T 1445/09 (Composition de teinture/L'OREAL) of 17.11.2011

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2011:T144509.20111117
Date de la décision : 17 Novembre 2011
Numéro de l'affaire : T 1445/09
Numéro de la demande : 95402040.0
Classe de la CIB : A61K 7/13
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 102 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : Composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant une association d'au moins deux dérivés particuliers de paraphénylènediamine, et utilisation
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
Wella GmbH
Henkel AG & Co. KGaA
Bristol-Myers Squibb Company
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 111(1)
Mot-clé : Document déposé avec le mémoire de recours - admission dans la procédure de recours (oui)
Renvoi à l'instance du premier degré (non)
Activité inventive (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0207/03
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant I (opposant 3) et le requérant II (opposant 2) ont chacun introduit un recours contre la décision intermédiaire de maintien du brevet européen nº 705 598 sous une forme amendée basée sur le jeu de 9 revendications soumis comme requête principale le 6 février 2007. La revendication 1 s'énonce comme suit:

"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, du type comprenant dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un précurseur de colorant d'oxydation et, le cas échéant, un ou plusieurs coupleurs, caractérisée par le fait qu'elle contient, à titre de précurseur de colorant d'oxydation, l'association suivante:

la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine et la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine; et leurs sels d'addition avec un acide."

II. Des oppositions avait été formées par les requérants I et II ainsi que par les opposants 1 et 4 (parties de droit à la procédure) en vue d'obtenir la révocation du brevet en sa totalité pour manque de nouveauté et d’activité inventive (Article 100 (a) CBE) en se basant, entre autres, sur les documents suivants :

(I3) EP-A-0 400 330,

(I4) US-A-3 884 627 et

(IV2) US-A-4 324 553.

III. Selon la division d'opposition, l'exemple 17 du document (I4) qui divulguait une composition tinctoriale combinant la présence de deux dérivés de paraphénylènediamine ayant une bonne tenue aux shampoings constituait un point de départ particulièrement pertinent pour l'évaluation de l'activité inventive. Partant de cet exemple, le problème technique que se proposait de résoudre l'invention objet du brevet litigieux était d'améliorer la résistance de la coloration aux shampoings. Les résultats des tests décrits dans la note technique du 31 mai 2001 montraient que la coloration obtenue à l'aide d'une composition tinctoriale comprenant l'association de la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine et la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine était plus résistante à diverses épreuves que celle obtenue à l'aide de la composition de l'exemple 17 du document (I4). De plus, la note technique du 6 février 2007 permettait de reconnaître une amélioration de la tenue aux shampoings des colorations obtenues à l'aide des compositions revendiquées. Comme le document (I3) concernait les problèmes de toxicité de la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine, l'homme du métier n'avait aucune motivation à le combiner avec le document (I4) qui se rapportait à la résistance de la coloration aux shampoings, à la transpiration et à la lumière. Par conséquent, l'objet revendiqué ne découlait pas de l'état de la technique et impliquait donc une activité inventive.

IV. Selon le requérant I, le document (I4) représentait l'art antérieur le plus proche de l'invention. L'exemple 17 de ce document divulguait une composition tinctoriale comprenant l'association de deux précurseurs d'oxydation. Les résultats des essais comparatifs soumis avec la lettre du 9 septembre 2009 montraient que le problème technique de l'invention tel que défini par l'intimé, à savoir celui de l'amélioration de la tenue aux shampooings, n'était pas résolu dans toute la portée de la revendication. En outre le document (I3) rendait évidente la solution proposée par le brevet litigieux, à savoir de remplacer la paraphénylènediamine par la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine.

V. Le requérant II a ,entre autres, déposé le document

(II7) US-A-4 840 639

avec son mémoire de recours, afin de montrer qu'il était connu à la date de dépôt du brevet que les paraphénylènediamines substituées par un radical C1-C4-hydroxyalkyl produisaient des colorations plus résistantes aux lavages que les colorations produites avec la paraphénylènediamine. L'homme du métier partant de la composition de l'exemple 17 du document (I4) aurait remplacé la paraphénylènediamine contenue dans la composition de l'exemple 17 du document (I4) par la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphéylénediamine en vue d'améliorer la tenue des colorations et aurait ainsi abouti à la composition revendiquée sans faire preuve d'activité inventive. Lors de la procédure orale tenue devant la Chambre le 17 novembre 2011, le requérant II a également soutenu que le document (IV2) pouvait constituer l'état de la technique le plus proche de l'invention. Ce document divulguait des compositions de teinture d'oxydation comprenant comme précurseur d'oxydation la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine ou le 2,5-diaminophényléthanol. L'exemple 9 divulguait de plus l'association de deux précurseurs d'oxydation, à savoir la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine et la 2,6-diméthyl-3-methoxy-paraphénylènediamine, cette dernière ayant une structure plus proche de la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphéylénediamine présente dans les compositions du brevet que la paraphénylènediamine divulguée dans l'exemple 17 du document (II7). Puisque ce document était cité dans la procédure d'opposition contre l'activité inventive, l'intimé ne pouvait pas être surpris qu'il soit admis dans la procédure de recours.

VI. L'intimé a contesté la pertinence du document (IV2). Ce document était un point de départ moins prometteur que le document (I4) pour l'évaluation de l'activité inventive. Le document (II7) ne devait pas être admis dans la procédure de recours puisqu'il aurait pu être cité plus tôt dans la procédure d'opposition devant la première instance. Ce document n'était pas de prime abord pertinent puisque la 2-(beta-hydroxyéthyl)- paraphéylénediamine n'y était pas spécifiquement divulguée. Si le document (II7) ou le document (IV2) étaient admis dans la procédure de recours, l'affaire devait être renvoyée à la division d'opposition. Le document (I4) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention, notamment son exemple 17 qui divulguait l'association de la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine et de la paraphénylènediamine. Le problème technique à résoudre par l'invention était la mise à disposition d'une composition de teinture d'oxydation aboutissant à des colorations présentant une résistance améliorée aux shampoings. La solution revendiquée impliquait l'association de la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine avec la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine. Les résultats des essais comparatifs soumis avec la note technique 3 le 6 février 2007 montraient que le remplacement de la paraphénylènediamine par la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine améliorait la résistance des colorations aux lavages successifs. L'homme du métier en combinant le document (I4) avec le document (II7) ne serait pas parvenu à l'objet revendiqué puisque le document (II7) ne divulguait pas de composition comprenant la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine.

VII. Les requérants I et II ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimé a demandé le rejet des recours.

VIII. La Chambre a rendu la décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Les recours sont recevables.

2. Recevabilité du document (II7)

Le document (II7) a été déposé avec le mémoire de recours du requérant II. L'intimé s'est opposé à l'admission de ce document dans la procédure invoquant son dépôt tardif et son manque de pertinence.

2.1 Le dépôt du document (II7) a été occasionné par la motivation donnée dans la décision contestée dans le cadre de l'activité inventive, à savoir que le remplacement de la paraphénylènediamine diamine par la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphéylénediamine avait pour effet une amélioration surprenante de la résistance de la coloration. Le requérant II a déposé ce document avec son mémoire de recours dans le but de démontrer que cette amélioration n'était pas surprenante, mais au contraire était prévisible à la lumière de l'état de la technique, en l'occurrence du document (II7). Dans ces circonstances, la chambre décide d'admettre le document (II7) dans la procédure de recours.

2.2 L'intimé a demandé le renvoi en première instance si le document (II7) était introduit dans la procédure de recours.

Compte tenu des circonstances déterminantes de l'espèce, notamment si les faits ont beaucoup changé par rapport à ceux pris en considération dans la décision attaquée, la chambre décide de trancher elle-même l'affaire ou le renvoi à la division d'opposition pour suite à donner (Article 111(1) deuxième phrase CBE) en exerçant son pouvoir discrétionnaire. Le document (II7) n'a pas pour effet de modifier l'état de la technique le plus proche de l'invention et le problème résolu dans l'analyse de l'activité inventive entreprise dans la décision contestée, mais il étaye simplement l'argument soumis par le requérant II, à savoir que l'amélioration de la résistance de la coloration n'était pas surprenante. En outre le document (II7) a été déposé avec le mémoire de recours laissant suffisamment de temps à l'intimé de le prendre en considération déjà dans sa réponse au mémoire de recours.

Par conséquent la chambre décide de trancher elle-même l'affaire et de ne pas faire droit à la demande de renvoi.

3. Nouveauté

La décision T 207/03 (non publié au JO OEB) a tranché positivement la question de la nouveauté de l'objet des présentes revendications. La question de la nouveauté est donc chose jugée.

4. Activité inventive

4.1 Art antérieur le plus proche

4.1.1 Le brevet en litige concerne des compositions pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant, à titre de bases d'oxydation, l'association de la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine et la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine. L'accent est notamment mis dans le brevet contesté sur l'amélioration de la résistance des colorations à la lumière, aux intempéries, à la transpiration, aux shampooings et à l'action de la permanente (voir paragraphe [0010] du brevet) grâce à la présence de l'association de ces deux bases d'oxydation particulières.

Le document (I4) concerne les compositions de teinture d'oxydation comprenant des bases d'oxydation de type paraphénylènediamine et rapporte que la présence d'un ou plusieurs dérivés de paraphénylènediamines, incluant la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine permet d'améliorer la résistance aux shampooings, à la lumière et à la transpiration de la coloration (colonne 1, lignes 5 à 25 et 47 à 64).

Plus spécifiquement, l'exemple 17 du document (I4) divulgue une composition tinctoriale comprenant l'association de la paraphénylènediamine et de la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine ayant une bonne tenue aux shampoings.

4.1.2 En accord avec le requérant I, l'intimé et la division d'opposition, la Chambre considère que le document (I4) constitue l'état de la technique le plus proche de l'invention pour l'évaluation de l'activité inventive.

4.1.3 Selon le requérant II le document (IV2) représenterait l'art antérieur le plus proche de l'invention, l'exemple 9 de ce document divulguant des compositions de teinture d'oxydation comprenant la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine et la 2,6-diméthyl-3-methoxy-paraphénylènediamine.

Cependant la 2,6-diméthyl-3-methoxy-paraphénylènediamine est un dérivé de paraphénylènediamine tri-substitué qui par conséquent n'est pas plus proche structurellement de la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphéylénediamine des compositions revendiquées, à savoir un dérivé de paraphénylènediamine mono-substitué, que la paraphénylènediamine non substituée de l'exemple 17 du document (I4).

En outre, le document (IV2) traite de l'importance de la structure des coupleurs dans les compositions tinctoriales alors que le brevet litigieux tout comme le document (I4) s'intéressent plus spécifiquement aux bases d'oxydation. Le document (IV2) n'est donc pas plus proche de l'invention que le document (I4).

4.2 Problème technique à résoudre

Selon l'intimé le problème technique à résoudre par rapport à cet état de la technique est la mise à disposition de compositions tinctoriales pour le traitement des fibres kératiniques donnant des colorations ayant une meilleure résistance aux shampoings.

4.3 Solution

La solution proposée par le brevet litigieux est la composition selon la revendication 1 caractérisée par la l'association de 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine et N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine.

4.4 Succès

L'intimé se réfère aux résultats des essais comparatifs de la note technique 3, déposée avec la lettre du 6 février 2007 pour démontrer l'amélioration de la résistance aux shampoings.

Ces essais établissent une comparaison de la résistance aux shampoings de colorations obtenues à l'aide d'une composition comparative A contenant la paraphénylène-diamine et le sulfate de la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)- paraphénylènediamine et reflétant ainsi une composition selon le document (I4), d'une part, avec d'autre part, les compositions B et C selon l'invention se différenciant de la composition comparative A exclusivement par le remplacement de la moitié ou de la totalité de la paraphénylènediamine par une quantité équimolaire de 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine.

Les résultats montrent une décoloration après six shampooings plus importante lorsque la coloration est obtenue à l'aide de la composition comparative A (DE=2,64) que celle obtenue à l'aide des compositions selon l'invention B (DE=0,19) et C (DE=0,15). Ces essais comparatifs démontrent ainsi de façon convaincante que la combinaison de la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine et de la N,N-di-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine conduit à une coloration ayant une résistance améliorée aux shampooings par rapport à celle obtenue à l'aide de la composition selon l'état de la technique le plus proche de l'invention.

Au vu de ces résultats, la Chambre considère que le problème technique tel que défini ci-dessus (point 4.2) a bien été résolu par les compositions faisant l'objet de la revendication 1.

4.5 Evidence de la solution

Il reste à déterminer si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique de l'amélioration de la résistance de la coloration aux shampoings découlait à l'évidence de l'état de la technique, à savoir s'il était évident à la lumière de l'état de la technique pour l'homme du métier de remplacer la paraphénylènediamine présente dans la composition tinctoriale de l'exemple 17 du document (I4) par la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine dans le but d'améliorer la résistance de la coloration aux shampoings.

L'homme du métier cherchant à améliorer la résistance aux shampoings de la composition tinctoriale de l'exemple 17 du document (I4) considérera le document (II7) car il concerne également des compositions de teinture d'oxydation tout en ayant le même objectif que celui du brevet litigieux, à savoir partant de compositions de teintures d'oxydation comprenant des précurseurs d'oxydation classiques, telle la paraphénylènediamine, d'améliorer la tenue des colorations, notamment la résistance aux lavages, (voir colonne 1, lignes 29 à 42). Ce document enseigne que cette amélioration est atteinte grâce à la présence comme précurseur d'oxydation d'un 1-hydroxyalkyl-2,5-diaminobenzène (voir colonne 1, ligne 43 à 59 et colonne 3, lignes 14 à 20), qui est un terme générique incluant le 1-hydroxyethyl-2,5-diaminobenzène, c'est-à-dire la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine (voir revendication 3 du document (II7)). Il était ainsi évident pour l'homme du métier partant des compositions décrites dans le document (I4) et ayant comme objectif d'améliorer la résistance aux lavages des colorations de remplacer la paraphénylènediamine présentes dans la composition de l'art antérieur par la 2-(beta-hydroxyéthyl)paraphénylène-diamine comme enseigné par le document (II7) et d'aboutir ainsi aux compositions revendiquées sans faire preuve d'activité inventive.

Ainsi, l'enseignement du document (I4) combiné à celui du document (II7) conduit l'homme du métier de façon évidente à la solution revendiquée au problème technique défini ci-dessus.

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive (Article 56 CBE).

5. L'intimé a fait valoir que le document (II7) ne divulguait pas spécifiquement la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine. Cependant, tous les 1-(C1-C4)hydroxyalkyl-2,5-diaminobenzènes sont décrits comme étant des précurseurs d'oxydation équivalents dans les compositions du document (II7) et la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine, qui fait partie de ce groupe de composés, y est décrite spécifiquement (voir revendication 3).

Cet argument de l'intimé doit donc être écarté.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

Quick Navigation