ensuite combiné, par simple superposition, au signal basse fréquence sur-échantillonné. Les spectres des signaux transposés se superposent donc, au moins en partie, à la bande spectrale du signal basse fréquence initial.

Le procédé de D1 constitue donc bel et bien un procédé d'enrichissement du contenu spectral d'un signal ayant un spectre incomplet incluant une première bande spectrale au sens de la présente demande. Par l'effet des multiplications harmoniques, le contenu spectral de la première bande est transposé dans une seconde bande spectrale pour générer un signal à spectre transposé.

Dans D1, la mise en forme du spectre du signal à spectre transposé (911) permet d'obtenir un signal d'enrichissement qui est ensuite combiné au signal à spectre incomplet pour produire un signal à spectre enrichi.

5.3 De l'avis des requérantes I, la condition selon laquelle la seconde bande spectrale dans laquelle le contenu spectral de la première bande est transposé doit être "non inclue" dans la première bande, ne serait pas réalisée dans le procédé de D1 en raison de la superposition du spectre résultant de la transposition harmonique et du spectre initial.

D'autre part, la technique d'égalisation d'énergie par sous-bandes à laquelle il est recouru dans D1 ne saurait être assimilée à une opération de blanchiment au sens du brevet. En effet, selon les requérantes I, le concept de blanchiment présente un sens précis dans le contexte du codage de signaux audios et notamment dans le contexte du présent brevet. Cette notion de blanchiment implique, en effet, une mise à niveau de l'enveloppe spectrale du signal considéré que n'implique pas la notion d'égalisation d'énergie par sous-bandes.

5.3.1 En ce qui concerne la première différence alléguée entre le procédé revendiqué et le procédé divulgué dans D1, la Chambre reconnaît, contrairement à ce qu'avance l'opposante II, qu'on ne peut attribuer à la notion d'inclusion, et donc aux termes "non inclue", le sens mathématique qui lui est reconnu dans le contexte de la théorie des ensembles. En effet, même si la Chambre partage les conclusions de l'opposante II, elle en rejette le fondement qui s'avère être par trop théorique et ne tient pas compte du contenu du fascicule du brevet où rien ne suggère qu'il convient de donner à des termes usuels une signification mathématique particulière.

De même, rien ne permet d'établir, contrairement à ce que prétendent les requérantes I, que les première et seconde bandes spectrales auxquelles il est fait référence dans la revendication 1 selon la requête principale doivent être nécessairement adjacentes ou disjointes. Le constat selon lequel la description du brevet tel que délivré fait explicitement référence à une seconde bande spectrale adjacente à la première, comme le confirme d'ailleurs la revendication dépendante 2 qui se limite à cette alternative, et à un mode de réalisation dans lequel les deux bandes initiale et transposée sont effectivement disjointes (cf. figure 3a), ne suffit pas à établir que la revendication 1 est à interpréter de manière à ne couvrir que ces deux alternatives. En effet, les passages du brevet relatifs à ces modes de réalisation sont très généraux et ne suggèrent nullement que les solutions divulguées soient les seules envisageables. Par conséquent, en l'absence d'indications dans le brevet quant au sens qu'il conviendrait d'attribuer au concept d'inclusion, et compte tenu du fait que les revendications ont vocation à généraliser l'enseignement des exemples de réalisation divulgués, la Chambre considère qu'il y a lieu de reconnaître à l'expression "non inclue" un sens général. La formulation employée se saurait donc être interprétée comme excluant la superposition partielle des spectres des signaux initial et transposé.

Par conséquent, la Chambre ne saurait s'associer au constat des requérantes I selon lequel la transposition harmonique dont il est fait état dans D1 constituerait une différence qui distinguerait le procédé qui y est décrit du procédé revendiqué.

5.3.2 La Chambre ne partage pas davantage le point de vue des requérantes I selon lequel la technique d'égalisation d'énergie par sous bandes mise en oeuvre dans D1 ne constituerait pas un blanchiment au sens du brevet en instance.

Cet aspect du débat va être développé ci-dessous de manière plus particulièrement détaillée étant donné l'importance accordée par les parties à cette question et les conséquences qui en résultent pour l'analyse de nombreux documents de l'état de la technique.

Les requérantes I ont, de manière constante, soutenu que l'opération de blanchiment consistait à uniformiser les pics de l'enveloppe spectrale du signal considéré et que cette opération était fondamentalement différente d'une opération d'égalisation d'énergie par sous bandes qui tendait à égaliser l'énergie moyenne le long du spectre du signal. La requérante II et l'opposante II n'ont pas contesté les définitions retenues, mais ont fait valoir que la technique d'égalisation d'énergie par sous bandes conduisait elle aussi à une forme de blanchiment du signal.

La Chambre relève que la définition du blanchiment retenue par les requérantes I, et acceptée par les autre parties, n'est pas exempte d'ambiguïté. En effet, la notion même d'enveloppe peut varier en fonction de l'amplitude des pics de fréquence que l'on retiendra pour la définir. Le profil spectral d'un signal vocal est généralement particulièrement tourmenté comme l'illustre par exemple la Figure 1 ci-dessous, produite par les requérantes II dans leur courrier du 16 novembre 2015, illustrant le spectre de la lettre "e" ainsi que les énergies pour des sous-bandes de largeur 1000 Hz.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Figure 1: spectre de la lettre "e"

Le contenu spectral d'un signal vocal pourra donc donner lieu à une multitude d'enveloppes en fonction de la "précision" recherchée. En pratique, ce sera l'ordre du filtre numérique utilisé qui permettra de rendre compte de l'enveloppe spectrale du signal considéré. Les requérantes I ont notamment souligné la nécessité de disposer d'un filtre d'un ordre suffisamment élevé, à savoir de l'ordre de 12 à 16, afin de rendre compte des 6 à 8 éléments principaux de la structure formantique du signal à blanchir.

La Chambre retient cependant que rien dans la formulation adoptée pour la revendication 1 ne permet de préciser l'ordre du filtre qu'il conviendra d'utiliser efficacement. Comme chacun peut l'apprécier sur la base de la Figure reproduite ci-dessus, la notion même d'enveloppe pourra conduire à l'élaboration de courbes plus ou moins accidentées en fonction des pics qui seront effectivement pris en compte pour la définir. Il est certain qu'un filtre d'ordre élevé sera le plus à même de rendre compte de la structure formantique et donc de produire un résidu de prédiction quasi-blanc.

La Chambre relève, cependant, que le blanchiment dont il est fait mention dans la revendication 1 n'est nullement spécifié; ni l'ordre du filtre requis ni le degré de blanchiment n'y sont, en effet, précisés.

La prise en compte du brevet dans son intégralité conduit à intégrer les effets d'amélioration de la qualité sonore et de l'intelligibilité du signal au procédé revendiqué (cf. paragraphe [0007]), ces effets correspondant aux objectifs recherchés par l'invention. La description souligne également l'intérêt qu'il y a à sélectionner un filtre d'ordre élevé (cf. paragraphe [0017]), mais n'exclut nullement qu'un filtre d'ordre plus limité produise, lui aussi, une certaine amélioration de la qualité ressentie du signal sonore.

Afin d'illustrer leur point de vue, les requérantes II ont soumis, dans leur courrier du 16 novembre 2015, les résultats des traitements par égalisation d'énergie (cf. Figure 2) et par blanchiment (cf. Figure 3) appliqués au spectre de la lettre "e" reproduit ci-dessus.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Figure 2:

Résultat d'une égalisation en énergie par sous bandes de 1 kHz appliqué au spectre de la lettre "e"

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Figure 3

Résultat d'un blanchiment au moyen d'un filtre LPC d'ordre 14 appliqué au spectre de la lettre "e"

Même si les Figures produites par les requérantes II illustrent des différences sensibles entre les deux techniques, tout au moins pour la largeur de sous-bande considérée et l'ordre du filtre retenus, la Chambre considère qu'une interprétation restrictive des revendications à la lumière de ces illustrations dépasserait largement ce que le contenu du brevet tel que délivré, considéré dans son intégralité, permet. En l'absence de toute précision de nature quantitative, la Chambre considère que le spectre illustratif d'une égalisation en énergie a de facto généré une uniformisation des pics particulièrement significatifs comme on peut le constater au niveau de la ligne horizontale d'ordonnée -50 dB de la Figure 2. Aussi, cette égalisation d'énergie constitue-t-elle une forme de blanchiment au sens reconnu à ce terme par les parties.

En outre, comme souligné, par la requérante II, la comparaison desdites Figures 1, 2 et 3 permet également d'apprécier que la forme du spectre du signal résultant de l'opération d'égalisation souligne elle aussi l'existence d'une forme de blanchiment du signal initial, même si cela est dans une proportion moindre par rapport à l'opération de blanchiment stricto sensu.

En conclusion, la Chambre considère que l'opération d'égalisation d'énergie par sous bande, telle qu'elle résulte de la normalisation par le biais des paramètres p21,..., p2N évoqués dans D1 (cf. page 5, line 28 - page 6, line 7) constitue un blanchiment au sens de la présente demande.

5.4 Dans D1, les opérations de normalisation en énergie par sous bandes et de mise en forme sont concomitantes (cf. équation 9, page 6), contrairement à ce qu'exige la formulation de la revendication 1. En effet, celle-ci stipule que l'étape de mise en forme s'applique au signal à spectre transposé, ce qui présuppose son élaboration préalable.

La prise en compte du brevet tel que délivré conduit, cependant, à généraliser le procédé revendiqué au-delà de son interprétation littérale. En effet, le paragraphe [0033] du brevet stipule la possibilité de procéder au blanchiment et au filtrage en une seule opération par un filtre de fonction de transfert égale au produit des fonctions de transfert respectives du filtre blanchisseur et du filtre de mise en forme. Il est regrettable que la version de la description n'ait pas été adaptée à la version des revendications considérée brevetable par la division d'examen et conduise à ce qui constitue avant tout un problème de clarté du procédé revendiqué. La version du brevet relève cependant de l'entière responsabilité du requérant. Si aucune objection de clarté (article 84 CBE 1973) ne peut être soulevée à l'encontre de la version délivrée du brevet en vertu de l'article 100 CBE 1973, les titulaires du brevet doivent néanmoins accepter que toute contradiction, ambiguïté ou imprécision puisse être exploitée par les opposantes qui pourront notamment tirer bénéfice de la portée élargie des revendications que de telles circonstances permettent. En l'espèce, l'argument selon lequel D1 reproduit le procédé de la revendication 1, tel qu'interprété à la lumière de la description, est donc justifié.

5.5 En conclusion, le procédé de la revendication 1 selon la requête principale des requérantes I n'est donc pas nouveau au sens de l'article 54(3) CBE compte tenu de l'enseignement du document D1.

Il s'ensuit que la Chambre ne saurait faire droit à ladite requête principale.

6. Requête subsidiaire 1 des requérantes I

Les revendications ont été modifiées, ce qui implique que les modifications doivent être considérées quant à leur fondement (Article 123(2) CBE) et clarté (Article 84 CBE 1973).

6.1 Article 123(2) CBE

6.1.1 La revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I précise, notamment, que la transposition dont il est question est constituée d'une simple translation.

La notion de simple translation est supportée par la demande telle que déposée (cf. demande telle que publiée, page 5, ligne 32; page 6, lignes 6-9, page 6, lignes 14-16; Figures 3a et 4c). La notion de translation est en soi suffisamment précise dans le contexte de la demande.

Les requérante II et opposante II ont fait valoir que la formulation "comprenant ... au moins une transposition, constituée d'une simple translation, du contenu spectral de ladite première bande dans une seconde bande spectrale dont aucune fréquence n'est inclue dans ledit spectre pour générer un signal à spectre translaté, de spectre limité à ladite seconde bande spectrale" contrevenait aux dispositions de l'article 123(2) CBE.

En effet, cette caractéristique n'apparaît nullement dans la description initiale et serait même contredite par celle-ci dans la mesure où la description fait état, dans un mode particulier de réalisation, d'une transposition d'une bande de 0-5 kHz à une bande de 5-10 kHz. L'existence d'une borne commune aux deux bandes de fréquences (5 kHz) serait en contradiction avec la caractéristique en question.

La Chambre ne partage pas cette analyse.

Comme la présente Chambre, dans une autre composition, a déjà eu l'occasion de l'affirmer dans une précédente décision (cf. décision T 667/08, non publiée), la formulation de l'article 123(2) CBE n'exige pas de fondement littéral pour les modifications apportées. Elle note, en outre, que le mode de réalisation de la Figure 3a décrit une translation du spectre pour laquelle le spectre translaté est séparé du spectre initial par deux sous-bandes du banc de filtres et que, par conséquent, la condition de la revendication 1 est clairement divulguée. L'existence d'un mode de réalisation ou la bande spectrale initiale et translatée partagent une borne commune n'affecte en rien ce constat.

L'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande initiale.

6.1.2 La requérante II et l'opposante II n'ont pas soulevé d'objections sur le fondement de l'article 123(2) CBE à l'encontre des autres revendications selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I.

6.1.3 La requête subsidiaire 1 des requérantes I ne contrevient donc pas aux dispositions de l'article 123(2) CBE.

6.2 Article 84 CBE 1973

6.2.1 La Chambre observe que l'existence d'une borne commune n'aurait pas été perçue par l'homme du métier comme une contradiction de la revendication 1. La manière d'évoquer les bandes passantes reflète la pratique en vigueur et ne saurait être interprétée comme entraînant une double prise en considération de la borne de 5 kHz. L'homme du métier reconnaîtrait en effet, qu'une telle interprétation serait non seulement artificielle, mais nuirait au but recherché d'amélioration de la qualité du signal reproduit.

6.2.2 La requérante II et l'opposante II n'ont pas soulevé d'objections sur le fondement de l'article 84 CBE 1973 à l'encontre des autres revendications selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I.

6.2.3 La requête subsidiaire 1 des requérantes I ne contrevient donc pas aux dispositions de la l'article 84 CBE 1973.

6.3 Nouveauté du procédé revendiqué vis-à-vis des documents présentés pendant la procédure d'opposition

6.3.1 D1

La translation dont il est fait état dans la revendication 1 a pour effet d'exclure un recouvrement, ne serait-ce que partiel, de la première et seconde bande spectrale.

La Chambre rejette donc l'approche qui consiste à ne reconnaître dans l'étape de transposition qu'une définition indirecte de la seconde bande spectrale. L'approche développée par la requérante II repose sur une interprétation littérale de la caractéristique en question qui, d'une part, ne reflète pas l'enseignement du brevet considéré dans son intégralité et, d'autre part, ne va pas au bout de sa propre logique. En effet, la caractéristique concernant l'étape de translation fait état "du contenu spectral de ladite première bande". Le terme "du", contraction des termes "de le", ne peut se référer qu'à l'intégralité du contenu spectral de la première bande, qui devra alors se retrouver dans la seconde bande dont aucune fréquence n'est inclue dans le spectre incomplet du signal décodé.

Il en résulte que le procédé de D1, pour lequel la première et la seconde bande se superposent au moins en partie, ne peut établir l'absence de nouveauté du procédé revendiqué.

6.3.2 D14

Le document D14 décrit un procédé d'enrichissement du contenu spectral d'un signal ayant un spectre incomplet. Le procédé de D14 tend à remédier aux artefacts présents dans le signal recomposé en raison de sous bandes vides dans le signal transmis (cf. colonne 2, lignes 8-10; lignes 36-39).

La Chambre reconnaît la pertinence de D14 étant donné l'indication dans le brevet selon laquelle un signal a spectre incomplet recouvre tout spectre à support borné ou tout spectre présentant des trous (cf. brevet, paragraphe [0007]). Il n'en demeure pas moins que D14 ne reproduit pas la caractéristique d'une translation du contenu spectral de ladite première bande dans la seconde bande dont aucune fréquence n'est inclue dans ledit spectre.

En effet, selon D14, le spectre incomplet est un spectre, de largeur bornée, pour lequel certaines sous-bandes ne sont pas représentées. Afin d'améliorer la qualité ressentie du signal, une sous bande vide se verra attribuer l'information d'inhérente à une autre sous-bande prédéterminée du signal initial (cf. figure 4; colonne 4, lignes 50-65). Si l'on considère que la première bande spectrale a laquelle il est fait référence dans la revendication 1 doit recouvrir tout le domaine borné du spectre à trous du signal à spectre incomplet, il en résulte alors que l'étape de translation est absente de D14. Si, en vertu d'une interprétation plus générale des termes de la revendication, on retient que la référence à "une première bande spectrale" peut définir une sousbande quelconque du signal a spectre incomplet, alors la caractéristique selon laquelle la translation se fait dans une seconde bande spectrale dont aucune fréquence n'est inclue dans "ledit spectre" est absente de D14, car cette translation se fera toujours au sein du domaine fréquentiel borné du signal initial, c'est-à-dire bel et bien dans le domaine borné du spectre incomplet. La Chambre retient, en outre, que dans D14, le spectre est non pas incomplet au sens du présent brevet, où celui-ci est effectivement indéfini sur une partie du domaine spectral, mais seulement incomplet au sens où l'information relative au signal codé et à certaines bandes de faible énergie est particulièrement imprécise, car assimilée à la valeur nulle.

Par conséquent, le procédé revendiqué est nouveau vis à vis de D14.

6.3.3 D9

Concernant le document D9, la Chambre constate que le signal à spectre transposé tel qu'on le trouve en sortie du filtre passe-haut 80 associé au sur-échantillonneur 56 (borne haute, fréquences supérieures à 4 kHz) n'est pas une version blanchie du signal à spectre incomplet 54 (cf. figure 2). En effet, dans D9, la mise en forme du signal précède ladite transposition (cf. opérations successives au sein des unités 72, 74 et 56). À cet égard. il est utile de souligner que les figures 5 et 6 de D9, sensées reproduire les spectres des signaux 74 et 76 ne rendent pas compte du fait que ces signaux sont basses fréquences. Enfin l'opération effectuée dans le "upsanmpler 56" consiste à introduire un zéro entre chaque valeur échantillonnée afin de passer d'une fréquence d'échantillonnage de 8 kHz à 16 kHz, cette opération conduisant à un retournement du spectre et non à une translation simple de celui-ci.

En conséquence, le procédé revendiqué est nouveau vis à vis de D9.

6.3.4 Les autres documents admis dans la procédure d'opposition ne sont pas plus pertinents que les document D1, D9 et D14 mentionnés ci-dessus.

7. Recevabilité des documents présentés pendant la procédure de recours

7.1 Au cours de la procédure orale, après que la Chambre eut informé les parties qu'elle considérait l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 des requérantes I nouveau compte tenu des documents D1, D9 et D14, la requérante II et l'opposante II ont indiqué qu'elles souhaitaient faire valoir certaines objections à l'encontre de la nouveauté de l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 des requérantes I au regard des documents produits pendant la procédure de recours, notamment D16 (D16a, D16b) et D20.

La Chambre a estimé qu'il convenait alors, à ce stade des débats, de statuer sur la prise en compte des documents produits au cours de la procédure de recours.

7.2 En ce qui concerne les documents D20 et D21, ceux-ci figurent déjà dans la procédure de recours, ces documents ayant été produits par l'opposante II dans son mémoire d'opposition (intervention) du 17 août 2015.

7.3 En ce qui concerne les documents D16 (D16a, D16b), D17, D18, D19, D22, D23 et D24, leur admissibilité doit être considérée.

7.3.1 D16 (D16a, D16b)

Tout en reconnaissant que de nombreux documents présentés pendant la phase de recours visaient à démontrer l'étendue des connaissances générales de l'homme du métier, la requérante II et l'opposante II se sont attachées à démontrer que tel n'était pas le cas de D16.

Comme elle l'avait déjà fait dans son courrier du 2 novembre 2015, la requérante II, rejointe en cela par l'opposante II, a contesté au cours de la procédure orale l'avis provisoire de la Chambre selon lequel D16 ne semblait pas plus pertinent que ne l'étaient les documents déjà présents dans la procédure d'opposition, et notamment D9.

D'un point de vue procédural, la Chambre prend acte du fait que D16 a été déposé avec le mémoire exposant les motifs du recours (article 12(1) RPCR) et que l'introduction de ce document constitue une réaction à la décision de maintien du brevet sous forme modifiée.

La Chambre reconnaît, de plus, la pertinence des observations faites au cours de la procédure orale, notamment tenant au fait que certains obstacles à une modification de D9 dans le sens de la présente invention n'existeraient pas en ce qui concerne D16.

Les commentaires qui suivent visent à justifier l'introduction de D16 dans la procédure en instance sur la base d'une analyse prima facie du contenu de ce document. Cette analyse ne préjuge donc en rien des conclusions qu'un examen plus approfondi de ce document par la division d'opposition serait susceptible de produire.

Aussi, la Chambre se limite-t-elle de constater que D16 décrit un procédé d'enrichissement du contenu spectral d'un signal ayant un spectre incomplet. Contrairement à D9, le dispositif de la Figure 1, de D16, procède à une mise en forme postérieure à l'opération d'introduction de M-1 zéros dans l'unité 15. La Chambre observe, en outre, que la version de la description correspondant à la requête subsidiaire 1 der requérantes I n'a pas été adaptée et que l'alternative du repliement y est présentée comme équivalente à celle de la translation. Ce dernier point confirme la pertinence du mode de réalisation particulier décrit dans D16 en relation avec la figure 1 pour lequel la valeur "2" retenue pour le paramètre M entraîne un repliement du spectre. D'autre part, comme le souligne la requérante II, même si la Figure 1 fait explicitement référence au cas où M = 2, la description ne semble nullement exclure que le paramètre M puisse prendre d'autre valeurs, avec les conséquences en termes de translation de spectre, que cela implique.

Contrairement à ce qu'elle avait tout d'abord estimé dans son avis préliminaire, la Chambre reconnaît donc que D16 est prima facie pertinent pour juger de la brevetabilité (nouveauté, activité inventive) du procédé revendiqué et admet ce document dans la procédure de recours.

7.4 D17

En ce qui concerne le document D17, déposé au titre des connaissances générales de l'homme du métier, les requérantes I ne se sont pas opposées à l'introduction de ce document.

La Chambre retient que D17, bien que publié postérieurement au dépôt du brevet attaqué, présente de manière particulièrement concise et compréhensible ce que certaines opérations sur des suites de valeurs numériques échantillonnées impliquent en termes de spectre. Ces opérations correspondant à celles que l'on retrouve dans bon nombre de documents cités, ce document s'avère donc effectivement tout à fait pertinent et utile à une bonne compréhension des documents invoqués et des arguments avancés par les parties.

En conséquence D17, est admis dans la procédure de recours au titre des connaissances générales de l'homme du métier à la date de dépôt du brevet en instance, aspect qui ne fut à aucun moment contesté par le parties.

7.5 D18, D19, D22 à D24

Les documents D18, D19, D22 à D24 ont été déposés après le dépôt du mémoire de recours pour illustrer certains points de l'argumentation de la requérante II. Ces documents ne sont pas en tant que tel pertinents au titre de la nouveauté ou activité inventive du procédé revendiqué. Les aspects relatifs aux connaissances générales, que ces documents sont sensés illustrer, requièrent une analyse approfondie de leur contenu, analyse qui ne saurait être justifiée en vertu du principe d'économie de la procédure à un stade avancé du recours (Article 13(1) RPCR).

Les documents D18, D19, D22 à D24 ne sont pas admis dans la procédure.

8. Renvoi de l'affaire à la division d'opposition

Compte tenu de l'admission dans la procédure de recours de nouveaux documents, en particulier D16, et de la complexité technique des points à débattre, la Chambre décide de renvoyer le cas à la division d'opposition pour suite à donner (article 111(1) CBE).

Ce faisant, la Chambre a notamment tenu compte du fait qu'aucune des parties ne s'opposait à un tel renvoi.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition pour suite à donner.

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