T 1145/09 (Stay of proceedings/FISHER-ROSEMOUNT) of 17.6.2010

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2010:T114509.20100617
Date de la décision : 17 Juin 2010
Numéro de l'affaire : T 1145/09
Décision de la Grande Chambre des recours G 0001/10
Numéro de la demande : 99115002.0
Classe de la CIB : G05B 19/418
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 30 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : DE | EN | FR
Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Fisher-Rosemount Systems, Inc.
Nom de l'opposant : Endress+Hauser (Deutschland) AG+Co. KG
Chambre : 3.5.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 100(c)
European Patent Convention Art 106(2)
European Patent Convention Art 112(1)(a)
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention Art 123(3)
European Patent Convention R 140
European Patent Convention 1973 R 89
Mot-clé : Requête en rectification d'une décision de délivrance présentée après le début de la procédure d'opposition - recevabilité - compétence - saisine de la Grande Chambre de recours
Exergue :

Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours pour décision :

1. Une requête formulée par le titulaire d'un brevet en vertu de la règle 140 CBE aux fins de rectification de la décision de délivrance est-elle recevable lorsqu'elle a été présentée après qu'une procédure d'opposition a été introduite ? En particulier, le fait qu'aucun délai ne soit mentionné à la règle 140 CBE doit-il être interprété en ce sens qu'en vertu de la règle 140 CBE, il est possible de rectifier à tout moment des erreurs dans les décisions ?

2. Si une telle requête est considérée comme recevable, la division d'examen statue-t-elle de façon contraignante sur cette requête dans le cadre d'une procédure ex parte, de sorte que la division d'opposition ne peut plus examiner la question de savoir si la décision de rectification entraîne une modification non admissible du brevet délivré ?

Décisions citées :
G 0008/95
G 0001/97
G 0002/04
T 0850/95
T 0226/02
T 0268/02
T 0079/07
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1644/10
T 0084/16

Exposé des faits et conclusions

I. Il s'agit de la deuxième procédure de recours concernant des questions de procédure découlant d'une opposition formée contre le brevet européen n° 0 961 184.

II. L'opposition était formée au motif que des éléments avaient été ajoutés (article 100 c) CBE). L'opposant a fait valoir qu'une caractéristique figurant dans la revendication 1 du brevet attaqué ("means for initiating (56) a command related to a position of the device data") n'était pas divulguée à l'origine, de sorte que le brevet comportait des éléments s'étendant au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

III. Dans sa réponse à l'opposition, le titulaire du brevet a allégué qu'une erreur typographique s'était glissée lorsque la revendication 1 avait été modifiée au cours de la procédure pré-délivrance, et que la caractéristique devait se lire comme suit  : "means for initiating (56) a command related to a portion of the device data" (à savoir "portion" au lieu de "position"). Il a notamment demandé que la procédure d'opposition soit suspendue et que l'affaire soit renvoyée à la division d'examen pour qu'elle délivre à nouveau le brevet après rectification au titre de la règle 89 CBE 1973.

IV. Le 2 novembre 2006, un agent des formalités agissant pour la division d'opposition a envoyé une notification aux parties pour les informer, notamment, que l'affaire avait été renvoyée à la division d'examen et que l'examen de l'opposition était suspendu en attendant que la division d'examen rende sa décision définitive.

V. Un recours formé par l'opposant à l'encontre de cette notification a été rejeté comme étant irrecevable par la présente Chambre siégeant dans une composition différente. Dans sa décision T 165/07 du 23 novembre 2007, la Chambre a considéré que la notification attaquée ne constituait pas une décision au sens de l'article 106(1) CBE 1973, et que la division d'opposition n'avait pas encore statué sur la requête du titulaire du brevet visant à suspendre la procédure d'opposition et à renvoyer l'affaire à la division d'examen pour qu'elle prenne une décision concernant la requête en rectification au titre de la règle 89 CBE 1973.

VI. Le 12 mars 2009, la division d'opposition a pris la décision intermédiaire de suspendre la procédure d'opposition et de renvoyer l'affaire à la division d'examen pour qu'elle statue sur la requête en rectification au titre de la règle 140 CBE (qui correspond à la règle 89 CBE 1973). Elle a permis de former un recours indépendant contre cette décision.

VII. L'opposant (requérant) a formé un recours contre la décision intermédiaire et déposé le mémoire exposant les motifs de son recours.

VIII. Afin d'accélérer la procédure de recours, la Chambre a envoyé à un stade précoce une notification dans laquelle elle émettait l'avis préliminaire selon lequel le recours soulevait une question de droit d’importance fondamentale qui pourrait justifier une saisine de la Grande Chambre de recours. Les parties ont été invitées à faire savoir à la Chambre si elles étaient d'accord pour qu'une décision de saisine soit éventuellement prise sans procédure orale préalable, après envoi de la réponse du titulaire du brevet (intimé) aux motifs du recours. Les parties ont également été invitées à proposer des questions susceptibles d'être examinées par la Chambre en vue de la saisine.

IX. Dans leurs réponses, les parties ont indiqué que, si la Chambre était amenée à prendre une décision intermédiaire en vue de soumettre des questions de droit à la Grande Chambre de recours, elles acceptaient que cette décision soit prise sans procédure orale préalable.

X. L'opposant (requérant) a demandé que la décision intermédiaire de la division d'opposition soit annulée, qu'il soit ordonné à la division d'opposition de statuer sur la requête en rectification du titulaire du brevet, et que la taxe de recours soit remboursée en raison d'un vice substantiel de procédure.

XI. Le requérant a en outre proposé deux questions à soumettre à la Grande Chambre de recours qui s'énoncent comme suit :

"1. Dans une procédure d'opposition (inter partes) en instance, le renvoi à la division d'examen (procédure ex parte) pour rectification d'une erreur au titre de la règle 140 CBE dans une revendication de brevet indépendante est-il autorisé si la rectification de cette erreur a une incidence directe sur l'unique motif d'opposition avancé par l'opposant ("ajout d'éléments"), et que la rectification de l'erreur a pour effet de rendre irrecevable a posteriori une opposition qui était recevable lorsque le délai d'opposition a expiré ?

2. Dans une procédure d'opposition (inter partes), le renvoi à la division d'examen (procédure ex parte) pour rectification d'une erreur au titre de la règle 140 CBE dans une revendication de brevet indépendante est-il autorisé si la rectification de cette erreur a pour conséquence de rendre une opposition qui, sur la base de questions relevant de l'article 123(2) et (3) CBE, était recevable et fondée lorsque le délai d'opposition a expiré, irrecevable et non fondée a posteriori, puisque l'unique motif d'opposition, à savoir "l'ajout d'éléments" en combinaison avec "l'extension de l'étendue de la protection", a perdu son fondement avec la rectification ?"

XII. Les arguments avancés par le requérant peuvent se résumer comme suit :

- Le renvoi de l'affaire à la division d'examen a enfreint le principe de l'égalité de traitement des parties à la procédure d'opposition. Si la division d'examen faisait droit à la requête en rectification, l'opposant perdrait a posteriori l'unique motif sur lequel son opposition était fondée.

- L'opposant ne disposerait d'aucun moyen de recours contre la décision de rectification, puisqu'il n'avait pas le statut de partie à la procédure devant la division d'examen et qu'il ne pouvait donc pas former de recours contre cette décision. En revanche, le titulaire du brevet pourrait former un recours contre la décision de la division d'examen s'il n'était pas fait droit à sa requête en rectification.

- La décision G 8/95 de la Grande Chambre de recours concerne une affaire ex parte et ne peut s'appliquer à la situation actuelle, où une décision de rectification rendue par la division d'examen pourrait donner lieu à une discrimination évidente de l'une des parties à la procédure d'opposition en instance.

XIII. Le titulaire du brevet (intimé) a fait valoir que la décision attaquée était correcte, demandant ainsi implicitement que le recours soit rejeté.

XIV. En outre, l'intimé a proposé de soumettre à la Grande Chambre les questions suivantes  :

"1. Si une requête en rectification au titre de l'ancienne règle 89 CBE /de l'actuelle règle 140 CBE est présentée pendant une procédure d'opposition relative à une décision de la division d'examen, est-ce la division d'examen ou la division d'opposition qui doit être considérée comme compétente pour statuer sur la requête en rectification ?

2. Si, au cours d'une procédure d'opposition, une requête en rectification au titre de l'ancienne règle 88 CBE/de l'actuelle règle 139 CBE est présentée en ce qui concerne les pages de la description, les revendications ou les dessins produits après le dépôt de la demande de brevet européen conformément à l'article 75 CBE /le dépôt de la demande divisionnaire conformément à l'article 76 CBE/l'entrée dans la phase régionale européenne conformément à l'article 153 CBE ensemble l'ancienne règle 107(1)b)/l'actuelle règle 159(1)b) CBE, mais avant la décision de délivrer le brevet européen dans la version attaquée, est-ce la division d'examen ou la division d'opposition qui doit être considérée comme compétente pour statuer sur la requête en rectification ?

3. Si la division d'examen est compétente pour statuer sur la requête en rectification au titre de l'ancienne règle 89 CBE/de l'actuelle règle 140 CBE et de l'ancienne règle 88 CBE /de l'actuelle règle 139 CBE pendant que la procédure d'opposition est en instance, un opposant (y compris un contrefacteur présumé, selon la décision G 3/04) peut-il former un recours contre la décision de la division d'examen relative à la requête en rectification ?

4. S'il est fait droit à une requête en rectification au titre de l'ancienne règle 89 CBE/de l'actuelle règle 140 CBE concernant une décision de délivrance au cours de la procédure d'opposition, quelle est la suite de la procédure et à quel égard dépend-elle des circonstances particulières de la rectification accordée ?

5. S'il est fait droit à une requête en rectification au titre de l'ancienne règle 88 CBE/de l'actuelle règle 139 CBE concernant la description, les revendications et/ou les dessins d'un brevet délivré au cours de la procédure d'opposition, quelle est la suite de la procédure et à quel égard dépend-elle des circonstances particulières de la rectification accordée ?

6. Lors de l'examen d'une requête en rectification au titre de l'ancienne règle 89 CBE/de l'actuelle règle 140 CBE, quels critères faut-il appliquer et quels sont les documents/preuves à prendre en considération pour déterminer si une prétendue erreur est une "faute de transcription"("transcription error"/"Schreibfehler") ? De même, quels critères faut-il appliquer et quels sont les documents/preuves à prendre en considération pour déterminer si une erreur est "manifeste"("obvious"/"offenbar") ?

7. Lors de l'examen d'une requête en rectification au titre de l'ancienne règle 88 CBE/de l'actuelle règle 139 CBE, quels critères faut-il appliquer et quels sont les documents/preuves à prendre en considération pour déterminer s'il "apparaît immédiatement" ("immediately evident"/"sofort erkennbar") qu'aucun texte autre que celui résultant de la rectification n'a pu être envisagé par le demandeur ?

XV. Les arguments avancés par l'intimé, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent se résumer comme suit  :

- Le fait que la division d'examen fasse droit à la rectification demandée ne serait pas moins équitable qu'un rejet de la requête en rectification du titulaire du brevet.

- Rien dans la CBE ne garantit qu'un motif d'opposition apparemment valable aboutisse en définitive.

- Il n'est pas correct d'affirmer que le renvoi des requêtes en rectification du titulaire du brevet à la division d'examen aurait pour effet de transformer une procédure inter partes en une procédure ex parte, et de ramener ainsi le rôle de l'opposant à celui d'un observateur. L'on peut s'attendre à ce que le cadre juridique établi par la CBE et les instances correspondantes de l'OEB assure un traitement juste et équitable.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable, puisqu'il satisfait aux exigences des articles 106 à 108 et de la règle 99 CBE. En particulier, il est à noter que, conformément à l'article 106(2) CBE, la division d'opposition a permis un recours indépendant contre la décision intermédiaire.

2. En l'espèce, la division d'opposition a décidé de suspendre la procédure d'opposition afin de permettre à la division d'examen de statuer sur la requête en rectification au titre de la règle 140 CBE présentée par le titulaire du brevet. La CBE ne contient aucune disposition explicite précisant les conditions dans lesquelles une instance de l'Office européen des brevets peut suspendre une procédure en cours dans l'attente de la décision d'une autre instance de l'Office. Les règles 14 et 78 CBE ne concernent que la situation dans laquelle l'habilitation du demandeur ou du titulaire du brevet est contestée devant une juridiction nationale.

3. Cependant, la jurisprudence des chambres de recours admet qu'une suspension de procédure peut également être envisagée dans d'autres cas. En particulier, les chambres ont pour pratique courante de suspendre la procédure de recours si son résultat dépend des réponses que la Grande Chambre de recours aura données aux questions de droit dont elle est saisie. De même, les instances du premier degré suspendent souvent la procédure qui précède la délivrance ou la procédure d'opposition pour pouvoir tenir compte des décisions ou avis que doit rendre la Grande Chambre de recours (cf. notamment le Communiqué de l’OEB, en date du 1er septembre 2006, relatif à la suspension de procédures, JO OEB 2006, 538, remplaçant le Communiqué de l’OEB en date du 2 novembre 2005, relatif aux demandes divisionnaires, JO OEB 2005, 606, ainsi que les Directives relatives à l'examen pratiqué à l’OEB, E-VII, 3).

4. La Chambre est bien consciente que la suspension de la procédure d'opposition dans un cas tel que la présente espèce risque de retarder considérablement la clôture de la procédure, notamment si l'on tient compte du fait que le titulaire du brevet a la possibilité de former un recours contre la décision de la division d'examen. Comme l'a souligné la Grande Chambre de recours, la procédure d’opposition est conçue comme une procédure simple et rapide. Le fait de rendre la décision le plus vite possible est non seulement de l’intérêt des deux parties, mais aussi de celui du grand public de savoir dès que possible s’ils sont tenus de respecter un droit exclusif (cf. la décision G 2/04, JO OEB 2005, 549, point 2.1.4 des motifs).

5. A la lumière de ce qui précède, la Chambre estime que la suspension de la procédure d'opposition ne peut se justifier en l'occurrence que si la requête en rectification au titre de la règle 140 CBE, présentée par l'intimé après qu'une procédure d'opposition a été introduite, constitue une mesure corrective admissible, à propos de laquelle seule la division d'examen est compétente pour rendre une décision contraignante, et si l'issue de la procédure d'opposition dépend de façon décisive de cette décision.

6. Dans sa décision G 8/95 (JO OEB 1996, 481), la Grande Chambre a considéré que c'est à une chambre de recours technique - et non à la chambre de recours juridique - qu'il appartient de statuer sur un recours formé contre une décision d'une division d'examen de rejeter une requête en rectification de la décision de délivrance, présentée conformément à la règle 89 CBE 1973. Les motifs de la décision contiennent le passage suivant (au point 3.4) :

"C'est l'instance qui a rendu la décision qui est compétente pour rectifier des erreurs contenues dans une décision en vertu de la règle 89 CBE [1973]. Dans la procédure d'examen, c'est donc la division d'examen qui doit statuer sur une requête en rectification d'erreurs dans la décision de délivrance."

Dans la décision de saisine, à savoir la décision T 850/95 (JO OEB 1996, 455), la requête en rectification avait été présentée avant la publication de la mention de la délivrance du brevet, c'est-à-dire avant la date à laquelle la décision de délivrance avait pris effet conformément à l'article 97(4) CBE 1973. Il n'avait pas été formé d'opposition dans le délai fixé à l'article 99(1) CBE 1973.

7. Les chambres de recours ont reconnu la compétence de la division d'examen pour statuer sur une requête en rectification de la décision de délivrance également dans les cas où cette requête a été présentée après l'introduction de la procédure d'opposition (cf. T 226/02 du 13 juillet 2004, point 5.1 ; T 268/02 du 31 janvier 2003, point 2), et même après révocation du brevet par la division d'opposition, cette décision étant attaquée ultérieurement par le titulaire du brevet (cf. T 79/07 du 24 juin 2008, sections III à VI et point 4).

8. La Chambre note que la règle 140 CBE est muette quant à la question de savoir si des délais sont applicables en ce qui concerne la rectification de décisions, et que - contrairement aux procédures de limitation (cf. règle 93 CBE) - il n'existe pas de règle spécifique permettant de déterminer si la procédure d'opposition a la primauté ou non. Toutefois, si l'on admet que les requêtes en rectification au titre de la règle 140 CBE présentées seulement après l'introduction de la procédure d'opposition sont tout à fait recevables et qu'elles doivent être traitées par la division d'examen, certaines questions se posent nécessairement du fait de l'existence de procédures "parallèles", relatives au même brevet, devant des instances différentes de l'OEB. C'est ce qu'illustre la présente affaire, où la rectification demandée a trait à une prétendue erreur concernant la caractéristique même sur laquelle le requérant a basé son motif d'opposition, à savoir l'objection selon laquelle un élément a été ajouté.

9. Conformément aux principes bien établis par la jurisprudence de la Grande Chambre de recours, une requête en rectification au titre de la règle 140 CBE vise la forme sous laquelle la décision a été exprimée, et non le fond de la décision (cf. G 8/95, point 3.3). Dans ce contexte, la décision G 1/97 (JO OEB 2000, 322, point 3c)) indiquait ce qui suit :

"Il résulte d'ailleurs des travaux préparatoires de la CBE concernant la règle 89 CBE [1973] que le législateur a été préoccupé par la protection des tiers. Cela ressort clairement de l'historique de cette règle ... . Finalement, seule la rédaction restrictive de la règle 89 CBE actuelle [1973] a été retenue, qui exclut toute possibilité de préjudice."

10. Il apparaît donc qu'une décision de rectification de la division d'examen qui respecte les limites inhérentes de la mesure corrective prévue à la règle 140 CBE ne saurait modifier le contenu de la décision de délivrance du brevet. Etant donné que le brevet délivré restera donc nécessairement identique en substance, il importe peu, pour l'issue de la procédure d'opposition en cours, que l'examen des motifs d'opposition s'appuie sur la version originale du brevet délivré ou sur sa version rectifiée.

11. Il n'est pas exclu toutefois que la division d'examen puisse dépasser les limites de la mesure corrective prévue à la règle 140 CBE. Si la division d'opposition n'est pas tenue par la décision de rectification de la division d'examen, c'est-à-dire si elle peut ou même doit examiner si les rectifications acceptées par la division d'examen constituent des modifications inadmissibles du brevet tel qu'initialement délivré, l'issue de la procédure d'opposition ne doit pas être influencée par la décision de la division d'examen. En revanche, si la division d'opposition est tenue par une telle décision en ce sens que l'examen de l'opposition doit s'appuyer sur la version rectifiée du brevet, la décision de la division d'examen aura un impact décisif sur la procédure d'opposition, puisque sans cette décision, la division d'opposition pourrait aboutir à une conclusion différente.

12. La jurisprudence des chambres de recours ne semble pas unanime quant à la question de savoir si la division d'opposition est effectivement tenue au sens exposé plus haut par une décision de rectification de la division d'examen. Ainsi, la chambre 3.3.02 a conclu sans autres explications, au point 2 de la décision T 268/02 du 31 janvier 2003, que la division d'opposition - et la chambre de recours dans les procédures de recours sur opposition - avait le pouvoir inhérent de vérifier si la division d'examen avait correctement appliqué les dispositions de la règle 89 CBE 1973.

13. En revanche, dans sa décision T 79/07 du 24 juin 2008, la chambre 3.2.01 n'a pas adhéré à cette conclusion et est arrivée au résultat contraire. Elle a surtout tenu compte du principe établi selon lequel l'opposition est une procédure indépendante qui fait suite à la procédure de délivrance et qui ne saurait être considérée comme la poursuite ou l’extension de la procédure d'examen. Etant donné qu'une modification d'une revendication telle que délivrée, apportée au moyen d'une décision de rectification rendue par la division d'examen, n'équivaut pas à une modification des revendications après la délivrance du brevet, il convient de considérer la version rectifiée du brevet comme le brevet délivré. Dans une procédure inter partes de recours sur opposition, une chambre n'a pas la compétence d'une instance de recours pour réexaminer une décision relative à la rectification d'une décision de délivrance rendue au cours d'une procédure d'examen ex parte, étant donné que cette décision ne fait pas partie de l'objet du recours.

14. Comme cela a déjà été mentionné plus haut (cf. point 5), la question de procédure qui se pose en l'espèce, à savoir si la division d'opposition doit suspendre la procédure d'opposition en cours en raison de la requête en rectification au titre de la règle 140 CBE présentée par l'intimé, dépend de façon décisive de celle de savoir si cette requête, présentée après l'introduction de la procédure d'opposition, est une mesure corrective licite au sujet de laquelle seule la division d'examen est habilitée à prendre une décision contraignante. Si la chambre venait à conclure qu'il convient de répondre par l'affirmative à cette question, il faudrait considérer la suspension de la procédure d'opposition comme justifiée et rejeter le recours.

15. Le requérant a toutefois fait valoir (cf. point XII ci-dessus) qu'à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, le renvoi à la division d'examen et, partant, la suspension de la procédure d'opposition, seraient inéquitables du point de vue de la procédure et contraires au principe de l'égalité de traitement des parties à la procédure d'opposition : les parties sont d'accord sur le fait que si la division d'examen faisait droit à la requête en rectification, le seul motif d'opposition serait privé de son fondement, de sorte que l'opposition pourrait être rejetée comme non fondée, ou même comme irrecevable, étant donné l'effet rétroactif de la décision de rectification. En outre, l'opposant ne disposerait d'aucune voie de recours contre la décision de rectification, puisqu'il n'aurait pas le statut de partie à la procédure devant la division d'examen et qu'il ne pourrait dès lors pas former un recours contre la décision. En revanche, le titulaire du brevet pourrait former un recours contre la décision de la division d'examen s'il n'était pas fait droit à sa requête en rectification.

16. Compte tenu de ces arguments, la présente Chambre se demande si, lorsque la requête d'un titulaire de brevet au titre de la règle 140 CBE est présentée seulement après l'introduction de la procédure d'opposition, cette requête est encore recevable en vertu de la CBE. Bien que la règle 140 CBE ne précise aucun délai, cela n'implique pas nécessairement qu'une requête en rectification puisse être valablement présentée à tout moment et tranchée de façon contraignante par la division d'examen dans une procédure ex parte. Une telle requête, si elle était admise, permettrait de fait au titulaire du brevet de transformer ce qui était au départ une procédure inter partes, en une procédure ex parte concernant la question même qui avait donné lieu à l'opposition. Ce qui préoccupe surtout la Chambre, c'est que l'opposant pourrait se retrouver sans voie de recours dans le cas où la division d'examen outrepasserait les limites intrinsèques de la règle 140 CBE et où elle modifierait sur le fond la décision de délivrance du brevet par sa décision de "rectification".

17. La Chambre considère que la question décisive en l'occurrence est une question de droit d'importance fondamentale qui nécessite une décision de la Grande Chambre de recours, conformément à l'article 112(1)a) CBE. Il s'agit de l'interprétation de la règle 140 CBE, de la délimitation des compétences respectives des divisions d'examen et des divisions d'opposition, ainsi que de l'éventuelle imbrication des procédures ex parte et inter partes. Les dispositions de procédure de la CBE sont muettes sur ces points et la jurisprudence des chambres de recours est divergente, au moins en partie. Par conséquent, si ces questions de droit pertinentes sont soumises à la Grande Chambre de recours, cela permettra aussi d'assurer une application uniforme du droit.

18. Pour formuler les questions de saisine, la Chambre a pris en considération les propositions respectives des parties (cf. supra, points XI et XIV). Les questions soumises tiennent compte à la fois des questions proposées par le requérant et des questions 1 et 4 proposées par l'intimé. Les autres questions proposées par l'intimé ne sont pas jugées pertinentes pour la prise d'une décision en l'espèce, puisqu'elles concernent les requêtes en rectification au titre de la règle 88 CBE 1973 et de la règle 139 CBE plutôt que de la règle 89 CBE 1973 et de la règle 140 CBE (cf. questions 2, 5 et 7), qu'elles ont trait aux critères de fond à appliquer pour déterminer si une rectification au titre de la règle 140 CBE est recevable (cf. question 6), ou qu'elles concernent la possibilité, pour l'opposant, de former un recours contre une décision de rectification rendue par la division d'examen (cf. question 3).

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours pour décision :

1. Une requête formulée par le titulaire d'un brevet en vertu de la règle 140 CBE aux fins de rectification de la décision de délivrance est-elle recevable lorsqu'elle a été présentée après qu'une procédure d'opposition a été introduite ? En particulier, le fait qu'aucun délai ne soit mentionné à la règle 140 CBE doit-il être interprété en ce sens qu'en vertu de la règle 140 CBE, il est possible de rectifier à tout moment des erreurs dans les décisions ?

2. Si une telle requête est considérée comme recevable, la division d'examen statue-t-elle de façon contraignante sur cette requête dans le cadre d'une procédure ex parte, de sorte que la division d'opposition ne peut plus examiner la question de savoir si la décision de rectification entraîne une modification non admissible du brevet délivré ?

Quick Navigation