European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2011:T100709.20110721 | ||||||||
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Date de la décision : | 21 Juillet 2011 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1007/09 | ||||||||
Numéro de la demande : | 01402266.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | C08L 95/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Emulsions aqueuses de bitume synthétique, leur procédé de préparation et leurs applications | ||||||||
Nom du demandeur : | TOTAL RAFFINAGE MARKETING | ||||||||
Nom de l'opposant : | Shell Internationale Research Maatschappij B.V. | ||||||||
Chambre : | 3.3.03 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Extension de l'objet: non Suffisance de l'exposé: oui Nouveauté: oui Activité inventive: oui Admission de documents tardifs: non Remboursement de la taxe de recours: oui |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours a été déposé par la titulaire du brevet à l'encontre de la décision de la division d'opposition annoncée oralement le 18 décembre 2008 et signifiée le 23 février 2009 de révoquer le brevet européen EP 1 184 423 B1, basé sur la demande de brevet européen 01 402 266.9.
II. La demande telle que déposée contenait 25 revendications dont la revendication 1 s'énonçait comme suit:
"1. Emulsion de bitume synthétique, utilisable notamment pour la réalisation de revêtements colorés, constituée essentiellement de liants clairs et éventuellement de pigments colorés, caractérisée en ce qu'elle comprend :
- au moins un liant synthétique clair ayant un point de ramollissement ou une température Bille-Anneau (TBA), mesurée selon la norme NF T 66-008, comprise entre 30 et 100 ºC,
- au moins un composé de la famille des latex, introduit en une quantité comprise entre 3 et 40 % en poids de l'émulsion,
- de l'eau,
- et au moins un agent émulsifiant."
Les revendications 2 à 17 étaient dépendantes de la revendication 1. La revendication 18 portait sur un procédé de préparation d'une émulsion selon l'une des revendications 1 à 17, les revendications 19 à 22 étaient dépendantes de la revendication 18, les revendications 23 à 25 portaient sur des applications de l'émulsion selon les revendications 1 à 17.
III. Le brevet en litige a été délivré sur la base de 23 revendications, dont les revendications indépendantes s'énonçaient comme suit (les modifications des revendications 1 et 16 par rapport aux revendications 1 et 18 telles que déposées, respectivement, sont indiquées en gras et soulignées) :
"1. Emulsion de bitume synthétique, utilisable notamment pour la réalisation de revêtements colorés, constituée essentiellement (a) de liants synthétiques exempts d'asphaltènes, et éventuellement (b) de pigments colorés, caractérisée en ce qu'elle comprend :
- au moins un liant synthétique, exempt d'asphaltènes, ayant un point de ramollissement ou une température Bille-Anneau (TBA), mesurée selon la norme NF T 66-008, comprise entre 30 et 100ºC, comprenant au moins un agent structurant à base d'une résine de pétrole et au moins un agent plastifiant à base d'un extrait aromatique d'une coupe pétrolière, ou comprenant au moins un agent structurant à base d'un polymère hydrocarboné cycloaliphatique et au moins un agent plastifiant à base d'un composé hydrocarboné aliphatique dont le nombre d'atomes de carbone est supérieur ou égal à 20,
- au moins un composé de la famille des latex de polymères acryliques et de caoutchoucs naturels ou synthétiques, introduit en une quantité comprise entre 3 et 40 % en poids de l'émulsion,
- de l'eau,
- et au moins un agent émulsifiant."
"16. Procédé de préparation d'une émulsion selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes :
a) la réalisation d'un liant synthétique exempt d'asphaltènes, par mélange sensiblement homogène à l'état fondu d'au moins un agent plastifiant et d'au moins un agent structurant,
b) la mise en émulsion du liant synthétique obtenu en a) à l'aide d'une solution aqueuse d'un agent émulsifiant, en maintenant le mélange obtenu à une température suffisante pour obtenir une émulsion stable,
c) le refroidissement de l'émulsion et l'incorporation d'un latex de polymères acryliques et de caoutchoucs naturels ou synthétiques sous forme d'émulsion, sous agitation à température ambiante."
"21. Application d'une émulsion selon l'une des revendications 1 à 15, à la réalisation d'un revêtement de surface coloré sur un matériau d'étanchéité, tel qu'une membrane ou chape, comprenant au moins une couche de base, caractérisée en ce que le dépôt du bitume synthétique, auquel sont ajoutés des pigments colorés, est obtenu par enduction de cette émulsion sur la couche de base et rupture de l'émulsion par évaporation de son eau."
"23. Application d'une émulsion selon l'une des revendications 1 à 15, à la réalisation d'un revêtement de surface coloré pour applications routières à froid, tel que des enduits superficiels, des enrobés coulés à froid, et des coulis, sur un support, caractérisée en ce que le dépôt du liant synthétique, auquel sont ajoutés des pigments colorés et des granulats, est obtenu par répandage à froid et rupture chimique de cette émulsion."
Les revendications 2 à 15, 17 à 20, et 22 étaient des revendications dépendantes, respectivement, des revendications 1, 16 et 21.
IV. Une opposition a été formée à l'encontre du brevet précité le 2 mars 2007, au titre des motifs énoncés à l'Art. 100 (a) CBE (manque de nouveauté et manque d'activité inventive), à l'Art. 100 (b) CBE et à l'Art. 100 (c) CBE. L'opposition était fondée inter alia sur les documents suivants:
D2 : US-A-5 414 029
D4 : Route Actualité, février 1995, pages 39-47
D6 : US-A-5 212 220
V. La division d'opposition a décidé de révoquer le brevet pour manque d'activité inventive tant de la requête principale, que de chacune des requêtes subsidiaires 1 à 3. Pour toutes ces requêtes, la division d'opposition a estimé que :
- le remplacement de l'expression "liant synthétique clair" par "liant synthétique, exempt d'asphaltène(s)" satisfaisait aux exigences de l'Art. 123 (2) CBE;
- le brevet en litige mettait à la disposition de l'homme du métier toutes les informations nécessaires pour exécuter l'invention de manière sûre et sans fournir d'effort excessif (Art. 83 CBE). Pour cela, la division d'opposition a pris en compte, outre le seul exemple du brevet en litige (ci-après : exemple 1), l'exemple correspondant à l'Annexe 1 déposée par la titulaire le 16 octobre 2008 (ci-après : exemple 2);
- la nouveauté par rapport au document D2 était établie étant donné que ce document ne divulguait pas de particules de polymères dispersées en phase aqueuse et donc pas de latex selon la revendication 1 de chacune des requêtes en instance;
- concernant l'activité inventive, l'exemple 3 de D2 représentait l'art antérieur le plus proche. Les objets revendiqués dans chacune des requêtes en instance se différenciaient de l'exemple 3 de D2 en ce qu'un polymère était présent sous forme de latex tel que défini dans la revendication 1. Or, D6 divulguait que l'introduction d'un polymère dans un bitume noir pouvait être réalisée par ajout dudit polymère sous forme de latex. Bien que D6 traite exclusivement de bitumes noirs, la division d'opposition considérait que cet enseignement de D6 s'appliquerait néanmoins également à des compositions de liants clairs. Ainsi était-il évident de résoudre les problèmes posés par le brevet en cause par l'utilisation de polymères sous forme de latex à la place du polymère mis en oeuvre dans le liant clair de l'exemple 3 de D2. L'objet revendiqué dans chacune des requêtes de la titulaire manquait donc d'activité inventive au vu de D2 comme art antérieur le plus proche pris en combinaison avec D6.
VI. Le 22 avril 2009, la requérante (titulaire du brevet) a formé un recours à l'encontre de cette décision. La taxe de recours a été acquittée le même jour.
Le 3 juillet 2009, la requérante a déposé le mémoire de recours et a requis le maintien du brevet sur la base des revendications délivrées (requête principale), le cas échéant sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 8. La requérante a conjointement déposé et requis l'admission dans la procédure de quatre documents (D15, D16, D17, D17a), en particulier
D16 : tests expérimentaux: préparation de l'émulsion 1bis (ci-après : exemple 3) et de l'émulsion 2 (ci-après : exemple 4)
La requérante a par ailleurs requis le remboursement de la taxe de recours pour vice substantiel de procédure.
Le 16 novembre 2010, la requérante a soumis de nouveaux arguments en réponse aux objections de l'intimée et a déposé de nouvelles données expérimentales, à savoir :
D16a : tests expérimentaux: préparation des émulsions 1bis (exemple 3), 2 (exemple 4) et 1ter (ci-après: exemple 5)
Le 21 juin 2011, la requérante a soumis une nouvelle requête principale A ainsi que les nouvelles requêtes subsidiaires 1A-7A. La requérante a conjointement déposé et requis l'admission dans la procédure des documents D22 et D23.
Le 11 juillet 2011, la requérante a requis que les documents D18 et D19, cités par l'intimée, ne soient pas admis dans la procédure.
En vue de répondre aux objections de manque de nouveauté vis-à-vis de D18 et D19 la requérante a déposé le 18 juillet 2011 les documents D24, D25 et D26.
Les requêtes subsidiaires 1-8 et 1A-7A n'ont pas été maintenues pendant la procédure orale devant la Chambre.
VII. Dans sa réponse du 16 février 2010 l'intimée (opposante) a fourni ses commentaires sur le mémoire de recours et exposé ses objections à l'encontre des requêtes en instance.
Le 21 juin 2011, l'intimée a conjointement déposé et requis l'admission dans la procédure des documents D18/D18a, D19/D19a, D20 et D21, en particulier
D18 : JP-A-59 74154
D18a : traduction de D18 en langue anglaise
D19 : JP-A-58 183759
D19a : traduction de D19 en langue anglaise
D20 : Encyclopedia of Chemical Technology, Kirk-Othmer, 4ème édition, Vol. 13, page 737
L'intimée a soumis de nouveaux arguments pour étayer ses précédentes objections à l'encontre de la requête principale et des requêtes subsidiaires de la requérante. Elle a de plus soulevé une nouvelle objection de manque de nouveauté de la requête principale ainsi que de chacune des requêtes subsidiaires alors en instance vis-à-vis des documents D18/D18a et D19/D19a. Une nouvelle objection de manque d'activité inventive basée sur D18/D18a en tant qu'art antérieur le plus proche a également été présentée.
Le 14 juillet 2011, l'intimée a présenté des arguments pour défendre sa position selon laquelle D18 et D19 devraient être admis dans la procédure.
VIII. La procédure orale devant la chambre a eu lieu le 21 juillet 2011 en présence des deux parties.
IX. Les arguments de la requérante concernant la requête principale peuvent se résumer ainsi:
Portée des revendications
a) Selon les connaissances générales de l'homme du métier,
- un bitume contient une phase dite molle constituée de particules solides, noires et "structurantes", les asphaltènes;
- un liant synthétique "clair" comprend quant à lui un mélange d'une résine ou agent structurant et d'un plastifiant. La résine est un produit de substitution des "asphaltènes" des bitumes naturels. Pour l'homme du métier, un liant "clair" est donc "exempt d'asphaltènes";
- les asphaltènes représentent la partie non soluble dans le n-heptane de ces produits. Il existe d'ailleurs une norme internationale pour mesurer les asphaltènes. Un produit "exempt d'asphaltènes" est donc un produit qui ne contient pas d'éléments noirs insolubles dans le n-heptane;
b) Le libellé de la revendication 1 indique que l'émulsion "comprend au moins un composé de la famille des latex introduit en une quantité ". Cette expression est une caractéristique de produit-par-procédé qui, combinée à la signification bien établie du terme "latex", implique que la revendication 1 ne porte que sur des émulsions diphasiques et ne couvre pas d'émulsions monophasiques. Cette interprétation de la revendication 1 est confirmée par le paragraphe [0006] du brevet en litige. Il est par ailleurs impossible d'obtenir à partir d'un latex et d'un bitume une émulsion monophasique car le bitume ne se mélange pas au polymère dans les conditions données. Il serait également impossible de préparer des émulsions monophasiques dans lesquelles la phase dispersée serait constituée de latex de polymère comprise dans le liant synthétique. Le libellé de la revendication 1 impose donc que le polymère soit présent dans l'émulsion de liant synthétique sous forme de latex, c'est-à-dire d'entités submicroniques de polymère dispersées dans la phase aqueuse.
Modifications
c) Il découle des connaissances générales de l'homme du métier énoncées précédemment que les termes "liant clair" et "liant exempt d'asphaltènes" sont équivalents. Cette conclusion se retrouve en page 1 de la description de la demande telle que déposée. Il ressort de plus du libellé même de la revendication 1 que les pigments, si présents, ne font pas parties du liant (cf. émulsion constituée essentiellement (a) de liant et (b) de pigments colorés). Dans l'hypothèse où un liant synthétique exempt d'asphaltènes comprendrait des colorants organiques, ledit liant resterait un liant clair, mais coloré.
Suffisance de l'exposé de l'invention
d) La plupart des objections d'insuffisance de l'exposé de l'invention soulevées par l'intimée sont liées à des questions de clarté au titre de l'Art. 84 CBE, qui n'est pas un motif d'opposition;
e) le terme "latex" est usuel et sera compris par l'homme du métier à qui s'adresse le brevet en litige;
f) le fait de savoir si l'effet technique ne serait pas obtenu pour une valeur de 3% de latex est un argument d'activité inventive, et non de suffisance de l'exposé de l'invention, et est de plus contredit par l'exemple 5 de D16a;
g) La revendication 16 fait référence à la revendication 1. La lecture de l'étape c) ne fait donc de sens que dans la mesure où cette étape permet d'arriver à une émulsion selon la revendication 1;
h) L'intimée n'a pas démontré en quoi l'homme du métier ne serait pas en mesure de mettre en oeuvre l'invention. L'argument de la charge excessive pour mettre en oeuvre l'invention est contesté car l'objet revendiqué se limite à l'incorporation d'un latex dans un mélange de composés définis dans la revendication 1. L'intimée n'a pas démontré ni même rendu plausible que l'exemple de l'invention ne pouvait être reproduit.
Recevabilité des documents D18 et D19
i) Les documents D18 et D19 ont été déposés le dernier jour du délai indiqué dans la notification de la Chambre et leur dépôt n'a pas été rendu nécessaire dans le but de répondre à une objection de la Chambre. Indépendamment de leur pertinence, aucun de ces documents ne devrait donc être admis dans la procédure.
j) D18 n'est pas prima facie pertinent pour l'appréciation de la nouveauté puisque les liants synthétiques mis en oeuvre contiennent incontestablement des asphaltènes. Pour cette même raison, D18 n'est également pas pertinent pour l'appréciation de l'activité inventive puisqu'il va à l'encontre de la solution proposée par le brevet en litige. L'échange de la résine mise en oeuvre dans les exemples de D18 par une autre résine "exempte d'asphaltènes" ne fait pas de sens car cela dénaturerait complètement l'invention de D18.
k) D19 n'est pas prima facie pertinent car il ne divulgue pas d'émulsion.
l) Les documents D18 et D19 ne devraient donc pas être admis dans la procédure.
Nouveauté
m) D2 divulgue des émulsions dans lesquelles le liant comprend un polymère greffé, polymérisé in situ. Il est admis que le liant synthétique de l'exemple 3 est un liant "exempt d'asphaltènes". Cependant, l'exemple 3 conduit à une émulsion monophasique dans laquelle le liant clair et le polymère sont intimement mélangés l'un à l'autre et non à une émulsion diphasique (polymère d'une part; liant clair d'autre part). La rupture de l'agglomérat polymère/liant pendant l'émulsion n'est pas possible, car cela impliquerait que l'invention de D2 ne fonctionne pas.
n) Les liants synthétiques mis en oeuvre pour préparer les émulsions de D18/D18a ne sont pas "exempts d'asphaltènes". Le procédé de préparation de ces liants vise même l'opposé c'est-à-dire à augmenter la teneur en asphaltènes de ces produits. La résine de pétrole mise en oeuvre dans l'exemple V de D18/D18a a une teneur en asphaltènes telle qu'elle ne peut conduire qu'à des liants noirs et non à un liant "exempt d'asphaltènes" selon la revendication 1 du brevet en litige. De plus, le composé "mineral turpentine" mis en oeuvre dans D18/D18a est un solvant et non un plastifiant selon la revendication 1. Enfin, le composé Nichitalc mis en oeuvre dans l'exemple V de D18/D18a est du talc, c'est-à-dire une charge minérale et non un pigment coloré selon la revendication 1.
o) Il est impossible de préparer une émulsion avec les compositions décrites dans D19/D19a. De plus, D19 ne mentionne pas d'agent émulsifiant. Ainsi, le document D19/D19a ne peut représenter un art antérieur destructeur de nouveauté.
Activité inventive
p) Le document qui représente l'art antérieur le plus proche est D2, en particulier l'exemple 3.
q) Le problème à résoudre était de fournir une émulsion de liant clair qui soit stable et qui ait une tenue au vieillissement améliorée, comme indiqué aux paragraphes [0043] et [0063] du brevet en litige. Ces paragraphes de portée générale s'appliquent à l'ensemble du brevet en litige et ne mettent pas l'accent sur une augmentation de la teneur en polymère, comme argumenté par l'intimée, mais indiquent que l'amélioration des propriétés énoncées est liée à la présence du polymère sous forme de latex. Il ressort des exemples que par tenue au vieillissement est entendu la stabilité à la lumière.
r) La solution proposée par le brevet en litige réside dans l'émulsion selon la revendication 1 qui est caractérisée en ce que le polymère se trouve sous forme de latex, ce qui n'est pas décrit dans D2.
s) Bien que D2 soit une demande de brevet de la requérante elle-même, il n'a pas été possible de répéter l'exemple 3 de D2 car les installations nécessaires ont été depuis longtemps démontées. La chimie de D2 est très spécifique et difficile à mettre en oeuvre. Cependant, les exemples additionnels 2 à 5 (cf. sections V et VI) ont été fournis afin de démontrer que le problème technique identifié ci-dessus a effectivement été résolu.
t) La comparaison des exemples selon l'invention et de l'exemple 4 donné à titre comparatif, est valable étant donné que :
- l'enseignement de D2 concerne une émulsion monophasique avec un polymère en mélange avec le bitume, ledit polymère étant réticulé;
- le polymère utilisé dans l'exemple 4 est un polymère selon D2 et est donc représentatif de l'enseignement général de ce document;
u) La comparaison des exemples 3, 4 et 5 est également valable car
- le rapport des quantités d'agent structurant et d'agent plastifiant mis en oeuvre dans ces exemples étant identique, les proportions de ces composés dans le produit résultant de la rupture de l'émulsion seront les mêmes;
- les polymères mis en oeuvre dans l'exemple 4 (SBS; comparatif) et dans les exemples 3 et 5 (SBR; selon l'invention) présentent des teneurs similaires en styrène et butadiène et sont donc sensiblement identiques, à tout le moins au niveau de la résistance au photo-vieillissement.
v) Le problème est résolu de façon crédible sur toute l'étendue de la revendication, car
- les exemples couvrent la majeure partie de l'intervalle revendiqué, en particulier la borne inférieure;
- les exemples couvrent les deux alternatives de liants indiqués dans la revendication 1;
- aucune donnée expérimentale n'a été fournie par l'intimée afin de remettre en cause ces résultats. Au niveau de l'opposition, la charge de la preuve incombe cependant à l'intimée.
w) Il n'est pas évident de résoudre le problème identifié ci-dessus en modifiant D2 de façon à arriver à l'objet revendiqué sur la base de l'enseignement des documents D4 et D6 pour les raisons suivantes :
- ni D4, ni D6 ne traite du problème de l'amélioration de la résistance au vieillissement et ne peuvent donc fournir de solution à ce problème;
- l'enseignement de D6 est que les polymères sous forme de latex, s'ils permettent de limiter l'augmentation de viscosité, posent par contre des problèmes de stabilité des émulsions. Ainsi, il n'est pas possible que le polymère de D2, ou un précurseur de celui-ci, soit introduit sous forme de latex. De plus, D2 ne contient aucune indication pour ajouter (au lieu de remplacer) un latex selon D6 dans les compositions de D2. Au contraire, D2 indique clairement vouloir éviter l'ajout d'un réactif quelconque dans la phase aqueuse: l'approche de D2 est que le système polymère/agent de réticulation se trouve uniquement dans le liant;
- La combinaison de D2 avec D4 est clairement une approche a posteriori, en connaissance de la solution proposée par le brevet en litige. De plus, selon D4, les propriétés du liant de rupture sont équivalentes à celles du liant introduit. Sur la base de cet enseignement, l'homme du métier aurait conclu que l'introduction du polymère sous forme d'un latex n'aurait aucun effet bénéfique. Le brevet en litige montre cependant l'inverse, en l'occurrence que la forme sous laquelle le polymère est introduit modifie les propriétés du liant et en particulier conduit à une amélioration de la résistance au vieillissement.
x) Même si le problème à résoudre devait se limiter à la fourniture d'une simple alternative, une activité inventive devrait être reconnue puisque dans D2, une addition supplémentaire de polymère, par exemple sur la base d'un éventuel enseignement dans D4 ou D6, n'est pas envisagée. La combinaison avec D6, qui traite exclusivement de bitumes naturels noirs ne serait pas envisagée par l'homme du métier confronté au problème des asphaltènes.
Remboursement de la taxe de recours
y) La décision contestée relative à la requête subsidiaire 2 n'est pas motivée et n'est donc pas fondée sur des motifs au sujet desquels la requérante a pu prendre position contrairement aux dispositions de l'Art. 113 (1) CBE. La décision contestée est donc entachée d'un vice substantiel de procédure et le remboursement de la taxe de recours serait justifié, dans la mesure où il serait fait droit au recours.
X. Les arguments de l'intimée concernant la requête principale peuvent se résumer ainsi:
Portée des revendications
a) Le terme "asphaltène(s)" n'a pas de définition claire et acceptée dans l'art. Il couvre aussi bien les asphaltènes dits "naturels", c'est-à-dire présents dans les bitumes naturels, que les asphaltènes "synthétiques" qui sont des sous-produits obtenus lors de la préparation de résine de pétrole. Cependant, dans l'hypothèse ou le terme "asphaltènes" de la revendication 1 couvrirait des asphaltènes "synthétiques", la revendication 1 ne pourrait pas être mise en oeuvre sur toute son étendue (voir ci-après le paragraphe suffisance de la description). En conséquence, l'expression "exempt d'asphaltènes" de la revendication 1 ne peut couvrir que les asphaltènes "naturels" et pas les asphaltènes "synthétiques".
b) La notion même d'"asphaltènes" est vague si ce n'est que ce sont des composés très noirs. Ces produits sont très difficilement identifiables et il est impossible de faire une distinction nette entre les "asphaltènes" (bas poids moléculaire) et les "résines" de bas poids moléculaire également présentes dans les produits bitumineux/pétroliers. En particulier, le test classique d'extraction des asphaltènes au n-heptane ne peut être appliqué aux résines synthétiques en raison de la solubilité de ces dernières dans ce solvant.
c) La revendication 1 ne porte pas uniquement sur des émulsions diphasiques mais également sur des émulsions monophasiques. Elle ne correspond pas à une revendication de type produit-par-procédé et requiert simplement la présence dans l'émulsion des composés définis, sous quelque forme que ce soit. Une telle composition n'est en particulier pas limitée à un mélange d'un latex avec une émulsion de liant synthétique préparée au préalable.
Modifications
d) La modification de "liant clair" en "liant exempt d'asphaltènes" dans la revendication 1 ne satisfait pas aux exigences de l'Art. 123 (2) CBE car la revendication 1 du brevet en litige comprend des liants "exempts d'asphaltènes" mais qui ne sont pas des "liants clairs". En effet, la demande telle que déposée ne définit pas ces termes comme étant équivalents. Le terme "clair" doit donc être compris dans son sens usuel comme décrivant l'aspect visuel du liant. Par contre, l'expression "exempt d'asphaltènes" vise à définir la composition du liant et non pas son aspect visuel, ce qui n'est pas identique. Les informations contenues dans la demande telle que déposée permettraient au mieux de considérer que tout liant clair doit être exempt d'asphaltènes. L'inverse n'est cependant pas obligatoirement vrai: il n'y a aucun élément dans le dossier qui permette de conclure que tout "liant exempt d'asphaltènes" est obligatoirement un "liant clair". Cette argumentation est illustrée par les dessins A-D fournis pendant la procédure orale.
e) Pour l'homme du métier un "liant clair" peut comprendre des colorants organiques : ce sera alors un liant clair coloré.
Suffisance de l'exposé de l'invention
f) L'invention est considérée comme insuffisamment décrite pour les raisons suivantes:
- L'emploi dans le libellé de la revendication 1 de "constituée essentiellement" impose que la somme des teneurs des composés forme 100 %, excluant tout autre composé modifiant de manière significative les propriétés d'émulsion revendiquée. Cependant, la revendication 1 requiert également que l'émulsion contienne d'autres composés tels qu'un composé de la famille des latex, de l'eau et au moins un agent émulsifiant. Au vu de cette contradiction, il est impossible de mettre en oeuvre l'objet revendiqué;
- Le terme "latex" utilisé dans la revendication 1 est vague et ambigu. Il couvre quantité de produits naturels ou synthétiques et a, en l'absence d'une indication de sa teneur sèche, une portée très large. L'homme du métier ne sait pas quel latex il doit utiliser pour préparer l'émulsion revendiquée et, en l'absence de la teneur en matière sèche, il n'est pas crédible que l'effet technique revendiqué soit présent sur toute l'étendue de la revendication. Ces objections sont d'autant plus pertinentes que la revendication 1 requiert l'utilisation "d'un composé de la famille des latex", et n'est donc pas limitée aux seuls latex définis dans la revendication 1 mais aussi à leur "famille", qui dans sa lecture la plus large peut comprendre le latex naturel dérivé de l'arbre Hevea brasiliensis. Enfin, la revendication 1 comprend plusieurs alternatives de liants et de latex et ne précise aucune quantité des différents constituants de l'émulsion. L'homme du métier est ainsi placé devant une charge excessive pour mettre en oeuvre ou reproduire l'invention revendiquée dans toute la portée des revendications;
- dans la mesure où l'expression "exempt d'asphaltènes" couvrirait des asphaltènes "synthétiques", la revendication 1 ne pourrait pas être mise en oeuvre sur toute son étendue car il ne serait pas possible de préparer d'agent structurant à base de résine de pétrole qui soit "exempt d'asphaltènes";
- la revendication 16 requiert à l'alinéa c) "l'incorporation d'un latex de polymères acryliques et de caoutchoucs naturels ou synthétiques sous forme d'émulsion à température ambiante". L'emploi de "et" impose la préparation d'un latex comprenant à la fois un polymère acrylique et un caoutchouc naturel sans pour autant que le brevet n'indique comment un tel latex peut être préparé. De plus, le brevet en litige n'indique pas non plus la signification à donner à l'expression "température ambiante", qui n'a pas de définition claire et acceptée dans l'art. Ainsi, l'homme du métier doit-il faire face à un effort excessif pour mettre en oeuvre ou reproduire l'invention revendiquée dans toute la portée des revendications.
Recevabilité des documents D18 et D19
g) Les documents D18 et D19 ont été déposés dans les délais les plus brefs après avoir été trouvés lors de la préparation à la procédure orale. Cette nouvelle recherche a été effectuée afin de répondre à la nouvelle formulation du problème considérée par la requérante (résistance au vieillissement) ainsi qu'à l'avis préliminaire de la Chambre. De plus, les documents D18 et D19 devraient être connus de la requérante car ils proviennent du même demandeur et datent d'une même époque. En outre D19 a déjà été cité comme référence dans la procédure de délivrance d'un autre brevet au nom du même inventeur que le brevet en litige.
h) Ces documents sont très pertinents, relativement courts et faciles à comprendre. En outre, ils pourraient simplifier la procédure étant donné qu'ils sont tous deux hautement pertinents quant à la nouveauté. D18, qui représente un meilleur choix que D2 en tant qu'art antérieur le plus proche, est également hautement pertinent en ce qui concerne l'activité inventive.
i) De ce fait, D18 et D19 devraient tous deux être admis dans la procédure.
Nouveauté
j) Considérant que la revendication 1 couvre des émulsions monophasiques, l'exemple 3 de D2 est destructeur de nouveauté. A cet égard, il n'a jamais été contesté que le liant synthétique mis en oeuvre dans D2 était un liant "clair", "exempt d'asphaltènes".
k) L'exemple 3 de D2 est également destructeur de nouveauté pour les émulsions diphasiques selon la revendication 1 car la mise en émulsion du mélange de liant synthétique et de polymère conduit à la production in situ d'un latex du polymère par séparation locale du polymère et du liant.
l) L'exemple V du document D18/D18a détruit la nouveauté des revendications 1 et 16 du brevet en litige. En adoptant pour D18/D18a la même lecture que pour la revendication 1 du brevet en litige, il doit être conclu que les émulsions de D18/D18a sont des émulsions diphasiques. Cela ressort également du procédé de préparation de D18/D18a qui est identique à celui du brevet en litige. En outre, le composé "mineral turpentine" mis en oeuvre dans l'exemple V représente un agent plastifiant à base d'un extrait aromatique d'une coupe pétrolière et le composé "Nichitalc" est une charge de pigments. L'indication dans D18/D18a que les émulsions peuvent être colorées implique qu'elles ne peuvent être complètement noires.
m) La revendication 1 du document D19/D19a est destructrice de nouveauté pour la revendication 1 du brevet en litige. En cela, il est considéré que le latex de SBR de cette revendication comprend implicitement un agent émulsifiant. La température bille anneau du liant synthétique est également considérée comme implicitement divulguée.
Activité inventive
n) D18 représenterait un meilleur art antérieur le plus proche que D2 car il traite de la résistance au vieillissement. En supposant que la Chambre considère que les résines de pétrole de D18/D18a contiennent des asphaltènes au sens de la revendication 1 du brevet en litige, il serait évident de produire des émulsions plus facilement colorables en utilisant une autre résine de pétrole connue de l'art antérieur (selon l'enseignement par exemple de D20), en particulier une résine de pétrole "exempte d'asphaltènes".
o) Dans la mesure où D18 ne serait pas admis dans la procédure, le document qui représente l'art antérieur le plus proche serait D2, en particulier l'exemple 3.
p) La différence avec D2 réside dans l'utilisation d'un latex dans l'émulsion selon le brevet en litige.
q) Le problème à résoudre identifié par la requérante et consistant en la fourniture d'une émulsion de liant clair qui ait une tenue au vieillissement améliorée ne dérive pas de la demande telle que déposée et ne peut donc être retenu. A cet égard, l'intimée a requis que D16 et D16a ne soient pas admis dans la procédure car les données expérimentales qu'ils contiennent viseraient à démontrer la présence d'un effet technique qui ne dérive pas de la demande telle que déposée.
r) Le problème lié à l'augmentation de polymère dans l'émulsion ne peut être résolu sur toute l'étendue de la revendication 1 puisque celle-ci couvre des émulsions comprenant une teneur en polymère inférieure à 3% (considérant que le polymère représente la teneur sèche du latex, lui-même présent dans une teneur minimale de 3%).
En outre, les données expérimentales fournies par la requérante afin de démontrer une amélioration de la tenue au vieillissement ne sont pas convaincantes et ne peuvent être reliées à la caractéristique distinctive des revendications vis-à-vis de l'art antérieur le plus proche D2, en l'occurrence une émulsion diphasique.
Considérant qu'aucun des tests effectués n'illustre l'enseignement de D2, en particulier l'utilisation d'un polymère réticulé, la requérante n'a pas pu démontrer d'amélioration par rapport à l'art antérieur le plus proche. Les exemples 3 et 4 de D16/D16a se différencient l'un de l'autre en plusieurs points tels que la teneur en agent structurant et en agent plastifiant, la teneur en polymère, teneur en additifs et émulsifiant. Les exemples fournis par la requérante ne peuvent pas non plus être considérés comme des variantes qui, bien que ne faisant pas expressément partie de cet état de la technique D2, seraient effectivement plus proche de l'objet revendiqué (cf. décision T 35/85, non publiée au JO OEB). En particulier, aucun de ces exemples n'a été effectué à l'aide d'EPDM en tant que polymère, et aucun ne traite d'un polymère réticulé selon l'enseignement de D2. Enfin, les résultats tirés des exemples 1 à 5 (cf. sections V et VI) ne permettent pas de conclure à une amélioration de la résistance au vieillissement sur toute la portée des revendications. En l'absence de comparaison avec une référence valable illustrant l'art antérieur le plus proche D2, le problème effectivement résolu est donc celui de la fourniture d'émulsions en alternative à celles de D2.
s) Il est évident de résoudre ce problème en incorporant le polymère de D2 sous forme de latex en se basant sur l'enseignement de D6, selon lequel il est possible d'incorporer simplement des polymères à des émulsions de bitumes lorsqu'ils sont sous la forme d'un latex. Il serait également évident d'ajouter simplement un latex selon l'enseignement de D6 à une émulsion de D2. A cet égard, il est considéré que D2 présente les bitumes naturels et synthétiques comme des alternatives équivalentes et peut donc être combiné à D6 qui ne traite que des bitumes naturels.
t) Le même raisonnement s'applique à la combinaison de D2 et D4 puisque ce dernier enseigne, comme D6, qu'il est possible d'ajouter des polymères sous forme de latex à un liant synthétique. D4 identifie de plus clairement le problème technique des émulsions monophasiques lié à la teneur en polymère et à l'augmentation de viscosité qui en résulte. Il est évident pour l'homme du métier que tout ce qui est divulgué dans D4, en particulier en relation avec les latex, s'applique autant aux bitumes synthétiques clairs qu'aux bitumes naturels.
(v) Même en acceptant que le problème à résoudre soit une amélioration de la résistance au vieillissement, il découle des paragraphes [0004] et [0006] du brevet en litige que la résistance au vieillissement est une conséquence directe de l'augmentation de la teneur en polymère dans l'émulsion. Une éventuelle amélioration de la résistance au vieillissement serait donc un simple effet supplémentaire ("bonus effect") qui dériverait directement de l'augmentation de la teneur en polymère et non de l'utilisation d'une émulsion diphasique au lieu d'une émulsion monophasique, identifié par la requérante comme responsable pour la solution du problème de vieillissement. Néanmoins, ce problème ne peut être résolu sur toute l'étendue de la revendication 1 puisque celle-ci couvre des émulsions comprenant une teneur en polymère inférieure à 3% (considérant que le polymère représente la teneur sèche du latex, lui-même présent dans une teneur minimale de 3%).
u) L'objet de la revendication 1 n'est donc pas inventif au vu de D2 en combinaison avec D4 ou D6.
XI. La requérante (titulaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré. La requérante a en outre requis le remboursement de la taxe de recours.
L'intimée (opposante) a demandé le rejet du recours.
XII. La chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Portée des revendications
2.1 Les parties ont interprété différemment plusieurs caractéristiques présentes dans le libellé de la revendication 1 du brevet en litige. Il est donc indispensable de déterminer en premier lieu la portée des revendications.
2.2 Le terme "asphaltènes" se rapporte, comme indiqué aux paragraphes [0001] et [0002] du brevet en litige, à des composés présents dans les bitumes ou les produits pétroliers bruts et qui leurs confèrent une couleur noire. Il a été précisé pendant la procédure orale devant la Chambre qu'il était communément possible de séparer ces asphaltènes desdits produits pétroliers par exemple du fait de leur insolubilité dans un solvant tel que le n-heptane. Un produit "exempt d'asphaltènes" est donc un produit qui ne contient pas de composés noirs insolubles dans un solvant tel que le n-heptane.
L'argument de l'intimée selon lequel il y aurait différentes sortes d'asphaltènes, en particulier les asphaltènes des bitumes naturels et les asphaltènes des bitumes synthétiques, n'est pas étayé par des preuves et n'a donc pas été retenu par la Chambre.
2.3 Le terme "liant synthétique clair" (revendication 1 de la demande telle que déposée; paragraphes [0001], [0002], [0005], [0009], [0019], [0020] et exemple du brevet en litige) décrit des liants de synthèse qui ne contiennent pas ou peu d'asphaltènes et qui sont donc incolores ou faiblement colorés (cf. D4: page 39, col. gauche, 1er paragraphe et page 42, section 3.3, lignes 6-9). Ces liants peuvent ainsi être colorés ultérieurement par ajout de pigments ou de colorants organiques. Comme admis par les deux parties au cours de la procédure orale devant la Chambre, de tels liants colorés sont toujours considérés être des "liants synthétiques clairs".
2.4 Dans l'expression "un composé de la famille des latex de polymères acryliques et de caoutchoucs naturels ou synthétiques" le terme "famille" se rapporte aux trois catégories de polymères citées dans la revendication et non pas au terme "latex". Cette expression implique donc la mise en oeuvre d'un latex de l'un de ces trois polymères. Considérer que le terme "famille" se rapporte à "latex", comme proposé par l'intimée, irait à l'encontre du reste de la revendication qui précise trois catégories particulières de polymères. En outre, une "famille de latex" n'est jamais mentionnée dans le brevet en litige. Cet argument n'a donc pas été retenu.
2.5 Selon les connaissances générales de l'homme du métier un "latex" se réfère à une dispersion colloïdale de particules de polymère en phase aqueuse (voir par exemple D4: premier paragraphe de la section 3.2). Le libellé de la revendication 1 "Emulsion de bitume synthétique , caractérisée en ce qu'elle comprend : au moins un composé de la famille des latex de polymères , introduit en une quantité comprise entre 3 et 40% en poids de l'émulsion" implique donc que :
- l'émulsion revendiquée est obtenue par introduction d'un polymère sous forme de latex;
- le polymère est toujours présent sous forme de latex dans l'émulsion finale, c'est-à-dire sous forme d'une dispersion en phase aqueuse de fines particules de polymère.
Etant donné qu'il a été exclu par la requérante pendant la procédure orale devant la Chambre qu'il soit possible de préparer des émulsions monophasiques dans lesquelles la phase dispersée est constituée de latex de polymère comprise dans le liant synthétique, ce qui n'a pas été contesté par l'intimée, il en est conclu que le libellé de la revendication 1 se limite à des émulsions aqueuses diphasiques, c'est-à-dire comprenant deux phases dispersées distinctes, d'une part le liant synthétique et d'autre part le polymère issu du latex.
3. Modifications
3.1 La revendication 1 telle que délivrée diffère inter alia de la revendication 1 d'origine en ce que les termes "liants clairs" et "liant synthétique clair" ont été modifiés en "liant(s) synthétique(s) exempt(s) d'asphaltènes" (cf. point III ci-dessus).
3.1.1 A la page 1, lignes 4-6 et 12-18 de la demande telle que déposée, les "liants synthétiques clairs" sont définis comme ne comprenant pas d'asphaltènes de façon à pouvoir être colorés. Cette divulgation est conforme à l'enseignement de D4 (voir en particulier la section 3.3). L'intimée n'a fourni aucun document ou preuve démontrant l'existence d'un liant synthétique "exempt d'asphaltènes" qui ne serait pas un "liant synthétique clair" au sens du brevet en litige et/ou de la demande telle que déposée. A cet égard, il a en particulier été admis par les deux parties lors de la procédure orale devant la Chambre qu'un liant clair auquel aurait été ajouté un colorant organique tel que divulgué dans D4 (section 3.3, premier paragraphe) serait toujours un "liant clair" mais "coloré". De tels liants sont donc couverts par les définitions des revendications 1 d'origine et du brevet en litige et ne peuvent représenter une extension de l'objet revendiqué au-delà du contenu de la demande telle que déposée.
3.1.2 Les dessins A-D déposés par l'intimée pendant la procédure orale devant la Chambre illustrent quatre cas de figure envisageables quant à la signification respective des termes "liants synthétiques clairs" et "liants clairs". Ces figures sont cependant purement théoriques et ne permettent pas de démontrer que l'objet revendiqué s'étend effectivement au-delà du contenu de la demande d'origine.
3.1.3 La modification de "liant synthétique clair" en "liant synthétique exempt d'asphaltènes" effectuée dans la revendication 1 n'étend donc pas l'objet revendiqué au-delà de la demande telle que déposée.
3.2 Les autres modifications effectuées tant à la revendication 1 (définitions du liant synthétique et du latex) qu'à la revendication 16 du brevet en litige n'ont pas été attaquées par l'intimée au titre de l'Art. 123 (2) CBE. La Chambre ne voit pas de raison d'adopter un autre point de vue.
3.3 Les exigences de l'Art. 123 (2) CBE sont en conséquence satisfaites.
4. Suffisance de l'exposé de l'invention
4.1 Revendication 1
4.1.1 L'objet de la revendication 1 porte sur une "Emulsion de bitume synthétique , constituée essentiellement (a) de liants synthétiques , et éventuellement (b) de pigments colorés, caractérisée en ce qu'elle comprend : au moins un liant synthétique , au moins un composé de la famille des latex , de l'eau, et au moins un agent émulsifiant" (emphase par la Chambre). Il est évident à la lecture du libellé dans son intégralité que l'émulsion revendiquée ne comprend pas que les composés (a) et (b) puisque la revendication 1 indique, par l'utilisation du terme "comprend", la possible présence d'autres composés et identifie même expressément d'autres composés tels que le latex, l'eau et l'agent émulsifiant. Cette lecture est confirmée par les informations contenues dans la description et par l'exemple du brevet en litige.
L'objection de l'intimée selon laquelle il serait impossible de préparer une émulsion selon la revendication 1 du brevet en litige qui soit d'une part "constituée essentiellement" de (a) et (b) et d'autre part qui comprenne d'autres constituants est donc rejetée.
L'argument selon lequel cette incohérence alléguée au sein même de la revendication 1 ne permettrait pas de déterminer sans ambiguïté l'étendue de protection recherchée et entrainerait un manque de sécurité juridique n'est également pas retenu étant donné qu'il est considéré que la revendication 1 ne contient pas une telle contradiction. De plus, une telle ambiguïté, à la supposer établie, relèverait non pas d'un défaut de suffisance de l'exposé (Art. 83 CBE) mais d'un défaut de clarté (Art. 84 CBE).
4.1.2 En ce qui concerne le latex selon la revendication 1, il a été établi auparavant (cf. section 2.5) que le terme "latex" avait une signification claire pour l'homme du métier. Le libellé de la revendication 1 identifie de plus sans ambiguïté quelle sorte de latex doit être mis en oeuvre et précise à cet effet trois catégories de polymères. Des précisions supplémentaires sont également données au paragraphe [0007] et dans l'exemple du brevet en litige. L'homme du métier sait donc quel "latex" peut être mis en oeuvre pour préparer les émulsions selon la revendication 1 du brevet en litige. L'absence de la teneur en matière sèche dans la revendication 1 impose simplement de lire ce terme dans son sens le plus large. La question de savoir si la teneur en matière sèche du latex ne serait pas une caractéristique essentielle de l'émulsion revendiquée relève d'une question de clarté au sens de l'Art. 84 CBE ou d'activité inventive au sens de l'Art. 56 CBE (effet revendiqué présent sur toute l'étendue de la revendication) et non de la suffisance de l'exposé de l'invention au titre de l'Art. 83 CBE.
4.1.3 L'objection de l'intimée selon laquelle il ne serait pas possible de préparer de liants synthétiques à base de résine de pétrole qui soit "exempts d'asphaltènes" n'est étayé par aucun moyen de preuve. L'intimée n'a en particulier fourni aucun élément matériel qui établirait qu'il existe différentes catégories d'asphaltènes (les "naturels" et les "synthétiques"). Ces arguments n'ont donc pas été retenus.
4.1.4 L'intimée a par ailleurs estimé que l'homme du métier serait placé devant une difficulté excessive pour mettre en oeuvre ou reproduire l'invention revendiquée dans toute la portée des revendications du fait de la présence dans la revendication 1 de plusieurs alternatives de liants et latex et du manque d'indication tant des quantités des différents constituants de l'émulsion que de la teneur sèche du latex. A nouveau, ces objections impliquent simplement que la revendication 1 doive être lue dans son sens le plus large. L'intimée n'a cependant pas démontré en quoi la non indication de ces données empêcherait l'homme du métier de préparer les émulsions revendiquées et donc de mettre en l'oeuvre l'invention.
4.1.5 Toutes les objections de l'intimée énoncées ci-dessus sont de fait liées à des ambiguïtés supposées présentes dans le libellé de la revendication 1. Toutefois, il a été établi dans la décision T 608/07 (en date du 27 avril 2009, non publiée au JO OEB) qu'une telle ambiguïté n'entrainait pas obligatoirement un manque de suffisance de la description au sens de l'Art. 83 CBE mais pouvait être lié à l'Art. 84 CBE, qui n'est pas un motif d'opposition. Pour qu'une ambiguïté relève de l'Art. 83 CBE il est nécessaire d'établir qu'elle prive l'homme du métier des promesses de l'invention. Dans le cas d'espèce, la Chambre constate que l'intimée n'a non seulement pas établi que les revendications contenaient une telle ambiguïté mais n'a également pas démontré en quoi une telle ambiguïté aurait empêché l'homme du métier de mettre en oeuvre avec succès l'objet de la revendication 1, ici, préparer une émulsion comme revendiquée.
4.2 Revendication 16
4.2.1 La revendication 16 porte sur un procédé de préparation d'une émulsion selon l'une des revendications 1 à 15 qui requiert à l'alinéa c) "l'incorporation d'un latex de polymères acryliques et de caoutchoucs naturels ou synthétiques sous forme d'émulsion à température ambiante" (emphase par la Chambre). L'utilisation de "et" est ambigüe et soulève des questions quant à la nature du latex à utiliser dans le procédé revendiqué. Toutefois, la question de savoir si l'homme du métier est ou non en mesure de mettre en oeuvre, au sens de l'Art. 83 CBE, un tel procédé doit s'apprécier sur la base du contenu global du brevet et non sur la seule teneur des revendications. Or, la nature des latex à mettre en oeuvre est indiscutablement divulguée dans les revendications 1 et 2, au paragraphe [0007] et dans l'exemple du brevet mis en cause.
4.2.2 L'objection de l'intimée liée à l'utilisation de "température ambiante" relève de la clarté (Art. 84 CBE) et non de la suffisance de l'exposé (Art. 83 CBE).
4.3 En conséquence, il est satisfait aux dispositions de l'Art. 83 CBE.
5. Recevabilité des documents D18 et D19
5.1 Les documents D18 et D19 n'ont été soumis qu'un mois avant la date fixée pour la procédure orale devant la Chambre. Leur recevabilité relève donc du pouvoir d'appréciation de la Chambre (Art. 13 (1) du Règlement de Procédure des Chambres de Recours).
5.2 Le seul passage de D18/D18a divulguant une émulsion aqueuse de bitume synthétique comprenant un latex de polymère et un agent émulsifiant est l'exemple V qui illustre l'invention de D18/D18a. Il ressort du deuxième paragraphe de la page 4 de D18a que l'invention de ce document repose sur l'utilisation de liants bien spécifiques à haute teneur en asphaltènes et que par conséquent le liant de l'exemple V, illustratif de l'invention selon D18/D18a, ne peut pas être "exempt d'asphaltènes" selon la revendication 1 du brevet en litige. Comme déjà indiqué auparavant, l'argument de l'intimée selon lequel les asphaltènes dont il est question dans D18/D18a ne sont pas des asphaltènes au sens de la revendication 1 du brevet en litige n'est étayé par aucun élément.
En ce qui concerne la nature du problème résolu, bien que le Tableau 2 de D18a fasse référence à l'"exposition naturelle (30 jours)" mesurée selon la norme JIS K 5400, D18a ne divulgue aucune information qui permette de conclure que cette "exposition naturelle" soit liée à la photo-résistance au vieillissement ou résistance à la décoloration au sens du brevet en litige.
5.3 D19a ne divulgue pas explicitement d'"émulsion" de liant synthétique (seulement des "compositions"). Compte tenu de la limitation imposée par le terme "constitué de" dans la seule revendication de D19a, il est de plus peu probable que D19a divulgue une "émulsion de liant synthétique" selon la revendication 1 du brevet contesté. D19a ne divulgue par ailleurs pas si les liants préparés sont ou non "exempts d'asphaltènes". Enfin, D19a ne divulgue ni la présence d'un agent émulsifiant, ni de valeur de point de ramollissement du liant synthétique. En l'absence de toute preuve à cet égard, l'argument de l'intimée selon lequel tant l'émulsifiant que le point de ramollissement seraient implicitement décrits dans D19a n'est pas convaincant.
5.4 Les documents D18/D18a et D19/D19a ne sont donc pas prima facie hautement pertinents. De plus, si D18/D18a venaient à être admis dans la procédure ils engendreraient de nouveaux problèmes, par exemple en relation avec la définition des asphaltènes mentionnés dans D18a, auxquels il n'aurait pas été possible de répondre pendant la procédure orale. Enfin, il est considéré que ces documents n'ont pas été déposés suite à une modification des revendications, ni dans le but de répondre à une objection soulevée dans la notification de la Chambre ou à une nouvelle ligne d'argumentation de la requérante dans la phase de recours. Pour ces raisons, D18/D18a et D19/D19a ne sont pas admis dans la procédure.
6. Nouveauté
6.1 Document D2
6.1.1 D2 décrit des émulsions aqueuses d'un bitume, naturel ou synthétique, comprenant un polymère greffé réticulé in situ (revendications 1 à 4). Le procédé de préparation comprend la réalisation d'un mélange homogène fondu du bitume et du polymère, le greffage du polymère par exemple à l'aide d'un donneur de soufre et d'un composé organique silane, suivi du mélange avec une solution aqueuse comprenant un émulsifiant afin de provoquer l'hydrolyse des fonctions silane et la réticulation dans le liant du polymère (revendication 17; col. 5, ligne 58 - col. 6, ligne 61).
6.1.2 L'exemple 3 de D2, effectué dans les conditions de l'exemple 1, divulgue la mise en émulsion aqueuse à l'aide d'un émulsifiant (polyvinyl alcohol) d'une composition homogène d'un polymère EPDM greffé, réticulé in situ, et d'un liant synthétique composé du mélange d'une résine de pétrole et d'un extrait aromatique d'une coupe pétrolière. Bien que D2 ne mentionne pas explicitement la teneur en asphaltènes et/ou le point de ramollissement du liant synthétique mis en oeuvre, la requérante a admis pendant la procédure orale devant la Chambre que le liant synthétique de l'exemple 3 était un liant synthétique exempt d'asphaltènes selon la revendication 1 du brevet en litige. Considérant que l'EPDM fait partie des polymères tombant sous la définition des polymères de latex selon la revendication 1 (cf. revendication 2 du brevet en litige), il reste donc à déterminer si l'émulsion préparée dans l'exemple 3 comprend ou non un latex de ce polymère.
6.1.3 A cet égard, D2 ne divulgue ni l'utilisation d'un latex d'un polymère, ni l'obtention d'un tel latex lors du procédé de préparation. L'argument de l'intimée selon lequel la mise en émulsion du mélange homogène de liant synthétique et du polymère EPDM résulterait en une séparation de ces composés et à la fabrication d'un latex de polymère in situ n'est étayé par aucune preuve. Considérant que cette conclusion était déjà à la base de la décision de la division d'opposition ayant rejeté l'objection de manque de nouveauté, il était de la responsabilité de l'intimée d'apporter la preuve contraire, ce qui n'a pas été fait. Par contre, il a été accepté par les deux parties lors de la procédure orale devant la Chambre que le mélange homogène préparé dans D2 correspondait au mélange micro-hétérogène décrit dans D4, au paragraphe c) de la section 2.1. Ceci implique que le mélange de ces composés selon D2 est constitué de deux phases distinctes finement imbriquées. Il est de plus précisé dans le passage de D4 cité ci-dessus que dans un tel système le polymère gonfle en absorbant une partie des fractions huileuses du bitume pour former une phase polymère distincte de la phase bitume résiduelle constituée des fractions lourdes du liant. Ce passage ne décrit donc pas la séparation du mélange en deux phases distinctes (polymère d'une part; liant d'autre part) mais explique que le polymère est toujours présent en mélange avec une partie du bitume. L'émulsion est donc monophasique.
6.1.4 En conséquence, la Chambre n'a aucun élément à sa disposition qui lui permettrait de penser que l'émulsion préparée dans l'exemple 3 de D2 comprenne un latex de polymère selon la revendication 1 du brevet en litige. Il est donc conclu que l'exemple 3 de D2 concerne une émulsion monophasique de liant clair comprenant en tant que phase dispersée un mélange homogène du liant synthétique et de l'EPDM réticulé, qui ne tombe pas sous le champ de la revendication 1 du brevet en litige (cf. conclusion du point 2.5 ci-dessus).
6.2 L'objet de la revendication 1, et par conséquent celui des revendications 2 à 23 du brevet en litige est donc nouveau par rapport à D2.
6.3 Aucun autre document que D2 n'a été cité au titre de la nouveauté. La Chambre est satisfaite que les autres documents cités dans la procédure ne sont pas pertinents pour l'évaluation de la nouveauté de l'objet revendiqué.
7. Activité inventive
7.1 L'art antérieur le plus proche
7.1.1 Le brevet en litige concerne les émulsions aqueuses de bitume synthétique, leur procédé de préparation et leurs applications. Le problème à résoudre posé par le brevet est d'obtenir une émulsion de liant synthétique qui a, grâce à sa teneur élevée en polymères, des propriétés avantageuses (par exemple une viscosité satisfaisante), et qui confère aux revêtements dans lesquels l'émulsion est utilisée un point de ramollissement, une cohésion, une résistance au vieillissement et un comportement rhéologique désirables (paragraphes [0006], [0043] et [0061] à [0063]). En particulier le Tableau 1 et les paragraphes [0061] à [0063] du brevet en litige traitent de la photo-résistance au vieillissement, de la résistance à la décoloration et de la stabilité à la lumière.
7.1.2 Le document D2 s'intéresse également à l'amélioration des propriétés physiques des revêtements de bitume (col. 1, lignes 16-19; col. 2, lignes 38-46). En particulier, l'exemple 3 de D2 a été considéré par les deux parties et la division d'opposition comme représentant l'art antérieur le plus proche. La Chambre ne voit pas de motif qui conduirait à remettre en cause cette analyse.
7.2 Problème à résoudre vis-à-vis de l'art antérieur le plus proche
Un des objectifs du brevet en litige est de fournir une émulsion de liant clair qui présente une résistance améliorée au vieillissement de la coloration (cf. paragraphes [0006], [0043] et [0061] à [0063]; les mêmes passages sont présents dans la demande telle que déposée). Le paragraphe [0043] du brevet en litige indique en particulier clairement que le brevet en litige vise à améliorer la résistance au vieillissement.
L'intimée a considéré que cet énoncé du problème n'était pas acceptable en particulier parce que le brevet en litige ne faisait pas de lien entre l'amélioration au vieillissement et le fait que les émulsions revendiquées étaient diphasiques et non monophasiques selon l'art antérieur le plus proche. Toutefois, la question de savoir s'il y a effectivement un lien entre cette amélioration et le fait que les émulsions revendiquées sont diphasiques sera abordée ultérieurement, lors de l'évaluation du succès de la solution. Il est suffisant d'établir ici que le problème à résoudre identifié ci-dessus est bien indiqué dans le brevet en litige et qu'il découle aussi de la demande telle que déposée, ce qui est effectivement le cas.
7.3 Solution
La solution proposée par le brevet en litige réside dans la revendication 1, dont l'objet se différencie de D2 en ce que le polymère est présent dans l'émulsion sous forme de latex, c'est-à-dire en ce que l'émulsion revendiquée est diphasique.
7.4 Succès de la solution - Problème effectivement résolu
7.4.1 La requérante s'est basée sur les exemples 1 à 5 afin de démontrer le succès de la solution :
L'exemple 1 correspond à l'exemple du brevet en litige et concerne une émulsion comprenant un liant synthétique selon la seconde forme de réalisation revendiquée (mélange d'un polymère hydrocarboné cycloaliphatique en C(20 et d'un polymère hydrocarboné cycloaliphatique). Le latex est à base de polychloroprène.
L'exemple 2 (déposé pendant la procédure d'opposition; cf. section V) ainsi que les exemples 3 et 5 (déposés dans D16/D16a; cf. section VI) concernent une émulsion comprenant un liant synthétique selon l'autre forme de réalisation de la revendication 1 du brevet en litige (mélange de résine de pétrole et d'un extrait aromatique d'une coupe pétrolière). Les latex mis en oeuvre sont à base de polychloroprène (exemple 2) ou de SBR comprenant 24 % de styrène (Butonal NS198; exemples 3 et 5).
L'exemple 4, comparatif (déposé dans D16/D16a; cf. section VI), est une émulsion monophasique comprenant en tant que phase dispersée un mélange de liant synthétique et d'un polymère SBS. L'émulsion de l'exemple 4 ne comprend donc pas de latex de polymère selon la revendication 1 du brevet en litige.
7.4.2 L'intimée a contesté la recevabilité de D16 et D16a, et donc des exemples 3-5, au motif qu'ils ne traitaient pas d'un problème posé par le brevet en litige. Cependant, ces tests expérimentaux ont été fournis par la requérante dans le but d'étayer l'argumentation d'activité inventive relative à la résistance au photo-vieillissement et concernent donc la démonstration d'un effet technique mentionné dans le brevet en litige (paragraphes [0043] et [0061] à [0063]; Tableau 1) et qui étayait l'argument principal de la requérante depuis le dépôt du mémoire de recours. L'objection de l'intimée est de ce fait rejetée et les tests expérimentaux D16 et D16a sont admis dans la procédure.
7.4.3 Parmi ces exemples, l'exemple 5 est cependant le seul qui illustre la revendication 1 du brevet en litige et qui comprenne la même quantité de polymère, en l'occurrence du SBR, que celle utilisée dans l'exemple 4 donné à titre de comparaison. La seule comparaison potentiellement valable des exemples soumis par la requérante est donc celle des exemples 4 (comparatif) et 5 (brevet en litige). Cependant, l'exemple 4 de la requérante n'illustre pas l'exemple 3 de D2 et ne concerne en particulier pas un polymère greffé, réticulé selon l'enseignement de D2. Or, le greffage et la réticulation du polymère modifient la structure des polymères et sont à même de modifier les propriétés de ces polymères, en particulier la résistance au vieillissement. Par conséquent, cette comparaison ne peut être considérée comme valide.
La requérante a argumenté que l'exemple 4 pouvait néanmoins être considéré comme une variante qui, bien que ne faisant pas expressément partie de l'état de la technique D2, était effectivement plus proche de l'objet revendiqué (cf. T 35/85 datée du 16 décembre 1986, non publiée au JO OEB). Cependant, du fait de l'importance notoire de la réticulation sur les propriétés des composés polymériques, cet argument n'est pas convaincant. Le fait que les installations de production des émulsions selon D2 ne soient plus en place et/ou que la chimie mise en jeu soit particulièrement délicate à mettre en oeuvre ne peut suffire pour décharger la requérante de la charge de la preuve qui lui incombe, dès lors qu'elle revendique comme effet technique à résoudre une amélioration par rapport à l'art antérieur le plus proche. Enfin, l'argument de la requérante selon lequel il était nécessaire d'aménager l'exemple 3 de D2 n'a pas été retenu car il aurait suffit de répéter cet exemple 3 en utilisant un polymère greffé, réticulé selon l'enseignement de D2. Pour ce faire, nul "aménagement" n'aurait été requis.
En l'absence d'une comparaison valable avec l'exemple 3 de D2, on ne peut conclure que le problème défini ci-dessus a été effectivement résolu. En conséquence, le problème technique effectivement résolu doit-il se concevoir comme résidant dans la fourniture d'autres émulsions de bitume synthétique exempt d'asphaltènes, en alternative à celles de l'exemple 3 de D2.
7.4.4 Les exemples 1 à 5 démontrent que ce problème a effectivement été résolu et en l'absence de toute preuve du contraire, rendent plausible qu'il est résolu sur toute la portée de la revendication.
7.5 Évidence de la solution
7.5.1 L'homme du métier ne trouverait aucune motivation dans D2 qui l'aurait conduit à mettre en oeuvre un latex de polymère lors de la préparation d'une émulsion telle que celle de l'exemple 3 pour la simple raison que D2 ne traite en aucune manière de latex.
7.5.2 De plus, le procédé décrit dans D2 dissuaderait l'homme du métier d'introduire le polymère mis en oeuvre (EPDM selon l'exemple 3 ou tout autre polymère listés à la col. 5, lignes 4 à 31 de D2) sous forme de latex, c'est-à-dire d'une émulsion aqueuse. En effet, selon le procédé de préparation de D2, l'eau qui serait alors introduite par l'intermédiaire du latex conduirait à une hydrolyse des composés siliconés (cf. col. 5, lignes 58-63 de D2), qui n'est manifestement pas souhaitable à ce stade de la réaction (éventuelle prise en masse du milieu réactionnel ou désactivation des composés siliconés mis en oeuvre dans la réticulation à la base de l'invention de D2).
7.5.3 L'homme du métier ne serait également pas enclin à ajouter un latex de polymère à une émulsion préparée selon l'enseignement de D2 car D2 divulgue explicitement dans sa partie introductive qu'il vise à éviter une telle modification d'un bitume par adjonction d'un polymère (cf. col. 1, ligne49 - col. 2, ligne 10, en particulier le passage aux lignes 55 à 60 de la col. 1).
7.5.4 Les autres documents de l'art antérieur n'inciteraient pas non plus l'homme du métier à ajouter un latex à une émulsion de liant synthétique selon l'exemple 3 de D2 pour les raisons suivantes :
a) aucun des documents cités dans la procédure ne divulgue explicitement une combinaison de liant synthétique et de latex;
b) D4, en particulier, différencie clairement trois cas de figure et précise qu'"il existe à priori, trois grandes familles d'émulsions modifiées" (dernière phrase de la page 40) : les émulsions de bitume polymère monophasiques (paragraphes 3.1 et 4.2.1), les émulsions de bitume naturel comprenant un latex (paragraphes 3.2 et 4.2.2), les émulsions de liant synthétique (paragraphes 3.3 et 4.2.3). A aucun moment D4 ne divulgue explicitement la combinaison d'un liant synthétique et d'un latex, en particulier dans le paragraphe 3.2 traitant spécifiquement des latex. Bien que la Chambre ait clairement identifié dans sa notification jointe à la convocation à la procédure orale l'importance de cette problématique pour l'évaluation de l'activité inventive (cf. page 8: paragraphe 6, alinéa f)), l'intimée n'a pas fourni d'éléments convaincants allant à l'encontre de cette conclusion. L'argument selon lequel l'enseignement de D4 concernant les latex s'appliquerait aussi bien aux bitumes naturels que synthétiques n'a pas convaincu la Chambre car D4 ne divulgue aucune information, explicite ou implicite, en ce sens;
c) D6 divulgue l'utilisation de latex dans des émulsions de bitume (col. 9, ligne 21 - col. 10, ligne 10). Toutefois, comme il a été admis par les parties pendant la procédure orale, D6 ne traite que des bitumes naturels, c'est-à-dire des bitumes qui comprennent des asphaltènes. La combinaison de D6 avec l'exemple 3 de D2 n'est donc à priori pas évidente, en particulier pour résoudre le problème identifié qui est la fourniture d'autres émulsions de liant synthétique exempt d'asphaltènes. En effet, il est admis que toute modification de la composition chimique d'un bitume conduit à la modification de sa structure et donc de ses propriétés (voir par exemple D4 : page 39, paragraphe 2.1). Aussi, les émulsions de liant naturel et synthétiques sont-elles considérées représenter deux systèmes qui ne sont pas équivalents et ne sont, dès lors, pas interchangeables. De plus, les latex de D6 sont utilisés dans des émulsions comprenant des polymères spécifiques, c'est-à-dire fonctionnalisés (alinéa d) de la revendication 1 de D6; voir aussi col. 5, lignes 32 à 39) de sorte qu'ils comportent une partie qui est compatible avec l'asphalte des bitumes naturels et une autre qui est compatible avec l'eau. De tels polymères ne sont pas divulgués dans D2, en particulier dans l'exemple 3. Ainsi, l'homme du métier n'aurait-il pas eu de raison pour combiner les enseignements de D2 et D6.
d) Sur la base de ces considérations, il n'était pas évident de résoudre le problème défini ci-dessus en modifiant l'enseignement de D2 de sorte à obtenir une émulsion diphasique comprenant un latex de polymère. L'objet de la revendication 1, et par conséquent celui des revendications dépendantes 2 à 23, est donc inventif.
8. Au vu des conclusions tirées au paragraphe 5.4 ci-dessus, les documents D18/D18a et D19/D19a ne sont pas admis dans la procédure. Pendant la procédure orale, les parties ne se sont plus référées aux documents D15 à D17 et D21 à D26, tous soumis tardivement. Le document D20 n'avait été cité qu'en combinaison avec D18/D18a, lequel ne fait pas partie de la procédure.
9. Remboursement de la taxe de recours
Aux termes de la Règle 111 (2) CBE, les décisions de l'OEB contre laquelle un recours est ouvert doivent être motivées.
Il est de jurisprudence constante que le défaut de motivation d'une décision constitue un vice substantiel de procédure au sens de l'Art. 113 (1) CBE (cf. inter alia décisions T 763/04; T 1182/05; T 246/08).
En l'espèce, la décision attaquée comporte un paragraphe laissé en blanc (paragraphe 6.2.3) là où manifestement la division d'opposition avait l'intention de développer les motifs justifiant le rejet de la deuxième requête subsidiaire, ce qu'elle n'a cependant pas fait, laissant ainsi la requérante dans l'ignorance des raisons du refus.
La décision attaquée est donc entachée d'un vice substantiel de procédure de sorte que, le recours étant accepté, il y a lieu d'ordonner le remboursement de la taxe de recours conformément à la Règle 103 (1) (a) CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est maintenu sans modification.
3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.